samedi 16 octobre 2021

La mansuétude


Le dernier roi d'une tribu avait dix chiens sauvages. Il les utilisait pour torturer tous ses serviteurs qui faisaient une erreur ou les donnait en pâture aux chiens.

Un de ses serviteurs fit une si grosse erreur que le roi fut terriblement contrarié. C'est pourquoi il ordonna que le serviteur soit jeté aux chiens.

Le serviteur lui dit : "Je t'ai servi pendant dix ans et tu me récompenses de cette façon. S'il te plaît, donne-moi dix jours avant de me jeter aux chiens".

Et le roi accepta.

Pendant ces dix jours, le serviteur parla avec le gardien qui s'occupait des chiens et lui dit qu'il souhaitait s'occuper lui-même des chiens pendant les dix jours suivants. Le gardien fut surpris mais il y consentit et le serviteur s'occupa des chiens, les nourrit, nettoya leur place, les lava et fit pour eux toutes sortes de choses selon leurs besoins.

Lorsque les dix jours furent écoulés, le roi donna l'ordre de jeter le serviteur aux chiens selon la punition décidée. Lorsqu'il y fut jeté, tout le monde fut surpris de voir que les chiens léchaient les pieds du serviteur.

Le roi, surpris de ce qu'il voyait, dit : "Qu'arrive-t-il à mes chiens ?

Le serviteur répondit : "J'ai servi tes chiens pendant seulement dix jours et ils n'ont pas oublié mes services. Mais je t'ai servi pendant dix ans et tu as tout oublié dès ma première erreur.

Le roi réalisa l'erreur qu'il avait commise et donna l'ordre de libérer ce serviteur.


Version française Claude Lopez-Ginisty

d'après

The Athonite Testimony


Source : Teodor Ciurariu


Traduit avec www.DeepL.com/Translator (version gratuite)

vendredi 15 octobre 2021

Dans la vie spirituelle, un guide spirituel est nécessaire


 

Aujourd'hui, la chose la plus utile pour les hommes est de trouver un confesseur spirituel, de se confesser, d'avoir confiance en lui et de prendre conseil auprès de lui. S'ils ont un confesseur et font un programme de prière, s'ils lisent des livres orthodoxes et vont à l'église et communient, ils n'ont rien à craindre dans cette vie.

L'âme doit être surveillée par le confesseur afin qu'elle ne se perde pas en chemin. Dans la lutte ascétique, l'étude spirituelle peut être utile, mais si quelqu'un n'a pas de confesseur spirituel, il peut donner ses propres interprétations à ce qu'il lit et se tromper. Vous voyez, quand quelqu'un va quelque part en voiture, il peut chercher sur la carte, mais il est préférable de s'arrêter et de demander de ne pas prendre un mauvais chemin. Disons qu'il va d'Athènes à Florina [1].

Il a une carte mais il demande à un kiosque s'il prend le bon chemin car à un carrefour il y a le danger de prendre un autre chemin et d'arriver à Kavala ou de tomber dans un précipice et d'être en danger de mort.

Bien sûr, quelqu'un peut demander mais prendre un autre chemin que celui indiqué et arriver dans un autre endroit ou il peut ne pas faire attention aux points dangereux et subir quelque chose de mauvais. Mais qui lui montre le chemin et en même temps lui dit : "Fais attention, à cet endroit il y a une virage dangereux, ailleurs il y a un précipice, celui-là aura sa récompense".

Ce que je veux dire, c'est qu'il faut procéder de la même manière dans la vie spirituelle. Il est absolument nécessaire pour chaque croyant d'avoir un confesseur qui le conseille et l'aide par le sacrement de la confession. Ce n'est que de cette manière qu'il peut vivre une vie orthodoxe et être sûr d'être sur la bonne voie.

Bien sûr, chacun choisira son confesseur spirituel. Il ne confiera pas son âme à quelqu'un au hasard. De la même manière qu'il cherche un bon médecin pour sa santé physique, pour la santé de son âme il cherchera un bon confesseur qu'il visitera régulièrement en le considérant comme le médecin de son âme.

Version française Claude Lopez-Ginisty

d'après

Saint Païssios l'Athonite,

Ascetic Struggle

(la lutte ascétique)

 -  EditionsEvanghelismos.


NOTE

[1] Ville de la Grèce du Nord à la frontière de la Serbie.


jeudi 14 octobre 2021

Faites ainsi et vous sauverez votre âme


 

Abba Antoine, lorsqu'il vivait dans le désert, tomba dans un profond ennui (acide) et un grand obscurcissement de ses pensées (logismos). Et il dit à Dieu :

" Dieu, je veux sauver mon âme et mes pensées ne me laissent pas en paix. Que faire dans ma souffrance ? Comment sauver mon âme ?

Et se levant un moment pour regarder dehors, Antoine vit quelqu'un d'autre qui lui ressemblait, assis à son travail, se levant pour prier et s'asseyant pour tresser une corde, puis se levant à nouveau pour prier. C'était l'Ange de Dieu envoyé pour redresser et éclairer Antoine. Il entendit l'Ange lui dire

 Fais ainsi et tu sauveras ton âme.

Et en entendant cela, il fut heureux et prit courage et en faisant ainsi, il sauva son âme.

Version française Claude Lopez-Ginisty

Extrait du Patericon égyptien - sur Abba Antoine.

Source

The Athonite Testimony



mardi 12 octobre 2021

Comment les moines de la Sainte Montagne fabriquent les collybes ( plat rituel de commémoration des défunts)




Des offices commémoratifs distincts ne sont pas organisés pour les moines de la Sainte Montagne. En même temps que les collybes pour le saint, une petite soucoupe de collybes est préparée pour le défunt. Les higoumènes des 100 dernières années sont commémorés, ainsi que les prêtres et les moines des 30 dernières années. Les collybes sont préparés chaque fois qu'une icône est exposée dans l'église pour être vénérée. Chaque samedi, cependant, il y a toujours un service pour les défunts, avec des collybes  à moins que cela ne coïncide avec la clôture d'une fête du Seigneur. Les collybes sont ici un peu de blé bouilli sur une assiette en fer blanc, qui est placée sous l'icône du Christ.

Les collybes d'une fête requierent de véritables talents de pâtissier. En surface, on trouve généralement l'icône du fondateur du monastère ou du saint qui a donné son nom à l'église centrale. C'est ainsi que nous avons, par exemple, Saint Athanase l'Athonite à la Grande Laure et l'Honorable Précurseur, Saint Jean le Baptiste, au Monastère de Dionysiou. Ces représentations sont réalisées avec du sucre coloré et sont de véritables œuvres d'art, qui, hélas, sont ensuite détruites lorsque les collybes sont distribués et consommés.

Les collybes ordinaires sont fabriqués comme suit. Le blé est pilé, puis placé dans de l'eau afin de gonfler. On le fait ensuite bouillir dans de l'eau froide. Au bout d'une demi-heure, on verse l'eau, on ajoute de l'eau fraîche et on fait bouillir jusqu'à ce que le blé s'ouvre et que le liquide s'épaississe. On ajoute un peu de sel. Ensuite, le liquide est utilisé comme boisson, aromatisé avec du sucre et de la cannelle. Le blé est ensuite lavé à l'eau froide pour éliminer l'amidon et il est étalé pour sécher. Deux ou trois heures avant la Divine Liturgie, le moine responsable jette une poignée de chapelure séchée et finement moulue dans les collybes pour absorber toute l'humidité, de sorte que le blé soit complètement sec. Le mélange est ensuite tamisé afin d'éliminer les miettes de pain. Le blé est maintenant prêt et, si on le souhaite, on peut à ce stade le mélanger avec des noisettes concassées. On l'étale, on le recouvre de sucre (pas de sucre glace, mais de sucre cristallin normal) et on y fait une croix avec du sucre coloré à la cannelle.


Les collybes d'une fête sont agrémentée de noix hachées, de clous de girofle et de cumin en poudre. Dans certains monastères, les noix hachées sont remplacées par des noisettes finement moulues et les clous de girofle par de la cannelle.

Les représentations des saints sont produites d'une manière remarquable. À l'aide d'un bâton d'allumette ou de l'extrémité en bois d'un pinceau fin, le contour est imprimé sur le sucre à travers un anthivolo (une esquisse de travail, un chablon  qui était l'équipement standard des artistes de l'époque byzantine tardive et post-byzantine . Les vêtements, le visage et les cheveux peuvent maintenant être complétés par des sucres de couleurs différentes. Parfois, on ajoute des amandes sucrées ou de petites boules d'argent comestibles (dragées).

Les collybes normaux sont le dessert quotidien des moines dans les monastères cénobitiques. Sur la Sainte Montagne , les Russes préparent généralement leurs collyres avec du riz plutôt qu'avec du blé, comme c'est le cas en Russie même. C'est le cas non seulement dans le monastère russe de Saint Panteleïmon, mais aussi dans les skites et les kellia russes.

Version française Claude Lopez-Ginisty

d'après

PEMPTOUSIA

dimanche 10 octobre 2021

Prêtre Roman Vityuk: NOTRE RIZ DE CE JOUR Conversation sur la mission chinoise depuis l'arrière-pays russe (6)

Notre "Fan"quotidien




- Sur un sujet plus, probablement plus amusant - le sujet de la langue chinoise que vous maîtrisez... Y a-t-il des points intéressants du point de vue de la mission chinoise ? Quatre tons dans la langue - cela peut être intéressant pour les régents. Mais qu'en est-il de certains points lexicaux ?


- Une même syllabe, prononcée dans des tons différents, est la même pour notre oreille. Et pour les Chinois - des sons différents. On ne peut pas comprendre ça...

Leurs noms se composent généralement de trois syllabes. D'abord le nom de famille - une syllabe, puis le nom personnel de deux syllabes. Par exemple, Mao est un nom de famille, Zedong est un prénom [Mao Tsé Toung selon notre graphie et prononciation]. La dénomination des noms selon le calendrier se heurte à un malentendu, on pense qu'il est nécessaire de faire preuve d'imagination, le nom doit être original et beau.

- Mais qu'en est-il d'Isaac, qui se traduit par « rire » ? Et toutes nos « pierres », « mouettes », « dons de Dieu », « mer », « quatrième », « coloration »…


- On peut traduire quelque chose, mais le nom canonique, d'après le calendrier, en translittération, c'est uniquement pour communiquer avec les européens, "pas pour de vrai"... Les chinois ont encore des prénoms qui sont utilisés jusqu'à un certain âge. Et pour que, comme le nôtre, la nomination au 8e jour, ce n'est pas clair pour eux.

- C'est-à-dire appeler « l'altruisme de Saint Nicolas » ou « les hauteurs par l'humilité », « les richesses pauvreté » - est-ce normal ?


- Au fait, une très bonne idée ! Je la donnerai aux Chinois qui veulent se faire baptiser.

- Est-il vrai que la traduction de Notre Père en chinois remplace le mot « pain » par « riz » ?

- Dans la langue chinoise, le mot "manger" se compose généralement de deux sinogrammes, signifiant manger du riz pas seulement abstraitement "manger", mais spécifiquement "manger du riz", chi-fan. Le riz est vraiment un produit alimentaire de base, et pour cela il y a deux signes graphiques : riz-céréale, qui n'a pas encore été cuit -  "mi", et  "fan" est du riz cuit. Dans le texte du Notre Père et dans l'Évangile de Jean, chapitre 6,  « Le Pain de Vie », devient traditionnellement, un sinogramme avec l'élément clé « riz » .

- C'est-à-dire qu'à des fins missionnaires il est dit : « notre riz quotidien ».

- Oui, on peut dire qu'il s'agit de céréales ou de nourriture en général - mais cela signifie du riz, pas du pain de blé.

En fait, il est très facile pour une personne moderne de comprendre le système d'écriture chinois archaïque. Si vous communiquez avec des phrases entières à partir d'émoticônes, félicitations : vous maîtrisez les sinogrammes. Connaissant les éléments de base des sinogrammes, vous pouvez à peu près deviner le sens de ce qui est écrit. En général, il est immédiatement clair pour les enfants que les sinogrammes sont de telles émoticônes et que les émoticônes sont un jeu passionnant !

Pas le Mordor, mais une grande opportunité de prédication




- Je ne cesse de m'émerveillerr : nous sommes maintenant assis dans la région reculée de Yaroslavl et nous discutons de la mission orthodoxe en Chine ! Cela ne semble-t-il pas fou et étrange? Comment pouvez-vous, en plus des prières - bien que les prières, je le comprends, signifient aussi beaucoup - essayer d'aider l'Orthodoxie en Chine ?


- Eh bien, comme le dit Dostoïevski dans Les Frères Karamazov, donnez à un garçon russe une carte du ciel étoilé, et il vous la rendra corrigée. Par conséquent, l'intérêt (et les prières dans de tels cas) est tout à fait compréhensible et justifié. De plus, les distances et les vitesses sont maintenant complètement différentes de ce qu'elles étaient. Et encore une chose : qu'est-ce qui nous empêche de nous intéresser simplement à la Chine et de vouloir le salut de ses habitants ?

- Si vous en avez l'occasion, retournerez-vous en Chine ?


- Bien sûr! Ceci est dans nos plans familiaux. Pour être honnête, je n'aime pas les villes comme Pékin - il y a le smog, c'est une immense ville oppressante avec des éléments typiques de l'aménagement du territoire qui se répètent sans cesse. Il existe de nombreux sites historiques, d'anciennes capitales comme Xian, avec l'armée de guerriers en terre cuite, ou des coins pittoresques comme les montagnes de Guilin, où Avatar a été filmé. Bien sûr, l'endroit le plus russe est Dalian et Port Arthur {maintenant appelé Lushun), qui était auparavant fermé. Et bien sûr, Harbin, la capitale du Chemin de Fer Chinois : "ingénieur, ouvre la porte... ici on va construire une ville russe, appelons-la Harbin". Là-bas, les chinois produisent encore du kvas selon notre ancienne recette. Tel est le "patriotisme du kvass" aux caractéristiques chinoises... Il existe un livre de mémoires "Longue Route" d'Alexandre Vertinsky, pour tous les lecteurs qui s'intéressent à la Chine Russe.

- Il s'avère que vous conseillez fortement, recommandez de ne pas considérer la Chine comme le Mordor, de ne pas la considérer comme quelque chose de terrible et, peut-être, de prendre exemple sur la bonne vieille Byzance, qui a éclairé les étrangers, bien que voisins, en son temps. Et n'oubliez pas que la tâche de l'évangélisation nous est confiée, nous sommes chrétiens, et Dieu nous en préserve, pas seulement nominalement.


- En Chine, il y a beaucoup de choses incompréhensibles et étranges et absolument inacceptables, mais les Russes y sont traités très chaleureusement, par le peuple Chinois, ce que j'ai dû expérimenter personnellement. Il y a là-bas un très grand héritage orthodoxe russe - et une merveilleuse perspective pour la prédication du Christ.

Version française Claude Lopez-Ginisty

d'après

ORTHOCHRISTIAN 

L’évêque de Bačka Irénée : « L’autocéphalie était le seul thème nécessaire au Concile panorthodoxe »



Lors de sa communication à la conférence « L'orthodoxie mondiale : primauté et catholicité à la lumière de la doctrine orthodoxe », organisée par le Patriarcat de Moscou les 16 et 17 septembre 2021, le hiérarque de l'Église orthodoxe serbe, l'évêque de Bačka Irénée, a abordé, en visioconférence, l'un des sujets les plus aigus des relations inter-orthodoxes - le problème de l’autocéphalie. Nous publions ci-dessous in extenso le texte de sa communication :

« Je considère que le thème de l’unité de l’Église et de la catholicité inclut nécessairement la question de l’autocéphalie, parce que celle-ci, en tant que structure d’organisation ecclésiale au cours des siècles doit être le renforcement, l’affermissement, de la catholicité et de l’unité de l’Église dans l’étape la plus récente de son organisation canonique au niveau universel, or elle a été en fait un mur de scandale et une pierre d’achoppement. Au lieu de servir à l’œuvre du renforcement de la foi, de la croissance du corps de l’Église orthodoxe universelle, et avant tout du souci pastoral sotériologique du salut des âmes de tous les croyants, le thème de l’autocéphalie, malheureusement, sert aujourd’hui d’instrument et de moyen pour détruire l’unité de l’Église avec la tendance de redéfinir, revoir, l’ecclésiologie. Et ce de telle façon que le désordre et l’anarchie canoniques, l’immixtion et l’intrusion sur le territoire canonique d’autres Églises orthodoxes locales, reçoivent une explication pitoyable et une justification quasi-théologiques. L’aspect pastoral et la perspective sotériologiques de l’activité de l’Église dans le monde ne sont plus importants, voire même ignorés. 

Nous voyons tout ceci de nos jours dans le triste exemple du comportement du Patriarcat de Constantinople – notre Église-Mère qui, malheureusement, a oublié ce que signifient les véritables souci et amour maternels. 

Si nous examinons l’autocéphalie ecclésiale dans une perspective historique, dans le contexte de tous les événements de l’histoire de l’Église, on peut trouver différentes définitions et théories sur ce qu’est l’autocéphalie, quelles sont ses présuppositions, ses conditions, pour la recevoir et l’accorder, etc. Il y a cent ans, le célèbre Serge Troïtzky, que je considère à la fois comme un théologien russe et serbe [émigré russe en Serbie, ndt], a écrit sur la situation actuelle en terre ukrainienne, comme s’il en avait été littéralement son témoin. Et tout comme saint Sophrony (Sakharov), il a exprimé ses plus profondes appréhensions concernant les actes et les théories qui ont surgi depuis un siècle déjà à Constantinople et qui, malheureusement, s’avèrent justifiées aujourd’hui par les théologiens les plus connus de l’Église de Constantinople. 

La conclusion tirée des différentes définitions et descriptions de l’autocéphalie est très simple : l’autocéphalie est le droit des évêques d’une province ecclésiastique d’avoir son Concile épiscopal autonome et indépendant, de choisir son Primat, dont l’élection ne sera désormais sujette à aucune confirmation ou accord de la part d’un autre centre ecclésial supérieur, et qui sera acceptée automatiquement par toutes les Églises orthodoxes. Tous les autres éléments ou aspects de l’autocéphalie sont secondaires :  il n’est pas si important de savoir qui commémore qui, si l’on consacre soi-même le saint Chrême ou si on le reçoit de Constantinople. Ce sont tous là des détails qui n’expriment pas l’essence du concept de l’autocéphalie. 

Dans ce sens, l’autocéphalie, particulièrement en raison de sa crise profonde, que l’on peut, dans son intégralité, tirer de la crise de la pratique ecclésiale actuelle, aurait dû être l’unique thème du Concile de Crète. Sur la proposition et la demande des Églises locales russe et serbe, ce thème devait être obligatoire pour le Concile. Je dirais même que c’était là le seul thème qui était obligatoire pour le Concile panorthodoxe. Dans un Concile, il n’y a jamais rien eu de semblable à des conférences scientifiques ou théologiques, les problèmes étaient toujours examinés conciliairement, particulièrement les hérésies ou les délits canoniques qui menaçaient l’unité de l’Église. 

Malheureusement, dès les premiers pas de la préparation du Concile de Crète, dans les années 1960 du siècle passé, a été constitué un catalogue comprenant 105 thèmes différents, ce qui est déjà beaucoup trop, même pour une conférence. Et ce n’est qu’à la fin même que l’on y abordait des thèmes qui peu ou prou concernaient les défis, les épreuves et les tentations auxquels faisait face l’Orthodoxie universelle. 

En ce qui concerne la question de l’autocéphalie, ainsi que celle de l’autonomie ecclésiale, on a travaillé deux ou trois décennies, lors des consultations et conférences panorthodoxes préconciliaires, à l’issue desquelles était adopté un texte panorthodoxe qui, malheureusement, comportait un point de confrontation, à savoir le mode de signature du document (du tomos, ndt) adopté par tous. Et lorsque, à Chambésy, au cours des sessions préparatoires, nous avons, en premier lieu, abordé la question de l’autocéphalie, le président nous a dit, froidement et abruptement, que beaucoup de temps avait été perdu pour d’autres thèmes (bien que ceux-ci, parfois, n’étaient pas si importants), qu’il n’y avait plus de temps pour la question de l’autocéphalie, et que celle-ci ne figurerait pas à l’ordre du jour. Et, comme l’a mentionné à juste titre Sa Sainteté le patriarche Cyrille, il se peut (je ne puis l’affirmer) que le thème en question ait été intentionnellement retiré de l’ordre du jour. En effet, si les travaux effectués au cours de décennies avaient été adoptés par le Concile en tant que position commune de tous les orthodoxes au sujet de l’autocéphalie, cela aurait pu éviter les événements tragiques qui ont suivi l’intrusion anti-canonique de Constantinople dans les questions de la vie interne de l’Église orthodoxe russe en terre ukrainienne. 

Le concept d’autocéphalie s’est développé au cours des siècles. Comme on le sait, à l’époque apostolique, chaque Église locale constituait l’Église catholique dans sa plénitude, c’est-à-dire la présence de toute l’Église catholique en un seul lieu et un seul temps, comme plénitude de la grâce de l’Esprit Saint dans la communion de l’évêque, du clergé, des laïcs, du peuple fidèle de Dieu. 

En raison de circonstances pratiques dues au développement de l’Église et de sa mission dans le monde, il s’est avéré nécessaire d’organiser le système nommé « métropolitain ». À l’époque des Conciles œcuméniques, particulièrement jusqu’au IVème Concile œcuménique, l’empire romain disposait de plus de cent métropoles autocéphales. Mais il existait aussi des métropoles hors de ses frontières, et il est très important d’en tenir compte : certaines Églises, se trouvant en dehors de l’empire byzantin ou romain étaient plus anciennes que l’Église de Constantinople. 

Par la suite, le système s’est développé, faisant que plusieurs diocèses entrent dans la composition d’une seule métropole, et que plusieurs métropoles constituent une union plus large, un exarchat. Au IVème Concile œcuménique, on a mentionné « l’exarque du diocèse » qui, selon certaines interprétations, est le Patriarche de Constantinople lui-même, mais cela ne me semble pas probable. Je rejoins l’opinion de ceux qui considèrent que l’exarque était le Primat d’une structure ecclésiale très large. Lors du IVème Concile œcuménique et après lui a été confirmé définitivement le système patriarcal avec les autocéphalies, système qui sous-entendait la pentarchie (cinq Églises apostoliques anciennes) tandis que d’autres Églises, par exemple celles d’Arménie, de Géorgie, qui étaient totalement ou partiellement hors des frontières de l’empire, vivaient et se développaient sans pentarchie. 

Le sort de ce système de structure et d’organisation ecclésiales a changé radicalement avec l’effondrement de Constantinople, lorsque l’empire ottoman est devenu involontairement le successeur de Byzance déchue. Même le sultan, au nombre de ses nombreux titres s’appelait aussi empereur romain, se considérant son successeur légitime. Et c’est en cette qualité, partant de ses convictions musulmanes, qu’il donna au Patriarche de Constantinople de tels droits et pouvoirs que celui-ci ne possédait pas dans l’empire chrétien romano-byzantin. Le patriarche de Constantinople est devenu « l’ethnarque » (millet-bachi) qui avait non seulement la charge spirituelle des orthodoxes dans l’empire ottoman, mais aussi le pouvoir politique sur eux, pouvant même lever les impôts pour le sultan sans participation directe des autorités et fonctionnaires turcs. 

C’est ainsi qu’à cette époque ont vu le jour certaines des idées qui ont connu un développement au XXème siècle, que nous avons mentionné. On peut arriver à cette conclusion, notamment, sur la base des tomos, que Constantinople a accordé aux Églises autocéphales, ou de la situation concernant la reconnaissance du statut de l’Église de Géorgie – on ne pouvait pas dire qu’elle n’avait jamais disposé de l’autocéphalie, aussi des formules ont été trouvées des formulations pour éviter de mentionner qu’il n’était pas question de l’octroi du statut autocéphale, mais seulement de la confirmation de l’autocéphalie accordée par l’Église d’Antioche. 

Dans la période du XVème-XVIème siècle, lorsque l’Église orthodoxe russe reçoit l’autocéphalie, on observe la croissance de l’idée que Constantinople est souveraine quant au thème de l’autocéphalie et, décide seule et souverainement sous quelle forme elle accorde celle-ci. En ce sens, le Patriarcat de Constantinople a toujours plus limité, par la suite, l’autocéphalie. On peut dire que l’autocéphalie reçue par l’Église russe, a été entière, véritable, authentique. Il en va de même pour les autocéphalies des Églises serbe et bulgare, et de certaines autres, par exemple, l’Église roumaine. Certaines autocéphalies suivantes sont déjà très limitées et, avec le temps, on arrive à la soi-disant « autocéphalie » de l’Église orthodoxe d’Ukraine (plutôt une pseudo-église), où en général, il n’y a aucune autocéphalie. Toute une série de théologiens éminents dans le monde orthodoxe (dont certains sont mes amis de jeunesse) soutiennent une idée très étrange, selon laquelle du seul bon vouloir (ou au contraire son absence) de Constantinople dépend ou non l’octroi de l’autocéphalie à une quelconque entité. L’un de ces théologiens, à mon grand regret et à ma consternation, a déclaré que ce fut une énorme erreur de Constantinople d’accorder l’autocéphalie, comme il s’est permis de l’exprimer, à « des hordes de Russes », « des masses de sauvages ». Cependant, il néglige complètement le fait que l’autocéphalie concernée (au début informelle, mais factuelle, vivante) a été la réponse contrainte au fait qu’à cette époque, Constantinople était une Église uniate : à Moscou, on avait purement et simplement chassé [le métropolite de Russie qui soutenait l’union avec Rome] Isidore et on n’avait accepté aucun des programmes uniates. 

Quelque chose de semblable s’est produit avec l’autocéphalie serbe au XIIIème siècle : il y avait alors un royaume latin à Constantinople, il y avait des restes de Byzance en émigration à Nicée et dans les autres lieux, le patriarche de Constantinople était exilé. Mais la Serbie, déjà à cette époque se trouvait (et reste jusqu’à maintenant) à la frontière des mondes romain occidental et romain oriental. La présence catholique et le prosélytisme se ressentaient fortement – même le frère de saint Sava, au Monténégro, était catholique. Saint Sava devait renforcer l’Orthodoxie sur sa terre – ce n’était pas une rébellion contre l’ordre établi, ce dont l’accusaient et l’accusent certains jusqu’à maintenant - mais simplement une lutte pour l’Orthodoxie, ce qui est l’un des aspects fondamentaux de la vie et de la tâche d’une Église autocéphale. 

Ensuite, l’époque du pouvoir ottoman est passée, il n’y avait plus non seulement de Byzance, mais d’empire ottoman non plus. Constantinople n’est plus « la ville de l’empereur et du sénat », la ville du sultan et du pentarque – le patriarche de Constantinople. Ce n’est même plus déjà la capitale de la Turquie, mais une grande ville, toutefois non la première du pays. Au cours des siècles passés sont déjà apparues de nouvelles autocéphalies, non pas toujours dues à des circonstances voulues, mais forcées. Et dans ce temps nouveau, la puissance du Patriarcat de Constantinople diminue : il n’a pas perdu seulement son pouvoir sur tous les pays et Églises qui étaient de son ressort à l’époque turque (comme on le sait, le Patriarcat de Constantinople a alors absorbé par la force la juridiction bulgare de Tarnovo, celle, serbe, de Peć, et d’autres encore. Il ne restait que les juridictions qui se trouvaient hors des frontières de l’empire turc, par exemple notre métropole et patriarcat de Karlovci, connue aux Russes parce que la ville de Sremski Karlovci était le centre de la vie russe de l’étranger [де 1922 à 1946, ndt], etc). Constantinople reste sans la majorité de son troupeau sur son propre territoire d’origine en Asie Mineure, et ce faisant, des théories néo-papistes apparaissent très fortement, connues déjà depuis l’époque de Mélèce [Metaxakis, patriarche de Constantinople, +1935, ndt], ensuite d’Athénagoras [Spyrou, patriarche de Constantinople +1972, ndt] et particulièrement, de nos jours, malheureusement. Dans ce sens, lors de l’examen de la pratique d’octroi de tous les types et formes d’autocéphalie, il convient de différencier celle qui est entière, véritable, de celle qui est incomplète, déficiente, partielle et conditionnelle. L’exemple en est l’Église de Grèce. Elle n’a pas reçu l’autocéphalie complète et ne l’a pas jusqu’à maintenant : elle élit son Assemblée épiscopale, mais non son Primat. Il n’y a pas de primat à Athènes, il n’y a que le Saint-Synode qui a un primat, mais il n’y a pas de primat de l’Église. Cela rappelle la situation en Russie à l’époque de Pierre le Grand, alors qu’il n’y avait pas de patriarche, seulement le Synode et le haut-procureur. Le pas suivant dans cette direction, est l’autocéphalie visible, fictive, n’existant pas en fait, comme l’autocéphalie limitée de l’Église des Terres tchèque et Slovaque [décrite dans le tomos accordé par Constantinople] et certaines autres autocéphalies. Mais « l’autocéphalie » accordée aux schismatiques ukrainiens, n’est pas une autocéphalie, et pas même une autonomie. Ces droits, ces libertés dont jouit, par exemple l’Église orthodoxe ukrainienne en tant qu’Église autonome et auto-administrée dans le cadre de l’Église orthodoxe russe, ou que notre Église serbe a accordées, en son temps, aux schismatiques de Macédoine du Nord (ils acceptèrent la proposition, puis l’ont ensuite refusée) – tout cela est bien plus large et sérieux que cette prétendue autocéphalie qui a été donnée aux schismatiques. Dans le « tomos » qui leur a été donné, ne sont pas seulement supposées de nombreuses limitations, il y est dit ouvertement qu’ils doivent considérer le patriarche de Constantinople comme leur autorité, leur supérieur, leur chef. Il est particulièrement malheureux que dans ce « tomos » n’est plus mentionné le Seigneur Jésus-Christ comme Chef de l’Église, comme le faisaient les tomos plus anciens, mais il est dit que le Patriarche de Constantinople est sur terre chef de l’Église. Bien sûr, cela est absolument inacceptable et inadmissible pour la conscience orthodoxe et signifie une révision de l’Évangile, une révision du Nouveau Testament. 

Je me pose moi-même la question et je vous le demande, Votre Sainteté, chers pères et frères : que faire aujourd’hui, pour trouver une issue à cette crise très profonde, conditionnée par des facteurs géopolitiques, une pression de l’extérieur et même une immixtion ouverte des représentants des forces occidentales, particulièrement la plus grande d’entre elles, et qui a également ses foyers internes, ses racines internes ? Ce ne sont pas seulement les actions du Patriarche de Constantinople, elles sont simplement l’incarnation des tendances qui, malheureusement, se développent dans le cadre de la nouvelle théorie du néo-papisme.

Je vois l’issue dans la libération, dans leur intégralité – dans la mesure du possible – de toute influence et pressions extérieures. Nous savons tous que ce n’est pas seulement le pouvoir ukrainien [qui a exercé une pression] alors que les schismatiques ont été reconnus automatiquement, par un trait de plume, en tant que véritables hiérarques (ce qui n’était pas le cas jusqu’à maintenant), l’autocéphalie leur étant d’emblée accordée, cela est sans précédent dans l’histoire de l’Eglise. Toute influence du pouvoir, tant interne qu’externe, dont des pressions, doit être absolument évitée, il faut s’y opposer, comme l’Église orthodoxe russe en a montré l’exemple au cours de la période soviétique de 70 ans de son histoire : on n’y a jamais vénéré un autre roi que le Roi céleste, et aucun souverain, si ce n’est le Seigneur. Et c’est un problème pour nous tous. Je pense que cela s’est produit aussi dans d’autres Église, mais non dans une forme aussi aiguë. 

Que faut-il encore faire ? Je pense que c’est le problème et le sens de la présente conférence – il faut développer les idées saines, réellement orthodoxes, patristiques sur l’autocéphalie, la catholicité et la primauté (c’est un triptyque, elles sont organiquement liées entre elles), à l’opposé de l’idéologisation interne, de l’absolutisation, que crée Constantinople, à savoir une sorte de sécularisation interne de l’autocéphalie et, en général, la perte de la conscience ecclésiale authentique, sans laquelle nous ne pouvons aller de l’avant. 

Je considère que la situation actuelle est très tragique et dangereuse, mais je suis certain que, comme lorsque le jour de la Pentecôte, de même à travers toute l’histoire ecclésiastique, l’Esprit Saint conduira l’Église. Le Sauveur nous convainc que les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle, et je suis certain qu’une solution quelconque sera trouvée. Car si ce schisme se prolonge dans le temps, un nouveau schisme sera malheureusement inévitable à l’instar de celui du XIème siècle, et la faute en reviendra sur ceux qui l’on provoquée. 

Que Dieu fasse que rien de tel ne se produise, afin qu’avec le temps il soit remédié à la situation d’une certaine façon, et que les gens qui ont déjà atteint un certain âge vivent jusque-là ».

Source : 

Тема автокефалии – единственная, которая требовалась для Всеправославного Собора, считает епископ Бачский Ириней: новость ОВЦС (mospat.ru)


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