dimanche 6 novembre 2011

Un chemin vers saint Silouane (XIII)



Le staretz Modeste de Kostamonitou disait souvent : "A moins de ressentir toute l’humanité comme nos frères et sœurs, et de savoir qu’ils sont nos frères et sœurs, le Saint-Esprit n’habitera jamais en nos cœurs. Le Seigneur aime mêmement tous les êtres, le plus grand pécheur et l’homme le plus saint. Nous devrions de la même manière étreindre tout homme dans notre cœur. L’amour est tolérant, il est généreux, il supporte tout. Dieu est Amour "  
Patéricon Athonite

Le début de l’humilité est peut-être là, dans cette reconnaissance douloureuse que nous disons aimer Dieu sans vouloir, ni pouvoir quelquefois faire ce qu’Il nous recommande. Que l’habitude jamais ne s’installe dans notre vie en Dieu et que le Christ soit à nos côtés lorsque nous entreprendrons les combats spirituels qui ne manqueront pas de se faire jour. "Celui qui prie de tout son cœur connaît bien des épreuves dans la prière : il se trouve en lutte avec l’Ennemi, en lutte avec lui-même, avec ses passions, en lutte avec les hommes ; et en tout cela, il s’agit d’être vaillant" (Archimandrite Sophrony, op. cit., p. 276). Ce que l’on acquiert intérieurement par la prière se perd extérieurement par "les jugements, les vaines paroles et l’intempérance" (Archimandrite Sophrony, op. cit., p. 277).
La tentation peut nous venir de croire que tout cela est vain, inutile et illusoire, et peut nous amener à considérer que certains déséquilibres de comportement, inhérents à notre nature déchue peuvent être créés par le fait de prier. Le staretz remarque aussi que certains pensent que la prière peut être responsable du "prelest" (illusion spirituelle), mais il s’insurge contre cette erreur, disant que ce "prelest" vient de la confiance en soi présomptueuse, et non de la prière.
La prière est rencontre. Pourquoi nous semble-t-il parfois que Dieu n’est pas venu à l’entretien que nous désirions avoir avec Lui ? Nous avons — nous le croyons — tout fait selon l’usage ou notre habitude et aujourd’hui — et souvent — Il n’est pas là. Si nous examinons notre âme, si nous sommes honnêtes, nous pourrons peut-être remarquer que nous agissons avec Lui comme avec les gens du monde. Il se doit d’être là puisque nous avons décidé de Lui parler. Nous nous efforçons dans la prière et nous n’avons pas de "résultat". 
Mais Dieu est toujours là. Nous ne Le voyons pas parce que notre esprit mortel est ailleurs, ou bien parce qu’au tréfonds de notre âme, un péché pèse plus particulièrement sur notre conscience et nous empêche de Le rencontrer. Dire qu’il suffit de l’aveu de notre faiblesse, de notre impuissance, même de notre manque d’amour, pour qu’Il nous console soudain ! 
Malheur à nous si nous nous éloignons de Dieu Qui jamais ne S’est éloigné de nous dans la prière ! Par l’humilité, même aux pires moments de notre vie, de notre péché, nous gardons avec Dieu le contact de Son Saint-Esprit donateur de vie. "L’âme en perdant l’humilité, perd en même temps la grâce et l’amour envers Dieu, et alors la prière ardente s’éteint ; mais lorsque les passions s’apaisent dans l’âme, et que celle-ci acquiert l’humilité, le Seigneur lui donne Sa grâce" (op. cit., p. 278). Cette grâce nous vient par le Saint-Esprit…
Et le Saint-Esprit de Vérité, "partout présent et emplissant tout" selon la prière que nous Lui adressons dans l’Eglise, nous aidera dans notre lutte contre l’esprit paralysant du monde. C’est pourquoi nous devons Lui demander de véritablement venir faire Sa demeure en nous. Il nous apprendra tout ! "C’est une prière, un vœu, une profession de foi qui nous confèrent l’Esprit Saint et les dons divins, qui purifient le cœur, et qui chassent les démons. C’est la présence de Jésus en nous, source de réflexions spirituelles et de pensées divines. C’est la rémission des péchés, la guérison de l’âme et du corps, le rayonnement de l’illumination divine, c’est une fontaine de divine miséricorde qui répand sur les humbles la révélation et l’initiation aux mystères de Dieu. C’est notre seul salut, car elle contient en elle le Nom sauveur de notre Dieu, le seul Nom auquel nous puissions faire appel, le Nom de Jésus-Christ, le Fils de Dieu ; car il n’est pas d’autre nom sous le ciel qui ait été donné, par lequel nous puissions être sauvés  (Actes 4, 12)". (Syméon de Thessalonique – 118).
Pendant les offices, avec les autres fidèles en partance pour le même pèlerinage, la lutte paraît simple. Seuls, nous sommes plus démunis, mais nous ne devons pas abandonner la prière. C’est pourquoi le saint staretz nous recommande de rentrer en l’église intérieure pour y prier. "Tu ne peux pas emporter l’église avec toi et tu n’as pas toujours de livres, tandis que la prière intérieure est toujours et partout avec toi" ( Archimandrite Sophrony, op. cit., p. 276).
C’est dans ce lieu que, suivant l’injonction du Christ, nous adorerons en Esprit et en Vérité (Jean, 4, 24). Il nous faut donc construire spirituellement notre ermitage du cœur et nous y réfugier le plus souvent possible pour rencontrer Celui Qui nous a donné la Vie. Quand nous l’aurons trouvé, ne serait-ce qu’une fois dans notre vie de prière, le simple fait de savoir qu’il existe suffira à nous donner l’envie d’en reprendre le chemin, et notre espoir aura un Lieu, un Sinaï intérieur où rencontrer l’Ineffable dans Son humilité extrême, et dans Son ineffable grandeur.

© Claude Lopez-Ginisty
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Une première version de ce texte 
a été publiée
aux 
Editions du Désert 
en 2003 
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