mardi 8 novembre 2011

Un chemin vers saint Silouane (XV)




Le staretz Damascène de la skite de Sainte-Anne avait pour habitude de prier ainsi : "Seigneur, fais que tous les idolâtres, les incroyants, les athées et les hérétiques se repentent, qu’ils apprennent la vérité et qu’ils croient en Toi, afin de devenir un seul troupeau avec un seul berger et qu’ils Te glorifient Toi le vrai Dieu dans la Trinité, Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, afin que nul d’entre eux, ô mon Seigneur, ne soit exclu du Paradis."
Patéricon Athonite


Le saint Staretz nous a demandé, à la suite du Christ, de renoncer au jugement des autres pour progresser vers le Royaume. C’est notre jugement des autres qui nous condamne aux yeux de Dieu. Avec saint Silouane, nous pouvons dire : "Je suis attristé parce que je vis avec négligence, mais je ne peux pas faire mieux. Je sais que je suis peu intelligent, presque illettré et pécheur, mais voici, le Seigneur aime aussi de tels hommes et c’est pourquoi mon âme aspire de toutes ses forces à travailler pour Lui". (Ecrits, p. 417).
Ainsi devons-nous revenir au saint staretz lorsque, par le découragement, nous pensons soudain que Dieu est las de notre médiocrité et que nous ne progresserons jamais dans la vie spirituelle. Mais nous devons aussi comprendre ce qu’implique exactement travailler — et de toutes ses forces — pour Dieu ! Le Seigneur ne nous a appris qu’une seule prière lors de sa venue sur la Terre des vivants. Dans cette prière, nous demandons, à la fois que Son Nom soit sanctifié, que Sa volonté soit faite, que Son règne arrive et nous réalisons avec le saint que cela n’est possible qu’avec la grâce du Saint-Esprit, lorsque nous vivons de et par l’amour de Dieu qui ne connaît aucune limitation.
Les Pères le disent : l’amour et la justice ne peuvent cohabiter. Comment la justice serait-elle compatible avec l’amour fou de Dieu ? Etait-il juste qu’Il sacrifie Son Fils unique pour des pécheurs ? Dans l’enthousiasme de la conversion, tout nous paraît possible, même cet amour. Viennent les épreuves ou les simples difficultés inhérentes à toute vie spirituelle, et nos belles certitudes s’estompent et le désespoir s’immisce dans notre âme et la torture, lorsque nous comprenons qu’il faut choisir entre Christ et le monde. 
Le dépouillement qui nous paraissait admirable nous devient soudain insupportable, et nous aimerions pouvoir concilier deux choses inconciliables. Nous sommes le jeune homme riche qui veut bien du Christ mais refuse de renoncer à ses richesses, malgré tout l’amour qu’il prétend avoir pour le Seigneur. 
Nous devons commencer modestement mais fermement notre ascèse de renoncement. Il devrait être aisé d’abandonner ce qui ne nous concerne pas, et qui nous est très nuisible. Ce à quoi nous devons, nous, renoncer, c’est d’abord et avant tout à l’esprit de jugement, à l’acquiescement même à l’esprit de jugement. C’est un premier pas. L’intercession du staretz nous y aidera. 
Alors qu’on essayait de lui faire critiquer un de ses collègues économes au monastère athonite de Saint Pantéléimon, et malgré les preuves accumulées contre cet homme, saint Silouane ne se permit même pas d’approuver les critiques de ses compagnons. Mais il revint vers un des "juges" et lui demanda :
— Père M., … depuis combien d’années es-tu au monastère ?
— Trente-cinq ans.
— M’as-tu une fois entendu juger quelqu’un ?
— Non, jamais.
— Alors quoi ! Veux-tu que je me mette maintenant à blâmer le père P. ? ( Archimandrite Sophrony, Op. cit. p.60)

© Claude Lopez-Ginisty
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Une première version de ce texte 
a été publiée
aux 
Editions du Désert 
en 2003 
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