vendredi 11 novembre 2011

Un chemin vers saint Silouane (XVIII)




"Sans la sainte Eglise visible, il n’y aurait pas les Saints Mystères du Christ sans lesquels l’homme ne peut hériter la Vie éternelle. Les prières durant les offices ecclésiaux ont une telle puissance et une telle signification, que même les mots « Kyrie éléison » surpassent tous les exercices que l’on pourrait faire en cellule. C’est pourquoi les saint Pères, comprenant cela, lorsqu’ils se tenaient à l’église pendant le service divin, pensaient se tenir au Ciel devant le trône même de Dieu".
Saint Antoine d’Optino

Avant la prière personnelle, il est évident qu’il y a la prière en Eglise, et que c’est elle qui prépare à la rencontre du Seigneur dans l’ermitage du cœur.
Le staretz Silouane a vécu au monastère sacré de Saint-Pantéléimon. Il a régulièrement assisté régulièrement aux offices et communié aux Mystères très purs du Corps et du Sang du Christ. Notre prière personnelle, comme la sienne, doit trouver son origine dans la communauté ecclésiale. Il y aurait grande témérité à vouloir se passer de celle-ci pour prétendre faire seul son salut. Cela ne mènerait qu’à l’illusion spirituelle. Illusion spirituelle serait aussi la prétention, pour nous laïcs, de vivre en pleine solitude afin de mieux nous préparer au face à Face salvifique avec Dieu dans la prière. 
Les meilleurs disciples du staretz, ceux qui ont permis que son enseignement soit répandu à la surface de la Terre, vivent en communauté à Maldon, au monastère Saint-Jean-Baptiste. Comme le staretz, ils sont nourris des trésors spirituels de l’Eglise, c’est-à-dire de ses offices et de ses sacrements.
Il y a danger évident de vouloir faire de l’enseignement de saint Silouane une méthode d’oraison hésychaste détachée de son contexte qui est celui de l’Eglise Orthodoxe, de ses enseignements et des Saints Dons qu’elle accorde à ses fils et à ses filles. Ce serait une grande erreur de penser qu’il y a dans la leçon spirituelle du staretz au monde une simple "mécanique" spirituelle arrachée à son socle, à savoir l’Eglise Par une humilité feinte et une pseudo charité, peu conformes à l’enseignement chrétien bimillénaire, d’aucuns prétendent que nul ne peut posséder la Vérité pour affirmer, en singeant René Guénon, que toutes les vérités se valent. Mais la Vérité pour nous chrétiens, n’est pas un objet ou une idée que l’on possède, elle s’incarne dans la Personne du Christ qui a dit: " Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie." 
Il nous a laissé l’Eglise qui est l’écrin de cette Vérité dans ses enseignements inspirés par l’Esprit Saint) Il arrive que dans certains milieux, on manifeste également l’intention de dépasser le staretz et son enseignement purement orthodoxe. Autant est légitime la vénération du saint staretz par les non-orthodoxes et les non-chrétiens, (quels qu’ils soient et où qu’ils soient car la Vérité appartient à tous), autant il est aberrant de vouloir forcer son enseignement dans le sens d’un relativisme qui, diluant la valeur intrinsèque de son message, en ferait l’instrument d’analyse et la voie d’oraison , d’égale valeur d’un "maître" parmi d’autres maîtres, dans une hiérarchie où le Christianisme ne serait qu’une foi parmi beaucoup d’autres fois. 
L’étape suivante, après avoir nié la pertinence de son enracinement dans l’Eglise Orthodoxe, consistera bientôt à porter un regard critique sur "sa méthode" avant de comparer son efficacité par rapport à d’autres techniques, religieuses ou profanes, pour finalement en faire un simple objet de spéculation intellectuelle.
Dans l’Eglise,, ce sont les moines qui peuvent le mieux nous éclairer sur la pensée du saint staretz, et comme nous l’avons dit précédemment, c’est dans les monastères que nous pourrons le mieux progresser dans la compréhension de son message au monde. 
C’est encore dans l’Eglise et ses sacrements que nous trouverons un appui ferme pour partir à l’assaut du Royaume. "Un seul Kyrie éléison peut remuer le ciel et la terre", disait un Père athonite.
La prière commune dans l’Eglise lors de la célébration eucharistique, nous permet de vivre hors du temps, dans le Royaume. Nous ne pouvons en faire l’économie. Elle est le Ciel descendu sur la Terre des Vivants. Rassemblés au Nom du Christ, nous savons selon Sa promesse Qu’Il est présent parmi nous avec le Père et l’Esprit. Les anges, les prophètes, la Mère de Dieu Très Pure et les saints sont aussi mystiquement avec nous. Nous entrons en vérité dans l’Eternité. Les Saints Mystères du Corps et du Sang du Christ abolissent alors la distance qui nous sépare des défunts, car ils reçoivent comme nous les Saints Dons par la commémoration que nous faisons d’eux dans nos dyptiques. 
L’Eglise est le lieu de Communion parfaite, le pont entre le Ciel et la terre. Là est la possibilité incommensurablement sainte de recevoir véritablement en nous le Christ par l’Eucharistie, et d’être déifié autant que le permet notre nature ici-bas. Saint Silouane communiait deux fois la semaine et chaque jour au temps de sa maladie… Les Pères appelaient la Divine Communion ‘pharmakon’ c’est-à-dire le remède !
Le superbe athlète du Christ, le staretz Gérassime (Ménagias) posait la question suivante : "Pourquoi le Christ désire-t-il si grandement que nous Le recevions dans la Sainte Communion ?" Et il répondait : "Parce que l’amour désire et n’a d’autre but que notre union avec Sa divinité." Il ajoutait : "On dit qu’il y deux sortes d’hommes qui devraient fréquemment recevoir la Communion : les parfaits pour préserver leur perfection, et les imparfaits pour atteindre cette perfection." ( Archimandrite Cherubim, Contemporary Acsetics of Mount Athos, Vol II, Saint Herman of Alaska Brotherhood, Platina, USA, 2000, pp. 693-694)
Nous avons tous besoin des offices de l’Eglise pour notre pèlerinage vers les Cieux. Quiconque a assisté à une Divine Liturgie célébrée par le Père Sophrony ou ses moines à Maldon, a pu constater l’extrême attention portée à la célébration, son caractère saint et, partant, l’importance dans la vie spirituelle des offices liturgiques. Leurs buts, "c’est la sanctification des fidèles, qui par ces Mystères, reçoivent la rémission des péchés, l’héritage du Royaume des Cieux et tout ce que cela implique." ( Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la Divine Liturgie, Sources Chrétiennes 4 bis, p. 57). 
"Nous avons besoin d’être sanctifiés […] par tous les rites de la Liturgie Sacrée […] dans ces formules et ces rites nous voyons la représentation du Christ, des œuvres qu’Il a accomplies et des souffrances qu’Il a endurées pour nous." ( Saint Nicolas Cabasilas, op. cit. p. 60) "Comment dans une telle atmosphère, dans la présence vive de tant de saints, de saintes figures, d’icônes, de reliques, de souvenirs…Comment une vie de sainteté pourrait-elle ne pas s’épanouir ?" ( Archimandrite Cherubim, op.cit. p 540)
Dans l’Eglise est aussi le Lieu privilégié de Dieu où dans les ecténies, nous prions pour tous les hommes, "pour tous ceux qui se trouvent dans les périls, les adversités, les infortunes, mais simplement pour tous ceux du monde tout entier." (Saint Nicolas Cabasilas, op. cit. p. 113)
Lorsque nous sommes éloignés des lieux de cultes, nous pouvons être avec les disciples par l’enseignement de Maldon, qui nous offre aussi l’office de la prière de Jésus, tel qu’il fut conçu par le Père Sophrony pour garder en nous " l’atmosphère monastique" qui est salutaire à notre cheminement dans le monde.

© Claude Lopez-Ginisty
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Une première version de ce texte 
a été publiée
aux 
Editions du Désert 
en 2003 
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