vendredi 23 septembre 2011

David Athey: La nécessité théologique de l'humour




Dans un recueil d'essais intitulé "Le saint rire", Conrad Hyers dit: "Un trait commun des dictateurs, des révolutionnaires et des autorités ecclésiastiques est le refus de rire de soi ou de permettre aux autres de se moquer d'eux."
Bien sûr, "eux" peut facilement se traduire par "nous". Parfois nous tous, nous nous prenons trop au sérieux, nous oublions de rire en nous en nous voyant dans le miroir, et en refusant de laisser les autres nous voir comme nous sommes, comme de petits enfants trottinant vers le Royaume. Si nous ne rions pas de nous-mêmes, et ne permettons pas aux autres de rire de nous et avec nous, nous avons tendance à nous adorer. Se moquer de nous-mêmes, c'est comme faire une bonne confession. Laisser les autres se moquer de nous, c'est comme accepter la prophétie.

Beaucoup de paroles des Pères du désert sont de véritables plaisanteries. Avez-vous entendu celle sur le saint Abba Moïse? Quand il a rencontré certains pèlerins qui venaient le voir, l'abbé a refusé d'agir comme selon son importance et il a dit de lui: "Que lui voulez-vous? Cet homme est un fou et un hérétique! "
Avez-vous entendu celle sur le disciple qui fut chargé de récompenser tous ceux qui l'insultaient? Pour une période de trois ans, il accepta d'échanger de l'argent contre de la violence verbale. Lorsque les trois années furent achevées, le disciple fut relevé de son obligation et il se rendit à Athènes. Quand il essaya d'entrer dans la ville, il fut accueilli par un vieil homme qui immédiatement l'insulta. Le disciple se mit à rire. "Pourquoi ris-tu?", demanda le vieil homme. "Parce que," répondit le disciple: "pendant trois ans, j'ai dû payer pour ce genre de chose, et maintenant tu me donnes cela pour rien."

Comme le disciple de l'histoire, nous devons tous agir comme des enfants, laissant briller notre rire devant les hommes, même devant les vieux grincheux. Si nous tuons le rire dans nos vies, une bête brute se lèvera pour combler le vide. Dieu a épargné le Rire (Isaac signifie il rit en Hébreu!)) et Il a fourni un autre sacrifice. Le bélier, symbole de la guerre, fut brûlé en place d'Isaac. Maintenant certaines personnes dans le monde, et certaines personnes dans l'Église, voudraient que nous placions ce Rire à nouveau sur le bûcher funéraire. Dans The Joyful Christ (Le Christ Joyeux) Cal Samra dit: "L'humour est un équilibre, un désarmement, et donc une force de rétablissement de la paix qui touche au divin."

Les hommes et les femmes pacifiques ont un sens divin de l'humour, une force de guérison. Ils ont une manière d'accepter en rejetant les choses. Les plus pacifiques peuvent combattre sans haïr, et donc rarement se battre. Comme Cal Samra le dit: "Il est possible de faire la paix avec humour."

Alors avez-vous entendu celle sur les deux Pères du désert qui voulaient avoir une querelle? Les deux saints hommes décidèrent de se battre pour une brique - bon symbole des terres et des biens - mais aucun d'entre eux ne gagna, parce que avec toutes leurs années de prière et de jeûne ils avaient oublié comment se battre. "Tu dis que la brique est la tienne? Bon, alors tu la gardes. "

Le meilleur humour se produit lorsque l'Evangile surnaturel est jouée dans la vraie vie: un général trois étoiles tend l'autre joue; un président de grande société travaille au salaire minimum; un créateur de mode de Paris abandonne la piste pour faire des robes pour les moniales. Quand quelqu'un vit de l'Evangile, c'est une hilarante contradiction avec ce que le monde prend au sérieux. 


Le monde se moque de ceux qui souhaitent être parfaits. Le monde se moque de gens comme [sainte] Xénia de Saint-Pétersbourg qui a vendu tout ce qu'elle avait et a donné l'argent aux pauvres. Le monde rit et traite Xénia de folle. L'Eglise sourit, et la nomme Folle-en-Christ, et sainte.

Comme nous le savons tous, le miroir peut être l'endroit le plus drôle du monde. Vous auriez dû me voir ce matin. Trente-cinq ans, et je suis encore à apprendre à me raser. J'avais de la mousse  sur mon nez et mes oreilles, et par une loi de physique étonnante de salle de bains, il y avait une boule de crème à raser coincée comme un insecte dans mon nombril. Était-ce la révélation de Dieu qu'Il n'est vraiment favorable qu'aux chrétiens barbus? Plus probablement, ce désordre était simplement dû à ma propre impatience, péché quotidien qui consiste à croire que je suis trop important pour vivre dans l'instant donné.

Dans l'Angleterre médiévale, il y avait généralement une personne qui pouvait contester le roi régnant et y survivre. C'était le bouffon de cour, assez stupide pour cracher la vérité au lieu de la flatterie. Et au XVIe siècle, en Russie, Ivan le Terrible n'acceptait aucune critique de quiconque, sauf de saint] Basile le Fol-en-Christ. Peut-être aujourd'hui avons-nous tous besoin d'employer un bouffon, et peut-être même un saint Fol-en-Christ, dans nos propres petits royaumes.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
cité et illustré par

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