vendredi 20 février 2015

Archiprêtre Andrew [Phillips]: Naufrage ou Salut sur les rives des fleuves de Babylone ?



Priest Andrew Phillips
Père Andrew


Archevêque Job



Introduction: Le Naufrage

Chaque fois que des groupes ont quitté l'Église pour des raisons politiques, c’est-à-dire, pour des raisons séculières, ils ont inversé les valeurs de l'Eglise et ainsi se sont retrouvés naufragés. Ainsi, les valeurs fondatrices de l'Empire chrétien, il y a longtemps définies comme « Orthodoxie, Souveraineté (délibérément mal comprise par les laïcs comme autocratie) et Peuple», sont toutes dérivées de notre foi trinitaire chrétienne orthodoxe. «Orthodoxie» se réfère à notre foi chrétienne au Père de l'Amour, «Souveraineté» se réfère à l'Incarnation du Fils dans le monde, mais libre et souverain par rapport au monde, et «Peuple» se réfère à la sanctification des peuples par le Saint- Esprit.

Nous pouvons voir l'inversion de ces principes dans les valeurs des rénovationistes et des modernistes en marge de l'Eglise orthodoxe, comme ceux autour de l'archidiocèse de la Rue Daru à  Paris. Ils déforment les valeurs « d'orthodoxie, de souveraineté et de peuple» en leurs contraires, «Anti-orthodoxie, laïcité et  russophobie». Avec la foi dans le Père rejetée en faveur de l'humanité déchue, la foi en l'Incarnation du Fils dans l'Empire chrétien rejetée en faveur de la laïcité de délires privés désincarnés, et la foi en l'Esprit Saint rejetée en faveur des intellectuels, l'Orthodoxie est réduite à un simple humanisme rationaliste.

Anti-orthodoxie

L’Anti-orthodoxie est exprimée par le modernisme liturgique à l'imitation de l'hétérodoxie. Cela comprend l'utilisation du calendrier catholique (dit «nouveau calendrier), la célébration des liturgies du soir et l'absence délibérée d’iconostases («pour être plus comme les catholiques»), la connaissance défectueuse et l'ignorance de la façon dont les offices sont célébrés, parfois même de la liturgie eucharistique) et la substitution de la connaissance du Typicon par des abréviations et des fantasmes, tels que la célébration de la Proscomédie au centre de l'église, ou l'interruption de la liturgie par la mention «charismatique» des noms de toute personne pour laquelle on doit prier.
Cela comprend un manque de culture musicale, un mauvais comportement à l'église (s’asseoir sur le sol, les enfants courant sans aucune discipline), l'utilisation du russe familier plutôt que du slavon dans la Liturgie, la disparition de la confession et la communion obligatoire pour tous, y compris pour les homosexuels pratiquants et les non-orthodoxes. Ce n’est, non seulement pas la tradition russe, et certainement pas la tradition grecque du Patriarcat de Constantinople, en fait ce n’est pas du tout la Tradition. Pour les liturgistes, comme le regretté archevêque Georges (Wagner) de l'archidiocèse de Paris («Rue Daru»), c’était, et pour d'autres comme lui, seulement de l'ignorance.

Sécularisme

L’archevêque Georges (Wagner) avait l’habitude de se plaindre à moi, disant que le problème de la rue Daru, était qu'elle avait été fondée par des personnes qui avaient voulu la Révolution. En d'autres termes, pour eux la politique de gauche (le libéralisme et la franc-maçonnerie) avaient remplacé l’esprit d’Eglise. En effet, l'ensemble de leur approche de la vie de l'Église était marquée par la politisation. Leur mouvement était, après tout, une partie d'une fondation politique avant la révolution russe qui a créé cette révolution. Dans leur mouvement, les valeurs du Royaume de Dieu sont remplacées par les modes hétérodoxes et la dépendance à la laïcité dans sa forme libérale occidentale, essentiellement athée.

Nous pouvons le voir dans les récents meurtres de Charlie Hebdo et de Copenhague. Ceux-ci ont déclenché des manifestations massives, mais les meurtres de 21 chrétiens coptes en Libye, comme ceux de milliers de chrétiens en Irak, en Syrie et en Ukraine, ont été rejetés par les médias occidentaux remplis de propagande, qui sont si vivement suivis par ces laïcs. A Paris, les laïcs, «orthodoxes» entre eux, ont opté pour le slogan «Je suis Charlie» et ceux qui ont rejeté ce slogan en faveur de «Je ne suis pas Charlie» car cela signifierait qu'ils appuyaient le blasphème, ont été rejetés comme terroristes et leurs vies furent menacées par les athées.

Russophobie

Au temps du régime athée d'Union soviétique, tous convenaient que l'idéologie des matérialistes qui avaient usurpé le pouvoir légitime était odieuse, car ils persécutaient l'Eglise. Cependant, il y avait ceux qui s’y opposaient pour des raisons purement politiques. Ils étaient ceux qui avaient usurpé l'autorité, puis avaient perdu le pouvoir en faveur des bandits et des bolcheviques, et [ensuite] s’étaient exilés à Paris. Ils ne se souciaient pas beaucoup de la persécution de l'Église, des martyres du tsar et du clergé, seulement « des droits de l’homme» et de la persécution des minorités, des libéraux, des francs-maçons, des uniates, des hérétiques, des intellectuels juifs etc.

En ces temps, ils détestaient l'Eglise en Russie parce que les évêques mentaient, car ils étaient pris en otage par le régime. Ils auraient plutôt dû avoir de la sympathie pour l'Église en Russie, y compris pour les évêques captifs. Aujourd'hui, ils justifient leur maintien dans l'isolement et le rejet de l'Église par leur russophobie. Ils disent: «Nous ne pouvons pas revenir à l'Église russe, car elle n’est toujours pas libre, mais elle est maintenue en sujétion féodale à Poutine». L'absurdité et l'ignorance même de ces arguments est évidente pour le reste du monde, mais pas pour ceux de ces « politisés », qui font partie intégrante de l'establishment occidental anti-russe et anti-orthodoxe.

Sur les rives des fleuves de Babylone

Le plus triste dans l'archidiocèse de Paris de la 'Rue Daru', c’est que ces évêques qui l’ont fondé et dirigé pendant des décennies, les Métropolites Euloge et Vladimir, l’archevêque Georges (Tarasov), les évêques Méthode (Kulmann), Alexandre Tian-Chansky et Romain (Zolotov), ​​ croyaient bien que leur rattachement à la juridiction du Patriarcat de Constantinople n’était qu'un arrangement temporaire qui durerait aussi longtemps que l'Eglise en Russie n’était pas libre. Ils seraient horrifiés s’ils pouvaient voir où ses extrémistes ont voulu l’amener au cours des dernières décennies. Un groupe qui s’est égaré n'a plus à présent qu’une auto-justification.
En exil, ils s’assirent 'aux rives des fleuves de Babylone', sur les rives de la Seine, et là, ils pleuraient. Le Métropolite Euloge, émotionnel, ne pouvait pas attendre et, en 1945, il a rejoint l'Eglise russe - trop tôt, car la persécution n’était pas encore terminée. L’évêque Méthode, comme le protopresbytre Alexis Knyazev, l’archiprêtre Igor Vernik et beaucoup d'autres, a également été tenté, fatigué de l'isolement. Il ne fait aucun doute que si certains d'entre eux étaient encore en vie aujourd'hui, ils auraient rejoint l'Eglise russe dans les quinze dernières années, comme l’archevêque Serge (Konovalov) le voulait aussi. Cependant, il y avait toujours des forces présentes qui ont empêché ce retour inévitable.

Passé

Je connais la Rue Daru depuis 1979. La première chose qui m'a frappé, c’était combien elle était isolée et insulaire, contrairement à toute autre chose dans le monde orthodoxe, que je connaissais déjà assez bien. Et pourtant, il y avait des gens à la rue Daru qui se considéraient comme étant au centre, alors qu’en réalité ils étaient sur les marges. L’intellectualisme parisien était leur philosophie, et leur perte de la réalité les a fait habiter dans des fantasmes. L’archevêque Georges (Wagner) avait l’habitude de me faire la remarque qu’un jour à la rue Daru,  les listes de noms de ceux pour lesquels  prier [dyptiques] contiendraient non seulement des mentions comme «malade», mais aussi «intellectuel» («intelligent» en russe).

Une embarcation de sauvetage a été offerte à l'archevêque Serge de la Rue de Daru par le Patriarche Alexis II en 2003. Sans aucune faute de sa part et par sa mort prématurée, elle a été rejetée. Il semble depuis que l'archidiocèse de Paris a choisi un cours suicidaire de dérive et de naufrage. Avec la cathédrale  de la rue Daru appartenant à la ville de Paris, la plupart de ses gens actifs de l'ex-Union soviétique, avec des convertis non intégrés et politisés (bien que beaucoup d'entre eux voient clair dans toute cela plus tard) manipulés par les descendants d'émigrés libéraux qui n’ont eux-mêmes jamais connu la Tradition, mais seulement un imaginaire délirant, [la cathédrale] semble avoir peu d'avenir, étant devenue marginale.

Présent

Aujourd'hui, l’église Saint Serge et l'Institut autrefois prestigieux sont fermés, ses étudiants transférés au nouveau séminaire de l'Eglise orthodoxe russe. Une nouvelle cathédrale et un centre diocésain, déjà bénis par l'évêque Nestor de l'Eglise orthodoxe russe et l'archevêque Job de la rue Daru, sont sur le point d'être construits. Seuls les gens de 80 et 90 ans, vivant dans le passé, croient encore que la Rue Daru, maintenant très petite et plutôt sans importance, peut être le fondement d'une nouvelle Eglise locale en Europe occidentale. Cela fait partie de leur fantasme délirant que Constantinople accordera un jour l’autocéphalie à la Rue Daru et créera une 'Eglise orthodoxe d'Europe occidentale'.
Constantinople n’allait jamais le faire et ne leur accordera jamais leur fantasme chimérique. Enfin l'évêque en exercice, l’archevêque Job, est en train de faire exactement ce que l'archevêque Georges (Wagner) nous a promis qu'il ferait en 1981, mais nous a laissé tomber et a fait le contraire par faiblesse. 33 années ont été perdues. Au fil des décennies tant de gens ont été chassés par l'idéologie intolérante des libéraux et des modernistes, que seuls restent quelques fidèles. Enfin aujourd'hui, les individus problématiques qui ont causé tant de difficultés énormes dans le passé et ont forcé des orthodoxes sérieux à partir, ont été écartés. Et certains membres sérieux du clergé sont venus de Russie.

La lutte

Comme je l'ai écrit auparavant, nous devons tous intensifier nos prières pour l’archevêque Job. Il porte un nom symbolisant beaucoup de souffrance. Peut-il redresser les erreurs et les faiblesses de ces cinquante dernières années? Le rénovationisme, une Orthodoxie de Vatican II dans le style finlandais luthérien, c’est ce que les extrémistes veulent. Pendant 50 ans étape par étape ils sont arrivés au pouvoir, rendant la vie des archevêques misérable, chassant les orthodoxes avec intolérance, rendant la Rue Daru de plus en plus sectaire et marginale. Au lieu d'être inclusifs, leur intolérance a forcé beaucoup à partir. Pourquoi ne rejoignent-ils pas tout simplement les Uniates? Ceci serait au moins honnête de leur part.

Les mesures disciplinaires actuelles de l'archevêque Job et sa tentative courageuse pour au moins rétablir dans la juridiction de la rue Daru isolée des normes orthodoxes canoniques après une décennie de dérive désastreuse, sont à saluer. Comme un prêtre-doyen de l'archidiocèse de Paris en Angleterre me l’a dit l'année dernière, la première chose que l’archevêque Job doit faire en Angleterre, c’est de défroquer trois membres du clergé. En France aussi peut-être. Nous devons prier pour l’archevêque Job. Peut-il diriger la nef de l'Eglise loin des rochers des méandres rénovationistes inutiles du passé, vers son avenir, pour  aider à témoigner de l’ Orthodoxie authentique en Europe occidentale?

L'avenir

Les éléments les plus ecclésiastiques de l'émigration russe ont compris sa mission et son avenir providentiels - pour témoigner de l'orthodoxie russe authentique dans les langues occidentales. Ainsi saint Jean de Changhaï a parlé de la mission russe pour témoigner au reste du monde. Les métropolites Antoine et Anastase, comme l’archevêque Séraphim de Chicago et beaucoup d'autres, savaient également que Dieu nous a envoyés pour convertir le monde. Ainsi, en Europe occidentale la grande tâche de l'Eglise orthodoxe russe, est de devenir une Métropole autonome, fondation d'une future Eglise Orthodoxe d'Europe Occidentale sous la direction aimante de notre Patriarche à Moscou.

Nous souhaitons à l’archevêque Job toute bonne chose dans sa longue et difficile lutte pour au moins tenter de rétablir toutes les normes et traditions canoniques de la Tradition orthodoxe russe, que la Rue Daru prétend représenter, mais qu’en grande partie, elle ne fait clairement pas. Il a la jeunesse pour tenter d'inverser la marginalisation de la rue Daru qui dure depuis trop longtemps et pour revenir au courant habituel de l'Eglise orthodoxe. Après une décennie de dérive désastreuse et un nombre  [de fidèles] toujours plus petit, seules ses actions peuvent préparer à réintégrer l'Eglise russe, et à entreprendre au moins une partie modeste dans la grande tâche de témoigner de l'orthodoxie russe authentique.

Conclusion: Le salut
L'Eglise russe réunie en Europe occidentale, va de succès en succès. Elle possède de nombreux monuments historiques, de grandes églises et un grand nombre d’orthodoxes. En Europe occidentale, les deux diocèses allemands de l'Eglise orthodoxe russe à eux seuls sont au moins deux fois plus grand que l'ensemble du groupe de la Rue Daru qui a été construit sur des communautés minuscules, qui se réunissent dans des chambres privées ou louées, habituellement à moins de vingt. L'ensemble de la juridiction est forte de seulement quelques milliers de fidèles et la plupart d’entre eux partiraient demain si les Eglises auxquelles ils se sentent effectivement en allégeance, principalement russe et roumaine, étaient équipées pour s’occuper d'eux.
En 1980, je me suis marié à l'église Saint-Nicolas de Boulogne Billancourt à Paris. Parmi les invités, il y avait l’archevêque Georges (Tarasov), de qui nous étions proches. Je pense souvent au futur archevêque, venant sur le front occidental il y a cent ans. Pourquoi se battait-il? Pour la Russie et son église; pas pour le projet des rénovationistes iconoclastes d'aujourd'hui. Sa vie comme archevêque de Paris fut rendue misérable, il fut publiquement hué, et en proie aux sifflets de la Fraternité, et il vécut dans la pauvreté. Ses humbles larmes « sur les rives des fleuves de Babylone » peuvent-elles aider à redresser la barre pour orienter la Rue Daru du naufrage vers le salut? Nous prions pour qu’il en soit ainsi.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Orthodox England

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