jeudi 31 octobre 2013

Leo OLSON: Quelle langue est-ce ? (3)




Nous avons eu un prêtre né en Syrie. Il parlait très bien l’anglais, avec un léger accent, mais était assurément bilingue, et rêvait probablement encore en arabe. Notre famille l'aimait, même si son séjour fut bref dans notre paroisse. Parfois, au cours de la Divine Liturgie, il lisait les prières sacerdotales en arabe. Ces prières sont censées être silencieuses, selon le missel rouge à disposition sur le banc, mais la plupart des prêtres les disent à voix basse. C'est une expérience "culturelle" amusante que d’essayer de suivre l'arabe qui est lu par le prêtre de droite à gauche et dans le livre est écrit de gauche à droite en anglais. Toutefois, sur ce point particulier le dimanche matin, c'était plus que les prières silencieuses du prêtre, il faisait en arabe, presque l'ensemble de l’office. Ma femme pourrait dire que des abeilles bourdonnaient autour de ma tête pendant l’office à cause de cela.
Peu après avoir rejoint cette ancienne et sacrée tradition de célébration, j'étais capable de formuler mes propres pinaillages pécheurs. Cela arrive à tout le monde. Nous avons tous ces taupinières dont nous faisons des montagnes de temps en temps. La langue arabe qui dominait les services était la mienne. J'avais désespérément besoin de guérison et  toute ma vie intérieure tournait autour de l'apprentissage du culte orthodoxe, pas autour d’un cours de langue. Plus de la moitié de la Divine Liturgie, notre prêtre n'utilisait toujours pas l’anglais. Je me suis penché vers l'avant et j'ai demandé à une femme d'origine palestinienne en face de nous : Qu'est-ce qu'il dit? "
C’était très mal pour moi de faire cela. Je savais qu'il n'y avait rien de bon qui résulterait de cette demande. En tant qu'immigrante, elle n'a pas, Dieu merci,  saisi le sarcasme américain frustré sortant de mes blessures spirituelles à la tête. Mais ma femme savait très bien où mon cœur était et je pouvais sentir son regard à l'arrière de ma tête.
La femme, se pencha en arrière et dit : " Je ne sais pas. Je ne comprends pas son accent." J'ai ri sous cape et me suis penché en arrière. Ma femme me regardait avec des yeux qui disaient que J'avais franchi la ligne. Je murmurai pour elle : "Même elle ne sait pas quelle diable de langue c'est." Ses yeux devinrent durs, et elle répondit: "Tu as un problème et tu devrais faire attention à ton propre langage avant de critiquer le prêtre." Ensuite, j'ai parlé avec le prêtre de sa "surutilisation" de l'arabe dans l’office. Je lui ai dit que je venais ici pour le culte et que l'arabe était un problème pour moi. "Je ne sais pas ce que vous dites là (pendant l’office)". Je pourrais dire qu'il a senti ma blessure spirituelle à la tête dans le ton que j’employais.
" Habibi", (en arabe bien-aimé ) Dieu n’a-t-il pas été loué et glorifié aujourd'hui, même si tu ne connaissais  pas les mots ? " A-t-il demandé. Il me sourit sans qu’une autre parole de correction ne soit nécessaire. J'ai répondu par un sourire, plein de honte intérieure d’avoir laissé mes blessures spirituelles à la tête se déchaîner ainsi.

Version française Claude Lopez-Ginisty
D'après

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