lundi 17 août 2009

Le Schindler orthodoxe japonais: Chiune SUGIHARA



Le juste est en mémoire éternelle...

Beaucoup d'orthodoxes connaissent le jeune martyr Alexandre (Schmorell) victime de la barbarie hitlérienne pour s'être opposé au nazisme avec ses amis étudiants du mouvement de la Weisse Rose (Rose Blanche). Mère Marie ( Skobtzova) et Père Dimitri Klépinine , glorifiés comme martyrs il y a quelques années par le Patriarcat de Constantinople sont aussi connus dans le monde orthodoxe. Schindler, a fait l'objet d'un film qui relate comment il a sauvé de nombreux juifs. Il est un héros de cette période tragique qui reste relativement méconnu. Il était japonais et appartenait à l'Eglise Orthodoxe. Il n'a pas subi le martyre, mais après son exploit, lorsque la paix est revenue, sa carrière de diplomate a été finie.

Chiune SUGIHARA (杉原 千畝), naquit le 1er janvier 1900 dans la ville de Yaotsu, dans une famille de cinq enfants. Son père voulait faire de lui un médecin, mais il choisit une autre voie. Son rêve était de vivre à l'étranger et il était passionné de littérature. En 1918, il entra à la prestigieuse université Waseda de Tokio et étudia la littérature anglaise. En 1919, il obtint une bourse du Ministère des Affaires Etrangères. Il partit à Harbin (Chine) où il étudia le russe. Il y avait alors à Harbin une grande communauté russe orthodoxe. Chiune Sigihara se convertit à l'Orthodoxie. Il épousa Klavdia une jeune russe dont il divorcera plus tard.

En 1924 il est employé à l'ambassade japonaise de Harbin. En 1932, il est vice-consul en Mandchourie contrôlée par le Japon, dans le Nord-Ouest de la Chine. Désapprouvant fortement la brutalité des japonais vis-à-vis des populations chinoises, il démissionne, rentre au Japon et reprend une formation toujours dans la diplomatie, pour aller en poste en Europe. De retour au Japon, il épouse Yukiko Kikuchi. L'année 1937 le voit traducteur à la légation japonaise d'Helsinki en Finlande. Il devient Consul du Japon en Lithuanie, stationné à Kaunas en 1939. L'URSS ayant annexé la Lithuanie, les soviétiques demandent la fermeture de tous les consulats.

Yukiko Sugihara
A la fin du mois de juillet 1940, le Consul et son épouse Yukiko furent réveillés par le tumulte causé par une grande foule de réfugiés à l'extérieur du consulat du Japon. Tous espéraient obtenir du Consul du Japan un visa qui leur permettrait d'échapper aux nazis.

Ces réfugiés juifs ne pouvaient plus passer à l'Ouest, leur dernier recours était la fuite vers Curaçao et le Surinam. Le Consul Honnoraire des Pays-Bas, Jan Zwartendijk était d'accord pour leur fournir un visa d'entrée sur ces territoires de la couronne hollandaise. Or, il leur fallait transiter par l'URSS et celle-ci exigeait un visa de transit des autorités japonaises.

Sugihara envoya trois demandes à son gouvernement et reçut trois réponses négatives du Ministère Japonais des Affaires Etrangères. Chiune et Yukiko avaient fait la connaissance de nombreuses personnes et parmi elles se trouvaient de nombreux réfugiés juifs de Pologne. Ils connaissaient leur situation. Ils ne pouvaient accepter ce refus qui allait conduire à la mort des centaines, voire des milliers d'êtres innocents. Avec Yukiko, ils décidèrent d'aider ces réfugiés.

Par sa mère, le Consul descendait d'une famille de samouraïs. Plus tard son épouse et lui-même justifièrent leur action en citant justement une antique maxime de samouraï:" Même un chasseur ne peut tuer un oiseau qui vole vers lui pour y chercher refuge!" Il choisit alors de désobéir à son gouvernement et commença à distribuer des visas. Lorsqu'on lui demanda plus tard pourquoi il avait fait cela, l'homme de foi, le bon disciple du Christ qu'il était, répondit simplement: "C'étaient des êtres humains et ils avaient besoin d'aide." Il aimait à dire:" Il se peut que je doive désobéir à mon gouvernement, mais si je ne le fais pas, je désobéirais à Dieu!"

On estime que plus de 40.000 personnes doivent la vie à ce Bon Samaritain et à son épouse. Pendant près d'un mois, du 31 juillet au 28 août 1940, tous deux préparèrent des visas. Yukiko les préparait et Chiune en signait jusqu'à 300 par jour. Souvent il ne prenait pas de repas à midi, se contentant de sandwiches que lui apportait Yukiko. A la fin de la journée, il était épuisé, son épouse lui massait les mains. Les gens faisaient la queue nuit et jour pour ces visas. Lorsqu'il ne put faire autrement que de fermer le Consulat, il continua à signer des visas tandis que le train prenait le départ. Et lorsqu'il ne put plus le faire, il donna le tampon des visas à un réfugié. Et cela permit de sauver encore d'autres personnes.

Il fut ensuite Consul du Japon en Tchécoslovaquie, puis Consul Général à Königsberg puis en Roumanie en 1941.

A la fin de la guerre, il est emprisonné dans un camp russe en Roumanie où il demeura un an. A sa libération il retournera au Japon par le Transsibérien et le port de Nakhoda.

En 1947, il s'installa dans la ville de Fujisawa, distant d'une heure de Tokio. Il n'était plus employé par le Ministère des Affaires Etrangères, mais il travaillait pour une organisation de l'US Army.

Yukiko et Chiune Sugihara: Mémoire Eternelle!

De 1960 à 1975, il travailla pour une société japonaise de Moscou.

Et les deux Bons Samaritains, Chiune et Yukiko seraient restés dans l'anonymat de leur vie tranquille, avec cette remarquable modestie qui les caractérisaient. Ils avaient fait ce que Dieu dans leur conscience leur demandait de faire, ils n'en attendaient pas autre chose que cette satisfaction du devoir accompli, mais en 1968, J. Nishri, un des rescapés de Sugihara retrouva Chiune. Ce dernier visita Israel l'année suivante et fut honoré par le gouvernement israélien. Il reçut le titre de Juste parmi les Nations en 1985 et mourut à l'âge de 86 ans l'année suivante.

En 1991 la Lithuanie lui élèvera une statue et donnera son nom à une rue, tandis que l'Université Bar Ilan ouvrira un centre Sugihara.

En l'an 2000, la ville où il naquit lui rendit enfin hommage.

Claude Lopez-Ginisty

Sources:

The Japan Times, article de Roger Pulvers, 14 août 2005
Chiune and Yukiko Sugihara in Jewish Virtual Library

Livres:
L'épouse de Chiune Sugihara a écrit ses souvenirs:
SUGIHARA Yukiko, Visa pour 6.000 vies, Piquier Poche 2002
SAUL Eric, Visas for Life, The Remarkable Story of Chiune and Yukiko Sugihara, 1995

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