jeudi 28 mars 2013

George Skambardonis: Le staretz Païssios et le lait bouilli durant le Grand Carême



Par George Skambardonis

A Panagouda, la Cellule du staretz Païssios, il y a deux visiteurs de Thessalonique. Ils se tiennent debout, appuyés sur le châtaignier. Tous deux dans la cinquantaine, ils sont pâles et acariâtres. Ils semblent faire partie d'une organisation ecclésiastique, parce qu'ils sont à la recherche de reproches à faire au staretz, et échangent à voix basse des commentaires. Les enfants jouent, faisant du bruit - sur quoi Païssios se retourne et dit à voix basse:

"Ne faites pas de bruit, car à côté, sous la terre, les Américains sont cachés et nous allons les réveiller, et ils viendront interrompre notre silence."

Les enfants s'arrêtent, et sont silencieusement perplexes. À l'autre extrémité, John est appuyé de côté contre le rocher au sommet de son sac. Il allume une cigarette. Les deux visiteurs, qui semblent être des piétistes difficiles, continuent à regarder le staretz avec désapprobation, tandis qu'il fait bouillir du lait furoncles et veille à ce que cela ne déborde pas. L'un d'eux ne peut plus le supporter et dit au moine:

"Staretz Païssios, nous sommes dans les premiers jours de Carême, nous avons un jeûne strict, et tu fais bouillir du lait pour le boire?"

Le staretz est silencieux. Il ne répond pas. Il saisit le pot et l'enlève du feu, puisque le lait est bouilli.

Il passe ensuite dans sa cellule, et rapporte six vieilles petites tasses en porcelaine, il les met côte à côte, et verse soigneusement le lait dans chacune d'elles. Il attend un peu pour qu'il refroidisse, tandis que tout le monde le regarde avec étonnement et en silence. Les deux piétistes observent cela avec dégoût, en pensant que, comme il y a six visiteurs et six tasses, peut-être le moine va-t-il leur offrir du lait pendant ces jours de jeûne strict.

Le staretz Païssios prend les tasses pleines, une par une, les place sur un plateau en bois, et les porte à sept mètres de là, où il les place en bas sur la terre, au bord d'un buisson.

Il les met là, dans l'ordre, puis il vient, s'assoit à côté de nous, et commence à faire quelque chose avec sa bouche en silence, un étrange sifflement, tout en regardant vers les buissons. A peine quelques instants passent, et là-bas, dans les buissons, sort avec  beaucoup de précaution une vipère avec cinq petits serpents - ses enfants. Je retiens mon souffle.

Les serpents viennent, tous se rapprochent, un par un, rampant, en passant à côté de nous, et ils vont lentement, lentement vers les tasses, et commencent à boire tranquillement, sirotant leur lait du matin.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après 
Επί ψύλλου κρεμάμενος (Κέδρος 2003)
dans la version anglaise 
de John Sanidopoulos
sur le blog 

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