Archimandrite Irenei
- J'ai vu que certaines questions se posent à partir de ceci [la
réception des convertis]. Si nous pouvons recevoir des personnes de telle ou
telle église par chrismation, que disons-nous sur les limites de l'Église
orthodoxe? Les lignes sont-elles un peu plus fluides que nous le pensons?
Comment avons-nous ces différentes pratiques, tout en maintenant notre
ecclésiologie stricte?
- C'est une question à
laquelle vous trouverez des réponses différentes de personnes différentes. Et
cela est bien sûr un domaine où l'Eglise a besoin de parler clairement au monde
moderne.
Oui, il est vrai, Dieu ne nous donne pas le droit de parler de limites
fermes pour Sa Grâce, et nous savons que Dieu aime et prend soin, et œuvre pour
sauver même ceux qui sont en dehors de l'Eglise. Cependant, au sein de
l'Église, nous savons ce que Dieu nous a donné en tant qu’Eglise. Dieu nous a
donné le saint baptême comme un moyen d'entrée dans l'Église. Par économie,
nous voyons la vie de la Grâce au-delà de nos frontières; mais Dieu ne nous
appelle pas non plus à juger ou à fonder notre vie sur ce qui se passe
ailleurs.
Le Christ nous a commandé d'aller baptiser toutes les nations au nom
du Père, du Fils et du Saint-Esprit (Mt 28:19). Ce doit être notre objectif
constant. Notre amour pour ceux qui sont en dehors de l'Eglise, et notre
reconnaissance de l’œuvre de Dieu en dehors de l'Eglise, ne peut pas changer Son
commandement pour nous, qui est d'aller baptiser. Maintenant, s’il y a des
circonstances où, par économie, l'Eglise dit "dans ce cas, nous recevons
par la chrismation," dans des circonstances spécifiques à cette personne
et non comme une règle globale- c'est très bien.
Il est du ressort de la hiérarchie d’exercer
cette grâce, cette économie. Mais la mission de l'Église est de baptiser toutes
les nations, et il faut se garder d'édulcorer cette mission en étant trop préoccupés
par la définition des "frontières de l'Eglise," de définir qui est
un vrai chrétien, qui ne l’est pas; qui est véritablement croyant, qui ne l’est
pas. Ce que nous savons, c’est que l'Eglise a l'impératif de baptiser,
l'impératif d'attirer les gens dans sa vie, et cela devrait être notre
objectif, cela devrait être notre mission, comme elle l'a été pour la première communauté.
- Une question connexe,
à nouveau en particulier en Amérique où il y a si peu d’orthodoxes, beaucoup de
nos gens se marient avec des chrétiens non-orthodoxes et parfois même avec des
non-chrétiens. Évidemment, l'idéal est que deux personnes orthodoxes se marient.
Comment communiquez-vous à nos jeunes la gravité du mariage, et le caractère
sérieux du choix du conjoint?
Je pense que vous
exprimez bien la question, dans le sens que son début n’est pas vraiment la question
du mariage orthodoxe et du mariage non orthodoxe. Le début est dans une
compréhension tout à fait avilie du mariage. Le mariage en est venu à être
compris simplement comme le lien affectif entre deux personnes.
"Cette
personne me rend heureux." "Je ressens ce que je définis comme de l'amour pour
cette personne." Et si c’est tout ce qu'est le mariage, un lien
émotionnel, il devient difficile de dire "vous devriez épouser cette personne,
mais pas cette personne." Si le mariage n’est rien d'autre qu'un sentiment
d'attirance ou de bonheur entre les gens, pourquoi devrait-il pas être possible
entre un orthodoxe et une personne non-orthodoxe, ou un orthodoxe et un
non-chrétien? Quelle est la justification, si c’est tout ce que recouvre le
terme de mariage?
Nos gens ont perdu de vue le fait que le mariage est beaucoup
plus: la co-souffrance d'une vie commune en Christ, dont le but est d'atteindre
le Royaume de Dieu. La joie émotionnelle qui vient et qui arrive entre un mari
et une femme est un fruit de ce travail commun. C’est un fruit puissant, mais
il n'est pas un fruit cohérent et persistant. Parfois, il y a une grande
tristesse entre un mari et une femme. Parfois, il y a une angoisse partagée,
parfois est partagé le chagrin, et parfois, oui, il y a un partage de joie
profonde. Mais ce qui est toujours partagé est la lutte pour le Royaume de
Dieu. Telle est la vision orthodoxe du mariage: deux vies réunies, afin
qu'ensemble, elles puissent lutter plus délibérément pour le Royaume de Christ.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
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