jeudi 13 novembre 2014

Prêtre Nicolas (Loudovikos) : Comment de simples paysans devinrent théoptes ( virent Dieu)!



Voici ce qui m'est arrivé un jour. J'étais alors encore un très jeune prêtre desservant près de Thessalonique. Dans le même temps, j'étais assistant d'un célèbre théologien, j'étudiais la théologie, et me préparais à défendre ma thèse de doctorat dans une université théologique. 

J'étais profondément troublé par la disparité entre ce que j'apprenais et ce que je rencontrais en tant que prêtre. D'une part, à l'université, j'avais eu accès à tout ce que la théologie avait à offrir de meilleur et de grand, l'incompréhensible et le plus profondément significatif, tandis que d'autre part j'essayais de transmettre tout cela à des gens comme prêtre desservant dix villages qui m'avaient été attribués par l'évêque local. Dans trois d'entre eux je prêchais régulièrement pour le peuple et je voyais que ces gens ne me comprenaient pas, ou du moins voilà comment cela me semblait être à l'époque. Je me sentais absolument seul.

Dans mes sermons j'abordais un thème, je faisais un petit discours, je voyais que les gens restaient pensivement la tête basse, et puis j'observais qu'ils s'en allaient vivre comme ils l'avaient toujours fait, comme si de rien n'était et qu'ils n'avaient pas entendu quoi que ce soit j'avais dit. 

Cette solitude était un sentiment pénible et je me suis dit: que devrais-je faire en tant que prêtre dans une telle situation, quel sens cela a-t-il de retourner chaque dimanche à l'église et de parler avec ces villageois... Je ne dis pas que c'est facile -comme je l'ai déjà expliqué, je n'avais pas choisi un style de sermon simple, mais je suis convaincu que mes auditeurs étaient tout à fait capables de comprendre ce que j'essayai de leur transmettre. Et même si j'ai beaucoup appris depuis lors, à ce moment de ma vie ce fut un sérieux problème pour moi... Jusqu'à ce que l'incident miraculeux suivant m'arrive, par lequel le Seigneur m'apprit beaucoup plus que ce que je savais.

Un dimanche après la fin de la Divine Liturgie, je fus approché par un prêtre, un homme très simple, et deux gardiens l'église- très simples, des gens sans instruction- qui me dirent: "Ne pars pas  sans parler avec nous. D'accord?"

La Liturgie se termina et moi, comme toujours, je restai seul avec mes peines. Nous sommes allés boire du café dans le café sur la place du village. Nous nous étions assis là, à boire du café, quand tout à coup, un des gardiens de l'église se tourna vers moi, me regarda attentivement et dit: "Écoute, père -moi et M. Yannis (Yannis était le deuxième gardien de l'église) nous avions de grands doutes. Comme notre église n'avait pas encore été consacrée par l'évêque, les sacrements qui ont été donnés étaient-ils canoniques, ou pas? "

Je leur ai dit, "Oh, oh, qu'est-ce qui se passe ici?" 

Leur degré de perplexité avait produit une grande impression sur moi. 

Il reprit: Sais-tu ce que nous avons fait? Nous avons décidé de jeûner pendant trois semaines afin que le Seigneur Lui-même règle nos doutes. Nous avons commencé le jeûne, et vraiment, un dimanche, avant même que l'évêque ne vienne pour consacrer l'église, à la Liturgie, nous avons vu de nouveau la Lumière."

Je commençais à parler fort," Quelle Lumière? De quelle lumière parlez-vous?" 

" Tu sais, cette lumière qui n'est pas comme le soleil, tu regardes le soleil par la suite et il te semble que tu regardes les ténèbres. Cette Lumière, quand elle descend, tu commences à voir tout à fait différemment. Tu commences à voir les choses différentes, les événements complètement différents, les états complètement différents, avec le présent, le passé et le futur en elle, " essaya-t-il d'expliquer.

Je fus très abasourdi par ces paroles. J'étais assis au milieu de gens simples qui avaient des expériences similaires à celles de saint Grégoire Palamas et de saint Siméon Nouveau Théologien! Et bien sûr, ils avaient été bénis par le prêtre qui officiait la Liturgie, et qui y était assis avec nous. Ce père absolument sans instruction hochait simplement la tête en signe d'assentiment: "Oui, oui, nous étions tous là, c'était ainsi..." 

Rempli de tendre admiration, j'ai évidemment commencé à sonder la raison pour laquelle ces gens en particulier avaient eu cette expérience, et j'interrogeai cet homme extrêmement simple, et sans instruction.

"Dis-moi, comment vis-tu?" (Je lui ai posé la question parce que j'avais ressenti un choc qui resterait en moi de nombreuses années par la suite.)

"Eh, comment je vis? Je suis pauvre."

"Non, ce n'est pas ce que je veux dire. Comment passes-tu tes journées? Quelle chose extraordinaire fais-tu? "

"Ah, je ne fais rien qui sorte de l'ordinaire. J'adore Dieu et je patiente un peu. Je patiente seulement. "

Il avait de la patience. Savez-vous ce qu'est la patience? La patience signifie porter sa croix volontairement, et cela inclut toutes les autres personnes. Et Dieu se révèle à nous dans cette croix.

Ce fut une remarquable grande preuve du fait que l'hésychasme est une science naturelle de la vie; et ne pensez pas, vous théologiens, que l'hésychasme est une réalisation personnelle, comme certains états obtenus dans l'hindouisme, ou la réalisation de ceux qui annihilent leur propre volonté pour avoir des visions. C'est par ce véritable chemin de l'hésychasme qu'il y a eu beaucoup de révélations, que moi,  maître en théologie, je n'ai pas été digne de recevoir depuis ce moment, et je ne suis pas susceptible de l'être à l'avenir.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Pravoslavieru

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Père Nicolas Loudovikos, théologien très connu en Grèce, est professeur à l'Académie orthodoxe de Thessalonique et à l'Institute for Orthodox Christian Studies de Cambridge. 
Voir ici sa notice sur Wikipedia.

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