samedi 9 avril 2022

« LA DOULEUR A EMPLI MON CŒUR », A DIT LE MÉTROPOLITE ONUPHRE À PROPOS DE BOUTCHA

Photo: news.church.ua

Métropolite Onuphre de l'Eglise orthodoxe ukrainienne canonique     

« J'ai appris aux nouvelles d'aujourd'hui ce qui s'est passé à Boutcha. C'est terrible. La douleur a empli mon cœur », déclare le primat ukrainien dans un communiqué concernant les informations faisant état d'un massacre à Boutcha, ville de la province de Kiev.

La bataille de Boutcha a duré du 27 février au 31 mars, après quoi les forces russes se sont retirées. Après que les forces ukrainiennes aient repris le contrôle de la ville, des rapports d'atrocités et de crimes de guerre ont commencé à émerger. Selon le maire Anatoly Fedoruk, des centaines de corps ont été retrouvés dans la ville et la région, y compris ceux de civils ukrainiens et de soldats ukrainiens et russes.

La police nationale ukrainienne a ouvert des enquêtes sur les événements de Boutcha, et le ministère des Affaires étrangères a demandé une enquête de la Cour pénale internationale en Ukraine, afin de recueillir des preuves de crimes de guerre russes.

Pendant ce temps, la Russie a demandé une réunion spéciale du Conseil de sécurité de l'ONU pour aborder ce qu'elle prétend être une provocation ukrainienne à diffuser des "informations délibérément fausses". En ce qui concerne les États-Unis, le Pentagone n'est pas en mesure de vérifier de manière indépendante les comptes rendus ukrainiens des atrocités russes, mais n'a aucune raison de les contester, a déclaré lundi un haut responsable de la défense américaine.

« Je remets ceux qui ont commis cela au jugement de Dieu, à qui rien ne peut être caché », a déclaré Sa Béatitude le Métropolite Onuphre de Kiev et de toute l'Ukraine dans sa déclaration d'hier.

« J'exprime ma profonde compassion aux parents des victimes, et je prie pour ceux qui sont morts violemment et je supplie le Seigneur de recevoir leur âme dans les demeures des justes », a conclu Sa Béatitude.

De manière caractéristique, Evstraty Zorya, l'orateur de la schismatique "église orthodoxe d'Ukraine", a profité de l'occasion pour critiquer à nouveau le Primat ukrainien, pour ne pas avoir attaqué directement la Russie dans son expression de condoléances et de prières.

Cependant, d'autres hiérarques ont répondu avec un ton différent.

Sa Grâce, l'évêque Sylvestre, de Belgorod, recteur du séminaire et de l'académie théologiques de Kiev, écrit que toute l'Ukraine et toute la communauté internationale sont choqués par des scènes de Gostomel, d'Irpin et en particulier de Boutcha.

« Le nombre de civils morts et tués s'élève à au moins des centaines. Mais en même temps, des cadavres présentant des traces de mort violente continuent d'être trouvés dans les villes libérées et des fosses communes sont identifiées. Il est nécessaire d'appeler les choses directement par leur nom propre. Des CRIMES ont été commis », s'exclame Sa Grâce. Bien qu'à ce jour, il reste à prouver si ces crimes ont été commis par des troupes russes ou par des membres de bataillons ukrainiens néo-nazis tels qu'Azov, en représailles contre des citoyens qui ont peut-être collaboré avec les troupes russes.

« Comment pouvons-nous parler de Dieu aux gens après tout ce que nous avons vu dans la guerre actuelle de la Russie contre l'Ukraine ? » s'étonne Sa Grâce. « Je suis sûr que la réponse à cette question sera recherchée par les théologiens et les membres du clergé de diverses confessions chrétiennes pendant plus d'un an. Mais le monde ne sera plus jamais le même... »

Version française Claude Lopez-Ginisty

d'après

ORTHOCHRISTIAN



vendredi 8 avril 2022

Hiéromoine Spyridon [Doroch]: CONFESSION. DIEU EST PRESENT

    

En ce qui concerne le samedi des défunts,  je voudrais dire quelques mots sur notre confession et notre repentir, car cela est directement lié à notre destinée éternelle. Il est encore temps pour nous de nous repentir.

Le Seigneur, dans son sermon terrestre, nous interpelle : Repentez-vous, car le Royaume des Cieux est proche (Mt. 4:17). C'est-à-dire que le repentir pour un pécheur est une condition préalable pour entrer dans le Royaume ; lors de la confession, une personne se tient devant la réalité de sa vie dans le Royaume de Dieu.

Le Christ suggère que nous ne demandions que pardon et que nous essayions de nous améliorer. Le repentir détruit l'enfer dans l'âme du pénitent et le transfère au Paradis. Il n'y a pas de péché dont une personne ne puisse être libérée par la repentance et la confession. Lors de la confession, l'âme est, pour ainsi dire, immergée dans la « source de la miséricorde de Dieu ». Mais combien de fois nous éloignons-nous de ce sacrement sans être pardonnés parce que nous ne demandons pas toujours pardon ! Nous quittons la source de la guérison sans être guéri.

Nous, prêtres, entendons rarement à la confession : « Seigneur, pardonne-moi ceci et cela ! Je t'ai attristé... » Certains viennent se confesser pour parler avec un prêtre, même sur des questions spirituelles ; d'autres viennent simplement parce qu'ils veulent être autorisés à communier ; d'autres se plaindre de leur vie. Mais n'oublions pas d'utiliser le don, les opportunités qui nous sont données dans ce sacrement.

Un des saints Pères nous donne l'image suivante de repentance : le gel du péché nous a lié les mains, et nous ne pouvons pas insérer la clé dans le trou de serrure de la porte du Royaume des Cieux et la tourner. Nous demandons à Dieu et Il nous la déverrouille. Nous devons demander si nous voulons entrer.

« Voici, mon enfant, le Christ se tient invisiblement, acceptant ta confession », entendons-nous dans la prière avant la confession. Dans ce sacrement, trois se tiennent au lutrin de la confession : le pénitent, le prêtre et Dieu. Nous oublions souvent que Dieu se tient ici présent, acceptant notre confession, notre repentir, et nous accordant le pardon et la guérison en retour. Dieu est ici présent à la confession.

Nous pouvons nous souvenir de Dieu quand nous nous rendons compte que nous avons péché et que nous lui demandons pardon. Nous pouvons aussi nous souvenir de Dieu lorsque nous nous préparons à la confession, en nous rappelant et en écrivant nos péchés. Et peut-être nous souvenons-nous de Dieu lorsque nous lisons les prières préparatoires avant la communion. Alors nous nous souvenons de Lui et nous pouvons Lui demander pardon. Mais à la confession, où Il « se tient de manière invisible, acceptant notre confession », nous L'oublions souvent.

Il est difficile d'imaginer qu'il soit ici présent, parmi le tumulte constant, les "batailles" pour une place dans la file d'attente, les réunions et les discussions avec des amis, l'irritation contre ceux qui se tiennent autour de Lui, parmi les condamnations et les commérages de "condamnés" comme nous, parmi nous qui sommes venus au "jugement", mais qui ne se soucient pas de Sa "décision" et de Son "verdict". Nous ne demandons pas souvent pardon pour ces péchés commis immédiatement avant la confession : pour avoir ignoré Dieu, pour ne pas croire que Dieu est ici présent dans Son église.

     

L'Église nous dit-elle la vérité que « le Christ se tient invisiblement, acceptant nos confessions » ? Se tient-il vraiment devant le lutrin ? Le plus souvent, nous, prêtres, entendons « Père », « Batiouchka », et seulement occasionnellement, « Seigneur Jésus-Christ, pardonne-moi ! »

Saint  Jean Climacus écrit : « Pendant la prière et la supplication, tenez-vous debout en tremblant comme un condamné qui se tient devant un juge, afin que, tant par votre apparence extérieure que par votre disposition intérieure, vous puissiez éteindre la colère du juste juge ; car il ne méprisera pas une âme en deuil debout devant lui, accablée de tristesse et épuisant Celui qui ne peut être épuisé » (échelle : 7 : 11). Ainsi, nous devrions nous tenir à la confession « accablés de tristesse », comme de vrais pénitents, comme ceux qui ont attristé notre Dieu, comme ceux qui l'aiment, si nous aimons vraiment.

La confession, comme la prière, est une conversation de l'âme avant tout avec Dieu. Et le prêtre est témoin et la bouche de Dieu, nous absolvant des péchés par la prière.

Ne soyons pas comme les pharisiens, qui n'ont pas vu Dieu en Dieu, mais comme des pécheurs, des publicains et des prostituées, qui ont suivi Ses pas, ont tenu compte de Ses paroles et sont tombés à Ses pieds. Rappelons-nous que le Seigneur est dans son saint temple (Ps. 10:4). Ne Le mettons pas en colère par notre oubli. Rappelons-nous que nous sommes toujours trois à la confession : Dieu, moi et le prêtre. À l'avance, au moins dans la file d'attente, préparons-nous pour cette réunion au lieu de confession.

Et si nous péchons, alors à l'appel de Dieu, où es-tu ? (Genèse 3:9), répondons : « Je suis ici, ô Seigneur ! Pardonne-moi, car j'ai péché contre toi ! » Amen.

Version française Claude Lopez-Ginisty

d'après

ORTHOCHRISTIAN


jeudi 7 avril 2022

VIE DU STARETZ JEAN JOURAVSKY



« Mémoire éternelle au juste » (Ps.111, 6-7)

Ivan (Jean en français) Pétrovitch Jouravsky naquit le 12/25 septembre 1867, dans le district rural de Laudon près de Madonsk. Son père et son grand-père étaient prêtres, et officiaient tous deux dans l'éparchie orthodoxe russe de Polotsk. Jean mis à part, la famille du père Pierre (1826-1892) et de son épouse, Matouchka Mélanie, comptait quatre enfants: Siméon, qui devint prêtre, et trois filles.

Le grand-père, un esprit brillant, périt encore jeune, lors d'un service religieux (probablement un baptême) chez des particuliers, tué par des schismatiques.

Pierre fut envoyé par sa mère à l'école ecclésiastique de Polotsk, puis il entra au Séminaire de Saint-Pétersbourg, dont il termina le cursus en 1847. L'année suivante, le 7 mars 1848, il fut ordonné prêtre de l'église de Balov dans l'éparchie de Polotsk (actuellement Balvi, en Lettonie). De 1853 à 1856, il officia à l'église de Skrudalin dans l'éparchie de Riga. A partir de 1841, un mouvement du luthérianisme vers l'orthodoxie s'amorçait chez les Lettons et les Estoniens de l'éparchie de Riga. Dès lors, on commença à construire des églises orthodoxes dans les régions baltes et à faire venir des prêtres.

Le père Pierre Jouravsky, voulant être utile à l'orthodoxie au sein du peuple letton, demanda à être assigné à une paroisse dont la majeure partie des fidèles était lettone et où le service religieux se faisait en letton. Par décret de l'archevêque Platon de Gorodetsk et de Mitavsk, il fut nommé prêtre à l'église de Kaltsenav de la surintendance de Kerstenbem.

C'est alors que débuta son sacerdoce parmi les Lettons, qui se poursuivit jusqu'à sa mort dans la même surintendance. Il fut trois ans prêtre à Kaltsenav, officia environ huit ans à Martsien, fut neuf ans prêtre de Golgotha, administra les paroisses de Stomerz et Boutskovsk, et fut les dix dernières années prêtre auprès de l'église de Lidern à Vidzem. Il officia 44 ans avec comme prêtre.

Le père Pierre était un homme simple et sociable, dévoué au service de Dieu. Où qu'il officiât, il faisait toujours bonne impression. A la fin de sa vie, il reçut de Dieu le don de la prière pure. Les paysans venaient de loin prier auprès de lui, qu'ils fussent orthodoxes ou luthériens. Quel que soit son état de santé, et même s'il était malade, il se rendait au premier appel chez ses paroissiens pour des offices et des prières, à n’importe quel moment, et par tous les temps.

Il connut beaucoup d'afflictions durant sa vie, dans cette région où l'on ne partageait pas sa foi. Le père Pierre Jouravsky mourut le 10 juin 1892. L'office des défunts fut célébré par huit clercs, dont deux de ses fils, le prêtre Siméon et le diacre Jean Jouravsky, à la tête desquels il y avait le surintendant de Kerstenbem, père Basile Pokrovsky. La liturgie se fit en letton, et l'office des morts en slavon.

Environ 2000 personnes assistèrent à l'enterrement. La journée était claire et tranquille, les chants magnifiques. On ressentait dans l'atmosphère de recueillement l'importance exceptionnelle de l'événement.

Le père Jean Jouravsky s'adressa plus d'une fois à son père pour lui demander de l'aide, et la reçut (cf « Journal d'un vieux prêtre »).

Dans son enfance, le petit Jean Jouravsky vit des anges, et cette vision mystérieuse marqua son âme de l’empreinte divine. Il est probable que dans son enfance, avec son frère Siméon et ses soeurs, il se rendait régulièrement aux services à l'église où officiait son père, aidant à chanter dans le choeur. Le petit Jean aima très tôt le chant d'église et la prière.

Ayant quitté l'école en 1884, Jean Jouravsky entra au Séminaire de Riga qui se trouvait, comme l'église de la Protection attachée au Séminaire, au 9 du boulevard Kronwald (actuellement la faculté de l'institut de médecine de Riga). Quand les études lui laissaient du temps, il chantait dans le choeur archiépiscopal de Riga, dans la Cathédrale de la Nativité, sous la direction du maître de chapelle Kislov, un ancien élève du directeur de la maîtrise de Saint-Pétersbourg, le compositeur Alexandre Lvov. Il acquit de profondes connaissances dans le domaine du chant d'église, ce qui lui permit, en 1900, de faire paraître un recueil liturgique pour le chant d'église en letton, avec des partitions (éd.Riga 1900), dont les fidèles se servirent largement dans les paroisses lettones. Le père Jean disait à ses paroissiens que la prière est le chant de l'âme à Dieu. « Il faut prier comme on chante, les chantres sont les lumières de la maison de Dieu ». Il aimait particulièrement l'Hymne des Chérubins (no 69), Milost Mira (nos 11, 12, 13 dans le Livre de chant).

Préoccupé par le chant d’église et la prière commune, par une prière du prêtre qui soit « avec le peuple, et pas à la place du peuple », il présenta à la publication à la fin des années 30 un recueil de poche au format pratique à l'intention des paroissiens, le livre d'heures /Pesnoslov/ (Vigile, Liturgie, Vigile de jeûne), afin d’uniformiser le chant dans les églises orthodoxes, les écoles et les familles. Malheureusement le recueil a été perdu pendant la deuxième guerre mondiale. Il serait bon qu’un tel recueil puisse être édité par les héritiers spirituels du Père Jean. Peut-être ce recueil a-t-il été conservé par l'un des lecteurs de ces lignes?

En 1890, à la fin du séminaire, Jean fut sacristain à Vindava (Ventspils), à l'église de Tous-les-Saints de Zamkov dont le supérieur était le célèbre père Basile Aliakritsky. En 1891, Jean fut sacristain à la paroisse lettone de l'Ascension à Riga (rue Menes). Le 19 février 1892, l'Archevêque Arsène (Briantsev) l'ordonna diacre auprès de l'église du Saint-Esprit de Jakobstadt, et, le 12 février 1895, prêtre auprès de l'église de Martsien à Vizdem (où son père avait officié). Ici, à Martsien, le père Jean Jouravsky continua l'oeuvre sainte de son père: il restaura l'iconostase de l'église Saint-Alexis (1898), et fit construire une chapelle en l'honneur de Saint Alexandre Nevsky dans le cimetière orthodoxe (1897), ainsi que l'école ecclésiastique de paroisse de Martsien (1899). Son activité fut plusieurs fois remarquée avec reconnaissance par l'archevêque de Riga Agathange (Preobrajensky).

On sait des années de service du père Jean à Martsien qu'il était un enseignant accompli, bon, doux, et affable. Sa bonne âme portait la Parole de Dieu à ses élèves sous une forme non altérée, dans la lumière de l'amour et de la prière.

En 1900, le saint et juste père Jean (Serguiev) de Cronstadt[1] se rendit à Riga et Vindava (Ventspils). A Riga il célébra la Divine Liturgie (ou un moleben) dans l'église de la Consolation-de-tous-les-affligés, et le 12 mai, à Vindava, un moleben pour la consécration d'un sanatorium d'enfants, ainsi qu'une Liturgie à l'église. A Vindava toujours, le père Jean de Cronstadt concélébra avec des prêtres de l'éparchie de Riga, le père Basile Aliakritsky, le père Vladimir Pliss, le sacristain de la Cathédrale, père Winter, le père Jankovitch, le père Tserin. Il est possible que le père Jean Jouravsky ait rencontré le père Jean de Cronstadt à ce moment dans l'église de la Consolation-de-tous-les-affligés, comme il est également possible qu'il l'ait rencontré quand il était encore séminariste lors d'une visite à Cronstadt. Il est uniquement attesté que ce saint prêtre de l'Eglise offrit à Jean un manteau ecclésiastique, et lui confia des enseignements spirituels. Le peuple put dire par la suite: « C'est un don qui a été transmis de Jean à Jean ».

Jusqu'aux dernières années de sa vie, le père Jean Jouravsky conserva le manteau du père Jean de Cronstadt. Une photographie du saint père se trouvait toujours dans l'abside de l'autel. Il s'efforçait de mettre en pratique ses enseignements. Mais quels étaient-ils?

Le père Jean n'accumulait rien, il était l’antithèse du grippe-sou, il distribuait son salaire aux pauvres, il refusa un poste avantageux à la Cathédrale, et prit sur lui la croix de servir dans l'église de la prison de Riga, et dans l'asile de vieillards Sadovnikov. Il enseigna toujours la catéchèse dans les écoles (sauf à l'époque soviétique), ne refusait jamais de donner la communion aux malades, et apportait les Saints Dons à ceux qui désiraient ardemment la visite de Dieu. Il supportait avec douceur de nombreuses afflictions de la part de ses proches, surtout de son épouse, avec laquelle il vivait comme frère et soeur. Il était le meilleur instructeur et confesseur des jeunes prêtres de Riga. Mais, comme il apparaît aujourd'hui pleinement, il fut avant tout un grand homme de prière, priant continuellement, surtout la nuit. On rapporte des cas où il apparaissait aux jeunes prêtres dans leurs rêves en les sermonnant.

Le père Jean Jouravsky célébrait la Divine Liturgie remarquablement. Ses enfants spirituels considèrent que ce don lui venait du père Jean de Cronstadt. Il officiait avec ferveur et dans une stricte observance du rite. Le chant était harmonieux et empreint de l’esprit de la prière. Le père était souvent à genoux dans l'Autel.

Durant le service, le père Jean put parfois voir le monde invisible, et notamment les âmes des défunts. Ses célébrations pouvaient remplir de crainte. Avec l'audace du père Jean de Cronstadt, le père faisait lire les prières secrètes à haute voix, et ouvrait les Portes Royales pendant le canon eucharistique. La commémoration des vivants et des défunts était lue deux fois à haute voix, pendant la prothèse et la Liturgie.

L'église de la Consolation-de-tous-les-affligés où il officiait était toujours comble, alors que celles qui se trouvaient à côté étaient vides. Les fidèles racontent que le service dans l'église de la Consolation commençait à 8h du matin et se terminait à 3h de l'après-midi. Puis tous allaient à lui pour lui demander conseil, comme à un starets, et pour recevoir sa bénédiction. On quittait l'église pour rentrer chez soi avec des ailes, si puissante était la grâce s'épanchant sur les gens.

Le père Jean Jouravsky reçut de Dieu d'autres dons : le don de guérison - il arrivait qu'il guérisse par onction d'huile sainte - le don de clairvoyance, qui se manifestait dans la précision de ses conseils, dans la vision de ce qui avait été, ou qui allait arriver. Il prévenait ses ouailles des dangers, voyait spirituellement, « saisissait » l'homme en son entier. La prière du starets apportait protection et secours.

A partir de 1902 et jusqu'à l'exode de 1915 (quand l'Allemagne occupa la Lettonie) le père Jean Jouravsky officia à l'église Saint-Nicolas de Vindava. Où était le père pendant les années de l'exode (1915 à 1918), on l'ignore. Mais il y a des témoignages qui attestent qu’il se serait rendu à Kiev où il aurait eu des entretiens spirituels. Nous devons à sa plume un poème inspiré, « Sur le christianisme intérieur », qui est une synthèse de l'enseignement orthodoxe des Saints Pères sur le « travail de l'intelligence »et la prière intérieure. Ce poème devint le livre de chevet de beaucoup, laïcs ou prêtres. Il fit comprendre la prière, l'humilité et, avant tout, la recherche assidue du Royaume de Dieu, à de nombreuses personnes. Ce livre appartient au « premier » Jouravsky (il l'écrivit à l'âge de 40/50 ans), son style est élevé, inspiré. (L'auteur dit dans l'introduction qu’il est le « fruit de quarante ans passés à écouter attentivement la Symphonie Divine des Saints Pères de l'Eglise Orthodoxe ». En 1918 le Père avait 51 ans). Le père Jean a laissé quelques dizaines de milliers de réponses aux lettres de ses enfants spirituels. Mais, malheureusement, les archives du starets ont été perdues après sa mort, les lettres ayant été portées hors des frontières de la Lettonie sans que nous ayons pu les découvrir. La collection de ces lettres et leur publication est peut-être l'étape suivante dans l'étude de la vie du père Jean.

De 1920 à 1940, le père Jean fut prêtre attaché auprès des prisons de Riga. Il officia dans la Prison centrale de Riga, rue Matis, où se trouvait depuis l'époque du Tsar l'église Saint-Nicolas, et dans la prison de transfert à Riga, où se trouvait l'église Saint-Serge. Il se rendait également à l'asile de vieillards. Le père Jean rappelle à ce moment-là Saint Nicolas le bon pasteur. Les nombreuses poches de son manteau étaient toujours pleines de cadeaux pour les détenus. Pour les Grandes Fêtes, il faisait le tour des cellules avec des sacs pleins de cadeaux.

Dans la prison, il fonda quatre choeurs et deux bibliothèques de littérature spirituelle: par le chant et la prière, les âmes perdues revenaient à Dieu. Les détenus préparaient pour l'église différents articles, par exemple des châssis ciselés pour l'Evangile (presque comme dans les maisons du Labeur du père Jean de Cronstadt). On raconte que beaucoup de détenus revinrent à l'Eglise, et que le père Jean en aida beaucoup à sauver leur âme.

A l'époque soviétique l'église de la prison ferma, les livres furent ôtés à la bibliothèque, l'église de l'asile fut détruite et pillée. Il est étonnant et miraculeux que le père ait été épargné par Dieu lors de ces désastres. Les allemands arrivèrent en 1941. La Gestapo et les SS firent fusiller en masse les juifs de Riga. Le père baptisa de nombreux juifs et les sauva ainsi de la mort spirituelle et physique. Il pouvait lui en coûter d'être fusillé. Mais Dieu le protégea.

1944. Les troupes soviétiques étaient de nouveau à Riga. Fallait-il se sauver? Un groupe de 25 personnes, constitués de prêtres avec à leur tête l'évêque de Riga Jean (Garklavs), partit pour toujours. Le père demanda à son icône bien aimée de la Mère de Dieu de Kazan, avec laquelle il parlait toujours, s'il devait partir ou non. La Mère de Dieu hocha la tête avec désapprobation: « Ne pars pas ! »

Depuis 1940 et jusqu'en 1962 le père Jean Jouravsky fut le doyen de l'église de la Consolation-de-tous-les-affligés où le père Jean de Cronstadt officia un jour. C'est le dernier lieu où il officia. En 1940, il avait déjà 73 ans. Il se consacrait là entièrement à son activité de pasteur, et à la prière. Il avait derrière lui une grande expérience du service. Mais il faut « souffrir jusqu'au bout ». Il est dangereux de s'assimiler au riche de l'Evangile qui, ayant amassé des biens, se tranquillise. Le père officia sans défaillir. Il aimait surtout prier la Mère de Dieu, lui consacrer des acathistes. Il aimait beaucoup les enfants qu'il « jaugeait » dès le sein de leur mère, qu'il voyait quand ils n’étaient pas encore nés. Il câlinait toujours les enfants, leur donnait des bonbons. Ses sermons étaient audacieux, directs, accusateurs, il répondait à toutes les questions de ceux qui venaient le voir. Il parlait ouvertement du communisme sans Dieu. Il était observé par des espions délateurs, mais Dieu le protégeait. Le plus important est qu'il enseignait aux paroissiens la prière, la principale vertu du chrétien.

L'attitude du père Jean envers le mystère de la mort, le monde des défunts, est édifiante. Il avait une riche expérience des révélations surnaturelles, visions des âmes des saints auprès des reliques desquels il priait, et des âmes des défunts dans les cimetières et dans l'église pendant le service, surtout pendant la Divine Liturgie. Ceux pour qui il priait lui apparaissaient. La prière du starets était si forte qu'elle révélait le monde invisible. Il disait qu’il faut prier pour les défunts en versant des larmes. Son âme était toujours proche de ceux pour qui il priait, et des effets mystérieux s'en suivaient. Ses enfants spirituels ressentaient physiquement la proximité du starets, sa présence.

Cet enseignement vivant sur le monde de ceux qui se sont endormis  et nous ont précédé dans le Seigneur, car « Dieu n'est pas le Dieu des morts, mais le Dieu des vivants » (Marc 12,27) est très important pour la conscience rationnelle actuelle, souvent froide et ignorante des liens vivants avec les défunts, de leur réelle proximité.

Pendant les dernières années, alors qu'il avait 90 ans passés, une lumière particulière rayonnait autour de lui. Souvenons-nous de Saint Séraphin de Sarov que Dieu prépara 47 ans à servir les gens, puis qu'Il révéla à tous. Il en est de même pour le père Jean. A la fin de sa vie, il fut un starets, un « père doré », comme on l'appelait dans le peuple. Il fut un véritable guide spirituel venant de Dieu. On venait le voir de la Russie entière et même de l'étranger. Il écrivait chaque jour des dizaines de lettres et apportait encore et encore de l'aide... Il « réunissait en Christ » le troupeau du Christ. Il était un proche ami de l'ancien starets de Valaam, le père spirituel de l'ermitage de Riga de la Transfiguration du Sauveur, le père archimandrite Kosma (Smirnov). Il était le père spirituel de nombreux pères spirituels.

C'est à ce moment-là que le Seigneur éveilla en lui le don de voir le futur. Il parlait de la sainteté de la terre lettone, de sa future libération, des futures afflictions, des châtiments de Dieu, de ce que « vos enfants vont encore étudier la Loi de Dieu » et de beaucoup d'autres choses, et tout se réalisait effectivement. A la fin de sa vie le père Jean dut endurer des persécutions. D'abord ce fut un avertissement émanant de ses propres confrères serviteurs du culte, suivi d'un décret officiel interdisant de mentionner dans les sermons des « expressions, exemples et faits corrupteurs et malséants » (sans doute sur les communistes), et demandant de « se limiter strictement pendant le Service aux indications du livre de service...ouvrir les Portes Royales au moment fixé ». Puis, deux ans avant sa mort (le starets l'avait prédit), sur dénonciation de ses confrères, il fut écarté des offices à l'église de la Consolation-des-affligés et on l'obligea à écrire lui-même sa demande de congé. Il avait 95 ans, mais il pouvait encore officier, lui qui avait déjà tant fait pour l'Eglise du Christ... La paroisse de l'église de la Consolation-des-affligés écrivit à l'archevêque pour défendre le père: « Nous tous ici avions une famille, une maison. Nous avons presque tous une prière commune de dix, douze ans avec le père Jean, agenouillés devant l'autel. Nous Vous prions, Très saint et vénéré Evêque... Permettez-nous de nous réjouir dans nos afflictions quotidiennes qui sont déjà pénibles. Car nous n'aurions pas de plus grande joie que de retrouver et de revoir l'archiprêtre Jean auprès de l'autel de la Consolation-de-tous-les-affligés, duquel il a été si impudemment chassé! » Hélas, l'évêque n'entendit pas la voix du peuple...

Le père avait prédit que quand il serait écarté et mourrait, l'église serait détruite. Ce fut la seule église détruite à Riga pendant l'époque soviétique. Et on peut se demander pourquoi. Si nous-mêmes, orthodoxes, n'avions pas trahi notre starets, les ennemis extérieurs auraient-ils pu nous vaincre?

Oui, nous sommes invulnérables tant que la paix est avec nous. Cela vaut la peine d'y penser. A tous les destructeurs d'églises, ceux qui ont détruit en 1925 la chapelle de la Mère de Dieu de Kazan sur la place de la gare à Riga, ceux qui ont fermé la cathédrale de la Nativité et ceux qui l'ont calomnié, le starets a prédit le châtiment de Dieu, et il s'est accompli de son vivant, pour tous, et rigoureusement.

Le père mourut le dimanche des Rameaux, le jour de l'Entrée du Seigneur à Jérusalem, le 31 mars 1964, et nous croyons qu'il est entré au Royaume des Cieux. L'office des défunts fut célébré à l'église Saint-Jean-le-Précurseur à Riga le 4 avril, la veille du Vendredi Saint. Vingt prêtres de l'éparchie orthodoxe russe de Riga, avec à leur tête l'évêque Nikon (Fomitchev) de Riga et de Lettonie, participèrent au service funèbre devant une affluence nombreuse. La tombe du starets au cimetière se trouve du côté droit de l'église Saint Jean le Précurseur, et presqu'en face de l'entrée dans l'ancienne église Notre-Dame-de-Kazan.

Je confesse ma faiblesse à écrire ces pages sur un starets dont la dimension spirituelle est incommensurable. Que puis-je ajouter en conclusion? En lisant les souvenirs des enfants spirituels du père Jean, en discutant avec de nombreuses personnes qui l'ont connu et ont reçu de lui une aide spirituelle, on voit à quel point le starets rappelle de façon étonnante la sainte figure de Saint Nicolas le Thaumaturge: son enseignement spirituel, son calme, sa douceur dépourvue de hargne ou de gloriole, sa générosité, son détachement, son soucis des opprimés, des détenus, des affamés à qui il portait les saints Mystères, des pauvres qu’il habillait, sa pureté de cœur, la force de sa prière qui pouvait obtenir la guérison de nombreuses personnes, sa clairvoyance qui lui permettait de prévoir les malheurs, les afflictions, et la perte des ingrats.

La vie du père Jean Jouravsky ne se termine pas là. Il disait lui-même: « Quand je mourrai, venez prier sur ma tombe, mais seulement après l’office, car pendant l’office, je suis à l'église ». Ceux qui viennent y prier savent qu’il accorde son aide. Ils trouvent guérison, bénédiction, et une oreille attentive à leur demande.

CONCLUSIION

Qu'est-ce qui a fait du père Jean un starets? Comment un prêtre marié, célébrant dans une paroisse, a-t-il pu parvenir à une élévation spirituelle que seuls quelques élus atteignent dans les monastères?

Son ardeur au travail, son abnégation quotidienne et continuelle dans le service, ne lui laissait aucune liberté personnelle. Tout chez lui était consacré à Dieu et aux gens. Sa paroisse et ses enfants spirituels furent le fruit de son sacrifice continuel. On lui disait « va », et il allait, « viens », et il venait (Luc 7,8). On lui adressait une demande et il y accédait, non par peur, mais conformément à sa conscience. Le père Jean assimila complètement les paroles du Christ sur le Jugement dernier, où il est clairement dit pour quelles raisons le Seigneur récompensera les justes et condamnera les pécheurs. Pendant toute sa vie, le starets exécuta, et exécuta à la lettre, la volonté de Dieu, nourrissant les affamés, habillant les nus, accueillant les voyageurs, sauvant les détenus, visitant et faisant communier les malades. « Personne ne l'a quitté démuni ».

Le starets observait les jeûnes, il était toujours mesuré dans sa nourriture, mais il n'était pas un ascète rigoureux. C'est plutôt le jeûne spirituel qui dominait dans sa vie : la paix des pensées, la pureté du coeur, la prière. Nous savons bien nous-mêmes comment nous anéantissons notre jeûne par l’irritation ou par des actes ou des paroles inconvenants. Le père Jean agissait toujours dans la prière. Il faisait tout à la gloire de Dieu. La prière de Jésus dans son cœur devint partie de lui-même.

La contemplation de fautes personnelles qui peuvent paraître insignifiantes mais qui étaient énormes à ses yeux était sa pratique habituelle, comme la vigilance, l'attention permanente, la sobriété, les larmes versées sur soi et sur l'inaccessibilité de Dieu, le pardon accordé aux proches, l'humilité, la douceur quand il était poursuivi et chassé. Il n'entra dans aucun parti à l'intérieur de l'Eglise et n'eut aucune requête personnelle à adresser à l'évêque en place, ni lors du passage de l'Eglise Orthodoxe Lettone sous la juridiction de Constantinople pendant les troubles de 1936, sous l'autorité du métropolite Serge Voskresensky (1940-1944), ni au temps des évêques de la période d'après-guerre. Le starets craignait de nuire au blé en écartant l'ivraie...

Le père Jean fut gratifié des dons du Saint Esprit, qui fit de lui starets pour sa vie héroïque, et surtout pour s’être conformé à la recommandation du Saint Thaumaturge Séraphin de Sarov: « Celui qui est en paix puise en Dieu les Dons spirituels » de l'Esprit Saint.

PÈRE JEAN, PRIE DIEU POUR NOUS!

Rassemblé et composé par le prêtre André Golikov

Source

SPIRITUALITE ORTHODOXE ET TRADITION


Librairie de la Transfiguration

 

Librairie du Monastère de la Transfiguration
1° avril 2022
Mon Père, madame, monsieur
 
Nous avons le plaisir de vous informer de la mise en ligne de 4 nouvelles homélies de l'Archimandrite Aimilianos.
 

Les éditions du Monastère de la Transfiguration ajoutent quatre nouveaux titres à la collection des enseignements de l’Archimandrite Aimilianos. Le lecteur francophone dispose à présent d’une vingtaine de brochures ; elles mettent à sa disposition des homélies ou des conférences données dans des monastères et des paroisses.
 
Ces textes respectent les caractères propres à la parole, dont ils sont une restitution, avec en particulier ces digressions, si souvent plus proches d’un approfondissement que d’une banale parenthèse. Nous le voyons avec L’appel de Constantin le Grand, où l’évocation de la vision d’une Croix triomphante - « In hoc signo vinces » par ce signe, tu vaincras - introduit une méditation sur les théophanies, ces manifestations sensibles de Dieu, et les conversions qui leur sont liées.
 
Espoir et repentir donne le commentaire de quelques pages de la Philocalie, et nous montre qu’il n’y a pas de « petit » péché, dans la mesure où chacun de nos péchés est « grand », eu égard à la sainteté de Dieu. Cette ferme affirmation ne vise pas à nous accabler, mais au contraire à nous rendre attentifs à l’infinie miséricorde divine, à laquelle nous nous devons de répondre en ne jugeant jamais nos frères.
 
Le grand carême et le moment favorable réunit deux homélies sur le sens du jeûne ; l’une et l’autre se centrent sur l’importance donnée par le Christ à cette ascèse : « Le Christ met le jeûne à la même hauteur que la prière, parce que la prière ne peut se faire que lorsque l’on jeûne et on ne peut pas jeûner si on ne prie pas. »
 
Enfin, La Gloire du martyre est une invitation à vivre dans la paix et la joie … et en martyr, car la martyre – le mot grec martyrion signifie témoignage - n’est autre que la condition normale de tout chrétien, vivant dans ce monde sans être de ce monde. Le domaine du martyre ne se limite donc pas à la confrontation à quelque tortionnaire ou au tranchant d’un cimeterre, il inclut l’acception quotidienne de toutes les difficultés de l’existence, quelles qu’elles soient, qu’elles sourdent du Pouvoir ou émanent de nos familles et de nos proches. Ces épreuves, « Nous devons les affronter avec patience, avec courage, avec le sourire (…) car rien ne peut nous atteindre à moins que Dieu ne le permette. »
 
Tout l’enseignement de ces textes, donné par ce saint de notre temps est, au fond, comme une manducation du psaume 22 : confiance, joie, miséricorde. Et le chrétien sait qu’avec le Christ nous avons plus qu’un berger, puisqu’Il habite en nous : en Lui, nous ne craindrons donc aucun mal.

Jean Gobert

Paru récemment
 
Monastère de la Transfiguration.
24120 Terrasson- Lavilledieu

mercredi 6 avril 2022

Saint Nikon d'Optina: La vie chrétienne véritable


 

Nous devons nous efforcer de faire en sorte que toute notre vie, dans son ensemble, et non certaines heures et certains jours, soit basés sur la Loi de Dieu. 

Nous devons organiser toutes nos activités de manière à ce qu'elles soient en accord avec la volonté de Dieu. 

Ce n'est que dans ces conditions que notre cœur sera pur, et « seuls ceux qui ont le cœur pur verront Dieu ». (Matthieu 5:8)

Version française Claude Lopez-Ginisty

d'après

LIVING WITHOUT HYPOCRISY

UKRAINE


 

En laissant de côté le problème de l'Uniatisme, la situation ecclésiastique est tristement divisée entre l'Église orthodoxe ukrainienne canonique sous l'homophore du Métropolite Onuphre de Kiev et de toute l'Ukraine et les schismatiques soutenus par Constantinople. 

Les tactiques violentes de ces derniers, qui saisissent les biens de l'Eglise et attaquent le clergé et les laïcs, ne sont pas rsignalées en Occident, tandis que leur comportement anarchique n'est scandaleusement pas contrôlé par le gouvernement ukrainien.

Aujourd'hui, le parlement ukrainien envisage de mettre hors la loi toute organisation basée en Russie. Cette évolution inquiétante vise clairement l'Eglise orthodoxe ukrainienne, qui est une partie autonome (autogérée) du Patriarcat de Moscou. 

Il va sans dire qu'il s'agit d'une conséquence du malheureux conflit actuel. Nous ne pouvons qu'être d'accord avec le Métropolite Onuphre Primat de l'Eglise orthodoxe ukrainienne canonique] lorsqu'il dit que "la guerre est un péché contre Dieu"

La leçon de l'histoire nous enseigne que, quel que soit le problème, la guerre n'est jamais la solution, car elle ne fait que remplacer un problème par d'autres problèmes.

Version française Claude Lopez-Ginisty

d'après

Joy of All Sorrow

N° 156 April, 2022

mardi 5 avril 2022

La prière sur le lit de mort du Hiéromoine Parthène de Kiev


 

1. Quand, abattu par la maladie, je ressentirai l'approche de la fin de mon existence terrestre : Seigneur, aie pitié de moi.

2. Quand mon pauvre cœur, dans ses derniers battements, se lamentera et dépérira dans des affres de la mort : Seigneur, aie pitié de moi.

3. Quand mes yeux seront baignés de larmes pour la dernière fois à la pensée que durant ma vie je Tai offensé, ô Dieu, par mes péchés : Seigneur, aie pitié de moi.

4. Quand les fréquents battements du cœur commenceront à hâter l'exode de mon âme : Seigneur, aie pitié de moi.

5. Quand la pâleur mortelle de mon visage et la froideur de mon corps frapperont d’effroi mes proches : Seigneur, aie pitié de moi.

6. Quand ma vue s’affaiblira et que ma voix sera éteinte, que ma langue sera pétrifiée. Seigneur, aie pitié de moi.

7. Quand des apparitions et des visions épouvantables m’amèneront à désespérer de Ta miséricorde : Seigneur, aie pitié de moi.

8. Quand mon âme, affligée par les souvenirs de mes méfaits et la crainte de Ton jugement, sera épuisée dans la lutte contre les ennemis de mon salut, qui essaieront de m’entraîner dans le royaume des ténèbres des tourments : Seigneur, aie pitié de moi.

9. Quand la sueur de la mort me couvrira, et que mon âme dans des souffrances douloureuses s’éloignera de mon corps : Seigneur, aie pitié de moi.

10. Quand les ténèbres de la mort soustrairont à mon regard trouble tous les objets de ce monde : Seigneur, aie pitié de moi.

11. Quand toute sensation cessera dans mon corps, quand mes veines s'engourdiront et que mes muscles se pétrifieront : Seigneur, aie pitié de moi.

12. Quand les paroles humaines et les sons terrestres ne parviendront plus mes oreilles : Seigneur, aie pitié de moi.

13. Quand mon âme se présentera devant Ta face, ô Dieu, dans l’attente de ma destination Seigneur, aie pitié de moi.

14. Quand je commencerai à tenir compte de la juste sentence de Ton jugement, qui déterminera mon destin éternel : Seigneur, aie pitié de moi.

15. Lorsque le corps, abandonné par l'âme, deviendra la proie des vers et de la corruption, et que, finalement, toute ma substance  sera réduite en une poignée de poussière : Seigneur, aie pitié de moi.

16. Quand le son de la trompette lors de Ton Second Avènement, et que le registre de mes actions sera ouvert : Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, Ton serviteur pécheur (Nom). Entre Tes mains, Seigneur, je remets mon esprit. Amen.


Traduction Claude Lopez-Ginisty

d'après

Azbuka.ru

(en remerciant B. Le Caro 

pour son aide précieuse)


lundi 4 avril 2022

Marie Vasic: NOUS CONTINUERONS, QUOI QU'IL ARRIVE ! Printemps au Kosovo-Métochie


     

Le coffre de notre voiture est littéralement bourré de livres, et un autre grand sac est délibérément laissé sur la banquette arrière, en espérant que nous ne serons pas arrêtés par la police [albanaise] du Kosovo. En chemin, je suis préoccupée par les pensées : ici, à l'intérieur du soi-disant "Kosovo indépendant", vous n'êtes pas autorisé à appeler votre terre natale Kosovo-Métochie - vous pouvez être condamné à une amende ou même condamné "pour incitation". C'est la même chose si vous utilisez l'alphabet cyrillique. Vous ne pouvez tout simplement pas l'utiliser de nos jours - vous devriez écrire pour que toutes les « personnes décentes » puissent vous comprendre. Nous sommes tellement habitués à toutes sortes de restrictions, de limitations, de sanctions diverses et d'humiliation. Mais pour des raisons mystérieuses, nous nous battons toujours, nous n'abandonnons pas et nous devenons même plus forts. Nous survivrons de toute façon. Bonjour, notre bien-aimé Kosovo-Métochie ! Je ressens ta douce puissance en ce matin éthéré de mars, et je ne peux pas en avoir assez de ton air frais. La fumée qui s'élève des tuyaux de poêle des maisons de campagne locales rend le parfum inégalé de l'air que j'ai tant aimé depuis l'enfance encore plus intense. Bonjour, mon Kosovo natal ! Je ne sais toujours pas où tu obtient toute cette force pour résister au mal !

Notre voiture s'arrête à côté de l'église du village de Vitina. Je regarde sa fenêtre brisée et un espace vide où un drapeau serbe flottait autrefois - preuve d'une récente visite de ces "personnes décentes qui ne savent rien de l'alphabet cyrillique". Ils sont apparemment venus plus souvent dans la région ces derniers temps pour détruire et profaner les églises. Si souvent que la destruction de l'église de Vitina n'est même pas arrivée dans les nouvelles - comme, ce n'est pas grave ! C'est dommage que ce ne soit pas le cas : et si le monde en apprenait enfin au moins un peu plus sur le sort des Serbes de ce village ? « Notre vie tourne autour de l'église et de l'école », dit un professeur local de langue serbe. « La vie ici est comme une feuille de papier vierge. Comme ce serait bien si nous pouvions ajouter d'autres choses que nous pourrions faire ici ! »

Écoliers serbes en VitinaÉcoliers serbes à Vitina   

Les livres (en cyrillique - nos sincères excuses à vous, nos voisins « civilisés » !), achetés en partie grâce à l'aide des lecteurs de pravoslavie.ru dans notre Russie bien-aimée, étaient un cadeau que nous avons offert à la bibliothèque de l'école locale. Trois cents livres d'écrivains serbes et russes offerts aux écoliers et aux lecteurs adultes de la bibliothèque de l'école sont la fin heureuse d'une mission « illégale », aux yeux des autorités d'aujourd'hui. Il ne fait aucun doute que ces livres seront lus, non seulement par les villageois de Vitina, mais aussi par leurs invités des villages et des villages voisins. Après la guerre de 1999 et le pogrom de mars 2004, seuls deux enfants viennent à l'école de Vitina, plus leur professeur Dushitsa... Mais tout va bien, nous allons continuer.

« Avant cet horrible pogrom du 17 mars 2004, il y avait de nombreux ménages serbes dans cette région », dit Dushitsa. « Après le pogrom, beaucoup d'entre eux sont devenus réfugiés dans leur pays natal. Même maintenant, les Serbes qui sont restés en place ne voient pas d'avenir pour leur vie dans un environnement aussi hostile. Je comprends et je ne peux pas les blâmer pour cela - nous n'avons aucune liberté de mouvement ; les enfants serbes ne se sentent plus ou moins en sécurité qu'ici, à côté de l'église et de l'école, mais plus tard un bus viendra les ramener chez eux. Dans l'ensemble, il n'y a que vingt-huit enfants ici - pas trop, à vrai dire. Je continue toujours, vous savez, à penser au bon vieux temps, avant la guerre et les pogroms, lorsque l'école était située en plein centre du village et que nous avions trois à quatre classes chaque année et une quarantaine d'enfants dans chaque classe. Oui... Il ne nous reste plus que deux à trois enfants par classe. C'est évident, il ne reste plus grand-chose pour la carrière future des enfants. Le seul endroit qui reste à Vitina où les Serbes peuvent trouver un emploi est cette école où vous et moi nous tenons en ce moment. Oh, je dois y aller, j'ai un cours dans quelques minutes, donc nous finirons de parler une fois que ce sera fini », se souvient soudain le professeur.

Une histoire que Dushitsa a partagée au sujet de sa famille est, à mon avis, une illustration révélatrice du sort auquel les Serbes sont confrontés à Vitina et dans tout le Kosovo-Métochie en général.

« La majorité des familles serbes locales résident à côté de l'église, alors que seule notre famille, plus un autre enseignant âgé, qui est pratiquement mendiant, vivant dans l'extrême pauvreté, résident toujours au centre de Vitina. Je ne me souviens que trop bien de ce jour : le 17 mars 2004. J'avais neuf ans, mais je me souviens très bien de tout. Comment était-ce ? C'était terrifiant ; l'essentiel était une peur globale, je pense. Toute Vitina était prête à s'enfuir, tandis que ceux qui n'avaient nulle part ou personne vers qui courir, se sont enfermés dans leurs maisons et ont prié pour la délivrance des envahisseurs étrangers... Depuis lors, vous ne pouvez pas dire que nous vivons une vie ordinaire ou normale - cela n'est jamais revenu à la normale, peu importe depuis combien de temps. Je pense qu'une fois que vous avez vécu une telle horreur dans l'enfance... aucun de ceux qui étaient enfants à l'époque n'a eu la chance de se rétablir - nous avons encore peur d'être seuls.

     

Le silence sur la violence à l'encontre des Serbes, l'amnésie sélective des "médias civilisés" ont habilement joué en faveur des extrémistes albanais, incitant des voisins autrefois inoffensifs à devenir violents ; si le mal est intentionnellement ignoré et que vous ne serez tenu responsable de rien, alors pourquoi ne pouvez-vous pas, disons, "chasser ces Serbes" et les déposséder de leur terre, de leur maison, de leur bétail ou d'un tracteur... Non seulement vous ne serez pas poursuivis, mais vous recevrez même une tape dans le dos. Alors, allez-y, lâchez-vous...


Quand nous avons été laissés seuls, nous n'avons jamais eu un seul jour de paix. Presque tous les jours, nous avons dû subir de l'humiliation, vous savez, quand on vous dit des choses comme « n'est-il pas temps pour vous tous de partir, qui sait ce qui pourrait arriver », etc. Il y a environ cinq ans, nous nous sommes réveillés dans une sueur froide : des pierres volaient dans notre maison. Ils ont brisé le verre de la fenêtre. Ce n'est pas une bonne nuit si vous vous allongez en vous attendant à ce qu'un cocktail Molotov soit lancé sur votre chemin. Et ce qui est le plus important - vous savez avec certitude qu'aucune âme ne viendra à votre défense, il n'y a tout simplement plus personne. Plus tard, nous avons découvert que c'étaient des adolescents. Probablement, certains des « bienfaiteurs » locaux leur ont signalé deux maisons serbes. Naturellement, tout était silencieux : « Les maisons des Serbes ont été attaquées par des étrangers ». Il n'y a pas si longtemps, nous avons eu une autre surprise « agréable » comme celle-là. Alors, imaginez, comment pouvez-vous vraiment avoir un sommeil réparateur après cela dans votre propre maison, si de telles choses se produisent tout le temps ! Vous ne pouvez pas, parce que, lorsque vous vous allongez pour dormir, vous ne dormez pas - c'est plus comme un sommeil ligoté par la peur », dit tranquillement le professeur.

Elle soupira :

« Ce qui nous fait le plus mal, c'est quand vous voyez comment les nouveaux propriétaires travaillent sur votre terrain et que vous ne pouvez pas dire un mot contre cela. C'est la terre de vos ancêtres qui vous a nourri, et elle vous a appris à vivre dans la vie - cela fait très mal, croyez-moi. Mais nous résisterons, nous le ferons. »

J'étais assis à l'intérieur d'une petite salle de lecture poussiéreuse de la bibliothèque en regardant encore un autre 17 mars passer au Kosovo-Métochie, les enfants jouant dans une cour d'école de la taille d'une cuisine de taille moyenne, la fenêtre brisée de l'église, la rivière et le soleil au-dessus de Morava - et c'était comme si chaque tache de poussière tourbillonnant sous les rayons du soleil me disait : « Mais nous continuerons de toute façon ! » Avec les livres, les chants, le soleil, notre joie ineffable et notre foi en la Résurrection du Christ, nous persévérerons !


Version française Claude Lopez-Ginisty

d'après

ORTHODOX CHRISTIANITY