lundi 21 septembre 2009

L'anamkhara ou amitié de l'âme dans l'orthodoxie celtique



Ste Brigitte de Kildare


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Le terme d'anamkhara est familier aux irlandais. C'est l'ancien concept de "l'ami de l'âme" qui vous écoute, vous guide et vous aime.

Il y a une sorte d'amour qui est indissoluble,
que ni le temps ni l'espace,
ne peuvent couper ou détruire,
et même la mort ne peut abolir,
car avec Dieu l'union des caractères,
et non celle des lieux,
unis les amis dans une commune demeure.

Saint Jean Cassien



L'une des églises les plus anciennes et créatives du christianisme, l'Église Celtique des origines, a grandi en importance, des siècles avant que des conflits théologiques et politiques ne divisent tragiquement le peuple chrétien. Cette Église Celtique commençante, existant tout à fait indépendamment de Rome à partir du cinquième au douzième siècle, était composée d'une grande variété d'Églises dans des endroits comme l'Irlande, le Nord de l'Angleterre, la Cornouailles, le pays de Galles, l'Ecosse, la Bretagne et l'île de Man.

Bien que ces Églises n'aient jamais été administrativement unies, elles ont connu dans une large mesure l'unité entre elles, grâce à leur style de vie monastique, aux liens familiaux et d'amitié, au respect pour la guidance [spirituelle]des femmes et à leur spiritualité commune. Dans cette première Église celtique, une personne qui agissait en tant qu'enseignant, confesseur, ou guide spirituel était appelée par les Gallois periglour ou beriglour, ainsi que par les Irlandais et les Écossais anamkhara, qui signifie "ami de l'âme" ou simplement "âme amie". Ce genre de ministère a finalement été associé par l'Église occidentale essentiellement masculine avec le prêtre ordonné dans le sacrement de réconciliation, mais, dans les premiers temps du christianisme celtique, ces relations étaient ouvertes aux laïcs et aux clercs, aux femmes et aux hommes.

Une anecdote de Saint-Brigitte de Kildare, trouvée au début du siècle neuvième dans le Martyrologe de l'Oengus Culdee, témoigne de l'importance de l'anamkhara...

Un jeune clerc de la communauté de Ferns, fils adoptif de Brigitte [sainte Brigitte de Kildare], avait l'habitude de venir la voir avec friandises. Il était souvent avec elle dans le réfectoire pour prendre de la nourriture.

Un jour, après être allé à la communion, elle frappa un battant de cloche. "Eh bien, jeune clerc, là", dit Brigitte, "as-tu un anamkhara?". "Oui", répondit le jeune homme. "Chantons son requiem", dit Brigitte. "Pourquoi?" demanda le jeune clerc. "Parce qu'il est mort", dit Brigitte. "Quand tu as terminé la moitié de ta ration, j'ai vu qu'il était mort". "Comment sais-tu cela? "Facile à dire, répondit Brigitte, à partir du moment où ton anamkhara était mort, j'ai vu que ta nourriture a été mise (directement) dans le tronc de ton corps, puisque tu était sans tête. Sors et ne mange rien jusqu'à ce que tu aies à nouveau un anamkhara, car toute personne sans anamkhara est comme un corps sans tête, elle est comme l'eau d'un lac pollué, ni bonne à boire, ni pour se laver. Voilà ce qu'est une personne sans ami de l'âme (anamkhara)!".

Cette histoire, dans le contexte d'un repas avec des références à la mort et l'eau, a des connotations symboliques, sacramentelles que la plupart des chrétiens reconnaîtront. Elle suggère que les Celtes croyaient que des amis de l'âme chrétiens était quelque chose de crucial pour la subsistance humaine et la croissance spirituelle, et que de telles relations de mentorat étaient finalement liées à l'amitié avec Dieu.

[...] aussi bien les chrétiens du désert et ceux des pays celtes, et les anecdotes qu'ils ont écrites, affirment la valeur des amitiés avec les enseignants, les confesseurs et les guides pour atteindre la sainteté personnelle et acquérir la sagesse.

Selon Nora Chadwick dans son ouvrage classique The Age of Saints in the Early Celtic Church (L'Age des Saints dans l'Église celtique primitive), l'anamkhara était à l'origine quelqu'un qui, comme compagnon, partageait sa cellule et à qui on se confessait révélant les aspects confidentiels de la vie.

Ainsi, Chadwick dit que la tradition celtique de la guidance spirituelle a été fortement influencée par les chrétiens du désert et que l'apparition de l'anamkhara dans les Églises celtiques était un développement naturel qui pouvait être liée au syncelle, "celui qui partage une cellule" dans l'Église orthodoxe grecque.

Considérant l'importance de la cellule dans la spiritualité du désert comme lieu où l'on rencontre Dieu et où l'apprend "tout", partager sa cellule avec un ami de l'âme alors, est partager son moi le plus intime, sa vie, son esprit et son cœur.

Jean Cassien (c. 360-435), visiteur précoce du désert et l'un de ceux dont les écrits ont été les plus responsables de la grande popularité de la spiritualité du désert chez les Celtes chrétiens, partage sa cellule à Bethléem, avec son ami Germain, pratique commune de l'Orient pendant le quatrième siècle, jusqu'à ce qu'elle soit condamnée par les législateurs monastiques, peut-être de peur qu'une telle intimité puisse mener à des comportements condamnables. Dans ses Conférences, toutefois, Cassien compare l'amitié à ceux qui, par l'union de caractère, et "non de lieu", sont unis entre eux "dans la demeure commune". Ce lien entre amis, dit-il, est indissoluble: "Ce lien, dis-je, n'est pas brisé par les circonstances, aucun intervalle de temps ou d'espace ne le pourrait briser ou détruire, et la mort même ne peut pas séparer ceux qui sont unis par un tel lien".

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
SOUL FRIENDSHIP
in Early Celtic Monasticism

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