lundi 25 mai 2009

Constantin CAVARNOS: Rencontre avec Photios Kontoglou l'iconographe


[...]Lors de ma rencontre suivante avec Kontoglou, qui eut lieu à son domicile dans la soirée du dimanche 20 avril 1958, notre conversation a porté principalement sur les théologiens contemporains grecs et sur l'art byzantin en Occident. 

Kontoglou parla de certains théologiens "scientifiques" (epistemones), d'hommes qui avaient étudié la théologie en Europe et en avaient rapporté à l'université grecque une manière plutôt cérébrale et soi-disant «libérale» de théologiser. Theocletos Pharmakidis (1784-1862), remarqua-t-il, fut le premier théologien grec de ce type. Parmi les plus récents, il cita Demetrios Balanos. 

Ces théologiens, dit-il, considèrent la théologie orthodoxe traditionnelle, qui vient des racines du christianisme et des Pères grecs, comme "ossifiée", et ils interviennent comme "rénovateurs" de celle-ci. En fait, ils n'ont pas la foi véritable, il leur manque la vie intérieure, la vie spirituelle. Ils considèrent la théologie comme une science, comparable à la chimie et à la physique, qui emploient la raison discursive comme instrument, et ils  donnent des explications rationalistes. 

En critiquant les théologiens de ce type, il a cité une déclaration du Saint Denys l'Aréopagite, selon laquelle on ne peut pas gagner la possession des vérités du christianisme d'une manière purement intellectuelle, celles-ci doivent être expérimentées, vécues. Il a également lu le passage suivant de saint Syméon le Nouveau Théologien (11e siècle), le plus grand des mystiques de Byzance: 

Celui qui pense que parce qu'il a été formé dans la sagesse séculaire, il sait tout, ne réussira jamais à contempler les mystères de Dieu, jusqu'à ce qu'il s'humilie d'abord et lui-même devienne "fou", en se débarrassant lui-même de l'orgueil de la connaissance qu'il a acquise. Car celui qui le fait  et suit  avec une foi sans hésitation  ceux qui sont sages dans les choses divines, et qui est guidé par eux, arrivera avec eux à la cité du Dieu Vivant. Et conduit et illuminé par l'Esprit Saint, il voit et il est enseigné ces choses qu'aucun autre homme ne peut voir et apprendre. Et puis, il devient quelqu'un enseigné par Dieu (Kontoglou, Pege Zoes, "Source de vie», 1951, p. 82). 

Dans un livre qui a été publié quatre ans après notre rencontre, il a écrit à propos de ces théologiens: 

Aujourd'hui, les théologiens sont devenus des scientifiques, comme les médecins, les chimistes et les ingénieurs, car en se présentant comme tels, ils seront honorés par le monde. Et ils vont en Europe, lieu des ténèbres spirituelles, pour recevoir un diplôme. Ils remplissent leur tête d'une multitude de choses non fondées et de vaines philosophies, et reviennent dans notre pays pour transmettre leur incroyance au lieu de la foi ... Ils n'entrent pas dans le Royaume Céleste, et empêchent les autres d'y entrer, comme l'a dit notre Seigneur. Leur châtiment est qu'ils ne voient aucune des merveilleuses choses qui sont vues par les croyants et, par conséquent, ils manquent de contrition et ils sont froids. Ils sont séparés de Dieu et de Son Royaume, parce qu'ils aiment la gloire des hommes, au lieu de la gloire de Dieu (Semeion Mega, "Un grand signe", 1962, pp. 16-17). 

Dans un autre livre, Papa Nicolas Planas, qui a été publié trois ans plus tard, il met à nouveau l'accent sur l'importance de la foi et la piété, il dit: 

Ils s'efforcent, aujourd'hui, pour expliquer l'état de l'Église, de trouver ses causes, et prétendent que la réponse se trouve dans l'enseignement théologique "scientifique". Mais le mal ne doit être réparé que par l'éducation dans la piété (Eusebeia)... Quel sera le bienfait pour l'Eglise si les élèves vont, disons à Genève? Ils vont revenir avec des principes protestants. Ces mêmes personnes nous disent que notre Église est restée tout un siècle en arrière. Comment ce serait bien, si les membres de l'Église d'aujourd'hui avait la piété de ceux qui vécurent il y a un siècle! L'éducation extérieure [laïque, séculaire] scientifique est très bien quand elle est unie à la piété (Athènes, 1965, p. 46). 

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Constantine Cavarnos 
Meetings with Kontoglou
Institute for Byzantine and Modern Greek Studies,
Belmont, MA. 
USA
1992

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