dimanche 14 mars 2010

Archiprêtre Paul Jannakos: A quoi sert la religion?


Aujourd'hui, les gens parlent de la religion d'une manière souvent ambiguë: pourquoi existe-t-elle en premier lieu, pourquoi prétend-elle faire au monde un si grand bien alors qu'en réalité elle fait tant de mal, pourquoi certains "croyants islamiques" montrent-ils leur engagement tous azimuts envers Dieu en se faisant exploser -avec d'autres-, et pourquoi ici, en Amérique, les médias ignorent-ils délibérément le fait que, au cours d'une semaine, plus de gens vont dans "une église ou une synagogue de leur choix" plutôt que d'assister à tous les matchs de football, de baseball, de basketball ou de hockey, tous jeux confondus et, enfin, pourquoi ce pays est-il, du moins statistiquement, le pays le plus religieux sur la surface de la terre en dépit de son sécularisme impie rampant et progressiste.

Tout cela soulève la question, la religion ici en Occident a-t-elle un avenir, comme Freud lui-même, se le demandait un jour? Ou bien, va-t-elle commencer à mourir d'une mort lente et misérable, comme beaucoup de ses antagonistes le croient, une fois que nous les humains auront appris à fonctionner avec le dieu de la "raison" au lieu de l'illusion de "fantasmes célestes projetés" (id est la religion). Les penseurs des Lumières étaient convaincus que tout ce qu'ils devaient faire afin d'améliorer leur monde, était de recentrer le centre du fonctionnement humain et de l'expérience du cœur vers l'intellect. La montée de la pensée juste, était la voie ouverte à la paix et à la prospérité futures, à un nouvel ordre mondial. Pourtant, si l'on considère les deux cent dernières années environ depuis l'âge de la Raison, (qui reste elle-même la grille philosophique sous-jacente du monde "post-moderne"), je pense que nous avons encore, hélas, un très long chemin à parcourir avant d'être capables de crier "Euréka !" pour avoir trouvé, ou même nous être rapprochés d'une utopie conçue par l'homme.

Un regard statistique, même au siècle dernier seulement, indique que quelque chose ne va pas dans la laïcité contemporaine. Au cours du vingtième siècle, plus de sang humain a été versé par les conflits armés que pendant tous les siècles réunis de l'histoire humaine précédente, et c'est une statistique impressionnante. Dans une période de vingt ans seulement, grâce à Joseph Staline, le socialisme "éclairé" de l'ancienne Union soviétique fut responsable de la mort d'environ vingt millions de ses propres citoyens. Peut-on aujourd'hui imaginer, disons l'anéantissement complet des populations collectives de Chicago et Los Angeles, qui disparaîtraient en une seule génération? Sûrement pas dans un million d'années. Mais qu'est-ce qui a poussé Staline et ses associés à faire une telle chose? Eh bien, tout le monde sait qu'il était athée-socialiste-marxiste, partisan de doctrines qui pour certaines, étrange coïncidence, continuent à être enseignées avec enthousiasme dans beaucoup, sinon la plupart, des universités publiques d'Amérique .

Certes, la religion est un mot effrayant, chargé, de nos jours. Pour la plupart d'entre nous Occidentaux, il fait l'objet tout le moins d'une association de désapprobation, comme quand quelqu'un dit: "Je suis très spirituel, mais je ne crois pas à une religion ou à une pratique organisée." En tant que phénomène en soi, la religion apporte à l'esprit la répétition insensée de vieux rituels vides qui ne communiquent plus du sens à la situation contemporaine. Elle suscite l'image d'une piété hypocrite, mécanique, de dévots stupides qui s'agenouillent et prient dans leurs églises le dimanche matin, mais vont le reste de la semaine se comporter comme si Dieu n'existait pas, (ce qui est souvent tout à fait vrai) ou de télévangélistes qui se jettent sur les gens comme des oiseaux de proie et ne sont que des opportunistes éhontés. (C'est, malheureusement vrai aussi). Pour d'autres encore, la religion n'est rien moins qu'un kaléidoscope d'horreurs, une catastrophe tourbillonnante d'absolutisme, d'oppression, de rigidité, d'intolérance, de sexisme, de cruauté, et de préjugés. Ceci, était essentiellement la critique marxiste, selon laquelle comme "opium du peuple," la religion donnait aux pauvres et aux opprimés une illusion de souffrance juste, et l'idée que la souffrance était leur sort divinement ordonné dans la vie et que s'ils la supportait avec patience et passivité, une vie beaucoup plus heureuse serait leur "récompense" dans l'au-delà.

En tant que chrétiens orthodoxes, nous adoptons une attitude neutre envers la religion, nous souvenant que ce fut la religion du temps même de Jésus qui le crucifia sur la Croix. Nous savons que le Christ est descendu du ciel sur la terre, non pas pour instituer une religion de plus, mais pour révéler au monde la plénitude de la Vie.

Malgré cela, peu importe les efforts que nous essayons de faire pour le nier, nous modernes, restons religieux à la base. Pourquoi donc? Parce que peu importe les efforts que nous faisons, nous ne pouvons pas ignorer complètement les appels de l'éternité. Quelque chose nous appelle à regarder au-delà de ce que nous ne pouvons voir avec nos sens physiques, et nous ne sommes pas vraiment humains jusqu'à ce que nous le fassions.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
What Good is Religion?
St. Mary Magdalene Orthodox Church
Vol 8, Number 12, December 2009

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