Saint Syméon d’Emèse (21 juillet)
Saint Syméon naquit vers 522 pendant le règne de Justinien dans la ville d’Edesse. Il était d’une famille noble et riche. A l’âge de trente ans, le saint partit pour Jérusalem pour vénérer la Très Vénérable Croix du Sauveur et, de là, il alla au monastère de saint Gérasime. L’higoumène Nicon lui conféra la tonsure du grand schème angélique. Après une année, il quitta secrètement le monastère, de nuit, et s’installa dans le désert, près de la Mer Morte, où il s’adonna au combat ascétique, souffrant de grands maux et cruautés de Satan et des hommes pendant environ trente ans. Par ce combat, il devint si étranger aux passions que sa chair était aussi insensible que le bois qui n’a nul désir.
En 582, à l’âge de soixante ans, saint Syméon quitta le désert pour «admonester le monde». Mais avant d’entreprendre le combat spirituel de la folie pour le Christ, il revint à Jérusalem pour vénérer la Croix du Sauveur. De Jérusalem, saint Syméon alla à Emèse et commença son ascèse de folie en Christ.
L’historien Evagre, contemporain de saint Syméon, écrit : «Cet homme avait renoncé à la vaine gloire au point que, pour ceux qui ne le connaissaient pas, il semblait fou, même s’il était rempli de sagesse et de la grâce de Dieu. La plupart du temps, il vivait tout à fait seul, ne laissant personne voir quand et comment il priait, mangeait et quand il jeûnait.
Quelquefois, il apparaissait sur les routes et les places principales en extase, semblant être privé de bon sens, fou. Quelquefois, souffrant de la faim, il entrait furtivement dans une auberge et commençait à manger la première nourriture qui était à portée de sa main. Si quelqu'un lui manifestait du respect par un enclin, il partait contrarié en toute hâte, craignant que ne soit révélée sa vertu».1
Dans la biographie détaillée du saint qui fut traduite dans les temps anciens en slavon, il est raconté qu’un jour, le bienheureux trouva un chien mort sur un tas d’ordures, à l’extérieur de la ville. Il prit la corde qui le ceignait et l’attacha au chien qu’il traîna ainsi dans toute la ville. Quelques enfants se mirent à crier en le voyant : «Un moine fou ! Un moine fou !» et ils lui jetèrent des pierres et le frappèrent avec des bâtons. Le jour suivant, jour du Seigneur, il mit des noix dans le creux de sa chemise, entra à l’église pendant la Divine Liturgie et se mit à éteindre les cierges avec des noix. Quand des gens essayèrent de le chasser, il courut à l’ambon et se mit à bombarder les femmes. Il fut chassé de l’église et tandis qu’il courait dans les rues, il renversa les tables sur lesquelles étaient mis les pains à vendre. Les vendeurs de pain le battirent presque à mort.
Un jour, un marchand qui suivait l’hérésie de Sévère vit le bienheureux oisif et crut qu’il pourrait le faire travailler pour un prix dérisoire. «Pourquoi es-tu oisif, vieil homme ? Viens travailler pour moi au marché» ! Syméon accepta mais, une fois en charge de son étal, il commença à donner les marchandises gratuitement à tous les pauvres qui passaient par là. De plus, il commença à manger lui-même ces denrées sans les payer. Quand le marchand revint pour inspecter l’étal, il fut content de voir que son stock avait presque disparu, mais quand il vit qu’il n’avait pas gagné d’argent, que les marchandises avaient été données, il battit violemment le saint et le chassa.
Le bienheureux avait quelques amis proches avec lesquels il se comportait normalement et sans sa folie feinte. Un de ces amis était domestique et avait commis un acte honteux avec une servante et l’avait rendue enceinte. Quand le maître força la jeune fille à nommer le responsable de son état, elle clama que c’était Syméon qui l’avait rendue enceinte. Elle affirma ce mensonge sous serment. Quand Syméon entendit cela, il ne nia point, il dit seulement que son corps était un vase fragile. Quand ces paroles se répandirent partout et déshonorèrent complètement Syméon, il n’apparut plus en public, à cause de sa honte supposait-on.
Cependant, quand vint le temps de la délivrance pour la femme, les douleurs de l’enfantement devinrent des tourments excessifs d’une force intolérable qui mettaient sa vie en danger. Syméon apparut alors d’une manière inopinée et quelqu'un le supplia de prier pour la jeune fille à la torture. Il annonça à la cantonade que cette femme n’accoucherait pas tant qu’elle ne donnerait pas le nom véritable de l’homme avec lequel elle avait conçu cet enfant. Dès qu’elle le fit, l’enfant naquit promptement et sans efforts.
A une autre occasion, il fut remarqué que Syméon entrait dans la maison d’une femme de mœurs dissolues et, ayant fermé la porte derrière lui, il resta quelque temps avec elle. Puis il ouvrit la porte et sortit en hâte, regardant dans toutes les directions si quelqu'un le voyait. Cela accrut encore plus la suspicion, si bien que ceux qui l’avaient vu appelèrent la femme et lui demandèrent pourquoi Syméon était chez elle et pendant combien de temps. La femme témoigna sous serment qu’elle n’avait pas pris de nourriture pendant trois jours à cause de sa pauvreté. Saint Syméon lui apporta de la viande, du pain et du vin et, ayant fermé la porte, lui dit de manger tout son soûl. Quand elle eut fini, le saint prit le reste et partit.
En 588, il prédit un tremblement de terre qui secoua la côte de Phénicie et ravagea plus particulièrement les villes de Beyrouth, Biblos et Tripoli. Plusieurs jours avant le tremblement de terre, Syméon prit un fouet et commença à frapper certains piliers sur lesquels reposaient des bâtiments, disant aux uns : «Restez fermes, le Seigneur vous l’ordonne !», aux autres : «Ne restez pas debout et ne tombez pas» ! Et, pendant le tremblement de terre, tous les piliers à qui il avait demandé de rester fermes restèrent entiers et ne bougèrent pas. Tous les autres tombèrent et furent réduits en gravats avec les bâtiments qu’ils soutenaient. Ceux à qui il avait dit de ne pas rester debout et de ne pas tomber, craquèrent de haut en bas et s’écroulèrent au centre, mais ils ne tombèrent pas.
Dix jours avant son trépas, le saint eut une conversation avec son ami le diacre Jean. Il l’instruisit pour le salut de son âme et il lui annonça sa fin prochaine. Le diacre promit de venir dans la «porcherie» où vivait le saint après deux jours. Saint Syméon resta dans sa hutte jusqu’à sa mort. Enfin, des mendiants qui étaient amis du fol-en-Christ, remarquèrent qu’ils ne l’avaient pas vu depuis deux jours et allèrent vérifier qu’il ne soit pas malade. Ils le trouvèrent mort sous sa couche. Celui qui avait vécu comme un fou, mourut comme un fou sous son lit au lieu d’être dessus. Il rechercha l’humilité jusques dans la mort.
Sans cérémonie, les mendiants prirent le corps du serviteur de Dieu et l’emportèrent au champ du Potier local pour y être enterré. Ils portèrent les reliques et passèrent ainsi devant la maison d’un juif nouvellement baptisé et, tandis qu’ils passaient, le nouvel illuminé entendit un chant angélique. Il se précipita à sa fenêtre pour voir ce qui arrivait mais il n’aperçut que deux mendiants portant le fol-en-Christ mort vers sa sépulture de pauvre. Mais les voix des merveilleux chantres continuaient. Les anges de Dieu accompagnaient les reliques sacrées du fol-en-Christ qui avait été élevé plus haut que les anges. Une grande fragrance remplit l’air et le nouveau chrétien, glorifiant Dieu, se hâta de rejoindre l’humble procession. Il enterra les saintes reliques de ses propres mains et parla à tout le monde du chant miraculeux et de l’ineffable fragrance qui avaient accompagné les reliques du saint.
Le diacre Jean arriva trop tard à la hutte pour trouver les reliques du saint. Il rechercha en larmes le cercueil du saint, voulant lui donner une sépulture honorable. Quand le cercueil fut ouvert, il n’y avait cependant aucun corps à l’intérieur ! Dieu avait déjà accompli la translation des reliques en un lieu ignoré. C’était un trésor trop grand pour l’homme. Ils comprirent alors seulement que ce «fou» était en réalité le plus sage de tous les sages.
Le saint et juste Syméon s’endormit dans le Seigneur le 21 juillet, vers 590. Les détails de sa vie furent collectés par le diacre Jean qui les donna à saint Léonce, le grand évêque de Néapolis de Chypre. Saint Léonce publia la vie du saint pour l’édification des fidèles.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Lev Puhalo & Vasili Novakshonoff
God's Holy Fools
Synaxis Press,
Montreal, CANADA
1976
Je rappelle aux lecteurs du blog que je ne réponds qu'aux courriels qui ne sont pas anonymes.
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