mercredi 4 mars 2009

SAINT SERAPHIM DE SAROV: INSTRUCTIONS SPIRITUELLES: 13



13 — De l’ennui et de l’acédie (l’abattement spirituel)

L’inséparable compagnon de l’esprit d’affliction est l’ennui. Selon les Pères, il attaque le moine vers midi et produit en lui une telle agitation que tant le lieu où il vit, que les frères qui vivent avec lui, lui deviennent insupportables. De même, pendant la lecture, s’élève en lui une sorte de dégoût, des bâillements répétés et une grande envie de manger. Une fois que le ventre a été satisfait, le démon de l’ennui insinue à ce moine l’idée de sortir de sa cellule et de parler à quelqu’un, lui suggérant que la seule manière de se sauver de l’ennui est de converser constamment avec les autres. Et le moine qui est vaincu par l’ennui est semblable à l’amarantacée du désert qui se meut, s’arrête un instant et puis est à nouveau à la merci du vent. Il est comme une volute de nuage poursuivie par le vent.

S’il ne peut inciter le moine à sortir de sa cellule, ce démon commence à distraire son intellect pendant la prière et la lecture. Ceci, lui dit la pensée, ne doit pas être comme cela, ceci ne doit pas être là, il faut y mettre bon ordre. Le démon fait tout ceci afin de rendre l’intellect oisif et improductif.

Cette maladie est guérie par la prière, l’abstinence de conversation oiseuse, le travail manuel adapté à ses forces, la lecture de la Parole de Dieu et la patience, car elle est née de la pusillanimité, de l’oisiveté et des paroles oiseuses (Saint Antioche, discours 26, S. Isaac le Syrien, 212).

Il est difficile pour quelqu’un qui vient de commencer la vie monastique d’éviter l’ennui car c’est la première chose qui s’attaque à lui. De ce fait, il faut avant tout se prémunir contre celui-ci par l’accomplissement strict et absolu de toutes les obédiences qui sont données à un novice. Quand tes activités se déroulent dans le bon ordre, l’ennui ne trouvera plus de place dans ton cœur. Seuls sont affligés par l’ennui ceux qui dans leurs affaires n’ont pas d’agencement ordonné. Ainsi l’obéissance est le meilleur traitement pour cette dangereuse maladie.

Quand l’ennui prend le dessus sur toi, dis-toi en accord avec les instructions de saint Isaac le Syrien : “Tu veux encore d’une vie impure et honteuse. Et si cette pensée te vient, qu’il est mal de se tuer dans les pratiques ascétiques, réponds : je me tue car je ne puis vivre d’une manière impure. Je mourrai ici afin de ne pas voir la mort véritable : celle de mon âme dans sa relation avec Dieu. Il vaut mieux pour moi mourir ici dans la pureté que de vivre une mauvaise vie dans le monde. J’ai préféré une telle mort à mes péchés. Je me tue parce que j’ai péché contre Dieu et je ne veux plus provoquer sa colère. Qu’est-ce que la vie pour moi si elle est éloignée de Dieu ? Je supporterai cette affliction afin de ne pas être privé de l’espérance céleste. Pourquoi Dieu se soucierait-il de ma vie si je vis dans le mal et que je provoque sa colère ?” (Homélie 22).

L’ennui est une chose et la langueur de l’esprit appelée abattement est tout autre. Il arrive quelquefois qu’un homme soit dans un tel état spirituel qu’il lui semble qu’il lui serait plus facile d’être annihilé ou d’être totalement sans conscience ou sans sentiment aucun que de rester plus longtemps dans cet état incommensurablement douloureux. On doit en sortir rapidement. "Garde-toi de l’esprit d’abattement, car il engendre tout mal" (Saint Barsanuphe le Grand, correspondance, réponse 13,500).

Saint Barsanuphe enseigne qu’il y a "l’abattement physique qui vient de l’épuisement, et il y a l’abattement qui vient du démon. Si on veut les reconnaître, voici comment : celui qui vient du démon se présente avant le moment où on a besoin de repos. Ainsi quelqu’un se met-il à un travail, avant qu’il en ait fait le tiers ou le quart, il accule l’homme à abandonner ce travail et à s’en aller. Il ne doit donc pas se laisser prendre, mais faire une prière, se remettre à son travail et s’y tenir. L’ennemi, voyant qu’il fait la prière pour cela, cesse de l’importuner, car il ne veut pas donner occasion de prier ". (Saint Barsanuphe le Grand, réponse 562,563, et 564).

"Quand il plaît à Dieu de plonger un homme dans de plus grandes afflictions", dit saint Isaac le Syrien, "Il lui permet de tomber entre les mains de la pusillanimité. Celle-ci produit sur lui une grande force d’abattement dans laquelle il ressent un étouffement de l’âme et ceci est un avant-goût de la géhenne. En conséquence de cela, l’esprit de délire vient sur lui et de lui sourdent des milliers de tentations : la confusion, la colère, le blasphème, le fait de se plaindre de son propre sort, les pensées dépravées, le désir de se déplacer d’un lieu à l’autre et ainsi de suite. Si tu demandes quelle en est la cause, je te répondrai : ta négligence parce que tu n’as pas pris le soin de trouver un remède à tout cela. Car il existe pour cela un traitement à l’aide duquel l’homme trouve rapidement le réconfort de l’âme. Et quel est-il ce traitement ? L’humilité de cœur. Il n’est nulle autre manière par laquelle un homme puisse abattre le mur de ces vices, tout au contraire, il découvrira que ceux-ci le dominent"(Saint Isaac le Syrien, homélie 79). 

L’abattement est quelquefois appelé par les saints Pères oisiveté, nonchalance ou indolence.

Version française Claude Lopez-Ginisty

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