mardi 12 mai 2015

Les nouveaux maîtres iconographes roumains: ICONOGRAPHIE INNOVATRICE DANS LA MATRICE DE LA TRADITION (3)


Ioan Popa travaillant sur l'icône des saints martyrs Brâcoveanu


1. Une formation approfondie en art classique. Bien éduqués en peinture classique, les iconographes appartenant à l'ancienne génération (maintenant dans leur cinquantaine ou soixantaine) ainsi que quelques-uns de la nouvelle génération (dans leur trentaine ou quarantaine) ont une expérience importante dans la restauration des anciens monuments religieux (icônes et fresques). 

Ce faisant, ils ont acquis une connaissance fine de la composition et une sensibilité chromatique particulière qu’ils ont montré plus tard par la création de vastes programmes iconographiques. La nouvelle génération de peintres (dans leur trentaine et quarantaine) n'a pas été formée par apprentissage direct avec un maître. 

La plupart d'entre eux ont étudié l'art classique à la Faculté des Beaux-Arts dans le but d'acquérir une solide formation de ces techniques essentielles telles que le dessin, la composition, l'anatomie ainsi que leur culture visuelle. En outre, ils ont étudié les albums et les collections d'art byzantin, voyagé à travers le monde orthodoxe pour étudier les peintures murales et, tout aussi important pour leur progrès, ils ont été guidés par leur talent artistique, leur intuition et leur vie spirituelle. Maintenant, ils sont maîtres accomplis de techniques iconographiques traditionnelles, ils choisissent et préparent des matériaux très diligemment et s’abstiennent d'utiliser certains ingrédients populaires aujourd'hui, comme l’acrylique et les peintures chimiques, qui donnent un effet scintillant vulgaire à l'image. 

La splendeur chromatique ne doit pas être confondue avec les couleurs charnelles de la télévision. Nous devons mentionner que, grâce à eux, la difficile technique de la fresque traditionnelle a survécu dans la Roumanie moderne, très probablement un des rares endroits du monde; et, de plus, elle est devenue un art majeur.

2. Une vie spirituelle personnelle. Tout assument, avec la tradition orthodoxe, qu'une dimension spirituelle est un ingrédient nécessaire à la peinture d'icône. La peinture d’une icône n’est pas une simple activité artistique mais une facette de la croissance spirituelle plus large, à la fois personnelle et faisant partie de la communauté dans laquelle vit l’iconographe. 

Peindre une icône, par conséquent, devient une manière d'exprimer leur créativité, une recherche spirituelle dans une continuité directe avec leur héritage orthodoxe ancestral et un mode de vie auquel ils se consacrent entièrement. Ainsi, ils cherchent à comprendre l'icône d'une manière théologique, comme une image sacrée, et à la traiter sous un angle spirituel. Il y a quelques cas dans lesquels les artistes ont même choisi la vie monastique; et la peinture d'icônes est devenue leur principale obédience dans le monastère.

3. Ils n’imitent pas, mais innovent en restant dans les canons de la tradition. Probablement que la valeur la plus intéressante progressivement assumée par les iconographes de la nouvelle génération est qu'ils chérissent l’originalité et la liberté d'expression artistique. Ils n’acceptent de créer d'une façon maniériste et de reproduire les maîtres du passé tout en faisant une concession à un goût populaire commun. 

Prêtant attention au moindre détail technique et théologique, ils cherchent à éviter non seulement le kitsch religieux, mais aussi les clichés religieux. Après avoir assimilé les compétences, le canon byzantin, une riche documentation et une connaissance générale de l'art médiéval, certains d'entre eux ont été en mesure de définir leur propre style. Et ce fait a permis de repenser l’iconographie classique et d'innover en termes de style, de couleurs et de composition ainsi que de trouver de nouveaux thèmes et de devenir "hagiographes". 

Tous ces éléments entre eux ont conduit à atteindre une qualité sans précédent de l'acte iconographique dans lequel ils s’engagent à l'originalité artistique dans les limites de la tradition iconographique orthodoxe. De ce point de vue, une scène iconographique peut être réinventée à la lumière du texte biblique et de l'iconographie traditionnelle. 

Comme l’expose Ioan Popa, "je relis le texte de l'Écriture, puis repense l'iconographie classique d'une fête." Pour eux, la splendeur des couleurs et des formes doit rendre transparente l'atmosphère hiératique du royaume spirituel et guider l'œil, l'esprit et l’âme de celui qui contemple les mystères du monde invisible. Pour obtenir cet effet, ils remodèlent parfois l’anatomie humaine en silhouettes filiformes et ondulent les corps humains selon la manière grecque des Paléologue, ou les allongent eux comme les maîtres russes classiques.

Version française Claude Lopez-Ginisty
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