samedi 22 février 2014

Vie de l’higoumène Philaréta d’Oufa (1/3)


Grâce à diverses publications, le monde anglophone [et francophone] se familiarise progressivement avec les grands Pères monastiques et les startsy de la Sainte Russie, en particulier ceux de ces monastères de renom que sont Optina et Valaam. Presque rien, cependant, n’est dit à propos de ces higoumènes et moniales qui ont fait des contributions tout aussi importantes à l'épanouissement de la vie monastique et pour la diffusion dans la société de l'idéal chrétien. Peu de gens savent que les couvents  de femmes étaient de loin plus nombreux que les monastères d'hommes. Les femmes ont lutté tout aussi vaillamment que les hommes dans le domaine spirituel, et elles se sont trouvées sur toutes les voies de la vie monastique, que ce soit en ermites, dans les skites du désert, ou dans de grands couvents. Certaines ont lutté dans l'obscurité tandis que d'autres ont apprécié le patronage de certains pieux membres de la haute société. Mais que le couvent ait été grand ou petit, riche ou pauvre, l'objectif commun de l'union avec Dieu produisit une fragrance spirituelle qui attira et encouragea de nombreux êtres sur le chemin du salut.


   Le Couvent de l'Annonciation d’Oufa a été parmi ceux bien connus pour le niveau spirituel élevé de ses moniales. C’était le fruit de sa fondatrice, l’higoumène Philaréta, qui était elle-même disciple de saint Séraphim de Sarov et du grand staretz Philarète de Glinsk. Un récit de sa vie est inclus dans le Patericon de Glinks à partir duquel il est condensé ci-dessous pour l'édification de nos lecteurs.

     Stéphanida Stéphanovna Bytchkova, la future higoumène Philaréta, est née en 1807 dans une famille ecclésiastique de rang moyen. Sa mère était analphabète et demandait souvent aux enfants de lire à haute voix la Parole de Dieu ou de lui raconter les lectures de l'Écriture entendues à l'église. Dans le même temps, elle les habitua à travailler. Stéphanida, fille cadette, était spécialement caractérisée par sa piété, même si elle avait une nature très animée qui parfois lui causa des ennuis. À l'âge de 10 ans, elle fut confiée à une femme très pieuse et bien éduquée qui lui donna une base solide dans les compétences d'apprentissage de base, ainsi que de diverses formes de travaux manuels. Chaque matin, après ses prières, Stéphanida lisait la vie du saint du jour, puis répondait aux questions.

    Quand elle revint chez elle après quatre ans, ses parents commencèrent à penser à lui trouver un époux convenable, mais déjà la jeune fille avaient conçu le secret désir de devenir moniale. N'osant rien dire à ses parents, Stéphanida se tourna avec des larmes brûlantes et une prière ardente vers son ange gardien, et vers la Reine du Ciel. 

Par la Providence de Dieu, les circonstances se disposèrent de telle sorte que bientôt toutes les pensées de mariage furent mises de côté. Jean, le jeune frère de Stéphanida tomba gravement malade et souffrit pendant deux ans d’une maladie de la jambe jusqu'à ce que des moniales de l'Ermitage des Sept Lacs viennent au village avec l’Icône thaumaturge de la Mère de Dieu de Smolensk. Le jeune garçon fit une grande métanie devant l'icône en priant de tout son cœur. Alors que l'icône fut passée au-dessus de lui, le garçon qui souffrait constata  soudain la cessation complète de la douleur. En signe de gratitude pour un tel miracle, les parents autorisèrent Stéphanida à accompagner l'icône de retour à l’Ermitage où elle resta pendant un mois, travaillant à diverses obédiences, expérience qui ne fit que confirmer son désir de la vie monastique.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
GLINSK PATERICON
ST. XENIA SKETE
Wildwood, California
1984

Haïjin Pravoslave (CCXCII)


Folie du Dieu Bon
Fausse sagesse de l’homme
Sauvé par la Croix


上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

vendredi 21 février 2014

Saint Jean (Maximovitch) [R]



Shrine with the relics of the holy hierarch John

En le châtiant, le Seigneur montre en même temps au peuple russe  la voie du salut en faisant de lui un prédicateur de l'Orthodoxie dans le monde entier. 

La diaspora russe a rendu toutes les extrémités du monde familières avec l'Orthodoxie, la masse des exilés de Russie, pour la plus grande part, est inconsciemment un prédicateur de l'Orthodoxie... 

Pour les Russes à l'étranger, il a été accordé de faire briller dans le monde entier la lumière de l'Orthodoxie, afin que d'autres peuples, voyant leurs bonnes actions, puissent glorifier notre Père Qui est dans les cieux, et ainsi obtenir le salut pour eux-mêmes... 

La diaspora devra être convertie par la voie de la repentance, et ayant obtenu le pardon pour elle-même par la prière à Dieu, et à travers la renaissance spirituelle, elle sera également capable de donner la renaissance à notre patrie souffrante.

 Saint Jean [Maximovitch],
Illuminateur de la Diaspora, 
1938

Version française Claude Lopez-Ginisty
Photos:
Reliques du saint Pasteur à San Francisco
Photo de son vivant
une des nombreuses icônes du saint

Photo of St. John Maximovitch

St. John Maximovitch

Haïjin Pravoslave (CCXCI)


Dieu par le prochain
T’incorpore au Corps du Christ
Et à Son Eglise


上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

jeudi 20 février 2014

L'attitude respectueuse dans l'église




Je vous dis encore que, si deux d'entre vous s'accordent sur la terre pour demander une chose quelconque, elle leur sera accordée par mon Père qui est dans les cieux. Car là où deux ou trois sont assemblés en mon Nom, je suis au milieu d'eux.(Matthieu 18:19-20)

Une présence respectueuse aux services divins n'est pas seulement récompensée par la prière générale de l'Église, mais elle sauve également les âmes des chrétiens. Voici un exemple: Le Grand Samedi Saint au soir, avant la fête de la lumineuse Résurrection du Christ, le hiérarque Niphont, debout dans l'église avec le peuple, fut jugé digne de contempler la Reine du Ciel elle-même, avec les saints Apôtres agréables à Dieu, qui vinrent dans l'église. Celui qui parmi les personnes présentes se tenait avec ferveur, la Mère de Dieu le regardait avec amour, et pour celui qui se tenait négligemment, elle s'attristait et priai. (Vie du hiérarque Niphont)

*

Imaginez que quelqu'un, se tenant debout devant un roi et conversant avec lui, à l'appel d'un fonctionnaire comme lui, il laisse le roi et commence à converser avec ce serviteur; tel est également celui qui engage la conversation et se livre à la distraction pendant le service divin. (Vénérable Ephrem le Syrien)

*

Si en venant dans la maison d'un roi, tu es inquiet et soucieux de ne pas faire quoi que ce soit d'incompatible avec la dignité de l'endroit, alors avec quel respect devrais-tu entrer dans la maison du Roi du Ciel. 
Si tu es saisi par la crainte dans la maison d'un roi, bien qu'il ne te voit pas, bien que, peut-être, il ne soit pas dans cette maison, alors avec quelle crainte révérencieuse devrais-tu te tenir dans la maison de Dieu, où l'Omniprésent est toujours présent, où Celui Qui voit tout, te voit constamment. 
Quand tu entends une prière à l'église, efforce-toi que non seulement ton oreille, mais aussi ton cœur entende, de sorte que la prière de l'Eglise devienne ta propre prière. (Philarète, Métropolite de Moscou)

*

En allant à l'église, pense que tu vas chez Roi des Cieux, où avec crainte et joie on doit se tenir, comme dans le Ciel devant le Roi du Cieux. Debout à l'église, ne regarde pas autour ou sur les côtés, et ne regarde pas la façon dont quelqu'un se tient et prie, de peur d'être condamné avec le pharisien, car tu n'es pas venu pour juger les autres, mais pour demander miséricorde pour toi à Dieu le Juge qui connaît des coeurs. 
Admire avec componction le seul autel, où le saint sacrifice est offert. Plus que toute autre chose, méfie-toi du rire et des conversations, car celui qui rit ou converse tout en se tenant à l'église, ne rend pas honneur au lieu saint, et tente les autres, et empêche les autres de prier. (Hiérarque Tikhon de Zadonsk)

Tenez-vous à l'église en silence, paisiblement, tranquillement, comme par exemple, les cierges allumés par vous se tiennent devant les icônes: Ils ne bougent pas d'un endroit à l'autre, ils ne font pas de bruit, ils brûlent avec une flamme qui ne descend pas en dessous, ni sur le côté, mais qui se meut surtout vers le Ciel. 
Donc, vous devriez vous tenir aussi, vous efforçant, avec des coeurs enflammés par l'amour et la prière, de tendre vers Dieu. (Antoine, évêque de Smolensk)

*

Je demande à l'Éternel une chose, que je désire ardemment: Je voudrais habiter toute ma vie dans la maison de l'Éternel, Pour contempler la magnificence de l'Éternel Et pour admirer son temple. (Psaume 27:4)

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après 
Parish Life
Bulletin of St. John the Baptist Cathedral
(November 1993)
Washington D.C.
USA

Haïjin Pravoslave (CCXC)


La Grâce est Soleil
Qui vient éclairer le monde
Et le rendre beau


上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

mercredi 19 février 2014

Père Syméon (de la Jara) : Sur un chemin de rectitude, du Pérou au Mont Athos


Photo: Tάκης Διαμαντόπουλος


Lorsque Miguel Angel de la Jara Higgingson eut sept ans, sa mère eut une vision. Elle sentait que son fils la quitterait un jour pour un "endroit lointain, comme une île, là où des gens  de solitude vivaient et priaient tout le temps et mettaient rarement les pieds dans le monde." Même elle, cependant, ne pouvait sans doute pas imaginer à quel point de son Pérou natal, à la fois physiquement et spirituellement, la quête de sa vie l'amènerait.

Maintenant, c'est Père Syméon, l'ermite, le moine grec orthodoxe qui vit sur ​​le mont Athos, une communauté monastique uniquement masculine, auto administrée sur la péninsule d'Athos - la plus orientale des trois péninsules qui s'avancent dans la préfecture nord de la Grèce en Chalcidique.

Cependant, ce ne sont pas seulement ses origines péruviennes qui font de Père Syméon un telle  figure bien connue parmi les visiteurs de Mount Athos, c'est aussi sa présence rayonnante comme artiste, poète et peintre qui le rend si recherché, en particulier par les jeunes gens.

Son voyage a commencé en 1968, quand, à l'âge de 18 ans, il a quitté le Pérou pour découvrir le monde. Après avoir voyagé à travers l'Europe et l'Asie pendant plus de deux ans - au cours desquels il a été exposé aux philosophies orientales et à des religions comme le bouddhisme, l'hindouisme et le yoga,  il s'est installé à Paris, où il a vécu pendant les trois années suivantes.

C'est à Paris qu'il rencontra un moine grec orthodoxe, et connut l'Orthodoxie, rencontre qui devait avoir un effet profond sur lui. Pendant les deux années et demie suivantes, il étudia l'hagiographie (la peinture d'icônes) avec Léonide Ouspensky, tandis que son intérêt pour l'Orthodoxie s'approfondissait.

Il visita d'abord la Grèce en 1972, où il accepta la foi orthodoxe, avant de retourner y rester en 1973, rejoignant à l'origine le monastère d'Aghios Georgios (Saint-Georges, sur la grande île grecque d'Eubée). Lorsque, en 1974, l'ensemble du monastère fut transféré à Aghios Grigorios (Saint-Grégoire) sur le mont Athos, Syméon suivit, vivant au monastère d'Aghios Grigorios jusques en 1987. Ensuite, il devint ermite, passant à la cellule du vieil ermite de Timios Stavros près du monastère de Stavronikita, où il a construit une nouvelle dépendance et formé un complexe.

Lors de la première rencontre avec Père Syméon, on est frappé par sa passion et  sa joie juvéniles - des qualités qui, comme il le dit, " ne peuvent pas être cachées." Auditeur compatissant et parlant doucement, il répond aux questions avec spontanéité et rigueur, sans jamais devenir dogmatique ou lointain. Derrière ses yeux perçants est un esprit curieux, cherchant toujours des façons d'exprimer l'amour et la joie qu'il veut partager avec les autres.

Après 24 ans en Grèce, Père Syméon déclare un amour profond et une profonde admiration pour la culture et la langue grecque, en disant qu'il préfère écrire en grec qu'en sa langue maternelle espagnole. Par ses nombreux voyages, il a acquis une expérience riche et variée, ainsi que l'amour du surréalisme français, des tatamis, de la nourriture japonaise et de l'art chinois. Et à sa famille péruvienne, il doit son amour de l'art.

Selon Syméon, c'est le besoin de puiser dans la joie intérieure en toutes choses qui l'a conduit à l'art et à la prière qui a été la force dominante dans sa vie. À travers la poésie, les peintures, les photographies, les prières et les conférences, il a tendu la main, et a essayé de toucher le cœur des gens au-delà des frontières de la Sainte Montagne.

Il a publié plusieurs ouvrages, y compris sa conférence de 1985 " Νηφάλιος μέθη (Nifalios Methi) " [Ivresse sobre], la publication de 1983 "The Holy Mountain Today (La Sainte Montagne aujourd'hui)" publié à Alexandria Press à Londres, et le recueil de poésie "Συμεὼν Μνῆμα (Symeon Mnima)" [Souvenir de Syméon], publié en 1994. Un nouveau recueil de poésies intitulé "Μὲ ἱμάτιον μέλαν (Me Imation Melan)" (en tissu noir), va paraître aux éditions Agra à Athènes.

Artiste dans la solitude autant que solitaire, moine dans le milieu de l'art, ses poèmes et ses peintures ont à la fois la fraîcheur de l '«ici et maintenant» et la profondeur de l'éternité, et elles sont d'une immédiateté et d'un équilibre remarquable. Elles font se demander quelle est la différence entre l'artiste et l'ermite - ou même s'il y en a une.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

Témoignage de Mario Vargas Llosa, écrivain péruvien 
Mon ami Stavros m'a dit, il y a quelques nuits, à Athènes, au cours d'un dîner dans un terrasse imprégnée d'arômes, sous un ciel plein d'étoiles scintillantes, "Si tu vas au Mont Athos, tu dois le connaître. C'est un hiéromoine (moine-prêtre), un ermite, un peintre, un poète, un mystique, vénéré dans toute la Grèce, l'une des figures de proue de l'Eglise orthodoxe. Et attends-toi à une surprise, le père Syméon n'est pas grec, mais péruvien."Depuis lors, cet homme n'a pas quitté mon esprit un seul instant. Et là, je le trouve parmi les participants, conférencier invité pour parler de la Poétique d'Aristote, de la tradition mystique et de sa propre poésie.
in
(en espagnol)
 

Françoise LHOEST: Saint prêtre martyr Vassili Nadéjdine (†19 février 1930) (R)



Nadezhdin VF.jpg


Tombe du martyr à Kem


Vassili Fiodorovitch Nadéjdine est né à Moscou le 12 janvier 1895. C’était le 5e des 6 enfants (3 garçons :lui : Basile, Vladimir et Paul et 3 filles, Catherine, Anna et Véra) de pieux parents : Fiodor Alexéiévitch, marguillier de l’église de la Protection de la Mère de Dieu, et de son épouse Sophia Pavlovna. Vassili fréquenta l’école religieuse du monastère « Derrière l’icône du Sauveur », puis en 1910, entra au séminaire de Moscou. Il chantait à l’église, dirigea le chœur.
Un parent de son père, l’archevêque Anastase (Gribanovsky) fut affecté au diocèse de Kholm (maintenant Chelm en Pologne, un pays dépeçé par ses voisins qui fut rayé de la carte de 1795 à 1918) et le jeune Vassili put l’accompagner dans ses visites pastorales, notamment au monastère Saint-Onuphre de Jableczna. Puis l’archevêque étant muté à Kichiniov en Moldavie, c’est là que le jeune Vassili prépara l’examen d’entrée à l’Académie Ecclésiastique de Moscou l’été 1916.
Mais à cause de la guerre, le semestre s’interrompit prématurément et le jeune Vassili fut invité dans une famille aristocratique du gouvernement de Saratov pour enseigner le catéchisme à deux enfants : Fiodor et Sophie Medem, qui l’aimèrent beaucoup. À la fin de février, il repartit pour reprendre les cours du 2e semestre, mais ce fut la révolution de février 1917 et l’abdication du tsar Nicolas II. Dès la fin des examens, Vassili retourna à Saratov. Le comte Medem avait une petite église dans sa propriété, et Vassili y prononça des sermons, notamment à la Saints-Pierre-et-Paul, il déclara que « beaucoup ne sont pas capables d’apprécier les exploits d’apostolat des saints Pierre et Paul, que tout l’arbitraire, les assassinats d’innocents, les vols, etc. prouvent qu’une grande partie du peuple russe n’a pas été atteinte par le message du christianisme » et que « les derniers temps, dont parle l’apôtre Paul , se rapprochent ».
Revenu à l’Académie, il put y entendre les cours de Nouveau Testament dispensés par un jeune professeur très brillant : l’archimandrite Hilarion Troitsky, futur évêque martyr de Véréia. Au printemps 1919, l’Académie étant fermée par les bolchéviques, le typhus régnant à Moscou, Vassili emmena sa sœur Catherine, restée veuve avec trois petits enfants, chez un ami prêtre dans le diocèse de Penza où il enseigna les mathématiques jusqu’en 1921, mais avec un intermède à Moscou où il se maria avec une musicienne, Elena Serguéievna Borisoglebskaïa, et ramena avec lui à Penza sa jeune épouse et son autre sœur, Anna, qui mourut peu après. Il revint à Moscou, passa ses examens finaux à l’Académie (clandestinement) en 1920, prit un emploi de comptable plus près de Moscou.
Un an plus tard, le 26 juin 1921, il fut ordonné au sacerdoce et affecté à l’église Saint-Nicolas « de la Cabane-de-paille », une église en bois construite par le célèbre architecte Chekhtel, pour un régiment dans le nord de Moscou. C’est là qu’il allait servir jusqu’à son arrestation en 1929. La paroisse comptait de nombreux membres de l’intelligentsia, en particulier de l’Institut d’Agronomie tout proche, soucieux de voir leurs enfants instruits dans la foi. Le père Vassili s’attela à la tâche avec enthousiasme, organisant des rencontres de catéchèse, formant une très belle chorale, allant à des concerts de musique classique avec eux, discutant de littérature sérieusement et d’un point de vue chrétien. Certains membres de la paroisse, avec sa bénédiction, se joignirent à lui pour l’aider dans le travail catéchétique. En 1928, souffrant de tuberculose, il dut aller en Bachkirie boire du lait de jument, et en son absence, c’est son ami, le futur saint martyr père Vladimir Ambartsoumov[1] qui le remplaça.
Evidemment, son activité pastorale lui valut d’être d’abord expulsé de son logement puis arrêté le 28 octobre 1929. Lors de son interrogatoire le père Vassili déclara qu’il lisait pour la catéchèse des textes de saint Basile le Grand, saint Grégoire le Théologien, qu’il avait parlé de son pèlerinage à Sarov, etc. et qu’un chrétien pouvait vivre dans une réalité non chrétienne ambiante jusqu’à une certaine limite, mais qu’au-delà, il fallait être prêt à des changements de conditions de vie, si on voulait rester chrétien, car on ne peut pas être chrétien seulement de nom.
À la prison des Boutyrki, le père Vassili rencontra le père Serge Métchov qu’il connaissait bien : ils purent parler plusieurs heures ensemble, ce qui les affermit tous les deux : le père Serge (qui mourut en martyr le 6 janvier 1942) témoigna par la suite que le père Vassili était prêt à comparaître devant son Seigneur. Le 20 novembre 1929, l’OGuépéou condamna le père Vassili à 3 ans de détention au camp des Solovki, mais la navigation étant déjà interrompue, il fut laissé jusqu’au printemps à Kem. Là, dans une baraque du camp, le père Vassili tomba malade du typhus, et mal soigné il contracta aussi la gangrène.
Sa matouchka Elena, qui était enceinte de leur cinquième enfant, fut autorisée à venir à Kem ; elle put lui transmettre de la nourriture le jour et rester de longues heures la nuit au chevet de son mari jusqu’à sa mort. « Je suis si heureuse de pouvoir vivre ici et de pouvoir l’aider au moins un peu», écrivait-elle de Kem à sa famille. Le père Vassili put communier. Dans sa dernière lettre, expédiée avant l’arrivée de son épouse, il écrivait : « J’ai senti qu’il était temps de vous écrire une lettre d’adieu… Comme il m’était doux de me sentir entouré d’amour ». Et il rendait grâces. Il mourut le jour de l’anniversaire de matouchka Elena qui fut autorisée à enterrer son mari à Kem, le corps ne fut donc pas jeté dans une fosse commune. Pour sa part, après la naissance de son bébé, elle fut condamnée à trois ans d’exil, loin de ses enfants, mais néanmoins elle rendait grâces à Dieu pour tout.
*
L’église détruite a été maintenant reconstruite, toujours en bois, la paroisse du père Vassili revit, elle compte de nombreux jeunes et une chorale très active. Tous sont profondément attachés au trésor de sainteté de leurs deux prêtres martyrs et reprennent des méthodes de travail du père Vassili : chorale, groupes de discussion, cercles d’activités, animés par des jeunes désireux d’approfondir leur foi. Il y a quelques années, une étudiante de l’Université Saint-Tikhon a fait dans le cadre de son cursus un reportage[2] qui l’a elle-même bouleversée, sur la vie et l’œuvre de saint Vassili. Elle a retrouvé son dernier fils, Vassili Vassiliévitch, qui garde pieusement la croix pectorale de son père et sa lettre de nomination signée du saint patriarche Tikhon.
Françoise Lhoest[3]
*
Tropaire ton 2 : 
Par ta douceur tu as été dès ta jeunesse à l’image du Christ, tu as aimé les divins commandements de toute ton âme et de tout ton cœur ; tu as été un bon pasteur donnant ta vie pour tes brebis, à l’image de Dieu notre Sauveur. Saint prêtre martyr Basile prie le Christ notre Dieu de sauver nos âmes.

Kondakion, ton 2 :
Zélé pour la gloire de Dieu et la foi orthodoxe, enseignant ton troupeau, saint prêtre martyr Basile, tu as accompli dignement ton service pastoral sur la terre, Devant l’autel de Dieu avec joie et reconnaissance, plein de douceur mais ferme devant tes bourreaux, et en glorifiant le Christ tu as quitté ta sombre prison pour les demeures tant désirées du Père. C’est pourquoi aujourd’hui en célébrant le Dieu Trinitaire, avec la cohorte des saints martyrs, protège-nous par tes prières, nous qui t’honorons avec amour.


[1] Voir bulletin de la Crypte, novembre 2012.
[2] Radost’ moya, 26 minutes sur You Tube.
[3] Avec les ressources d’Internet en russe.

Haïjin Pravoslave (CCLXXXIX)


Âme inconséquente
Sans l’huile et sans la Lumière
Comme vierge folle


上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

mardi 18 février 2014

Vie de Grégoire, Fol-en-Christ de Glinsk



Vassily Ivanovitch Sourikov (1885)

Frère Grégoire [Svarkovski] avait l'apparence typique d'un fol-en-Christ, maigre, émacié, la tête rasée. Il ne regardait jamais les gens en face, et portait une longue chemise et une robe de chambre d'hôpital brune. Il ne possédait rien d'autre que ces vêtements, et apparemment, il n'avait besoin de rien d'autre; il n'avait pas de chambre à lui ou de travail, et au début, il ne demeurait pas toujours au monastère. Il vivait suivant les règles de ceux qui sont leur propre patron. Les moines avaient de lui des opinions diverses: quelques-uns pensaient qu'il était saint, d'autres qu'il était clairvoyant, d'autres encore qu'il était fou! Il restait devant les quartiers du hiéromoine Aristocle, ou près des ruches de Père Moïse, qui tous deux le vénéraient et pensaient que c'était un saint.

Il était habituellement assis par terre, devant un seau, avec une paire de ciseaux, et il coupait du papier, des haillons, des lacets, etc. Quelquefois, il versait de l'eau sur tout ce qu'il avait coupé, et s'arrachait les poils de barbe. Il ne souriait ni ne riait jamais, parlait rarement (en  dialecte petit russien), mais toujours à propos et en allégories.
Un jour, un des moines (qui sera plus tard l'archimandrite Séraphim [Verbine]) travaillait au bureau, et avait apporté des papiers à Père Aristocle pour signature. Quand il récita la prière habituelle à la porte, il ne lui fut pas répondu Amen! Il répéta une deuxième fois, mais tout resta silencieux. Quand il répéta une troisième fois, il entendit la voix rauque de frère Grégoire disant: "Ouvrez pour l'archimandrite!" Il entra et trouva le syncelle qui était occupé et n'avait pas entendu la prière. Père Grégoire était assis, impertubable dans sa robe de chambre, devant son seau, occupé à couper un vieux journal. Ce fut seulement dix ans plus tard, quand il devint archimandrite, que la signification de sa prophétie lui revint en mémoire.

Père Aristocle avait toujours vis-à-vis de lui une attitude révérentieuse, en dépit de sa conduite qui n'était pas toujours agréable.

Une dame, qui vivait près du monastère, raconte la chose suivante. Pendant la guerre de 14-18, son époux, un officier, fut mobilisé et après un certain temps, elle ne reçut plus de lettres de lui. Elle commença à s'inquiéter et demanda à sa mère d'aller à Glinsk, d'y prier la Mère de Dieu et de voir si le fol-en-Christ Grégoire dirait quelque chose. 
Quand la mère vint vers lui, il était occupé à son activité habituelle, à couper du papier, et il ne lui prêta aucune attention. Elle était sur le point de partir quand soudain, il commença à arracher des poils de sa barbe, et à crier en saisissant sa jambe: "Aïe! Aïe! Une abeille m'a piqué!" Il enveloppa un haillon autour de sa jambe, et en silence, restant assis à sa place, sans répondre aux questions de la mère. Après quelques jours, la dame reçut une lettre disant que son époux avait été légèrement blessé à la jambe. Alors elles réalisèrent le sens des paroles: " Une abeille m'a piqué!"

Pendant le Grand Carême, elles voulurent envoyer des pains pascaux à l'époux blessé de la dame, mais elles ne purent rien faire avec la pâte: elle ne levait pas. D'abord elles mirent cela sur le compte du levain, puis elles tombèrent dans la superstition: cela signifiait qu'il devait y avoir eu une opération, une amputation, quelque infection, ou bien d'autres choses pires encore. L'absence de lettres confirmait leurs craintes.

Pendant la Semaine Sainte, la mère de la dame alla à Glinsk, et rendit visite au fol-en-Christ Grégoire. A ses requêtes, à ses questions, et à son histoire à propos de la pâte, il dit: " C'est inutile [de s'inquiéter]!"

A Pâques, il n'y avait toujours pas de nouvelle, et la dame pensa qu'elle était devenue veuve. Puis, après l'office pascal, après le baiser habituel, elle se retourna et vit son époux. Il y avait eu quelque confusion concernant sa permission d'absence, et de ce fait, il ne pouvait pas lui écrire s'il viendrait ou non. A la maison, sa mère se souvint de l'épisode de la pâte, de la prophétie de Grégoire, et de son étrange comportement.

Juste avant la révolution, le 2 mars 1917, Grégoire vint chez cette dame, plaça une petite table sur une autre table, puis un fauteuil sur cette dernière, et il s'assit en haut sur son "trône"; il tomba et se blessa. Ils se précipitèrent et le trouvèrent dans la pile des meubles, sur le tapis couvert de sang. Il était assis là, se coupant les ongles des orteils avec un ciseau; du sang coulait de ses tempes et de ses doigts. Ils demandèrent: "Que se passe-t-il?". Il répondit: "Cela doit être ainsi!"
Le lendemain, les vendeurs de journaux criaient "Edition Spéciale, le Tzar a abdiqué." Tout comme l'archimandrite Iliodore l'avait prédit en 1870, frère Grégoire, le fol-en-Christ, répéta la prophétie, le jour de la grande tragédie de la monarchie russe.

Frère Grégoire mourut dans la prison locale après que le régime communiste ait été établi.

Saint et bienheureux Fol-en-Christ Grégoire, 
prie Dieu pour nous!

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
GLINSK PATERICON
ST. XENIA SKETE
Wildwood, California
1984

Jean-Claude LARCHET/ Recension: Recension: Jean Chrysostome, « Homélies sur la Résurrection, l’Ascension et la Pentecôte », tome 1

Chrysostome_Resurrection

Jean Chrysostome, Homélies sur la Résurrection, l’Ascension et la Pentecôte, tome 1. Introduction, texte critique, traduction notes et index par Nathalie Rambault, Éditions du Cerf, Paris, 2013, 322 p., « Sources chrétiennes » n° 561.
La collection « Sources chrétiennes »  a entrepris la publication, en deux volumes, des homélies de saint Jean Chrysostome sur la Résurrection, l’Ascension et la Pentecôte.
Ce premier tome rassemble quatre homélies sur la Résurrection. Les deux premières datent des années que Jean Chrysostome a passées comme prêtre à Antioche, soit de 386 à 397 (date à laquelle il est devenu patriarche de Constantinople) ; la suivante (présentée sous une forme longue et sous une forme brève ») est une compilation postérieure de deux siècles.
L’homélie « Sur la résurrection des morts » est très longue (la durée de sa prononciation est évaluée à environ quarante minutes), si bien que l’on peut supposer qu’elle a été conçue comme une préparation à la fête de Pâque plutôt que comme une homélie pour la Liturgie de Pâque. Elle  consiste essentiellement en une exégèse de 2 Co 4, 8-9.14-18 et 5, 1-5, qui vise à conforter la foi de l’auditoire en la résurrection des corps face aux négations gnostiques et manichéennes ; après avoir argumenté en faveur de cette résurrection, saint Jean Chrysostome s’efforce d’en préciser les modalités, et souligne qu’elle est au centre de l’économie du salut (« Tout dépend de la Résurrection » dira-t-il ailleurs) ; puis il montre comment le Saint-Esprit en est le garant, avant d’inviter ses auditeurs à mener une vie digne de leur foi en cet événement déterminant pour l'existence humaine.
L’homélie « Contre l’ivresse et sur la Résurrection » a probablement été prononcée à Pâque, lors de l’office de l’aube auquel participaient les nouveaux baptisés. Saint Jean Chrysostome  commence par mettre en garde son auditoire contre les débordements qui suivent habituellement la rupture du jeûne. Il stimagtise en particulier l’ivresse, après en avoir examiné les différentes formes et les divers effets néfastes. Il invite ensuite les fidèles à préférer à l’ivresse physique, l’ivresse  spirituelle que l’on reçoit par l’euchariste au jour très joyeux de la fête de la Résurrection, après la rude préparation du grand carême. Après avoir montré l’importance de la résurrection du Christ pour l’humanité tout entière, il montre que le baptême est une première résurrection (qui relève l’homme déchu de la mort du péché) et une seconde création, et expose les exigences ascétiques qui permettent de conserver et developper en soi la grâce de ce sacrement.
L’homélie « Sur la Pâque » est présentée ici sous la forme d’une recension longue et d’une recension brève, ces deux recensions dérivant vraisemblablement d’une forme originelle plus longue, actuellement inconnue. Elle est constituée pour une grande part d’extraits authentiques de plusieurs homélies de saint Jean Chrysostome (et ne peut donc pas être considérée, comme l'on fait certains auteurs, comme pseudo-chrysostomienne), mais aussi de quelques textes apocryphes (dus notamment à Sévérien de Gabala et à Léonce de Constantinople), qui ont été synthétisés entre la fin du VIe siècle et le milieu du VIIIe siècle, dans le but de constituer une homélie expurgée des thèmes annexes et de circonstance se trouvant dans les autres homélies pascales, autrement dit bien centrée sur le mystère de la Résurrection, et pouvant être lue au cours de la Liturgie de Pâque.
Il est à noter que cette homélie n’est pas la même que l’homélie attribuée à saint Jean Chrysotome qui est lue dans l’Église orthodoxe actuellement (et depuis de nombreux siècles) au cours de la Liturgie pascale.
Jean-Claude Larchet

Haïjin Pravoslave (CCLXXXVIII)


Garde l’essentiel
C’est à dire les richesses
Qui te sont promises


上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

lundi 17 février 2014

Père Barsanuphe du Maroc (R)




(Dans les années 20 du siècle dernier, lorsque l'on voulut forcer les moines de Valaam à accepter la réforme du calendrier, beaucoup refusèrent, nombre d'entre eux furent indignement persécutés par la hiérarchie locale, et certains moines s'exilèrent pour ne pas accepter une innovation qui répugnait à leur conscience. L'un d'eux Père Barsanuphe, partit au Maroc...)


Il y avait toute une vague de malheureux russes blancs émigrés en ce lieu, et il y organisa une église orthodoxe. Il s'occupa d'eux, et donna du courage à ces exilés russes blancs, et il construisit miraculeusement une église. 


Cela arriva de la manière suivante... L'épouse d'un riche autochtone ( qui n'était pas chrétien) était sérieusement malade; la mort la menaçait. Ayant beaucoup entendu parler de Père Barsanuphe, l'époux décida de demander ses prières à "son Dieu" pour sa pauvre femme malade, promettant, au cas où sa santé serait rétablie, de construire un temple. 


Père Barsanuphe pria pour la femme malade, et elle se rétablit rapidement. Alors cet indigène donna du terrain et aida à ériger une église... 


Je connaissais personnellement Père Barsanuphe qui suivait le calendrier des Pères: il était joyeux, attentif et plein d'amour. Il prenait grand soin de s'occuper des hommes malheureux, malades et solitaires, il alla même jusqu'à trouver deux ou trois épouses pour eux à Vyborg, de sérieuses jeunes femmes... Ces mariages furent exemplaires, et heureux, comme la vie devait le montrer plus tard.


Père Barsanuphe alla vers le Seigneur le 27 février 1952, en prononçant les paroles suivantes: " Je confie mon âme au Seigneur en paix. J'ai servi de tout mon cœur l'église orthodoxe russe et son peuple. Néanmoins, enterrez mes restes dans le sable marocain."


Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après Nun Maria Stakhovich & Sergius Bolshakoff
Interior Silence
Elder Michael, The Last Great Mystic of Valaam
New Valaam Monastery, Alaska
1992

Haïjin Pravoslave (CCLXXXVII)


Auprès du Seigneur
Tu voudrais être Marie
Mais tu n'es que Marthe


上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)