mardi 30 novembre 2010

Père Barnabas (Powell): Le corps n'est-il pas encore saint après la mort?

pravmir.com


Tout peut arriver à Amsterdam. Un article récent de The Economist décrit comment les morgues néerlandaises sont les pionnières d'une nouvelle matière d'énergie alternative, qui donne un nouveau sens à l'expression  "pouvoir du peuple." Puisque la crémation des cadavres implique tellement d'énergie, les fours crématoires sont reliées aux réseaux électriques municipaux afin que rien de cette ressource précieuse ne se perde. Certaines personnes meurent littéralement de devenir des ressources bon marché et renouvelables. Il y a juste un hic. Les émissions des déchets du processus ne sont pas tout à fait assez vertes pour les sensibilités écologiques néerlandaises, donc une recherche supplémentaire est nécessaire pour développer un véritable "cadavre propre".  Cela peut sembler un scénario extrême, mais ce n'est pas loin de ce à quoi nous sommes arrivés en acceptant une pratique autrefois considérée comme anathème.

J'ai entendu des raisons non éclairées pour s'opposer à la crémation, comme l'idée que Dieu ne sera pas capable de rassembler les cendres dispersées lors de la Résurrection. Ces absurdités mettent non seulement en question le pouvoir de Dieu, elles offensent la mémoire de ceux tués dans les incendies accidentels ou les horreurs de la guerre.

Depuis que l'Eglise catholique a cessé d'interdire l'incinération en 1963, l'Eglise orthodoxe (avec le Judaïsme Orthodoxe) a de plus en plus dû expliquer sa propre opposition, non seulement au grand public, mais à ses propres fidèles également. L'insistance orthodoxe sur la sépulture est fondée sur le respect du corps humain comme œuvre de Dieu. Le récit biblique de notre création à l'image de Dieu ne s'applique pas seulement à nos facultés rationnelles, mais aussi à notre être physique. La bonté du monde créé, et du corps, est prouvée lorsque le Christ se fait chair pour la racheter.

La notion d'une divinité incarnée était anathème pour les païens gréco-romains (avec les gnostiques et autres "dualistes" à la fois anciens et modernes), qui croyaient toutes les choses matérielles étaient fondamentalement corrompues et illusoires, et que l'immatériel seul avait une valeur rédemptrice. Ils pratiquaient l'incinération comme un moyen de libérer l'âme bonne du corps mauvais. La crémation entendait détruire la prison matérielle de l'âme, ce qui lui permettait de s'échapper.

Les premiers chrétiens et les juifs, d'autre part, vénéraient les corps des morts comme reflétant le caractère sacré de Dieu. Pour ceux qui célébraient la mort, l'enterrement et la résurrection du Christ, la crémation devint impensable. Ils traitaient leurs morts comme le Christ, les oignant d'épices fragrantes, les enveloppant dans des linceuls et les déposant dans la terre. Les lieux de la mort, les catacombes devinrent les lieux de rassemblement pour le culte.

Quand ils ont commencé a souffrir la persécution, les chrétiens emportèrent les corps de leurs martyrs, baisèrent leurs os et, éventuellement, firent des pèlerinages à leurs tombeaux. Quand les bâtiments d'église apparurent, les sanctuaires des martyrs y furent incorporés, en plaçant leurs os dans les tables d'autel, pratique orthodoxe [qui se perpétue] à ce jour.

Peu de choses semblent plus macabres à l'esprit éclairé que de baiser les os des morts. À l'inverse, peu de choses auraient paru plus anathèmes pour les premiers chrétiens que de brûler un corps, d'écraser ses os et de disperser les cendres ou de les garder dans un bocal.

La crémation, hors la loi comme profanation païenne par un édit impérial du Ve siècle, devient la méthode préférée pour l'élimination  du corps même parmi les chrétiens. Bien qu'à peine délibérés, les traces de l'ancien dualisme affectent encore une mort moderne. Un jour, j'ai dû informer une femme qui avait déjà les cendres de son mari dans une boîte que je ne pouvais pas l'enterrer. Elle ne pensait pas que des funérailles étaient nécessaires de toute façon, car il faisait déjà la fête dans le ciel. Son âme était le "il", tandis que son corps était insignifiant.

Comme le lança un jour un de mes instructeurs de séminaire: "Nous vivons comme des hédonistes et mourons comme platoniciens." Nous vivons comme si notre corps est l'essence de notre être, mais soudain, il devient rien quand nous mourons. Il n'est pas dans mon intention d'offenser ceux qui ont eu des proches incinérés, mais de provoquer une réflexion approfondie de la façon dont nous voulons être traités lorsque nous mourrons. Chaque méthode implique une croyance sur la signification du corps, soit qu'il est une icône divine ou simplement une coquille vide.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
tiré de l'excellent site
 PRAVMIR

pravmir.com

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