vendredi 29 août 2014

Panayiotis Christou: La Vie Monastique dans l’Eglise Orthodoxe (3)

Monastère de la tentation à Jéricho


Le système cénobitique

      Une autre étape fut franchie en Egypte par Pacôme (mort en 346). Outre l'administration et la prière, il plaça le logis, l'habillement, l'alimentation et le travail des moines sous surveillance. Habituellement, ils vivaient en groupes dans des dortoirs spacieux. On pourrait dire que, dans ce système, le monachisme est devenu plus facile par le fait que les moines vivaient ensemble et s’associaient les un avec les autres. Une forme de vie communautaire permit aux femmes de se consacrer à l'ascèse dans la solitude: il est dangereux pour elles de vivre dans un isolement complet. Mais le principal avantage de ce système était que le monachisme pouvait désormais jouer un rôle dans des activités philanthropiques.

      Le tournant du monachisme dans cette direction fut le labeur principal de Basile le Grand (mort en 378), évêque de Césarée. Il vécut dans la solitude pendant un certain temps dans sa propriété du Pont, avec les membres de sa famille. Là, il composa son célèbre ouvrage, Ascetica, qui allait devenir la base de l'organisation du monachisme au cours de la période suivante. Il recommanda le rassemblement des moines en groupes organisés, en accord avec la nature sociale de l'homme: "L'homme est un être docile et social, pas un homme sauvage et solitaire. Car il n'y a rien de si caractéristique de notre nature que de s'associer à un autre et d’avoir besoin de l'autre et d’avoir besoin d’un autre pour aimer notre nature " (Grandes Règles:3, IP.G. XXXI, 947). 

Selon cet enseignement, les moines devraient revenir des déserts vers les villes, et y établir des coenobia philanthropiques. Basile lui-même retourna à Césarée et organisa tout un groupe d'institutions d'utilité sociale, qui reçut plus tard, en son honneur, le nom de Basileias. Dès le début, la direction de ces établissements était dans les mains des moines, qui furent appelés "pères des orphelins."
      Le coenobium pourrait être considérée comme la forme finale du monachisme, mais ce n'est pas le cas. Bien qu'au premier abord il ait adouci le joug des ascètes, plus tard, il l'a rendu beaucoup plus difficile à supporter. Pour cette raison, une tendance vers un mode de vie moins strict apparut au cours du Moyen Age, et cela aboutit à la constitution de la vie idiorrythmique. Les "contemplatifs", c'est-à-dire ceux qui se consacrent à la contemplation de Dieu, cherchèrent la libération du travail pratique et social, afin d'être libres pour leur travail spirituel; et en même temps les moines les plus faibles demandèrent un assouplissement de la discipline. 

Dans les monastères idiorrhythmiques, l'administration, le vêtement, la prière, et dans une certaine mesure les lieux de vie restaient communs. Le régime alimentaire et dans une certaine mesure les travaux étaient libérés du contrôle. Ainsi les moines étaient autorisés à acquérir de la propriété privée, qui, cependant, ne pouvait pas dépasser certaines limites. D'un certain point de vue, la vie idiorrythmique peut être considéré comme un retour au système commun de la laure, tandis que d'un autre point de vue, il est une combinaison de la érémitique et des modèles communautaires du monachisme.

      Ces quatre types de monachisme fonctionnent désormais en parallèle les uns avec les autres depuis des siècles. Dans la tradition érémitique apparurent des variations étranges et intéressantes, prenant parfois des formes extrêmes. Ceux qui étaient confirmés s'enfermaient pendant de nombreuses années dans leurs cellules, ne communiquant avec le monde extérieur que par lettre, et recevant leur maigre portion de nourriture. Les stylites habitaient sur ​​des piliers à moitié détruits. Ceux qui sont devenus "fols-en-Christ" pérégrinaient, affichant leur folie, assumée par humilité.

      Tous ces quatre types ont survécu jusques à nos jours. Les ermites se trouvent presque exclusivement sur les points les plus éloignés de la péninsule du Mont Athos; le système communautaire est représenté par les ermitages de l'Athos; et les deux autres systèmes, le cénobitique et l’idiorrhythmique, par les monastères de toutes les régions orthodoxes.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d’après


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