samedi 6 août 2011

Un événement vrai, mais incroyable pour beaucoup (XIX)


Christ Pantocrator (Deesis mosaic detail)

La conception du temps était absente de mon état mental à ce moment, et je ne sais pas pendant combien de temps nous nous sommes dirigés vers le haut, quand, soudain, fut entendu un bruit indistinct au premier abord. Et après cela, émergèrent de quelque part, de cris et des rires tapageurs, une foule d'êtres hideux commença rapidement à s’approcher de nous.

"Les esprits malins!" J'ai soudain compris, et évalué avec une rapidité inhabituelle qui résultaient de l'horreur que je vivais à cet instant, une horreur d'un genre particulier et jusques-là jamais vécue par moi. Les esprits malins! Ô, combien d'ironie, combien de rires des plus sincères, cela aurait suscité en moi, il y a quelques jours seulement. Même il y a quelques heures le récit de quelqu'un, disant non seulement qu'il avait vu des esprits mauvais de ses propres yeux, mais seulement qu'il croyait en leur existence comme en quelque chose de fondamentalement vrai, aurait suscité une réaction semblable! Comme c'était courant pour un homme "éduqué" de la fin du XIXe siècle, je compris que cela signifiait des tendances insensées, des passions dans un être humain et c'est pourquoi le mot lui-même n’avait pas pour moi la signification d'un nom, mais un terme qui définissait une certaine conception abstraite. Et soudain, cette "certaine conception abstraite" est apparue devant moi comme une personnification vivante. Même à l'heure actuelle, je ne suis pas en mesure de dire comment et pourquoi à cette époque, sans la moindre trace de doute, j'ai reconnu que les esprits malins étaient présents dans ce spectacle affreux. Sans doute parce qu’une telle désignation de ceuxi-ci était complètement en dehors de l'ordre normal des choses et de la logique, car si une vision similaire hideuse était apparue devant moi à un autre moment, sans aucun doute, j'aurais dit que c'était une sorte de fiction incarnée, un caprice anormal de l'imagination. En bref, je l’aurais nommé de diverses manières, mais en aucune façon, bien sûr, je n’aurais utilisé un nom par lequel j’aurais signifié quelque chose qui ne peut pas être vu. 
Mais à l'époque, cette désignation de sa nature eut lieu avec une telle rapidité, que, apparemment, il n'y avait pas besoin d’y penser, comme si j'avais vu ce qui était déjà bien connu de moi il y a longtemps, et puisque, comme je l'ai déjà  expliqué, à cette époque mes capacités mentales fonctionnaient avec une intensité incompréhensible, j'ai donc compris aussi rapidement que l'aspect extérieur laid de ces êtres n’était pas leur extérieur réel; que c'était une sorte dw spectacle abominable qui avait probablement été conçu avec l'objectif de m'effrayer à un degré supérieur, et pour un moment quelque chose de semblable à de la fierté s’agita en moi. J'ai alors eu honte de moi-même, pour l'homme en général, parce que, pour susciter la peur chez l'homme, un être qui est si imbu de lui-même, d'autres formes d'êtres ont recours à ces méthodes que nous-mêmes nous utilisons avec les petits enfants.

Nous ayant entourés de tous côtés, avec des cris et des bruits tapageurs, les esprits mauvais ont exigé que je leur sois donné, ils ont essayé en quelque sorte de me saisir et de m'arracher aux anges, mais évidemment ils n'osaient pas le faire. Au milieu de leurs hurlements turbulents, inimaginables et tout aussi répugnants à l’ouïe que leur vue l’était pour mes yeux, j'ai parfois saisi des mots et des phrases entières.

"Il est à nous: il a renoncé à Dieu", crièrent-ils soudain à l'unisson. Et voici qu'ils se jetèrent sur nous avec une telle audace que pour un moment la crainte gela le flux de la pensée dans mon esprit.

"C'est un mensonge! Ce n'est pas vrai!" Me ressaisissant, je voulais crier, mais un souvenir insistant liait ma langue. D'une certaine manière inconnue de moi, je me suis soudain rappelé un événement léger, insignifiant, qui en plus était lié à une époque si reculée de ma jeunesse que, semble-t-il, je n’aurais en aucun cas pu être capable de le rappeler en mon esprit.

Version Française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Orthodox Life 
Vol. 26, No. 4 
Holy Trinity Monastery
Jordanville, N.Y.
USA


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