La question de la pertinence du port des cheveux longs et des barbes est fréquemment posée au clergé orthodoxe traditionnel. Un article détaillé a paru dans Orthodox Life concernant les habits du clergé dans le numéro de Janvier / Février 1991. À présent, nous aimerions aborder le sujet de l'apparence du clergé, c'est-à-dire des cheveux et de la barbe.
Quiconque regarde des photographies prises au début du XXe siècle et des portraits de membres du clergé en Grèce, en Russie, en Roumanie, et dans d'autres pays orthodoxes à cette époque, remarquera que presque sans exception, à la fois les moines et le clergé marié, les prêtres et les diacres, portaient la barbe non taillée, et les cheveux longs. Ce n'est qu'après la Première Guerre Mondiale que nous observons un nouveau look moderne, avec des cheveux taillés et un clergé imberbe. Cette mode a été poursuivie par certains membres du clergé jusques à nos jours. Si l'on devait étudier ce phénomène en partant d'un pasteur unique dont la vie s'étendrait sur la plus grande partie de notre siècle, on remarquerait sans doute que son apparence se modernise, depuis les premières photographies jusques aux dernières.
Il ya deux raisons qui expliquent ce changement. On dit: "On doit se conformer à la mode, nous ne pouvons pas avoir l'air de paysans!" Ou encore plus absurde, "Ma femme ne le permet pas!". Un tel raisonnement est la ligne "dogmatique" des modernistes qui, soit désirent imiter la mode contemporaine (si les barbes sont "à la mode", ils portent la barbe, si les barbes ne sont pas "à la mode", ils se rasent), ou ont un esprit œcuménique, ne voulant pas offenser le clergé des dénominations en dehors de l'Eglise orthodoxe. L'autre raison est fondée sur un passage de l'Ecriture Sainte, où saint Paul déclare, La nature elle-même ne vous enseigne-t-elle pas que c'est une honte pour l'homme de porter de longs cheveux? (I Cor. 11:14) En réponse à la première justification, la tradition orthodoxe condamne directement le modernisme et l'œcuménisme. Il est toutefois nécessaire de traiter plus en détail l'argument qui fonde son hypothèse sur l'Écriture Sainte.
La piété chrétienne orthodoxe commence dans la Sainte Tradition de l'Ancien Testament. Notre relation avec le Seigneur Dieu, la sainteté, le culte et la morale furent formés dans les temps anciens de la Bible. Au moment de la fondation de la prêtrise, le Seigneur a donné les commandements suivants pour les prêtres pendant les périodes de deuil, Et vous ne vous raserez pas la tête pour les morts [pratique païenne] avec une place chauve sur le dessus, et ils ne doivent pas se raser leur barbe... (Lév. 21: 5), et à tous les hommes en général, Vous ne couperez point en rond les coins de votre chevelure, et vous ne raserez point les coins de votre barbe. (Lév. 19:27). L'importance de ces commandements est d'illustrer que le clergé doit se consacrer totalement au service du Seigneur. Les laïcs sont ainsi appelés à un service semblable, mais sans les fonctions sacerdotales. Cet aspect extérieur comme commandement a été répété dans la loi donnée au Nazaréen, Pendant tout le temps de son naziréat, le rasoir ne passera point sur sa tête; jusqu'à l'accomplissement des jours pour lesquels il s'est consacré à l'Éternel, il sera saint, il laissera croître librement ses cheveux... (Nombres 6:5-6).
La signification du vœu du Nazaréen était un signe de la puissance de Dieu reposant sur la personne qui avait fait ce vœu. Se couper les cheveux signifiait couper la puissance de Dieu comme dans l'exemple de Samson (Juges 16:17-19). La force de ces observances pieuses, transmises à l'Église du Nouveau Testament, furent observées sans question jusques à notre époque actuelle d'arbitraire et d'apostasie qui en découlent. Pourquoi, on peut se le demander, ces membres du clergé orthodoxe, tout en rejetant les ordonnances pieuses ci-dessus concernant les cheveux, continuent-ils à observer la coutume de l'octroi de divers couvre-chefs aux membres du clergé, pratique qui a aussi ses racines dans les anciennes ordonnances de l'Ancien Testament (cf. . Ex. 24:4-6) et la tradition de l'Église primitive (voir Fusebius et Epiphane de Chypre concernant les mitres portées par les apôtres Jean et James)?
L'apôtre Paul lui-même portait les cheveux longs, nous pouvons conclure que le passage suivant où il est mentionné que des "bandeaux" en slavon, et des "mouchoirs" touchés à son corps furent placés sur les malades pour les guérir. Les "bandeaux" indiquent la longueur de ses cheveux (conformément à cette pieuse coutume) qui devaient être attachés en arrière afin de les maintenir en place (cf. Ac 19:12). L'historien Egezit écrit que l'apôtre Jacques, chef de l'Eglise de Jérusalem, ne coupa jamais ses cheveux (Lectures Chrétiennes, février 1898, p.142, [en russe]).
Si la pratique pieuse au sein du clergé et des laïcs de la communauté chrétienne a été de suivre l'exemple de l'Ancien Testament, comment doit-on comprendre les paroles de saint Paul aux Corinthiens citées plus haut (I Cor. 11:14)? Saint Paul, dans le passage cité, se penche sur les hommes et les femmes qui sont en prière (cf. I Cor. 11:3-4). Ses paroles dans les passages ci-dessus, ainsi que dans d'autres passages concernant les couvre-chefs (cf. I Cor 11:. 4-7), sont dirigées vers les laïcs, et non pas vers le clergé. Dans d'autres passages saint Paul fait une distinction évidente entre les clercs et les laïcs (cf. I Cor. 4:1, I Tim. 4:6, Col 1:7, et autres). Il ne s'oppose pas à l'ordonnance de l'Ancien Testament en ce qui concerne les cheveux et la barbe, car, comme nous l'avons indiqué ci-dessus, il l'a lui-même observée, comme l'a fait Lui-même Notre Seigneur, Qui est représenté en toutes occasions avec de longs cheveux et avec la barbe comme Grand Prêtre de la nouvelle prêtrise chrétienne.
Dans notre passage a été mentionné précédemment, La nature elle-même ne vous enseigne-t-elle pas que c'est une honte pour l'homme de porter de longs cheveux? (I Cor. 11:14) Saint Paul utilise un mot grec pour "cheveux". Ce mot particulier pour les cheveux, désigne les cheveux comme ornement (la notion de longueur n'étant que secondaire et suggérée), qui diffère du terme cheveux pour la longueur anatomique ou physique.(1) Le choix de mots de saint Paul, met l'accent sur sa critique de laïcs qui portent leurs cheveux selon "la mode", ce qui était contraire aux pieux amour de la modestie juive et chrétienne. Nous constatons la même approche pour les cheveux que celle de saint Paul, dans le 96ème canon du Sixième Concile Œcuménique, où il est dit: "Ceux donc qui ornent et arrangent leurs cheveux au détriment de ceux qui les voient, c'est-à-dire par entrelacs habilement conçus, et par ce moyen mettent un appât sur le chemin des âmes instables... (3)
Dans une autre source, le Eerdmans Bible Dictionary, nous lisons ce qui suit concernant la pratique de l'Ancien Testament: "Dans une certaine mesure, la coiffure était une question de mode, du moins parmi les classes supérieures, qui étaient particulièrement ouvertes à l'influence étrangère [aux païens] . Néanmoins, les cheveux longs semblent avoir été la règle chez les Hébreux (cf. Ez 8:3.), les hommes et les femmes "(2) (cf. Cant 4:01; 7:5). Ainsi, nous observons que les cheveux coupés ou apprêtés étaient à la mode parmi les païens et n'étaient pas acceptables, surtout parmi le clergé chrétien des temps les plus reculés jusques à notre rupture contemporaine avec la sainte Tradition. Il est intéressant de noter que la mode des cheveux coupés ou "coiffés à la mode du temps", la barbe rasée, firent leur chemin dans le monde de l'église catholique romaine et de l'église protestante. Cette coutume païenne était donc devenue si importante pour le clergé romain vers le 11ème siècle, qu'elle a été classée parmi les raisons de l'anathème prononcé par le cardinal Humbert le 15 Juillet, 1054 contre le patriarche Michel à Constantinople, ce qui a précipité la chute finale de l'Église d'Occident par rapport à l'Eglise orthodoxe: "En portant la barbe et les cheveux longs, vous [orthodoxes] rejetez le lien de fraternité avec le clergé romain, car ils se rasent et se coupent les cheveux." [!] ~
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Higoumène Luke
Orthodox Life
Vol. 46, No. 5 -
October 1996
Holy Trinity Monastery Jordanville,
N.Y.
USA
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Notes:
1) Joseph Thayer D. D., A Greek-English Lexicon of the New Testament, p. 354.
2) A. C. Myers ed., The Eerdmans Bible Dictionary, p.455
3) The Rudder, trans. D. Cummings, p.403.
4) N. N. Voekov, The Church, Russia, and Rome, (en russe), p. 98.
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Icône de saint Seraphim (Rose):
Dominique Aymonier-Lopez
http://www.augoustinos-kantiotis.gr/?p=21257
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