dimanche 14 juin 2009

Mar Abraham de Natpar: La prière


La Prière : 
Combien il est nécessaire 
Pour celui qui prie
 D’être empressé et vigilant

Sois empressé et vigilant dans la prière, sans te lasser et éloigne de toi la somnolence et le sommeil. Tu devrais être vigilant à la fois la nuit et le jour. Ne te décourage pas. 
Je te montrerai les différents moments propices à la prière. Quand tu es dans l’épreuve, élève-toi dans la prière ; et quand tu es comblé de bonnes choses de la part de Dieu, remercie le Donateur ; et quand ton intellect se réjouit, offre ta louange [à Dieu]. Que toutes ces prières soient faites avec discernement.
J’en suis convaincu, mon bien-aimé, tout ce que l’on demande avec diligence et foi, Dieu l’accordera. Mais si quelqu’un offre la prière avec moquerie, ou mépris, ou en doutant, il ne reçoit pas ce qu’il a demandé, vu qu’il n’est pas ferme dans son cœur, ou croyant qu’il va recevoir une réponse. On doit offrir sa prière en étant purifié de tout doute ou souillure, et l’on présente son offrande dans la pureté, afin qu’elle soit reçue. Il faudra aussi veiller à ce qu’il n’y ait rien dans cette prière qui la fera être rejetée.
De toutes les offrandes, la prière pure est la plus excellente. Sois donc empressé à la prière mon fils, et fais des efforts dans sa pratique. Au commencement de toutes tes prières, utilise la prière que notre Seigneur nous enseigna. 

La prière et le silence

N’imagine pas, mon bien-aimé que la prière consiste seulement en paroles, ou qu’elle ne puisse être apprise que par le truchement des mots. Non, écoute la vérité qui sort de la bouche du Seigneur : la prière spirituelle ne peut être apprise, et elle n’atteint pas sa pleine mesure par l’étude ou la répétition de mots, car ce n’est pas à un homme que tu t’adresses dans la prière, quelqu’un devant qui tu peux répéter un discours bien composé… C’est vers Lui Qui est Esprit que tu diriges les mouvements de la prière. Voyant qu’Il est Esprit, tu devrais prier en esprit.
Pour montrer qu’il n’est nul lieu particulier, ou une quelconque expression vocale requise pour que quelqu’un adresse en plénitude sa prière à Dieu, notre Seigneur a dit : "L’heure est venue où vous n’adorerez pas le Père sur cette montagne ou à Jérusalem" et de même pour montrer qu’un lieu particulier n’était pas prescrit, Il enseigna aussi que "ceux qui adorent Dieu [L’adoreraient] en esprit et en vérité". Et, pendant le temps où il nous expliquait pourquoi nous devions prier ainsi, Il dit "Car Dieu est esprit", et Il devrait être loué spirituellement dans l’esprit. Paul nous parle également de cette prière spirituelle et de la psalmodie que nous devrions employer. "Que dois-je faire ?" dit-il. "Je prierai dans l’esprit et avec mon intellect". C’est donc dans l’esprit et l’intellect qu’il nous dit de prier et de chanter à Dieu ; il ne dit absolument rien de la langue. La raison en est que cette prière spirituelle n’est pas offerte par la langue, ou prononcée avec la langue, car elle est plus intérieure que les lèvres et la langue, plus intériorisée que n’importe quels sons composites. Elle est au-delà de la psalmodie et de la sagesse. Quand quelqu’un prie cette sorte de prière, son adoration est plus parfaite que celle de la compagnie des archanges Gabriel et Michel. Comme eux, il profère le mot "Saint" sans user d’aucune parole. Mais s’il cesse cette sorte de prière et recommence la prière vocale ou chantée, alors il s’éloigne des régions angéliques et redevient un homme ordinaire.
Quiconque chante en utilisant sa langue et son corps et persévère dans cette adoration nuit et jour, une telle personne est un des "justes". Mais la personne qui a été considérée digne d’aller plus loin que cela, chantant dans l’intellect et dans l’esprit, une telle personne est un "être spirituel". Un "être spirituel" est plus exalté [par Dieu] qu’un juste, mais on devient un "être spirituel" après avoir été un juste. Car, à moins que l’on ait adoré pendant un temps considérable de cette manière extérieure, employant le jeûne continuel, utilisant la voix pour la psalmodie, fléchissant longuement les genoux [dans les enclins], dans les veilles constantes, la récitation des psaumes, la supplication, l’abstinence, la frugalité de la nourriture, et d’autres choses semblables et appropriées à ce genre de vie, le tout accompagné d’une vigilance des sens, étant empli de la mémoire de Dieu, de crainte et tremblement devant Son Nom, voyant qu’il a une foi ferme, que les mouvements agités de ses pensées ne sont pas cachés à la connaissance de Dieu, qu’il s’humilie devant tous, considérant chacun comme meilleur que lui-même même lorsqu’il voit un débauché, un adultère, un ivrogne, un meurtrier ou quelqu’un plein d’effronterie ou de pratiques malhonnêtes, ou un blasphémateur, (ou bien une personne qui a des péchés encore pires que ceux énoncés, en voyant un tel homme, il agit encore humblement et pense : "Il est meilleur que moi", car la pensée de son cœur est fixée avec toute la concentration de cette pensée sur ses propres transgressions et il n’approche pas un tel homme avec hypocrisie mais, de tout son être, il agit humblement devant lui et lui demande avec des gémissements de prier pour lui et de supplier Dieu pour lui, car dit-il, "J’ai fait grand mal devant Dieu") ; c’est seulement lorsque quelqu’un atteint tout ceci et d’autres choses plus grandes qui, si elles lui semblaient telles, il en souffrirait, voyant qu’il est loin de ce qui est [la perfection d’humilité] recherché lorsque quelqu’un [aura fait] tout cela et [l’aura accompli] en lui, il parviendra à chanter vers Dieu dans la psalmodie comme les êtres spirituels ont l’habitude de le faire dans leur louange.
Car Dieu est silence et dans le silence Il est chanté et glorifié par le truchement de cette psalmodie et de cette louange dont Il est digne. Je ne parle pas du silence de la langue, car si quelqu’un ne fait que garder silencieuse sa langue, sans savoir chanter et louer dans l’intellect et l’esprit, alors il est simplement oisif dans son silence et les errements mauvais de ses pensées puisque des pensées méprisables sourdent en lui et le corrompent. Il garde simplement un silence extérieur et il ne sait pas chanter ou louer [Dieu] d’une manière intériorisée, vu que la langue de sa "personne cachée" n’a pas encore appris à se mouvoir même pour babiller. Il faudrait être attentif à l’enfant spirituel qui est en toi de la même manière que tu veilles sur un nourrisson ou un enfant ordinaire: de même que la langue qui est dans la bouche d’un jeune enfant est silencieuse parce qu’il ne possède pas encore les mouvements corrects qui lui permettent de parler, ainsi en est-il de cette langue intérieure de l’intellect. Elle est là, muette de toute parole et de toute pensée, elle a simplement été placée là, prête à apprendre les premiers babils du langage spirituel.
Ainsi, il y a un silence de la langue, il y a un silence de tout le corps, il y a le silence de l’intellect et il y a celui de l’esprit. Le silence de la langue est celui où elle n’est pas incitée au mal et au parler cruel, ou quand elle ne profère pas des paroles pleine de colère, ou qui vont susciter le trouble, quelque calomnie ou accusation.
Le silence du corps tout entier est là quand tous les sens ne sont pas occupés à leur propension à faire de mauvaises actions ou des actions incorrectes, ou quand le corps est dans une sorte de mort, sans être préoccupé par quoi que ce soit. 
Le silence de l’âme est manifeste quand il n’y a pas de pensées laides qui y surgissent, empêchant tout bien de s’accomplir.
Le silence de l’intellect est présent quand il est purifié de toute connaissance ou sagesse pernicieuses, appelées autrement fourberie et duplicité, qui agissent chez ceux qui sont enclins aux mauvaises actions, les faisant sans discontinuer méditer sur le mal qu’ils vont faire à leurs prochains.
Le silence de l’esprit intervient lorsque l’intellect cesse même son agitation causée par des êtres spirituels et quand tous ses mouvements sont mus uniquement par l’Être. Dans cet état, il est silencieux en vérité, conscient de ce que le silence qui est en lui est le silence même.
Il y a des degrés et des étapes dans le silence et dans la parole. Mais si tu n’as pas atteint ces états élevés et que tu te trouves loin d’eux, reste en bas où tu te trouves, car telle est la psalmodie et la louange de la langue. Utilise-les pour louer Dieu, fais cela avec l’application et la révérence qui conviennent à Dieu, Le chantant et Le louant avec la voix et la langue. Œuvre à ce service jusques au temps où tu parviendras à l’Amour. Tiens-toi avec crainte respectueuse devant Dieu ainsi qu’il sied de le faire et ainsi tu seras considéré digne de L’aimer de cet amour naturel, Lui Qui nous fut donné pour notre renouvellement.
Et quand tu récites les paroles de la prière que tu sais être appropriées pour tes requêtes à Dieu, veille à ne pas les répéter par obligation, mais laisse ton moi véritable devenir ces mots tandis qu’ils se manifestent en toi comme des actions véritables. Car il n’est nul avantage dans la récitation des paroles à moins que les paroles ne s’incarnent en toi sous la forme de l’action et que tu deviennes comme si elles étaient mêlées à ton être-même, afin que même dans ce monde-ci, tu sois considéré comme un homme de Dieu et que beaucoup t’imitent et bénéficient de l’imitation qu’ils feront de toi.

Fin & Gloire à notre Dieu !

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après 
The Syriac Fathers on Prayer & the Spiritual Life
Cistercian Publications inc.
Kalamazoo, USA, 1987

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