"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

mardi 31 mars 2020

Archimandrite Séraphim Aleksiev: Règles pour faire une confession salutaire


Tous les chrétiens sans exception doivent se confesser s'ils veulent être sauvés. Mais comment la Confession vraiment fidèle doit-elle se faire ? Beaucoup ne le savent pas, et c'est pourquoi il est nécessaire de discuter de cette question de manière plus approfondie. Nous examinerons ici les trois parties suivantes de la Confession :

a) Ce que nous devons faire avant d'aller voir le confesseur.

b) Ce que nous devons faire lorsque nous sommes avec le confesseur.

c) Ce que nous devons faire lorsque nous sortons de la confession.

Que devons-nous faire avant d'aller voir le confesseur ?


Le premier et le dernier des Apôtres du Christ ont gravement péché. Pierre a renié le Christ ; Judas l'a trahi. Mais Pierre a été pardonné et Judas a péri. Pierre a retrouvé sa dignité apostolique, mais la condamnation des siècles pèse encore sur Judas. Qu'est-ce qui a sauvé Pierre, et qu'est-ce qui a détruit Judas ? Qu'aurait dû faire ce misérable ? Aurait-il dû confesser le péché après l'avoir commis ? Mais, techniquement parlant, il s'est confessé lorsqu'il est allé voir les scribes et les anciens et leur a dit : "J'ai péché en trahissant le sang innocent" (Saint Matthieu 27:4), et avec la confession, il leur a rendu les trente pièces d'argent. Cela ne suffit-il pas ? Hélas, non ! Une confession seule ne sauve pas. Outre un cœur brisé, il faut une foi vivante dans la Grâce de Dieu. Judas désespérait de son salut ; c'est pourquoi il s'est pendu après sa confession. Son corps s'est pendu à un arbre, et son âme est allée en enfer pour un tourment éternel.

Pierre ne l'a pas fait. Dans la cour de Caïphe, il a renié trois fois le Christ, son bienfaiteur et maître : "Je ne connais pas cet homme" (Saint Matthieu 26:74). Mais à la troisième négation, lorsqu'il entendit le chant du coq, il se souvint de ce que le Christ avait prophétisé, réalisa son péché et humilia son cœur. Il sortit de cette cour, quitta la mauvaise compagnie des serviteurs du grand prêtre et, surtout, commença à verser des larmes amères, des larmes de repentance sincères,  profonde et venant du cœur. Selon une tradition, tout au long de sa vie, chaque fois qu'il entendait le chant du coq, Pierre se souvenait de son lourd péché, et ses yeux se transformaient en deux sources de larmes de repentance. Pierre ne désespérait pas, il croyait en la miséricorde de Dieu et se sauvait ainsi lui-même.

Saint Pierre nous a laissé une leçon vivante : se tourner à nouveau vers Dieu après notre chute dans le péché. C'est la foi en la miséricorde de Dieu qui chasse toujours le désespoir. Dieu est amour (agapè). Quelle que soit la gravité de notre péché, il nous le pardonnera, à condition que nous nous repentions du fond du cœur. Même si nos péchés sont aussi hauts que les montagnes, ils couleront dans l'océan de la miséricorde de Dieu. Cependant, si un homme est désespéré, il est perdu. Le désespoir est le triomphe du Diable. En bref, protégeons-nous du désespoir, car si nous désespérons, personne ne peut nous sauver.

Nous devrions également imiter le saint Apôtre Pierre sur un autre plan. Lorsqu'il a pris conscience de son péché, il est immédiatement sorti de la cour maudite du grand prêtre où il avait renié le Christ. Et vous, frère ou sœur, quand vous voulez vous confesser et revenir à Dieu, sortez de cette cour maudite du péché où vous avez été jusqu'à présent et où vous avez renié le Christ non pas trois fois, mais trente-trois fois. Sortez avec votre corps, avec votre cœur et avec votre esprit ! Pierre s'éloigna des serviteurs du grand prêtre. Vous aussi, abandonnez l'amitié deceux qui vous apprennent à pécher ou qui vous servent involontairement de tentation.

Que devons-nous faire lorsque nous sommes avec le confesseur ?

Nous devons faire ce qui suit :

1) Nous souvenir que nous sommes venus à l'infirmerie du Christ. Ici, le médecin visible est le prêtre, et le médecin invisible le Christ  Lui-même ;

2) Confesser nos péchés sans fausse honte ;

3) Ne pas chercher d'excuses pour nos péchés ;

4) ne dissimuler consciemment absolument rien ;

5) Ne pas se confesser avec des phrases générales qui n'ont pas de sens ;

6) Confesser brièvement, mais avec précision, le caractère de chacun de nos péchés ;

7) Ne pas révéler les péchés des autres, et cacher, dans la mesure du possible, les noms des personnes qui nous ont tentés ou qui ont péché avec nous par notre faute ;

8) Ne pas se vanter devant le prêtre d'une quelconque de nos vertus ;

9) Ne pas rejeter la faute sur les autres, mais seulement sur nous-mêmes ; et

10) Avoir un désir sincère de ne pas pécher à nouveau.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après



lundi 30 mars 2020

Prières des moines athonites dans leur vigile pour la pandémie du coronavirus

Saints du Mont Athos


Du vendredi 27 mars au samedi 28 mars, les moines du Mont Athos, dans chaque monastère, skite et cellule, ont organisé une agrypnie contre la pandémie du coronavirus.

La vigile a été dédiée à la Toute Sainte, qui est la protectrice de la Sainte Montagne, ainsi qu'au saint hiéromartyr Haralampos, qui est surtout connu pour ses miracles dans la lutte contre les fléaux et les épidémies, y compris une épidémie qui a autrefois infecté les moines de la Sainte Montagne, épidémie qu'il dissipa.

Dans tous les monastères, lors des Matines, un canon spécial à la Sainte Trinité pour la délivrance de la peste était chanté, ainsi qu'un canon à la Génitrice de Dieu et un canon à saint Haralampos.

De plus, pendant la veillée, les trois prières suivantes ont été lues avec beaucoup d'émotion. Elles ont été spécialement écrites pour la délivrance des épidémies et de la peste, la première par Saint Syméon, Archevêque de Thessalonique, et les deux autres par Saint Callinique, Patriarche de Constantinople et disciple de Saint Grégoire Palamas.

Première prière

Pour les maladies infectieuses à notre Dieu dans la Trinité

Par saint. Syméon, archevêque de Thessalonique



Maître éternel, Dieu sans commencement, Père tout-puissant, avec Ton verbe vivant et bon, et Ton Esprit Consolateur, accepte avec compassion les prières de nous, pécheurs.

Fils unique, Qui est dans le sein du Père, Seigneur Jésus-Christ, avec Ton Père compatissant et Ton Esprit consolateur, accepte avec miséricorde les prières de nous qui sommes les moindres de Tes enfants.

Esprit divin du Père, très  saint et très bon, avec le Père très miséricordieux et le Fils Qui s'est fait homme par amour pour l'humanité, accepte les voix affligées de Ton humble peuple.

Trinité consubstantielle et indivisible, une dans le règne et dans la nature, Seigneur trois fois saint, écoute les requêtes de ceux qui T’implorent et, par Ton incommensurable bonté, pardonne nos innombrables offenses.

Par Ta miséricorde incommensurable, aie pitié de nous qui sommes justement châtiés comme Tu es justement en colère.

Par ton ineffable compassion, sauve-nous, nous qui sommes en danger, et délivre-nous de toutes tes justes menaces et de ta colère justifiée.

Expulse de nous le Malin et toutes ses attaques et machinations.

Détourne toute tentation visible et invisible.

Bannis de nous toute détresse et tout soupir, et garde-nous de la famine et de la peste, de la mort prématurée et imprévue et de tout autre malheur, et éloigne de nous tous les scandales et les tumultes qui peuvent survenir.

Et accorde-nous de vivre en paix et en harmonie et de demeurer dans l’Amour avec Toi et les autres, en gardant Tes commandements et en terminant le cours de cette vie présente d'une manière agréable et pieuse par le repentir.

Rends-nous dignes aussi de Ta gloire céleste et éternelle et de Ton royaume.

Car Tu es notre Dieu et en Toi nous plaçons notre espoir, nous n'avons personne d'autre que toi et nous plaçons notre espoir en invoquant Ton Nom pour nous sauver, par les intercessions de la Très Sainte et toujours Vierge Génitrice de Dieu, de Tes anges amis des hommes et de tous Tes saints.

Car Tu es un Dieu de miséricorde, de compassion et d'amour pour les hommes et nous Te rendons gloire, Père, et Fils et Saint-Esprit, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen.

Deuxième prière

Pour les malheurs du peuple et contre les maladies infectieuses

Par saint Calliste, Patriarche de Constantinople

Roi sans commencement, invisible, insondable, incompréhensible, ineffable, Qui englobe toute la création dans Ta main et la maintient, l'imprègne et la gouverne, par Ta parole ineffable. Qui a préalablement toléré les transgressions des Ninivites, après leur repentir et leur conversion Tu les as acceptés et leur as accordé, par Ton extrême bonté et Ta lenteur à la colère, malgré toutes leurs iniquités et leurs fautes, d'accepter Ton amour de l’homme habituel et indicible. 

Accepte aussi nos prières, comme Tu l'as fait pour la conversion et la repentance des Ninivites. Accepte nos larmes et nos soupirs. Accepte nos humbles requêtes, car nous ne pouvons, à cause de nos péchés, lever les yeux sur Toi, Toi Qui seul es sans péché. 

Accepte nos cris profonds, comme la fuméee du jugement, que nous envoyons vers Toi, Maître. Accepte la supplication de détresse de Ton peuple. Prends le dessus sur la multitude de nos péchés dans l'abîme de Ta compassion, et accorde à Ton peuple la rédemption, la libération des tentations et le pardon en éliminant la mort.

Oui, Seigneur notre Dieu, écoute Ton peuple en cette heure, ainsi que moi pécheur, et fais que la houlette des pécheurs se tienne droite parmi les justes élus, comme Toi seul le sais et l'as établi, et ne les juge pas. 

Et puissé-je aussi, moi Ton serviteur inutile glorifier Ton Très Saint Nom, Père et Fils et Saint-Esprit, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen.

Troisième prière

Pour les malheurs du peuple

Par saint Calliste, Patriarche de Constantinople



Seigneur tout-puissant, Créateur de toutes choses, dont la miséricorde est sans mesure et l'Amour de l'homme sans comparaison, Qui a pris toutes nos iniquités et a été cloué sur la Croix pour nous sanctifier ; prenant courage, nous nous prosternons devant Toi dans la supplication, Seigneur indulgent, car Ton amour de l’homme ineffable et incommensurable est aussi vaste que la mer, c'est pourquoi nous clamons devant Toi, Seigneur indulgent : Sauve-nous. Nous ne T'offrons pas des odes et des hymnes comme le pharisien, mais comme le publicain. Ni comme le Larron insensé, mais comme celui qui est sensible et reconnaissant, nous crions : Souviens-toi de moi.

C'est pourquoi, par Ta miséricorde insondable, triomphe de nos iniquités, même si nous ne nous repentons et ne nous convertissons pas convenablement ; et montre-nous l'ampleur de Ton amour de l’homme ; comme Celui Qui est lent à la colère fais preuve de compassion et réconcilie Ton peuple ; arrête la faux de la mort pour qu'elle ne s'avance pas sur nous ; hâte-toi de mettre fin à la fin prématurée ; mets un terme à cette maladie pestilentielle destructrice qui est juste ; Ecarte la large épée qui s'est levée contre nous afin que nous ne soyons pas détruits ; devant Toi seul nous avons péché, et devant Toi seul nous nous prosternons.

Oui, Seigneur, écoute-nous, pécheurs et Tes serviteurs inutiles, en cette heure, et ne repousse pas nos supplications ; ignore nos offenses, volontaires ou involontaires, connues ou inconnues, afin que nous glorifions Ton Très Saint Nom , Père et Fils et Saint-Esprit, et maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après


Higoumène Tryphon: Le meilleur des temps


Tout en souffrant de la pandémie

Je suis douloureusement conscient que beaucoup de gens se sentent trahis par leurs évêques et leurs prêtres à cause de la fermeture de nos églises, pendant cette pandémie. Certains ont suggéré que nous, prêtres, apprécions les services parce que nous n'avons plus à subir les tracas de la présence de laïcs, et que pendant que nous, le clergé, profitons d'un "réveil spirituel", d'autres sont contraints à cette quarantaine qui les a enfermés chez eux, seuls. Alors qu'ils ont soutenu leurs églises au fil des ans, nous, le clergé, avons maintenant fermé les portes des temples afin de pouvoir organiser des liturgies privées.

Sachant que ce sentiment est peut-être plus répandu qu’on ne le croit, je sais que je parle au nom de chaque évêque, de chaque prêtre, lorsque je dis que nous, les prêtres qui avons été forcés de fermer nos églises, notre peuple nous manque. Nos paroissiens, et dans le cas des monastères, nos pèlerins, sont tous aimés de nous. Notre peuple est la raison même pour laquelle nous sommes entrés au service de l'Église, car ils font tous partie intégrante du Corps du Christ et sont très aimés de nous.

Je vous en prie, mes chers, ne désespérez pas, mais souvenez-vous que nous allons tous nous en sortir ensemble. La séparation que nous vivons tous pendant cette pandémie passera, et les choses reviendront à la normale. Ce n'est pas la seule fois dans l'histoire de l'humanité que des moments aussi terribles ont frappé notre race humaine, et ce ne sera pas la dernière.

Nos propres correspondants réguliers, ici dans notre monastère, ont clairement fait savoir qu'ils estimaient devoir se tenir à l'écart du monastère, de peur d'introduire le coronavirus chez les moines. Se privant des Saints Mystères, ils ont choisi de nous protéger.

Après la Divine Liturgie de dimanche dernier, je me suis rendu chez de pieux croyants qui s'étaient rassemblés pour un service de lecture, avec d'autres paroissiens, et les ai appelés à sortir par la porte d'entrée, je les ai bénis depuis mon véhicule, afin qu'ils puissent me voir en personne, et savoir que je les aime et que les voir me manque. Je leur ai même envoyé des photos des offices, en espérant que ces photos les aideraient à se sentir liés au monastère, même s'ils n'ont pas pu être présents.

Tous les prêtres à qui j'ai parlé, et même mon archevêque, ressentent la même chose. Comment ne pas le faire, car l'Église est composée de nous tous, ensemble. Nous, le clergé, sommes les serviteurs de notre peuple, et pourtant une pandémie nous a tous séquestrés dans nos maisons et nos monastères, tout comme notre peuple a été séquestré dans ses maisons. Tout comme les membres de la famille sont désormais empêchés de rendre visite à leurs proches qui sont en quarantaine dans les hôpitaux, parfois même seuls face à la mort, nous, les prêtres, souffrons d'être séparés des personnes que nous aimons et que nous souhaitons servir.

Je dois également souligner que ce n'est pas seulement nous, les prêtres, qui pouvons bénéficier de l'isolement forcé qui nous a donné la chance de faire de ce voyage de carême l'un des plus profitables de tous sur le plan spirituel. Ce n'est pas seulement parce que nous sommes capables de servir la Liturgie, mais plus encore, parce que nous avons eu la possibilité de faire l'expérience d'un silence intérieur qu'aucun d'entre nous, qu'il soit membre du clergé ou laïc, n'a connu de son vivant.

C'est peut-être le Seigneur Lui-même qui nous fait don de cette pandémie comme notre façon de nous éveiller à ce qui a une valeur éternelle, tout en éteignant, même si ce n’est que pour quelques mois, des distractions d'un monde qui, il y a longtemps, a détourné les yeux de Dieu. En ayant fait des idoles du profit, des biens matériels, des stars de cinéma, des voitures de luxe, nous avons oublié Dieu. Maintenant, nous avons été appelés à nous repentir, et à tourner notre regard collectif vers ce qui compte vraiment, notre relation avec le Christ, Qui nous aime, même malgré nous.

Avec amour en Christ,
Higoumène Tryphon

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

dimanche 29 mars 2020

PRIERE POUR LES MEDECINS ET LE PERSONNEL SOIGNANT

Christ guérissant le paralytique

Seigneur Jésus-Christ notre Dieu, Ami de l’homme, 
Médecin de nos âmes et de nos corps, 
Qui supportas la douleur de nos infirmités, 
et par les blessures duquel nous sommes guéris ; 
Qui donnas la vue à l'homme né aveugle ; 
Qui redressas la femme 
qui était courbée depuis 18 ans ;
 Qui donnas la parole et la vue 
au démoniaque muet ;
 Qui non seulement pardonnas au paralytique ses péchés,
 mais le guéris pour qu'il puisse marcher ; 
Qui restauras la main desséchée d'un homme en détresse ; 
Qui arrêtas l'écoulement du sang 
de celle qui saigna pendant 12 ans ; 
Qui ressuscitas la fille de Jaïre ; 
Et ramenas à la vie Lazare, 
mort depuis quatre jours ;
 Et qui guéris toute infirmité sous le soleil : 

Accorde maintenant, Seigneur, 
Ta grâce à tous ceux qui sont ici réunis,
 qui ont travaillé 
et étudié heure après heure, 
pour aller dans le monde entier
 guérir les gens par le talent que Tu as donné à chacun d'eux.

 Fortifie-les, par Ta force, 
pour qu'ils ne craignent aucun mal
 ni aucune maladie. 

Éclaire-les 
pour qu'ils ne fassent aucun mal
 par les œuvres de leurs mains, 
et préserve-les, 
ainsi que ceux qu'ils servent, dans la paix,
 car Tu es notre Dieu, 
et nous n'en connaissons nul autre, 
et à Toi nous rendons gloire 
avec Ton Père Qui est de toute éternité,
 et avec Ton Esprit très saint, 
bon et donateur de vie, 
et maintenant et toujours
 et aux siècles des siècles. 
Amen !    

(Version anglaise 
 Cathedral John The Baptist,
 Washington 
D.C., 
USA)

Jean-Marie GOBERT:L'inattendu du Grand Carême : une folie vivifiante!



Aujourd’hui, en ce mitan du mardi de la troisième semaine du Grand Carême entrent en application les mesures législatives communément nommées confinement. Point de surprises : depuis des semaines, les puissances médiatiques nous trimballaient de l’Empire du Milieu jusqu’à la cité des Doges, en une saga qui ne nous contait point quelque route de la soie, mais la circumnavigation invasive d’un nouveau barbare nommé coronavirus. Lequel s’invite sans y être convié, se présente avec l’entregent d’un simple malappris, proche parent de la grippe, alors qu’il n’hésite pas à envoyer d’aucuns ad patres, en prenant bien son temps, de surcroît, pour les asphyxier.  

Et la peur nous taraude, pour nos proches, pour nos aînés, pour nous-mêmes, et les législateurs s’échinent à contrer l’intrus, réduisent de façon drastique les déplacements de tout un chacun, dans l’espoir raisonnable de bouter la camarde de nos terres familières. Et, pour le coup, ce sont mes occupations ordinaires, et mon agenda, et mes projets qui se retrouvent tout tourneboulés… « C’est un truc de fou, ce qui est en train de se passer ! », m’écrivait, il y a quelques heures, une personne chère. Oui, un « Truc de fou !»  Tout ce que j’avais prévu est reporté, modifié, sous réserve d’ailleurs que ce maudit coronavirus ait la politesse de ne pas m’inscrire sur sa liste des trépassés ! Oui, c’est fou, tellement c’était inattendu !

Et cependant ma mémoire me rappelle cette forte supplique dite aux Grandes Vêpres, au moment de la Litie : « Nous te prions encore pour qu’à cette sainte église, à toute église, à toute ville et à toute contrée, soient épargnés la famine, la peste, le tremblement de terre, l’inondation, le glaive, l’invasion des ennemis, la guerre civile et la mort soudaine. » Ensemble de fléaux, parmi lesquels se trouve « la peste » l’épidémie, les morts qui s’accumulent, la population d’une paroisse ou d’une ville qui se retrouve décimée en quelques semaines, voire en quelques jours … Et si, en ce jour, nous ne faisions que renouer avec la condition millénaire de l’humanité ? Et si la folie se logeait aussi dans cette superbe de l’homo occidentalis qui, depuis la Renaissance en passant par la Révolution Française jusqu’au messianisme bolchevique, s’auto-idolâtre au travers des constructions qu’il s’est faites et qui se nomment Raison, Science, Technologie, Progrès … divinités tutélaires censées nous mettre à l’abri de fléaux ne pouvant plus faire peur qu’à des ignares engoncés dans leurs anachroniques arriérations… Oui, une fois de plus,  cette coriace et insubmersible mythologie de la « modernité »  révèle ce qu’elle est : un mensonge philosophique, une imposture spirituelle.

Mensonge philosophique. Mais, me direz-vous, l’idéologie du Progrès fut tout de même inventée par les « Philosophes » au « Siècle des Lumières » ? Oui, sauf que ce terme de « philosophes » est abusif et correspond plutôt à ce que nous nommerions « Intellectuels », terme qui n’existait pas alors. Si l’on cherche une tradition philosophique qui aide à vivre, qui soit un ars vitae, c’est du côté des Anciens qu’il convient de se tourner, des Stoïciens, par exemple, avec leurs enseignements sur le désir et sur la mort. Que nous disent-ils ? Que l’homme ne peut que désirer, mais que ce désir nous égare s’il a pour objet ce qui ne dépend pas de nous : or, l’ensemble des événements étrangers à ma volonté, voilà ce qui ne dépend pas de moi. L’épidémie, les guerres, tous ces genres de fléaux bien sûr, mais aussi la santé, l’estime qui m’est accordée, la durabilité de ma réussite, la reconnaissance sociale etc… voilà le vaste domaine qui, in fine, ne dépend pas de moi. Ces réflexions, ces méditations furent écrites la plupart du temps par des hommes ayant connu notoriété, puissance, honneurs … et goûté le fruit amer de leur fragilité, rien n’étant plus fluctuant que l’opinion qui les accorde ! La distinction entre « ce qui dépend de moi » et « ce qui ne dépend pas de moi » est une des clés de leur philosophie pratique, et il ne dépend que de nous de nous en servir aujourd’hui encore ; elle se révèlera excellent antidote contre l’emprise de cet imaginaire publicitaire sur nos âmes faisant accroire à chacun qu’il est un petit roi pour lequel tout est possible et qui a droit à tout. Des philosophies purement profanes suffisent donc à nous faire comprendre que ces manipulations de nos imaginaires ne relèvent pas de l’ordre de la technique, qu’il ne s’agit pas seulement de « techniques de vente » ou de « techniques de communication » mais d’une entreprise d’assujettissement spirituel.  Ce même stoïcisme nous invite encore à toujours garder en nous la « mémoire de la mort » - autrement dit d’avoir toujours comme « pensée de derrière la tête », une vive conscience de notre fragilité -  nullement par goût du morbide ou mépris de l’existence – d’autant que se souvenir de notre fragilité nous rend bien plus attentifs à ce qu’il y a de beauté aujourd’hui, en ce jour qu’il m’est donné de vivre - mais afin de nous prémunir contre toute tentation de démesure, contre toute inattention au présent : « Agir, parler, penser toujours, comme quelqu’un qui peut sur l’heure sortir de la vie » (Marc Aurèle, Pensées II, 11), « Que la mort soit devant tes yeux chaque jour et tu n’auras jamais aucune pensée basse ni aucun désir excessif. » (Epictète Manuel, §21)

Une saine réflexion suffit, par conséquent, à nous rendre attentifs à cette fragilité si profondément ancrée dans notre condition :  nous sommes assujettis à l’action sur nous des causes extérieures - Pascal écrira, parlant de l’homme : « Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser : une vapeur, une goutte d’eau suffit pour l’écraser » Pensées Brunschvicg 347 - et la mort s’invite à tout âge et à tout moment. La patristique saura butiner ces enseignements des Anciens et bien des conseils issus de l’ascétique grecque et romaine viendront nourrir une ascèse chrétienne, ce qu’illustre à l’évidence l’exercice de la « Mémoire de la mort ». Songeons à saint Isaac le Syrien lorsqu’il écrit : « Quand tu t’approches de ta couche, dis-lui : Ô ma couche, peut-être cette nuit seras-tu mon tombeau. J’ignore si au lieu du sommeil temporel ne va pas venir pour moi le sommeil éternel. » (Discours ascétiques 34,12) ou à saint Joseph l’Hésychaste nous rappelant que « La mort nous attend cachée quelque part. Un jour, une nuit, ce sera la dernière de notre vie. C’est pourquoi bienheureux celui qui nuit et jour se souvient de la mort et se prépare à la rencontrer. Car elle a l’habitude de venir joyeusement à la rencontre de ceux qui l’attendent, mais pour ceux qui ne l’attendent pas, elle est sévère et amère. » (Joseph l’Hésychaste Lettres spirituelles, Lausanne, Suisse, L’âge d’Homme 2005, pp.173-174)

« Se souvenir de la mort et se préparer à la rencontrer » … eh bien, c’est exactement à cela que nous invite cette concomitance de « notre » coronavirus et du grand Carême, et c’est à cela aussi que nous invite le Christ, lorsqu’Il nous met en garde contre les mirages des richesses de ce monde : « Ne vous amassez point de trésors sur la terre, où la mite et le vers consument (…) mais amassez-vous des trésors dans le ciel. » (Mt 6, 19-20) Seulement, le sens de l’ascétique chrétienne n’est pas du tout le même que celui des Grecs : le but, pour nous, n’est pas de devenir comme une citadelle résistant aux aléas du temps. Notre ascèse est dynamique, elle est un chemin de conversion, une marche difficile parce que le vieil homme en nous se laisse pas aisément dépouiller ; mais, parce que nous avons été baptisés, et sous la motion de l’Esprit-Saint, des forces peuvent nous être données pour suppléer à l’insuffisance de notre volonté, et nous pouvons parvenir à « revêtir le Christ », (Ga 3, 27).

La foi chrétienne ne peut être vivante sans ascèse :  le sens de notre vie, c’est de permettre au Christ de venir faire en nous Sa demeure, c’est de nous laisser déifier.  Nous ne pouvons revêtir le Christ, nous ne pouvons entrer dans la Lumière de Sa résurrection sans monter au Golgotha, il n’y a pas de Pâques sans la Croix, mais le but de l’ascèse, ce n’est pas la Croix, mais la Résurrection. Le Christ n’a pas souffert par goût de la souffrance, Il a souffert Sa Passion pour m’affranchir de mes passions, comme nous le chantons aux Laudes du Troisième Dimanche de Carême, le dimanche de la Croix. Peut-être est-ce de la Liturgie de ce dimanche là qu’il nous faut nous nourrir ; peut-être sont-ce les hymnes de ce jour-là qui doivent nous habiter, plus fortement encore, en ce temps d’épidémie.  Le dimanche de la Vénération de la Sainte Croix : dimanche magnifiquement résurrectionnel, bien que lové au cœur du grand Carême, bien qu’encore séparé de la Fête des fêtes par quatre longues semaines, mais déjà dimanche de jubilation, d’allégresse : les premières strophes de la première Ode de l’Orthros ne sont-elles pas celles du jour de Pâques ? « Jour de la résurrection ! Peuples, rayonnons de joie : c’est la Pâque, la Pâque du Seigneur ! De la mort à la vie, de la terre jusqu’au ciel, le Christ notre Dieu nous conduit : chantons la victoire du Seigneur. » Et la raison, les fondements de cet hymne jubilatoire en plein cœur du Carême, c’est la vénération de la Croix, Croix salutaire, Croix vivifiante : « Resplendis, vivifiante Croix du Seigneur (…) par toi furent séchées les larmes de nos yeux (…) par toi nous avons part à l’éternelle joie. (…) Voici que s’avance le nouvel arbre de vie ; accourez pour l’embrasser dans la joie et vers lui faites monter ce cri de votre foi : Précieuse Croix, tu es notre secours et notre protection, ton fruit nous procure l’immortalité, l’assurance du Paradis et la grâce du salut » (Lucernaire, t.5 des Grandes Vêpres du samedi de la vénération de la Croix). Oui, dans la foi orthodoxe, le fondement et le but de l’ascèse, si difficile soit-elle, sont résurrectionnels.

C’est à la lumière des textes liturgiques de ce dimanche là que nous pouvons entrer non point avec notre seul intellect, mais avec notre cœur, avec notre chair, dans le mystère de la Croix et de la Résurrection, dans cette antinomie mystique en laquelle fusionnent le scandale d’un Dieu méprisé, moqué, cloué et l’épiphanie de la Gloire de ce Dieu par la Croix : « C’est maintenant le jugement de ce monde ; maintenant le Prince de ce monde va être jeté bas. »  (Jn 12, 31) Oui, c’est cette indissociabilité de la Croix et du Tombeau vide, qui fonde notre Joie et notre Espérance. Xristo\j a0nes/ti, Christ est ressuscité ! « La mort a été engloutie dans la victoire. Où est-elle, ô mort, ta victoire ? » (1 Co 15,55). En Christ mort et ressuscité, la puissance de la Mort, la puissance du Monde ont déjà été vaincues (Jn 16,33), la bataille essentielle a déjà été gagnée, mais l’Ennemi se manifeste encore, il ne sera pleinement et visiblement défait qu’avec la Parousie, lorsque « la Mort et l’Hadès seront jetés dans l’océan de feu » (Ap 20,14) Et nous, nous vivons en tension dans ce déjà et ce pas encore. Voilà pourquoi nous ne nous désolons pas « Comme ceux qui n’ont pas d’espérance » (1 Th 4,13), voilà pourquoi l’Espérance manifeste notre foi, une foi en laquelle nous avons la certitude que le Seigneur est avec nous jusqu’à la fin des temps (Mt 28,20), Sa présence aimante rend infondées nos inquiétudes pour les lendemains (Mt 6,34), et rien de ce qui nous advient ne s’abime dans Son oubli, pas même la perte d’un de nos cheveux ! (Lc 12,6).

Mais la foi n’est ni une drogue, ni une illusion, ni un antalgique. Certes, notre condition présente est passagère, nous ne sommes que des pèlerins, nous croyons que l’existence ne nous a pas été donnée seulement pour ce temps de pérégrination, mais pour vivre éternellement avec notre Créateur. Mais tout d’abord, nous sommes attachés à ce monde, non sans quelque légitimité d’ailleurs puisque sa beauté exprime la magnificence de son Créateur (Ps 8 et 18). Les temps d’afflictions, de maladies nous rendent attentifs à tout ce cantique murmuré par la Création (« La création jusqu’à ce jour gémit en travail d’enfantement » Rm 8,22) ce cantique que nous, malheureux résidents d’un pavillon des agités, avions cessé d’entendre. Les retrouvailles de nos fragilités font sourdre du tréfonds de nos âmes un hymne d’action de grâces pour tant de beautés, tant d’heures de joies, tant de visages bienveillants rencontrés, tant de bontés parsemées en nos vies. Mais ce même monde est aussi terre d’« épines et de chardons » (Gn 3,18), de mauvaises herbes si invasives que d’aucuns  réduisirent le temps présent à une « vallée de larmes. » (Ps 83,7) S’il n’est guère contestable que des formes de piété n’eurent que trop tendance, dans le passé, à verser dans la déploration tristounette, dans le pénitentiel et la souffrance, cela ne donne aucune légitimité à cet égarement symétrique et opposé, qui est un des travers de notre temps, égarement qui en vient à ne plus admettre ni comprendre que la souffrance fait partie de l’ascèse. Saint Joseph l’Hésychaste écrit qu’ « On ne fait pas des moines avec des lits de plumes ! » (Op.cit. p 30) : il parlait certes des moines en écrivant cela, mais cela vaut pour tout chrétien ! Aucun Père n’a jamais enseigné que nous puissions devenir enfants de Dieu sans épreuves et sans souffrances ! Citons, parmi bien d’autres, Saint Isaac le Syrien : « Il n’est pas possible quand nous marchons sur le chemin de la justice, que nous ne rencontrions pas de contrariétés, que notre corps ne soit pas éprouvé par la maladie et la fatigue, et que nous ne passions pas par diverses vicissitudes, si nous voulons vivre selon la vertu. (…) La voie de Dieu est une croix quotidienne. Personne ne peut monter confortablement au ciel ». (Discours ascétiques 4, 3-4) Serait-ce une attirance morbide pour je ne sais quoi de mortifère que d’oser redire cela ? Nullement !  Nous ne sommes pas invités à gambader après souffrances et épreuves ! Ces personnes-là ne sont pas très bien élevées, elles se mettent à table sans y avoir été invitées et elles ne se pressent pas pour repartir. L’actualité le rappelle aux étourdis !  Et leur présence dans nos vies a du sens.

Que ces maux nous affligent, qu’ils nous fassent peur est profondément humain. Le Christ, pleinement Dieu et pleinement homme, a pleuré ; Il a, en assumant notre humanité, fondu en larmes devant le tombeau de son ami Lazare qu’Il allait, en Sa pleine divinité, ressusciter. (Jn 11, 35). Le Christ, vrai Dieu et vrai homme a pleinement vécu la répulsion que nous ressentons devant la mort, jusqu’à connaitre une peur qui s’abime en angoisse : « Sa sueur devint comme de grosses gouttes de sang qui tombaient à terre. » (Lc 22, 44) Le Christ, né du Père avant tous les siècles, le Christ pantocrator, le Christ par qui tout a été fait, le Christ-Dieu qui a librement consenti à Sa Passion, ce Christ pleinement homme est descendu habiter notre peur, incarner notre angoisse et notre solitude devant la mort. Oh Seigneur ! Merci d’avoir insufflé à saint Luc ce verset en lequel il nous dit la plénitude de Ton incarnation ! Merci, d’avoir assumé notre condition jusque dans cette peur de cette mort qui est la suite de la faute ancestrale.

La foi n’est pas un discours édifiant ! Après que Socrate a absorbé la cigüe, nous le voyons, lui, deviser avec ses amis, les consoler, les rassurer, leur demander de payer à Asclépios l’achat d’un coq dont il reste redevable … (Phédon 116-118) Voilà un récit édifiant ! … Au Golgotha, nous n’avons pas à faire à un discours, nous ne sommes pas dans l’édifiant, nous sommes dans l’affrontement cosmique entre la Vie et La manifestation de la Puissance des Ténèbres. Le Vainqueur de la Mort a lui-même, dans son humanité, peur de cette pâque, il a peur du trépas. Alors, il n’est pas scandaleux que, moi aussi je puisse à la fois entendre en ma misérable faiblesse le « N’aie pas peur, petit troupeau » (Lc 12,32), « N’aie pas peur car Je suis avec toi » (Is 41,10) et connaître la peur. Parce que le Christ a volontairement assumé notre solitude, notre peur et même notre angoisse, nous savons dans notre foi que, quoi qu’il advienne, nous ne mourrons pas seul, même si aucun visage aimé n’est à nos côtés à ce moment-là, même si notre Geronda ne peut venir nous assister, nous ne serons pas seul : le Christ sera avec nous et en nous et des anges nous réconforteront. (Lc 22,43) Mais … nous connaissons la peur, et ces images suscitent en nous de l’effroi !

Cette peur, nous la ressentons de façon d’autant plus vive qu’elle s’enchâsse dans une appréhension plus large encore : celle de n’être peut-être pas très éloignés de la Parousie. Certes, plusieurs générations de chrétiens ont déjà eu, à tort, la certitude de vivre la fin des temps, et il se peut que nous soyons dans la même illusion. Certes, les épidémies, les désordres, les guerres, les invasions n’ont rien de propre à notre temps qui n’est décidément pas ce monde lumineux et joyeux vaticiné par nos Saint Just et autres Condorcet ! En matière d’épidémie, notre Coronavirus n’est peut-être qu’un ennemi somme toute médiocre comparativement à tel de ses prédécesseurs, responsable par exemple des « grippes espagnoles » ; mais cette appréhension, peut-être illusoire, d’une fin de ce temps qui pourrait être proche s’ancre, de façon plus profonde, dans l’impression d’avoir à faire à un combat spirituel, à un antagonisme cosmique, frontal entre une Humanité clamant son Autonomie, sa Rationalité, sa soi-disant toute puissance et son Créateur … réputé inexistant. Lorsque nous lisons le magnifique livre de l’Apocalypse, nous sommes particulièrement frappés par ce qui est dit, de façon volontairement répétitive, de l’attitude des hommes, de leur entêtement, de leur obstination, à mesure que les fléaux s’échappent « des coupes en or remplies de la colère de Dieu ».  (Ap 15, 7) Que font ces hommes lorsque s’égrènent ces signes d’un Jugement ? : « Loin de se repentir en rendant gloire à Dieu, ils blasphémèrent le nom de Dieu qui détenait en son pouvoir de tels fléaux. » (Ap 16,9) et plus loin : « Loin de se repentir de leurs agissements, les hommes blasphémèrent le Dieu du ciel sous le coup des douleurs et des plaies. » (Ap 16,11 et plus loin Ap 16,21). Cet entêtement, cet acharnement dans la hargne de Dieu n’est-il pas au cœur de l’esprit de ce temps ?

Après le coronavirus, il n’y aura pas de retour au statu quo ante, à ce qui prévalait auparavant, nous a-t-il été dit, non sans quelque emphase d’ailleurs. Mais qu’est-ce qui est alors évoqué ? S’il s’agit d’orientations monétaires ou de politiques économiques, c’est fort possible. S’il s’agit de changements profonds dans nos manières de vivre, il est permis de se montrer dubitatif. Une conversion semble improbable. Bien sûr, ce râleur de Jonas espérait bien que Ninive ne se convertirait pas, et il n’assura, de mauvaise grâce, qu’un service minimum pour appeler les Ninivites à vivre autrement … et ces habitants se convertirent ! Rien n’est impossible à Dieu ! Mais comme elles sont solidement campées sur leurs pattes ces deux bêtes de l’Apocalypse auxquelles le Dragon a transmis son pouvoir, celle de la mer et, plus encore, celle de la terre. (Ap 13) La bête de la mer symbolise le Pouvoir institutionnel en tant qu’il recherche l’universalité entière, géographique, ce que nous pourrions nommer l’impérialisme, et spirituelle c’est-à-dire sans distinction claire entre le temporel et le spirituel, de sorte qu’il « mène campagne contre les Saints afin, de les vaincre. (Ap 13,7) Celle de la terre est au service de ce premier Pouvoir, et ce redoutable monstre de la terre fait que les hommes entrent en illusion et vouent un culte au Pouvoir qu’ils idolâtrent, consentant ainsi, en quelque sorte à leur propre asservissement. Nul doute qu’une telle bête de la terre a ses entrées dans les services de propagande, de communication, qu’elle a tous ses diplômes en idéologie et autres éléments de langage. Peu nous chaut de savoir que saint Jean était censé traiter du pouvoir romain en mettant en scène ces figures. Eu égard à la profondeur de vue de cet Evangéliste, nous pouvons supposer sans grand risque qu’il avait su discerner dans Rome un enjeu intemporel, spirituel : la confrontation de la Superbe humaine avec la kénose de Dieu. Cette maîtresse es-imaginaire qu’est la bête de la terre a, entre temps, su s’instruire et s’adapter. Elle parle couramment le mondialisme multiculturel, excelle à organiser les grandes Liturgies du Marché qu’elle agrémente par des mises en scènes sous-traitées à des minorités libertaires. Elle a, en particulier, acquis avec brio une maîtrise de l’Ecran total, de sorte que la foule de ses fidèles prend les images et les spectacles qu’elle a mis en scène pour la réalité même, tandis que l’existence de la réalité réelle, si je puis dire, se retrouve niée et doit être tue sous peine d’ostracisme.

L’après-coronavirus sera-t-il dégrisé des alcools de la croissance, du salut par la technologie, du mondialisme et autres post-modernités ? Cessera-t-il de vénérer la démesure, d’anéantir plantes, sols et animaux ? S’il n’en est rien, si la bête de la terre continue à mener la danse, alors oui, elle pourrait bien déchainer avec frénésie toute la panoplie de ses maléfices, sachant que sa puissance va bientôt être définitivement vaincue et anéantie. Il nous faudrait alors, quelles que soient nos peurs, nous ancrer, nous enter résolument en Christ. Quel que soit le temps de la Parousie, quels que soient les effondrements de toutes les impostures humaines qui la précéderont, ce à quoi nous sommes invités, c’est à l’achèvement, à la plénitude de ces Liturgies que nous avons déjà célébrées ensemble, en ce monde et en Jésus-Christ, ainsi qu’avec toutes les Puissances Angéliques et tous les saints. Ce à quoi nous sommes invités, c’est à rejoindre cette foule immense dont saint Jean eut la vision, cette foule qui, avec les vingt-quatre Vieillards et les quatre Vivants, ne cesse de chanter et de clamer : Alleluia ! ». Oui, ce à quoi nous sommes invités, c’est d’habiter la demeure commune de Dieu et des hommes lorsque le Christ lui-même viendra essuyer toutes larmes de nos yeux. (Ap 20)

Ce vendredi 20 mars A.D. 2020 

Vendredi de la troisième semaine de Carême 

Jean-Marie Gobert




samedi 28 mars 2020

Sainte Corona invoquée contre les épidémies.

Martyr de saint Victor 
En haut à gauche, martyr de sainte Corona
Ci-dessous les deux martyrs


Depuis quelques semaines, une sainte du IIème siècle redevient d’actualité. Son nom en occident sainte Corona, fait que de nombreux fidèles demandent son intercession dans leur lutte spirituelle contre la pandémie du Coronavirus. Compagne de martyre de saint Victor, ses reliques se trouvent à Anzu en Italie, et en Autriche et en Bavière où des églises lui furent consacrées. Dans ces pays, elle fut particulièrement invoquée lors d’épidémies. De là vient le regain d’intérêt pour son intercession. Quant à sa vénération actuelle, elle s'explique aussi par la parétymologie [*]Son chef ainsi que celui de saint Victor se trouvaient jadis dans la cathédrale de Dijon, jusqu’à la Révolution Française. Par les actes impies des révolutionnaires,  sombres partisans des Lumières, premiers bolchéviques de l’histoire européenne, les reliques  des saints disparurent.

Saint Victor



Icône grecque de sainte Corona/ Stéphanie 

En Syrie, vers le fin du  IIème siècle (circa 170 A.D.), les saints Victor et Corona (Stephanie, Stephanis ou Stéphanide  d’après le grec; Quelquefois nommée Couronne en français) furent martyrisés à Damas, sous le règne d’Antonin. Saint Victor, né en Italie, chrétien lui-même refusa de persécuter les chrétiens, fut arrêté et fut lourdement torturé pour refuser de renoncer à sa foi, on lui coupa les doigts, on lui arracha les yeux et il fut finalement décapité. Sainte Corona, chrétienne elle aussi et épouse d'un soldat ami de Victor impressionnée par le grand courage de Victor cria à haute voix son admiration pour le soldat du Christ et déclara qu'elle voyait deux couronnes préparées, une pour lui et une pour elle-même. Elle fut également martyrisée. Les bourreaux  l’attachèrent par les pieds à deux palmiers qui avaient été courbés ; lorsqu'ils furent relâchés, elle fut déchirée.

Apolytikion des martyrs Victor et Corona
Ton 4
Par des chants de louange et par des hymnes, célébrons les athlètes inébranlables du Christ : * les divins Victor et Vincent, et la noble Corona, avec Menas le très glorieux. * Après avoir écrasé l'ennemi à diverses époques et dans divers pays, ils se réjouissent ensemble, glorifiés dans les cieux. * Par les prières de Tes grands martyrs, ô Christ Sauveur aie pitié de tous.

Kondakion des Martyrs Victor et Stéphanie
Ton 8
Comme pieux athlètes et martyrs qui luttèrent pour la foi, l'Église honore et glorifie ce jour les pieux exploits et le martyre de Ménas le vainqueur, du noble Victor, du courageux Vincent et de la vaillante Corona, et elle clame et glorifie avec amour le Christ, l'Ami de l'homme.

Les martyrs Victor et Corona sont fêtés le 11/24 novembre dans l'Eglise orthodoxe

Version française C.L.-G. d'après diverses sources 

NOTE: 

[*] Cf. l'extrait de l'interview accordée au site RELIGIOSCOPE lors de la parution de mon livre Le Secours des Saints, Dictionnaire des intercessions orthodoxes Editions XENIA, 2007

Religioscope – Quelles sont les raisons qui conduisent à associer à l’intercession d’un saint particulier un soulagement par rapport à un type de problème spécifique? Nous pouvons supposer que cela est généralement lié à des circonstances ou expériences de la vie du personnage…

Claude Lopez-Ginisty – Il est difficile de répondre d’une manière tranchée. Quelquefois c’est effectivement quelque chose dans la vie ou le type de martyre subi par le saint qui déterminent son intercession, mais tous les céphalophores (ceux qui eurent la tête tranchée) ne sont pas invoqués pour les maux de tête. Quelquefois c’est la parétymologie ( qui voudrait établir un lien entre le nom du saint et l’intercession qui le concerne), mais elle n’est pas non plus déterminante… Ainsi saint Blaise de Sébaste est invoqué traditionnellement dans le monde pour les maux de gorge, en Allemagne, parce que son nom est proche du mot qui signifie vessie, il est invoqué pour les maladies qui affectent cet organe. Dans la tradition populaire slave, le prophète Nahum est invoqué pour ouvrir l’esprit… parce que na oum signifie pour l’esprit dans ces langues.

Il est fort probable que pour la plupart des intercessions, quelqu’un a d’abord fait appel à un saint pour un « problème » particulier, et qu’ayant été exaucé, il en ait répandu la nouvelle et qu’ainsi de proche en proche, le saint ait été « spécialisé »!!! Mais la miséricorde de Dieu est grande et le lien que l’on peut avoir avec les saints n’est pas un lien artificiel ou intellectuel, il est une relation vraie. Les amitiés des saints sont fortes et fidèles et leur fréquentation nous apprend que l’on peut leur demander d’intercéder pour tous nos maux… Les saints savaient sur terre, que le Christ était présent dans chacun de leurs frères, ils les aimaient de l’Amour que le Christ leur avait à eux-mêmes manifesté. Auprès du Christ, ils témoignent encore de leur amour pour Lui en poursuivant leur œuvre sur terre. «Tous les Pères qui se sont endormis avant nous nous soutiennent par leur prière.Ils ont le souci du salut des hommes et aident par leur intercession auprès de Dieu », dit Origène.

vendredi 27 mars 2020

Des vigiles nocturnes et des processions auront lieu dans tous les monastères du Mont Athos pour la délivrance du coronavirus


La Sainte-Communauté a appelé tous les monastères du Mont Athos à faire face, par des vigiles à  la Mère de Dieu et des processions, à la pandémie, et à se tenir aux côtés des hommes éprouvés. Selon les informations de l’agence Orthodoxia, la Sainte Communauté du Mont Athos s’est réunie jeudi dernier et a décidé d’envoyer une lettre à tous les monastères athonites pour leur communiquer sa décision de faire face au coronavirus par une prière renforcée, par des processions et des vigiles nocturnes. Les représentants des vingt monastères du Mont Athos expriment ainsi leur compassion aux personnes éprouvées, priant pour celles-ci avec douleur la Mère de Dieu afin qu’elle les protège en ces moments difficiles. Les décisions de la Sainte-Communauté sont les suivantes : 1) Une vigile nocturne (agrypnie) à la Mère de Dieu et à saint Charalampos (voir ici sa vie et ici l’acathiste au saint, ndt)  sera célébrée dans la nuit du vendredi au samedi de la 4ème semaine du Grand Carême (c’est-à-dire du 27 au 28 mars), dans tous les monastères et leurs dépendances ainsi que dans l’église du Protaton, 2) Des processions auront lieu avec les saintes reliques et les icônes miraculeuses, au gré et selon l’ordo de chaque monastère.
La Sainte Communauté, de cette façon soutient les médecins, le personnel médical et les bénévoles et tous ceux qui travaillent pour leurs semblables, ainsi que les dirigeants qui, en ce moment, doivent prendre des décisions pour l’épreuve temporaire qui s’abat sur l’humanité. Dans sa lettre, la Sainte Communauté exprime l’affliction des Pères athonites pour toute interdiction générale du culte chrétien orthodoxe, particulièrement pendant la période de la pandémie. La Sainte Communauté termine sa lettre en soulignant la nécessité d’intensifier les prières et la vie sacramentelle pendant la période du Grand Carême et appelle tout le peuple à se tourner dans le repentir, de toute son âme et de tout son esprit vers le Seigneur, la Source de vie et le vainqueur de la mort.
citant