samedi 12 novembre 2011

Un chemin vers saint Silouane (XIX)


Le staretz Philarète, injustement accusé de vol et jugé à Thessalonique fut condamné à payer une amende. Il évita la prison grâce à la générosité d’un fidèle. Comme il n’était plus allé dans le monde depuis cinquante ans, on lui demanda comment il avait trouvé les gens. "Que puis-je vous dire, mes Pères ? Ils étaient tous pressés et affairés pour leur salut. Je suis le seul négligent et paresseux". 
Patéricon Athonite

La voie que nous trace le saint staretz Silouane est ardue, mais fort claire. Si nous devions la résumer brièvement afin qu’elle soit pour nous comme une règle de vie, nous le ferions ainsi.
Dieu est amour. A moins de devenir nous-même amour, nous ne parviendrons pas à nous unir à Lui. Cette mort dès cette vie par le péché et l’indifférence, doit nous faire prendre le chemin du repentir. Dieu Qui est sans discontinuer à nous attendre, nous accorde alors Son amour sans mesure. Nous vivons ensuite à la fois le regret et le remords incommensurable du péché et l’exultation bienheureuse d’un avant-goût du Royaume. Cet enthousiasme en Dieu fait place quelquefois à une exaltation qui, si on ne la combat pas par l’humilité, nous conduira à l’illusion spirituelle. 
L’exaltation passée, le monde terrestre ne paraît plus transfiguré à nos yeux. C’est par la grâce de Dieu et par notre coopération avec Lui que ce monde pourra être à nouveau illuminé par la Lumière. La clef de ce monde transfiguré, où au Ciel comme sur la Terre s’accomplit la volonté de Dieu, est l’amour du frère et de tous les hommes créés à l’image et à la ressemblance de Dieu. "Il n’est de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis", ( Jean 15, 13) a dit le Christ à Ses disciples, donc à saint Silouane qui a illustré cette Parole par sa vie, et à chacun d’entre nous, si notre liberté l’accepte avec la Grâce de Dieu.
L’autre doit donc devenir mon frère, tout homme doit devenir mon frère. L’existence de l’autre va me devenir essentielle. "Ceux qui haïssent leurs frères et les rejettent sont amputés de leur propre existence. Ils n’ont pas connu le vrai Dieu qui est Amour embrassant tout, et n’ont pas trouvé la voie qui mène à Lui". (Archimandrite Sophrony, op. cit p. 117)
Cet amour exigeant, impossible sans la grâce de Dieu, qui nous fait "inclure les autres dans [notre] existence personnelle, devra toujours se faire devant le Christ. Hors du Christ, aucune expérience spirituelle mystique ne permet à l’homme de connaître l’Etre divin en tant qu’Objectivité Une, absolue et inconcevable, en Trois Sujets absolus et inconcevables, autrement dit en tant que Trinité consubstantielle et indivisible. Mais dans le Christ, cette Révélation, cette connaissance, devient lumière de la vie éternelle, illuminant toutes les manifestations de la vie humaine" (Archimandrite Sophrony, op. cit., p. 184).
Nous garderons la Tradition afin que "la vie religieuse [ne devienne pas] cérébrale et [qu’elle ne prenne pas] la forme d’une connaissance abstraite" ( Archimandrite Sophrony, op. cit., p. 87), car c’est "la sainte Tradition qui est la source de l’Eglise" ( idem).
Avec la grâce de Dieu, nous approfondirons notre vie de prière comme le fit le staretz en consultant dès le début de notre chemin de prière, un Père spirituel et en apprenant l’obéissance.
Nous ferons mémoire constante de ce que la Vérité est le Christ, vrai homme et vrai Dieu, et nous ne mêlerons pas Son enseignement salvifique à d’autres doctrines.
Par la prière de Jésus, notre souffle restera dans la constante mémoire de Dieu. Par la garde des Commandements, nous resterons à la foi dans Sa Loi et Son Amour.
Le combat sera rude mais par la parole du Christ à Silouane, nous savons que même en Enfer il ne faut pas désespérer. Nous savons que Dieu sera toujours à nos côtés, même lorsque nous souffrirons de ce que nous croyons être Son absence.
Il nous faudra Le prier afin de parvenir à cette haute cime où nous pourrons véritablement parler de Lui comme de notre Père véritable, ainsi que le faisait le saint staretz Silouane.
Nous resterons confiants, non dans notre intelligence bornée qui imagine plus qu’elle ne voit les réalités de Dieu, mais dans la parole de salut que le Père Sophrony nous donna en écrivant : "Un croyant humble et simple se libère du pouvoir de l’imagination par une aspiration totale à vivre selon la volonté de Dieu. Cela est à la fois SIMPLE et si "caché aux sages et aux intelligents", qu’il est impossible de la communiquer par la parole" (Archimandrite Sophrony, op. cit., p. 155). 
Nous avons souvent le mépris de la simplicité. Si "le salut consiste à recevoir une vie identique à celle de Dieu" (Archimandrite Sophrony, op. cit., p. 175) nous avons l’exemple suprême de la vie du Christ sur terre. Nous pouvons relire Ses paroles et y apprendre la simplicité perdue et être en chemin vers Lui Qui est la Vie.
"Il se peut que la plupart des fidèles chrétiens n’aient pas, au cours de leur vie, vécu leur propre résurrection, mais ils y croient et leur foi les protège. Le staretz parlait souvent de cette foi en citant les paroles du Seigneur : "Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru" (Jean 20, 29). Nous avons vu la résurrection de certains de nos frères et comme membres du Corps du Christ, cela nous est — en plus de la Parole du Seigneur — l’assurance ferme de notre propre résurrection. Nous avons aussi entendu beaucoup de paroles de vie des lèvres du bienheureux Père Sophrony ou de ses disciples et "grâce à la consubstantialité du genre humain, la parole peut parfois provoquer une expérience authentique dans l’esprit de l’interlocuteur et susciter en lui une nouvelle vie" (Archimandrite Sophrony, op. cit., p. 201).
La pensée d’humilité selon laquelle tous les hommes seront sauvés sauf nous, nous permettra de nous garder de l’orgueil spirituel et du jugement des autres au temps d’exaltation. La pensée du Jugement et de la mort seront au début de notre chemin et à sa fin.
Nous chuterons et nous nous relèverons sans cesse, fortifiés par l’exemple du staretz Silouane, et nous prierons comme lui pour le monde entier, puisque tout homme, par la grâce de Dieu, deviendra ce qu’il est "notre propre vie", aux yeux du Seigneur.
Nous ne chercherons que la liberté en Dieu et non celle du monde qui "n’est pas liberté mais […] domination du péché sur nous" ( Archimandrite Sophrony, op. cit., 64).
Nous demanderons au saint staretz et au bienheureux Père Sophrony d’intercéder pour nous afin que nous trouvions, suivant les paroles de saint Silouane "le repos en Dieu" ( Archimandrite Sophrony, op. cit., p. 280).
Nous nous souviendrons de l’essentiel…
"On ne peut vivre en chrétien ; on ne peut que mourir en chrétien. Tant que l’homme vit dans ce monde, dans cette chair, il est toujours comme recouvert d’un voile, et ce voile ne lui permet pas de demeurer parfaitement et sans interruption en Dieu vers qui son âme s’élance. Tant que l’homme est revêtu de chair, cet aspect de sa vie le maintient toujours dans la contingence de l’existence terrestre ; aussi chacune de ses actions porte-t-elle également ce caractère de relativité, et n’arrive à la perfection que par le grand mystère de la mort, qui apposera le sceau de la vérité éternelle sur tout le chemin parcouru durant sa vie, ou, au contraire, en démasquera le mensonge. En tant que destruction de la vie organique du corps, la mort est semblable pour tous les hommes, mais, en tant qu’événement spirituel, elle prend pour chacun un sens et une signification particuliers. (Archimandrite Sophrony, Op. cit. p. 231-232)

© Claude Lopez-Ginisty
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Une première version de ce texte 
a été publiée
aux 
Editions du Désert 
en 2003 
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