jeudi 28 novembre 2013

Vie de sainte Rachel moniale du grand schème du monastère du Saint-Sauveur à Borodino [1835-1928] (3)


Le 17 novembre 1915, la moniale Mitrodore reçut la tonsure du grand schème et le nom de Rachel. Quand après cela, elle se tenait dans le jeûne et la prière, dans l'église, la Mère de Dieu lui apparut de nouveau. Voir la Reine des Cieux remplit la moniale du grand schème d'une extase spirituelle qui fit resplendir son visage d'un éclat non terrestre.

Elle reçut alors l'obédience d'aînée dans l'hospice. Elle s'y distingua par son ardeur au travail et par sa sagesse: elle consolait, encourageait, préparait à la mort qu'elle voyait par un don. Elle se distinguait par son amour envers tous, spécialement les pauvres, les malades, les affligés.

Un simple d'esprit, Paul, un muet venait la voir et elle le lavait, elle le faisait aller à l'église, se préparer et communier. Il aimait beaucoup Mère Rachel et l'appelait maman, c'était un des rares mots qu'il était capable de prononcer.

C'est à cette époque que les sœurs et les pèlerins du monastère commencèrent à s'adresser à Mère Rachel pour lui demander conseil, et même un jour, quelqu'un lui demanda sa bénédiction. Toute confuse, elle pria toute la nuit avec ardeur, et le matin, sommeillant un peu dans un fauteuil, elle vit dans un rêve très délicat la Mère de Dieu qui la bénissait en disant: "Tout ce que tu demanderas pour les gens te sera accordé. Je bénirai Moi-même ceux que tu auras bénis." La moniale Rachel s'ouvrit aussitôt de sa vision à la Mère higoumène Angeline qui lui permit de recevoir les gens. C'était la bénédiction pour le travail de staritsa, auquel le Seigneur avait préparé Sa servante durant toute sa vie.

La tradition du startchestvo ou guidance spirituelle au monastère du Saint-Sauveur de Borodino était née avec la première higoumène, Marie (Toutchkou +1851]. Cette fille spirituelle du saint métropolite Philarète, au dire des contemporains, "possédait le don rare de consoler et de soigner les âmes malades." Après sa fin bienheureuse, la direction spirituelle du monastère fut confiée à la moniale du grand schème Sarah (Potiomkine 1908], fille spirituelle du fameux starets Zossime [Verhouskoy 1833]. C'est elle qui prédit à la moniale Mitrodore qu'elle la dépasserait. Et effectivement, le startchestvo au monastère de Borodino connut son plus grand épanouissement entre 1923 et I928, du temps de la moniale du grand schème Rachel, au moment où s'effondrait la Sainte Russie, où les églises étaient profanées, les âmes et les destins des hommes brisés. Dans la Russie en proie à l'athéisme et à la cruauté, le service sacrificiel de Mère Rachel était une prédication vivante de l'amour de Dieu et de Sa miséricorde qui pardonne tout.

Dans les premières années de son startchestvo, peu nombreuses étaient les personnes désireuses de recevoir ses conseils spirituels, ce qui lui laissait la possibilité de s'isoler pour prier: elle allait alors dans la forêt, loin des gens. Mais au début des années vingt, l'afflux de visiteurs qui voulaient être consolés se fit considérable, ce qui lui compliqua la vie. Elle pensait à la réclusion et pria la Reine des Cieux de lui indiquer la voie à suivre. Un soir d'été de 1923, saint Théodose apparut de nouveau à Mère Rachel et la réprimanda: "Pourquoi ne veux-tu pas recevoir les gens? Où veux-tu aller? Ceux qui veulent te voir te sont envoyés par la Mère de Dieu Elle-même. Si tu ne veux pas les recevoir, cela ira mal! Tu ne pourras pas franchir le seuil que la Mère de Dieu te frappera, car c'est elle-même qui t'a ordonné de recevoir le peuple qui souffre."

Dès lors, disait elle-même Mère Rachel, je n'ai plus refusé à personne, je suis restée toute la journée a la disposition des pèlerins pour les consoler et leur offrir le thé.

Et effectivement, dès Le matin on se pressait à la porte de sa petite cellule. Les gens de toutes conditions venaient confier à Matouchka leurs chagrins, leurs nécessités, leurs doutes, leurs questions, ils venaient se repentir de leurs fautes. Matouchka les accueillait tous volontiers, les consolait, répondait à leurs questions et parfois, sans même les entendre, donnait, en visionnaire, les conseils, parlait en paraboles dans lesquelles nombreux étaient ceux qui se reconnaissaient.

Parfois, tombant à genoux, elle se mettait a prier avec les affligés: "Mère de Dieu! Tu vois Toi-même les chaudes larmes de ces braves gens. Dirige Toi-même leur vie dans le bien! Fortifie en eux la foi dans Ton Fils, Notre Seigneur Jésus-Christ. Réchauffe-les par l'amour mutuel et par l'amour du prochain. Mère de Dieu, je Te les confie, sois leur aide en toutes leurs œuvres, conduis-les sur la voie droite! Mère de Dieu, bénis-les Toi-même par Ta droite toute puissante, et non par ma main périssable comme Toi-même Tu me l'as promis!"

Malgré son âge très avancé, Mère Rachel était étonnamment vaillante et infatigable, elle avait une mémoire excellente et sans lire les journaux, elle avait une idée très exacte de la vie dans le monde, autant que de la vie spirituelle et pouvait trouver comment parler à n'importe qui.

La journée de Mère Rachel se passait comme suit: jusqu'à trois heures du matin elle priait, de temps en temps se plongeait dans la contemplation. A ce moment elle était souvent visitée par la Reine des Cieux en personne. Puis ensuite Mère Rachel s'accordait quelques instants de repos dans un fauteuil et à quatre heures du matin elle commençait à préparer le repas des pèlerins. A sept heures le thé était déjà prêt et les premiers visiteurs arrivaient.

Toute la journée, à la table de sa petite cellule, hommes et femmes et enfants, riches et pauvres étalent à sa table. Elle les écoutait patiemment et leur offrait à manger. La nourriture était extrêmement simple: soupe aux choux, bouillie de gruau, pâtes, pommes de terre. Mais tout était remarquablement nourrissant, comme le remarquaient tous ceux qui avaient le privilège de dîner chez Mère Rachel. Et nombreux étaient ceux qui après avoir été reçus par elle, guérissaient de leurs maux physiques. Pratiquant une ascèse extrême, Mère Rachel elle-même ne prenait jamais place à table, se bornant à faire le service et à donner des mandements sans jamais arrêter de prier. Le matin elle se permettait de boire une tasse de thé et à midi cinq cuillers à café d'une quelconque nourriture, sans beurre. Parfois au milieu de la journée elle était épuisée et se reposait un quart d'heure ou vingt minutes dans un fauteuil. Mais ensuite elle continuait de recevoir les gens.


Version française

Françoise Lhoest

que nous remercions  chaleureusement





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