lundi 9 avril 2012

Saint Jean Cassien: Extrait des Conférences/ De la contemplation


Lorsqu'un homme se procure les instruments de son art, il ne s'imagine pas que leur simple possession suffira pour le faire réussir, et il sait bien que ce sont seulement des moyens pour aider son adresse et pour exceller dans son art. De même dans notre état, les jeûnes, les veilles, la méditation des Écritures, la pauvreté, la privation de toutes choses, ne sont pas la perfection, mais les instruments de la perfection; la fin de notre profession, mais les moyens d'y parvenir. 
Celui qui verrait dans ses exercices le souverain bien, et y bornerait ses efforts, serait dans l'erreur; il posséderait les instruments de sa profession ; mais il n'en connaîtrait pas la fin véritable, qui seule mérite la récompense. Ainsi tout ce qui peut troubler la paix et la pureté de notre âme doit être évité, quelque utile et nécessaire que cela nous paraisse. C'est la règle sûre pour éviter toute erreur et ne pas nous écarter de la ligne droite que nous devons suivre pour arriver au terme de nos vœux.
Notre principal effort, la pensée fixe de notre coeur est de nous occuper sans cesse de Dieu et des choses divines. Tout ce qui peut nous en distraire, quelque grand que cela puisse être, doit nous paraître secondaire et nuisible même. Cette obligation de notre esprit est parfaitement représentée dans l'Évangile par l'histoire de Marthe et de Marie.
Marthe travaillait saintement, puisqu'elle servait Notre-Seigneur et Ses disciples, tandis que Marie, tout entière à la doctrine de Jésus, se tenait à Ses pieds, qu'elle baisait et qu'elle embaumait des parfums d'une humble confession ; c'est à elle que le Seigneur donne la préférence, déclarant qu'elle a choisi la meilleure part et qu'elle ne lui sera point enlevée. (Luc 10:42.) Marthe se fatiguait dans ses pieuses occupations, et comme elle voyait qu'elle ne pouvait pas y suffire, elle demandait au divin Maître l'aide de sa soeur. « Ne vois-Tu pas, Lui disait-elle, que ma soeur me laisse servir seule; dis-lui de m'aider.» 
Elle l'appelait ainsi à une oeuvre qui n'était pas méprisable, mais sainte ; et, cependant, quelle fut la réponse du Sauveur? «Marthe, Marthe, tu t'agites et tu te troubles de bien des choses. Mais il en faut peu, et une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, et elle ne lui sera pas enlevée. » Vous voyez que Notre-Seigneur met le bien principal dans la théorie, c'est-à-dire dans la contemplation divine. Ainsi toutes les autres vertus, quelque utiles et nécessaires qu'elles nous paraissent, ne doivent être estimées qu'au second rang, parce qu'elles servent seulement à acquérir la principale.
Quand Notre-Seigneur dit : « Tu t'agites et tu te troubles de beaucoup de choses, quoiqu'il y en ait peu et qu'une seule même soit nécessaire,» Il place le souverain bien , non pas dans l'action , quelque louable et profitable qu'elle soit, mais uniquement dans la simple contemplation de Lui-même. Il déclare que peu de choses sont utiles pour arriver à cette parfaite béatitude, à cette théorie que nous enseigne l'exemple de quelques saints. Le progrès consiste à les imiter, en s'appliquant à contempler Dieu en eux, jusqu'à ce que, avec l'aide de la Grâce, nous nous élevions au-dessus de leurs grandes actions pour jouir de la vue et de la beauté de Dieu même. 
Marie a donc choisi la meilleure part, qui ne lui sera pas enlevée. Il faut remarquer qu'en disant : « Marie a choisi la meilleure part, » Notre-Seigneur ne parle pas de Marthe et ne paraît pas la blâmer, Il loue seulement sa sœur, et il lui donne le second rang. Quand il ajoute : « Cette part ne lui sera pas enlevée, » il montre que la part de Marthe ne lui sera pas conservée, car les actions extérieures cesseront avec la vie de l'homme, tandis que la contemplation de Marie ne finira jamais.

Saint Jean Cassien
Conférences
d'après l'édition française de 1868
traduction 
E. Cartier
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On peut trouver ce texte à télécharger sur plusieurs sites 
dont le site de 
qui a beaucoup d'autres ressources orthodoxes intéressantes
(Il faut seulement adapter les citations de l'Ecriture qui utilisent le vouvoiement en usage dans les antiques traductions françaises)

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