jeudi 13 février 2014

L'absence d'instrument de musique dans la Liturgie orthodoxe...




Aux lecteurs du blog (et à J.M. plus,particulièrement), par rapport à l'absence d'instrument de musique dans l'Eglise Orthodoxe [cf. 성모송 / Axion Estin / Il est digne/ ( hélas accompag…" ]

La musique "religieuse" accompagnée par des instruments de musique, orgue ou autres, peut-être tout à fait acceptable hors de l'Eglise, et on peut l'apprécier et l'aimer sans réserve dans la sphère privée, mais dans l'Eglise Orthodoxe, elle n'a pas lieu d'être lors des offices. 

De même que certaines œuvres picturales de grands maîtres occidentaux, traitant de sujets religieux peuvent être appréciées, il serait aberrant de les utiliser dans l'Eglise, et de les vénérer, comme nous le faisons avec les icônes, mais en dehors du havre de l'Eglise, il est tout à fait légitime de les aimer.

J'ai écrit, hélas accompagné à l'orgue, à propos de l'Axion Estin* en coréen (Il est digne… hymne à la Mère de Dieu, dont la première partie fut révélée à un moine par l'Archange Gabriel au Mont Athos, donc l'ajout d'une musique humaine sur cette révélation n'a pas grand intérêt!) parce que la tradition orthodoxe n'utilise que la voix humaine, et ses Liturgies n'ont pas été écrites pour un accompagnement instrumental, mais pour la seule voix humaine. 

Pour citer saint Jean Chrysostome: David chantait des chants comme nous chantons aujourd'hui des hymnes. Il avait une lyre avec des cordes sans vie; l'Eglise a une lyre avec des cordes vivantes. Nos langues sont les cordes de la lyre, qui a un ton différent en effet, mais plus approprié pour la piété.

La voix humaine fut le premier instrument de musique. Il fut créé par Dieu. Tous les autres instruments furent créés par l'homme. C'est pourquoi la voix, depuis l'origine, est utilisée dans l'Eglise.

Certaines œuvres "religieuses" accompagnées à l'orgue (ou avec d'autres instruments de musique) sont belles (dans l'Eglise, ont-elles vraiment leur place? La Tradition orthodoxe dit non!), mais leur accompagnement musical avec des instruments détourne de l'essentiel, de la voix, et de ce qu'elle véhicule, à savoir le sens de paroles édifiantes et salvifiques. J'aime beaucoup le Requiem de Mozart, mais je ne me vois pas le faire remplacer à l'Eglise l'office de pannikhide chanté a capella. On peut tout à fait apprécier la musique religieuse instrumentale accompagnant le chant, mais elle n'a pas du tout sa place dans l'Eglise. 

Dans l'Orthodoxie, la prière n'admet pas la visualisation et la "fabrication" d'imaginations pour entretenir un sentiment "religieux" émotionnel (au contraire des exercices ignatiens qui sont fondés sur cette technique). Dans la célébration, l'instrument de musique est inutile et peut-être dangereux spirituellement pour les mêmes raisons.


Cette réserve ou interdiction des instruments dans l'Eglise n'est pas seulement le fait de l'Eglise Orthodoxe: en Occident, Thomas d'Aquin la partage y voyant un danger de judaïsation pour le culte, saint Augustin aussi parce que pour lui, les instruments de musique sont intimement associés aux cultes païens, ils favorisent la rêverie et les spectacles dégénérés du théâtre et du cirque. Il est donc facile, dit-il, de comprendre pourquoi on ne les utilise pas dans la célébration.

Martin Luther n'est pas en reste, qui signale que les Réformateurs ont sorti de l'Eglise les orgues, instruments de l'idolâtrie. Il appelait aussi l'orgue un symbole de Baal!

Le grand Erasme disait: Nous avons introduit dans nos églises certaines musiques de l'opéra et du théâtre… L'église résonne avec le bruit des trompettes, des flutes et des dulcimers, et les voix humaines luttent pour chanter leur partition. Que dirait-il aujourd'hui de l'infligeant spectacle de certains offices (?) hétérodoxes.

Jean Calvin va plus loin: les instruments de musique pour célébrer les louanges de Dieu, ne seraient pas plus acceptables que l'encens…

John Wesley, quant à lui plaisante, mais condamne aussi: Je n'ai aucune objection à l'utilisation des instruments de musique dans nos chapelles, pourvu qu'on ne les voit pas et qu'on ne les entende pas (sic!).


Lorsque, par nécessité, nous sommes amenés à assister à des offices hétérodoxes, on peut se demander légitimement si l'utilisation des orgues et autres instruments de musique dans la célébration du culte chrétien en occident, n'a pas permis progressivement l'introduction des chants purement profanes et les happenings spirituels qui ne permettent pas, au jour d'aujourd'hui, de parvenir à distinguer un concert d'une messe ou d'un culte, et de ne pas voir en quoi l'Eglise est différente d'une salle de concert.

C.L.-G.




* Textes de l'Axion Estin en grec et en français

Ἄξιόν ἐστιν ὡς ἀληθῶς,
μακαρίζειν σε τὴν Θεοτόκον,
τὴν ἀειμακάριστον καὶ παναμώμητονκαὶ μητέρα τοῦ Θεοῦ ἡμῶν.
Τὴν τιμιωτέραν τῶν Χερουβεὶμ 
καὶ ἐνδοξοτέραν ἀσυγκρίτως τῶν Σεραφείμ,
τὴν ἀδιαφθόρως Θεὸν Λόγον τεκοῦσαν,
τὴν ὄντως Θεοτόκον,
σὲ μεγαλύνομεν.

*

Il est vraiment digne de te célébrer, 
ô Génitrice de Dieu, 
toi qui es à jamais bienheureuse et très pure,
 et la Mère de notre Dieu. 
Toi plus vénérable que les chérubim
 et incomparablement plus glorieuse que les séraphim,
 toi qui sans corruption enfantas Dieu le Verbe,
 toi véritablement la Génitrice de Dieu,
 nous te magnifions.

*

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