vendredi 25 décembre 2009

Fols-en-Christ: saint André de Constantinople



Saint André de Constantinople
sur l'icône du "Pokrov"
(2 octobre)


Saint André était scythe de naissance et, dans son enfance, il fut amené à Constantinople comme esclave. Comme il était doué et bien élevé, son maître décida de lui donner une éducation. André se révéla d’une intelligence exceptionnelle et il maîtrisa très vite la lecture et l’écriture en langue grecque. Il commença très tôt à lire les livres saints et, plus particulièrement, les vies des saints et des martyrs. André devint chrétien orthodoxe et se mit à aller à l’église et à y prier de plus en plus fréquemment. Un jour, alors qu’il priait, saint André se sentit las et il s’allongea pour se reposer. Il s’endormit et fit un rêve dans lequel il vit deux armées : d’un côté, il y avait des régiments de saints et, de l’autre, une multitude de démons qui défiaient les saints, les poussant à se battre avec un des leurs, un géant effrayant. Alors André vit une silhouette rayonnante descendre du ciel, tenant en ses mains trois couronnes de grand prix. L’apparition proclama que ces trois couronnes étaient destinées à celui qui serait vainqueur du géant. André décida de se battre contre cette créature effrayante et demanda à la Personne rayonnante de l’aider. Celui qui apparaissait alors était notre Sauveur Lui-même et, avec sa bénédiction, saint André défit le démon, mais non sans un grand combat. Notre Sauveur examina le jeune vainqueur et lui dit : «A partir de ce jour, tu es notre ami et notre frère ; commence ton combat salvifique ; sois fou par amour pour Moi» !

Saint André comprit cette injonction et il entra dans la voie de la folie pour le Christ.

Le maître d’André fut très affecté du changement soudain du jeune homme et il pensa qu’il était réellement devenu fou. Saint André fut amené dans l’église dédiée à la mémoire de la sainte mégalomartyre Anastasie1 afin que des prières soient dites pour qu’il recouvre la santé. Là, André reçut confirmation du combat qu’il devait mener. Il vit sainte Anastasie conversant avec saint Jean Chrysostome. Quand saint Jean demanda : «Anastasie, ne vas-tu pas guérir cet André ?», la sainte martyre lui répliqua : «Il n’a nul besoin de guérison. Il a été guéri par Celui qui lui a dit “Sois fou par amour pour Moi” !».

A une autre occasion, saint Jean le Théologien2 apparut au fol-en-Christ, l’encourageant et promettant de l’aider. Dans une troisième vision, l’ascète se vit soudain dans les chambres du Roi. Le Roi lui donna quelque chose de très amer à goûter et dit : «Telle est la voie de ceux qui Me servent dans la vie présente» ! Puis Il donna au fol une autre nourriture qui était plus douce que la manne, en disant : «Telle est la nourriture que je donne à ceux qui œuvrent pour Moi et qui supportent tout courageusement jusques à la fin» !

Quand le maître de saint André vit que sa condition mentale ne changeait pas, il le libéra de sa servitude avec grand chagrin. Le saint commença à errer dans les rues de la cité impériale avec l’apparence d’un fou, supportant toutes sortes d’insultes, de moqueries et de privations. Saint André passait ses nuits en vigiles orantes, priant pour lui-même, pour le monde entier et, plus particulièrement, pour ceux qui l’avaient offensé ou blessé.

Saint André était complètement exclu de la société. Les gens s’écartaient de lui à son passage dans les rues et personne jamais ne lui donna un gîte pour s’abriter. Même les chiens le repoussaient, le mordant ou s’enfuyant à son approche.

Par toutes ces souffrances et ces privations pour le Seigneur, par les vigiles nocturnes et les prières, par son ascèse constante, l’ascète acquit une pureté de cœur telle qu’il devint de moins en moins homme et de plus en plus ange. De plus, André reçut beaucoup de grâces de Dieu. Il put contempler l’Invisible, avait la faculté de lire dans l’âme humaine et il lui fut accordé le don de prophétie afin de sauver les pécheurs.

Malheureusement, tout le monde ne prêtait pas attention aux exhortations du fol-en-Christ. Un pilleur de tombes qui déterrait les cadavres, prenant leurs vêtements et les bijoux qui avaient pu être ensevelis avec eux, décida un jour de cambrioler la tombe d’une femme riche qui venait d’être mise en terre. Sur le chemin de son forfait, le voleur rencontra saint André. Connaissant l’intention maligne de l’homme, saint André le regarda fixement dans les yeux et dit : «Ainsi parle l’Esprit jugeant celui qui vole la vêture de ceux qui gisent au tombeau : Tu ne verras pas le soleil, tu ne verras ni le jour, ni face humaine ; les portes de ton logis seront fermées pour toi et ne s’ouvriront jamais plus».

Le voleur entendit ces mots mais il n’y prêta pas attention et continua son chemin. Saint André poursuivit l’homme continuant sa folie feinte, espérant trouver un moyen de le détourner de son péché. Ses paroles furent vaines. Quand vint le soir, le voleur força la tombe. Il prit les vêtements et les ornements onéreux et il allait partir lorsqu’il remarqua la tunique sur le corps. Il décida de la prendre aussi, laissant le cadavre complètement nu. Alors que ce voleur allait quitter le tombeau, se retournant, il sentit comme un coup violent porté à sa tête. Il devint instantanément aveugle. Depuis ce jour, le pilleur de tombes aveugle mendiait dans les rues, demandant l’aumône et relatant la prophétie que lui avait faite saint André le fol-en-Christ.

Un moine menait une vie de prière très stricte. A cause de la sainteté de sa vie, beaucoup venaient le voir pour être conseillés et certains d’entre eux laissaient des offrandes. Saint André vit en vision un esprit de lumière et un esprit de ténèbre qui se disputaient l’âme du moine.

«Il est à moi, disait l’esprit de ténèbre, car il vit possédé par l’amour de l’argent».
«Non, répondait l’esprit de lumière, il est mien car il continue son combat spirituel» !
Une voix céleste intervint, parlant à l’esprit de lumière : «Laisse-le, il s’est livré lui-même à Satan» !
En peine pour l’âme du moine, saint André lui montra — en privé — la condition de son âme et le supplia de changer de vie. Le moine se repentit et donna tout l’argent qu’il avait amassé. On lui apporta de nouveau de l’argent, lui demandant de le distribuer aux pauvres. Mais il ne voulut plus l’accepter et répliqua : «En quoi peut-il m’être utile de distribuer les épines des autres» ?

A cause de la sainteté de sa vie, saint André, comme l’apôtre Paul, fut transporté au ciel. Pendant un hiver particulièrement dur, le saint était sur le point de mourir de froid et il était déjà aux portes de la mort. Il fut ressuscité par un ange qui lui apparut tenant une branche du jardin du Paradis. Saint André fut alors ravi en esprit au troisième ciel et vit notre Sauveur Jésus-Christ face à face. Là, le saint entendit des paroles ineffables qui ne se peuvent exprimer en langage humain.

Saint André servit Dieu comme fol-en-Christ dans les rues de Constantinople, dans un long combat de dures privations pendant soixante-six ans. Pendant ce temps, il fut jugé digne de nombreuses visions. Sa dernière vision servit de base à l’établissement, dans l’Eglise, de la fête de la Protection de la Mère de Dieu Très Sainte (Pokrov). Cette vision intervint ainsi.

Pendant le service de vigile nocturne dans la crypte du Palais des Blachernes, saint André arriva. Son ami, le jeune et noble Epiphane était aussi présent. Le saint avait l’habitude de se tenir debout pendant l’Agrypnie1 — quelquefois jusques à minuit, quelquefois jusques à l’aube — jusques au moment où ses forces l’abandonnaient. Pendant la quatrième heure de l’office, saint André vit une apparition de gloire. La Très Sainte Mère de Dieu apparut, entra par les Portes Royales2 de l’église. Le Prodrome Jean Baptiste et saint Jean le Théologien l’accompagnaient et une longue théorie de saints la précédaient. Tandis qu’Elle s’approchait de l’ambon, saint André se tourna vers Epiphane et lui demanda : «Vois-tu la Maîtresse du Monde» ? Le jeune homme répondit : «Oui, Staretz» !
Tandis qu’ils La regardaient, la Mère de Dieu s’agenouilla à l’ambon et pria avec des larmes. Puis Elle se leva, entra dans le sanctuaire et pria de nouveau. Quand Elle eut fini ses prières, Elle enleva l’homophore de sa tête et, le tenant à deux mains, Elle l’étendit sur les fidèles tandis qu’Elle s’élevait dans les airs.

Saint André et Epiphane La virent là un long moment, rayonnants de gloire céleste. Ce fut la grande révélation de la protection de tous les fidèles par la prière de la Mère de Dieu.
Cette vision fut accordée à saint Epiphane par l’intermédiaire de son staretz André. Peu après cet événement, le saint fol-en-Christ reposa auprès du Seigneur.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Lev Puhalo & Vasili Novakshonoff
God's Holy Fools
Synaxis Press,
Montreal, CANADA
1976

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