mardi 25 octobre 2011

Un chemin vers saint Silouane (I)


Силуан Афонский

Avant-Propos

Il y avait au temps du Christ des foules d'hommes et de femmes qui se pressaient pour Le voir. Certains étaient si proches de Lui qu’ils pouvaient Le toucher. L’hémorroïsse le fit et elle fut aussitôt guérie. Quant à nous, nous serons comme Zachée sur son arbre, regardant le Seigneur dans l’attente de Son regard, et nous prierons pour qu’Il nous demande soudain, à nous pécheurs indignes de délier les courroies de ses sandales : "Descends de ton arbre !".
Certains accèdent à Dieu tout de suite, notre indignité ne nous permet pas d’être au premier rang. Perchés sur notre arbre — celui du péché —, conscient de Sa présence et de Son amour, nous espérerons entendre cette voix bienveillante de Celui Qui par le Bois vivificateur nous sauve.
Le saint staretz Silouane et l’Archimandrite Sophrony de bienheureuse mémoire seront nos guides dans ce chemin vers le Seigneur.

(Lorsque nous avons écrit ce très modeste opuscule, nous connaissions le livre du Père Sophrony sur le Staretz Silouane, mais nous n’avions pas encore lu celui de M. Jean-Claude Larchet. L’œuvre de Père Sophrony restera un livre de Vie dont nous n’arriverons jamais à extraire tous les trésors et qui nourrira encore longtemps notre foi et notre prière. Par son livre, M. Jean-Claude Larchet qui a déjà donné à l’Orthodoxie ses belles études sur la maladie et la mort, toutes prégnantes de son admirable connaissance des Pères, nous offre à présent un beau livre sur le saint Staretz qui nous permettra de prolonger grandement la joie spirituelle que nous avait procurée la lecture de l’ouvrage de Père Sophrony et d’approfondir notre relation de prière avec saint Silouane.)

+

Si quelqu’un cherche sincèrement et de tout son cœur le salut, Dieu le conduira vers un véritable père spirituel : Ne vous faites nul souci, chacun trouvera celui qui lui convient.
Saint staretz Léon d’Optino

Il n’est pas exagéré que de dire que pour beaucoup d’entre nous, le saint Staretz Silouane a joué un rôle d’éveilleur au Royaume et que sa vie et son enseignement ont, comme une parole christique, redonné sens à notre cheminement quand ils ne l’ont pas initié tout simplement. 
Il a rapproché de Dieu certains d’entre nous et il a dévoilé la Face du Christ à d’autres encore. Mais s’il l’a fait, c’est parce que son enseignement vivant nous était donné par son disciple de bienheureuse mémoire, le Père Sophrony. Il nous a été accordé la grande bénédiction de le connaître et de le rencontrer à de nombreuses reprises. Il était le disciple parfait de son maître Silouane et jamais nous n’avons perçu dans ses paroles ou dans ses actes un autre message que celui de l’amour et de la compréhension pour tous les êtres. Comme le saint staretz, ses livres, libres de toute spéculation intellectuelle stérile, sont en prise directe sur l’Unique et Ultime Réalité : celle du monde divin où nous n’accèderons que par la prière et l’amour immense dont firent preuve les fidèles disciples du Christ après Sa résurrection.
"Kalos geron", beau vieillard, le Père Sophrony était cela, mais bien plus encore. Le sérieux de l’apparence, la noblesse d’allure, la sagesse en barbe blanche ne cachaient pas le pétillement joyeux du regard, le sourire extraordinairement chaleureux et l’immense bonté et compassion qu’il irradiait. Il a été notre père d’élection, même quand il refusait de devenir notre père spirituel. 
Il nous a toujours accueilli, a toujours répondu à nos appels et c’est à travers lui que nous avons vu le saint staretz Silouane. Pendant de nombreuses années, nous devons le confesser avec honte, nous aimions bien vénérer le portrait iconographique de saint Silouane peint par Léonide Ouspensky, mais nous n’aimions pas les fresques et les icônes peintes par Père Sophrony qui représentaient le staretz. Nous pestions en déplorant bien fort qu’il ait osé se représenter lui-même dans ces icônes. Il est vrai que parler de Père Sophrony, c’était parler de son staretz et il était évident pour tout le monde que la raison de vivre de ce disciple parfait était dans la diffusion du salut en Christ à travers cette noble figure de son maître spirituel, les séparer était impossible. 
Nous fûmes longtemps gênés par cette superposition d’images… Après la dormition de Père Sophrony, nous avons été frappés de stupeur : aucune des fresques ou icônes qui m’indisposaient au plus haut point ne lui ressemblait. Il y avait véritablement le staretz Silouane sur ces icônes. Quelqu’un d’autre allait peindre ou graver l’icône de Père Sophrony. C’est alors que nous avons compris ce que signifiait véritablement le grand mystère de "l’image et [de] la ressemblance" et celui de la filiation spirituelle authentique.
C’est par ce Père béni que nous avons aimé le Christ et, à travers lui, nous avons rencontré le staretz qui nous a aidé sur la voie du repentir. Nous l’avons aimé à notre façon, médiocre, quelquefois devinant sa trop haute stature spirituelle — il était un aigle dans notre basse-cour — quelquefois aussi saisi d’une crainte révérencieuse : quand il parlait du Royaume, nous sentions la proximité qu’il avait pour lui et notre éloignement terrible de cette grâce. 
Il se mettait à notre portée — Le staretz Silouane n’était-il pas un simple paysan — et nous faisait une courte échelle spirituelle, usait de métaphores, d’analogies pour nous sortir de notre ornière spirituelle et nous amener sur les hauteurs sans que le vertige ne nous saisisse et nous effraie.
Il voyait avec une extraordinaire acuité les êtres et les choses… Dans les années huitante, il vint en Suisse et lorsqu’il entra dans l’église russe de Vevey, la première chose qu’il dit fut : "Nous aussi nous avons peint Judas quittant la Cène de cette manière à Maldon !" Cela faisait longtemps que nous étions dans cette paroisse et peu d’entre nous avaient remarqué ce détail. 
Il aimait tout le monde, ne faisait pas acception de personne, et il nous consolait comme le faisait le staretz Silouane qui parlait aux ouvriers laïcs de Saint-Pantéléimon. Nous l’aimions aussi. Je me souviens avec émotion d’une jeune femme qui éclata en sanglots au sortir d’une journée radieuse dans un monastère grec, simplement parce qu’elle pensait que le Père Sophrony allait un jour nous quitter.
C’est par ce beau vieillard que nous avons véritablement connu le saint staretz Silouane plus que par les écrits du saint moine athonite, et nous avons commencé avec lui un chemin spirituel authentique sur la Terre des Vivants. C’est l’enseignement que nous avons reçu dans son monastère dédié à Saint Jean Baptiste qui nous a fait comprendre que la Voie du Christ enseignée par saint Silouane, était un enseignement de vie et non une simple théorie parce qu’elle s’incarnait véritablement dans toute la vie de ce monastère, où les peuples du monde venaient chercher la paix et la prière, et les trouvaient ! 
Il est remarquable que ce petit village de l’Essex soit devenu le carrefour d’un monde spirituel, le havre sûr vers lequel les détresses du monde sont venues trouver réconfort et aide, et sont reparties dans l’amitié éternelle du saint staretz, et du Père Sophrony et dans la certitude heureuse que leurs disciples à tous deux, continuaient une œuvre aimante pour notre monde blessé. Maldon le lieu où est établi le Monastère Saint Jean-Baptiste en Angleterre, a eu pour nous l’importance que Saint Séraphim de Sarov attribuait à la "kanavka", le fossé où la Mère de Dieu était apparue. C’était, et cela reste "et le Mont Athos, et Jérusalem et Kiev !" ( Alexis Arsyboucheff, Mémoire du Cœur, Saint Séraphim de Sarov, Ed. François-Xavier de Guibert, 2000, p.21)

© Claude Lopez-Ginisty
+
Une première version de ce texte 
a été publiée
aux 
Editions du Désert 
en 2003 
+


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire