"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

mercredi 31 juillet 2019

Interview de Tudor Petcu avec l'higoumène Ambrogio de Turin sur le rôle de la Russie

Père Ambrogio


Que représente la Russie pour vous dans le panorama orthodoxe universel ? Comment définiriez-vous le rôle spirituel de la Russie dans le monde orthodoxe ?
Avant de parler de la "Russie" du point de vue d'un prêtre orthodoxe, je voudrais dire que dans ces réponses, je parle de Rus', c'est-à-dire du regroupement idéal des peuples chrétiens de la terre historique des Russes (aujourd'hui divisée en différents états) et de tous ceux dans le monde qui se reconnaissent dans son Église. Identifier le monde de la Russie à l'actuelle Fédération de Russie, ou à l'ancienne Union soviétique, ou à l'ancien Empire russe, c'est précisément identifier le monde de la Francophonie à l'actuelle République française, ou à l'ancien Empire napoléonien... C'est un concept supranational et international, qui ne s'identifie pas par hasard avec la plus grande des Églises locales du monde. Composée de nombreux peuples (souvent très différents les uns des autres), l'Église russe a la plus grande capacité dynamique à faire en sorte qu'un peuple d'une tradition différente se sente à l'aise par rapport au peuple chrétien orthodoxe, qui veut néanmoins embrasser sa foi.
En même temps, étant obstinément orthodoxe, c'est une Église qui sait respecter l'immersion des différentes cultures dans la foi chrétienne, et donc traiter avec respect même les orthodoxies locales qui ne veulent pas, pour une raison quelconque, s'y identifier. Un rôle spirituel idéal serait donc de sauvegarder l'autonomie des autres Églises locales (souvent avec des formes d'aide concrète... et en ayant les moyens), tout en offrant un large point d'entrée à l'Orthodoxie pour tous ceux qui se sentent appelés à y entrer. Le fait que l'Église russe soit composée en grande partie de fidèles qui ont récemment repris la vie ecclésiale en fait aussi une Église étonnamment humble, qui n'opprime pas les nouveaux venus depuis lahauteur (réelle ou présumée) de sa tradition historique.
Quels sont les représentants les plus importants de l'Église russe selon vous ?
Environ 150 millions d'âmes qui s'efforcent de marcher sur le chemin du salut... Je ne plaisante pas, l'immensité même de l'Eglise russe aide à réduire considérablement les exigences d'importance des individus, et même si on peut trouver des exemples extraordinaires dans toutes les catégories (pasteurs des âmes, pères spirituels, moines et moniales, confesseurs, hommes de foi et de science exemplaires), leur simple nombre signifie que nous ne devons pas nécessairement être en compétition pour évaluer notre importance et laisser que chacun trouve son maître.
J'ai souvent entendu dire que la Russie est aussi le plus grand messager de l'Orthodoxie dans le monde. Êtes-vous d'accord avec une telle affirmation ?
Certainement le plus sous-estimé, mais peut-être que c'est bien. Seuls ceux qui sont vraiment grands ne se soucient pas vraiment de se faire petits pour les individus qui les recherchent.
Pour autant que nous le sachions, la Russie a grandement contribué au développement de l'Orthodoxie en Occident, en particulier en France et en Angleterre. Que pourriez-vous me dire sur le monde dans lequel la Russie a contribué au développement de l'Orthodoxie en Italie ?
Ici trop de pages particulières devraient être ouvertes. Disons simplement, à titre de référence générale, que le "point fort" qui a attiré tant d'hétérodoxes vers la foi orthodoxe était la confiance. Cette confiance a souvent été trahie par des individus et des groupes qui n'ont pas su l'apprécier, mais on ne peut pas dire que l'Eglise russe n'a pas accueilli les convertis avec une grande ouverture et un grand respect.
Le père Andrew Phillips, représentant bien connu de l'Orthodoxie en Angleterre, dit que la Russie est le seul pays de notre époque qui défend les valeurs traditionnelles oubliées et rejetées par la société contemporaine. Cette affirmation est-elle vraie ?
La pierre angulaire de la vision "apocalyptique" du Père Andew (dans laquelle, au moins à court terme, il a fait preuve d'une clairvoyance inhabituelle) est une Russie (ou une Rus', pour dire les choses crûment) qui, après avoir subi la plus grande persécution des chrétiens de toute l'histoire, a eu l'honneur (et le fardeau) de retarder le mal que l'humanité attire sur sa tête. Les modalités d'application de ce délai peuvent varier selon les circonstances, mais l'impulsion est certainement présente et indéniablement active.
Quelles sont les œuvres théologiques russes que vous appréciez le plus ?
 Cela dépend beaucoup de notre définition de la théologie. Je dois me rappeler que l'Église orthodoxe de Rus' ne s'est pas développée, pour des raisons historiques faciles à étudier, au milieu de débats dogmatiques, mais plutôt dans le but de maintenir une orthopraxie droite dans le culte et la vie chrétienne. C'est pourquoi, en ce qui concerne les œuvres théologiques spéculatives (qui comportent toujours le risque de dégénérer en enseignements déviants, comme dans le cas de la sophiologie promu dans les milieux de l'émigration parisienne), je voudrais donner la préférence au témoignage de l'expression liturgique dans toute sa largeur.
Que représente pour vous, en tant que prêtre orthodoxe, l'œuvre "Les récits d'un pèlerin russe" ?
Curieusement, ce livre a joué un rôle plus important dans mes années d'approche de l'Orthodoxie que dans mes années de service sacerdotal. C'est un point d'entrée intéressant sur la mentalité chrétienne orthodoxe pour d'innombrables personnes, et pour cela on ne le remerciera jamais assez, mais (dans le vrai style russe), il ne prétend pas donner une base doctrinale à la prière (ce qu'il confie explicitement à la Philocalie), et surtout il ne néglige pas la dureté du chemin ascétique (le pèlerin lui-même vit dans les récits une vie de rigueur impensable pour une grande majorité des lecteurs). Il a rarement eu des points de contact avec mon expérience pastorale réelle.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après


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Archiprêtre Pavel Goumerov: ILS ONT VÉCU HEUREUX ET SONT MORTS LE MÊME JOUR.

Saints Pierre et Fébronie de Murom. 
Peinture d'Alexandre Trostev.
*
Car l'amour est fort comme la mort
(Cantique des Cantiques 8:6).
    
Etre ensemble avec nos proches après la mort

Les saints Pierre et Fébronie sont tout le temps présents dans ma vie. Tout d'abord, parce qu'en tant qu'homme de famille, je ressens en permanence l'aide de ces merveilleux protecteurs de la vie conjugale ; deuxièmement, le Seigneur m'a confié, en tant que pécheur, le soin de devenir recteur de l'Église des saints Pierre et Fébronie de Murom ; et troisièmement, pour moi la Vie des saints thaumaturges de Murom est une source inépuisable de réflexions et de thèmes nouveaux.

Je pense que le fait le plus remarquable et symbolique de leur vie est leur trépas. L'"Histoire de Pierre et Fébronie de Murom", écrite par le prêtre Hermolaus Erasmus, est souvent critiquée par des chercheurs de toutes sortes, mais, pour autant que je sache, personne ne conteste le fait que les saints époux ont quitté cette vie le même jour. Toutes les sources, y compris cette histoire et les chroniques, rapportent unanimement que les saints sont morts le même jour et même à la même heure.

"Ils ont vécu longtemps et heureux et sont morts le même jour." Nous avons lu cet aphorisme populaire à maintes reprises. Cependant, il arrive (mais pas si souvent) que cet aphorisme ne soit pas seulement la fin heureuse d'un conte de fées, d'une histoire d'amour heureuse ou des vœux pour un couple nouvellement marié à leur mariage, mais un fait réel, une réalité.

Réfléchissons à cela. Je crois que toute personne mariée aimante qui jouit d'une vie de famille heureuse pense : "Il serait si bon de ne pas se séparer de l'autre moitié un seul jour après la mort" ou "Nous aimerions pouvoir quitter cette vie le même jour et la même heure pour nous y rencontrer, là où il n'y a ni peine, ni douleur, ni soupirs, mais une vie éternelle". Chaque personne qui aime son conjoint a souvent imaginé combien il sera difficile de se séparer de son bien-aimé. Pierre et Fébronie y pensèrent aussi, et ils prièrent donc pour que le Seigneur prenne leurs âmes en même temps, simultanément. Pierre a même spécialement attendu Fébronie, lui a demandé de ne pas s'attarder et de finir ses travaux d'aiguille pour qu'ils puissent reposer ensemble.

Bien sûr, notre passage de la vie terrestre est toujours un grand mystère. Nous ne choisissons pas quand naître dans ce monde ou quand le quitter.

Tout croyant comprend que cette vie terrestre est temporelle et assez courte. Nous honorons comme des héros les couples qui célèbrent leur anniversaire de noces d'or, alors que très peu d'entre eux vivent pour célébrer leur anniversaire de diamant (le soixante-quinzième) et d'autres jubilés similaires. Eh bien, ils ont célébré les anniversaires de noces d'argent et d'or (ils ont élevé un fils, construit une maison, planté un arbre)... et ensuite quoi ? Notre vie de famille sur Terre n'est qu'une préparation à l'éternité. Dans une famille chrétienne, nous nous réunissons pour le salut et l'amour.

La tâche de la famille comme "petite église" est la même que celle de l'Église universelle - entrer ensemble dans le Royaume de Dieu le Père. Ce n'est pas sans raison que l'apôtre Paul dit : La charité [l'amour] ne périt jamais (1 Cor. 13:8). L'un des attributs de l'amour véritable est qu'il dure éternellement. Et si les gens ont vécu une longue vie dans l'affection, la joie et le chagrin, si tous deux ont cru en Dieu et ont travaillé au salut de leur âme, alors, sans aucun doute, ils désirent se rencontrer dans le Royaume céleste, même s'ils quittent cette vie à différents moments.

Saints Pierre et Fébronie de Murom. 
Peinture d'Alexandre Trostev.

Un mariage, une cérémonie de mariage à l'église est toujours un événement heureux, non seulement pour le marié et la mariée, mais aussi pour toutes les personnes présentes. Un invité de mariage partage la joie des jeunes mariés et cela le rend heureux aussi. Comme le dit l'Evangile de Jean : Celui qui a l'épouse est l'époux ; mais l'ami de l'époux, qui se tient debout et l'écoute, se réjouit beaucoup à cause de la voix de l'époux (Jean 3.29). Mais le mariage le plus heureux et le plus émouvant que j'ai vu à l'église, qui m'a ému aux larmes, n'est pas le mariage d'un jeune couple mais celui d'un très vieux couple [1] Pendant ce sacrement, je suis entré en contact avec l'éternité, avec cet amour éternel qui "ne s'arrête pas". J'ai été invité à donner la communion à un vieil homme qui mourait d'un cancer. Il était dans ses derniers jours, très faible, incapable de marcher, et ne pouvait que rester étendu et s'asseoir un peu. Son épouse était si faible qu'elle ne pouvait pas quitter l'appartement. Je l'ai confessée et je lui ai aussi donné la communion. Pendant la confession, l'épouse m'a fait part de son chagrin : Elle était attristée de ne pas avoir eu le temps d'épouser son mari à l'église ; et puis, elle s'est dit qu'il était trop tard parce que son mari était mourant. "Mieux vaut tard que jamais ", j'y ai réfléchi et je me suis permis d'accomplir ce sacrement sur eux directement chez eux.

Bien que cette cérémonie soit censée se dérouler à l'église, je pense que l'homme en phase terminale n'aurait guère pu aller aussi loin que l'église. La joie du couple était illimitée. Ils pleuraient d'une tendre émotion. Et je pouvais à peine retenir des larmes de joie pour eux. Ces gens avaient conservé l'amour et la foi dans leur vie terrestre, et ce mariage était comme une bénédiction pour eux avant d'entrer dans la vie éternelle.

Je ne sais pas combien de temps cette vieille femme a vécu après la mort de son époux; je ne l'ai jamais revue. Mais il est certain qu'elle ne se souciait plus d'elle-même ni de son époux, et qu'elle attendait la rencontre avec son bien-aimé dans l'éternité.

Mais il arrive souvent (et beaucoup d'entre nous en ont été témoins) que des conjoints aimants meurent l'un après l'autre, comme les saints Pierre et Fébronie, ou meurent dans un laps de temps relativement court. Il arrive qu'un conjoint âgé décède le premier et que son autre moitié décède peu après lui. Comme on dit : "Il l'a appelée", ou "Elle l'a appelé." Parfois, cela se produit à la suite d'un profond chagrin - le cœur d'une personne se brise à cause de sa grande détresse. Mais j'ai souvent observé quelque chose de différent dans des familles profondément religieuses. Ayant perdu son autre moitié (c'est-à-dire une partie de lui-même), une personne a simplement cessé de s'accrocher autant à cette vie terrestre. Il vivait toujours avec nous sur Terre, mais en même temps il désirait ardemment l'éternité, pour être un citoyen du Royaume céleste. Il se préparait pour le voyage, pour sa rencontre avec le Créateur et sa bien-aimée. Il n'est pas mort de désespoir ou d'insuffisance cardiaque, mais de causes naturelles.

Les Aksenovs et leurs églises

Le Père Victor et Matouchka Vera Aksenov 
avec leur fils Roman.

J'ai récemment été invité aux funérailles d'un merveilleux pasteur-archevêtre Victor Aksenov [23 mars 1936 - 1er octobre 2016]. Le Père Victor a vécu moins d'un an après le repos de son épouse - sa matouchka [épouse du prêtre] Vera, qu'il aimait beaucoup. Le prêtre et son épouse étaient tous deux des gens d'une gentillesse, d'une modestie et d'une humilité étonnantes. Je pense que c'est précisément pour leur humilité que le Seigneur s'est porté garant qu'ils vivraient une longue et heureuse vie et qu'ils ne seraient pas séparés longtemps. Dieu ne leur a envoyé qu'un seul enfant, et pas immédiatement, mais après huit ans de vie commune. Mais que c'est un enfant gentil! Leur fils Roman, avec qui j'ai étudié au Séminaire théologique et à l'Académie de Moscou, est devenu prêtre, professeur de séminaire, a eu six enfants (trois garçons et trois filles) et a suivi les traces de son père. Le Père Roman a terminé la rénovation de l'église que le Père Victor avait commencé à restaurer. Il serait peut-être utile de vous donner un compte rendu plus détaillé concernant cette église.

Quand Roman Aksenov et moi étudiions encore au Séminaire théologique de Moscou, tous nos camarades de classe savaient où le futur Père Roman allait servir, car son père avait entrepris la restauration d'une église près de leur village natal. L'église Saint-Nicolas le Thaumaturge du village de Nikolo-Krutiny avait été fermée et ravagée à l'époque soviétique. Il fut un temps où le recteur de cette église fut le hiéromartyr Nikolaï Golyshev (1882-1938, fête : 4/17 février). C'est lui qui baptisa le nouveau-né Victor Aksenov. Les villages de Nikolo-Krutiny et de Berejki (lieu de naissance du Père Victor) forment pratiquement un seul grand village à la périphérie de la ville de Yegoryevsk dans la région de Moscou. Ces deux localités peuplées s'étendent le long d'une route et n'ont presque pas de frontières distinctes. Chaque fois que le Père Victor passait devant l'église fermée et profanée, son cœur était profondément attristé. Pouvait-il imaginer à ce moment-là qu'un jour il entreprendrait la restauration de cette église, associée à sa maison ?

L'église Saint-Nicolas dans le village de Nikolo-Krutiny.

Le Père Victor a servi dans de nombreuses paroisses, mais quand il est devenu doyen du district de Yegoryevsk, l'église Saint-Nicolas a été rendue au Patriarcat de Moscou. Plus tard, son fils en devint le recteur et poursuivit le ministère de son père. Le clergé dans la Russie pré-révolutionnaire était comme une classe : très souvent le recteur d'une église paroissiale était remplacé par son fils après sa mort. 

Aujourd'hui, ce phénomène est très rare. Personnellement, je ne connais qu'un seul exemple de ce genre. En fait, je n'ai jamais rencontré de famille plus patriarcale et traditionnelle que la grande famille de Père Victor et Matouchka Vera. J'ai connu beaucoup de familles de prêtres où même plusieurs fils ont suivi les traces de leur père, mais seuls les Aksenov ont donné un exemple du mode de vie familial selon la classe et la communauté. Comme le dit l'adage : "C'est l'esprit russe, le parfum de la Russie." Jugez par vous-même. Presque toute la vie du Père Victor et de sa famille est liée à la même maison et à une église rurale. Cette maison est un simple izba de campagne [maison de paysan en Russie], peinte à l'huile verte, avec ses fenêtres face à la route. Le Père Victor lui-même et son fils Roman y sont nés. Et c'est là que le Père Victor et son épouse reposèrent paisiblement en Christ. Les parents de Victor Aksenov étaient des gens ordinaires et pieux. Son père chantait dans la chorale de l'église du village de Nikolo-Krutiny. Lorsque l'église fut fermée, la famille commença à fréquenter la seule église active de la ville de Yegoryevsk, dédiée à saint Alexis, métropolite de Moscou. Et cette église devint le dernier lieu du ministère de l'archiprêtre Victor. Il occupa le poste de recteur de l'église Saint-Alexis jusqu'à sa mort.

Quand Roman, le fils du Père Victor, se maria, la famille Aksenov construisit une annexe spacieuse attachée à leur maison et commença à vivre tous ensemble comme une grande famille très unie. C'était une coutume courante dans le passé : Lorsqu'un fils se marie, le jeune couple commence généralement son ménage en faisant simplement une extension, une annexe à la maison principale.

La famille de l'archiprêtre Victor Aksenov.

    
Je suis d'avis que les Aksenov et les familles comme eux restaurent notre lien avec la Sainte Rus' des temps anciens et nous aident à conserver les anciennes traditions qui ont permis à nos ancêtres de créer des familles heureuses et unies depuis l'époque des saints Pierre et Fébronie et même auparavant. Tous les problèmes de la famille russe moderne sont le résultat de la perte des traditions et de la rupture des liens avec l'expérience des générations précédentes. Imaginons cette image : Le fils restaure l'église que son père et son grand-père fréquentaient bien avant lui. Lui et ses enfants sont nés et vivent dans la maison où son père est né. La voici, la succession des générations ! N'est-ce pas une merveille ?

La dernière fois que j'ai visité la maison des Aksenov, c'était le quarantième jour après le repos en Christ du Père Victor. Avant de quitter leur maison, je m'arrêtais instinctivement comme si j'avais oublié quelque chose. Il s'est avéré qu'à chaque fois que je disais au revoir au Père Roman, je venais aussi dans la partie de la maison du Père Victor pour lui dire au revoir ainsi qu'à Matouchka Vera... Une boule dans ma gorge. Je ne pourrai pas le refaire, mais si Dieu nous trouve dignes, nous nous reverrons dans l'au-delà.

Le Tsar martyr Nicolas II,: "Le sort de ma famille est entre les mains du Seigneur".
Les Saints Martyrs Royaux.
   
En plus des saints Pierre et Fébronie, il y a un autre couple saint dont nous mentionnons tout le temps l'expérience familiale et que nous considérons comme une icône d'une famille chrétienne heureuse. Il s'agit de l'empereur Nicolas Alexandrovitch Romanov et de son épouse, la tzarine Alexandra Feodorovna. Ces deux couples de saints ont beaucoup en commun. Les deux familles étaient heureuses dans leur amour. Toutes deux étaient des familles dirigeantes et très aimées des gens ordinaires, mais détestées par les hauts membres des boyars [2]. Ces derniers ont essayé de forcer saint Nicolas et saint Pierre à abdiquer le trône et à se retirer. Et les deux dirigeants se retirèrent, de leur plein gré.

De nombreux livres ont été écrits sur la famille portant la couronne - les derniers membres dirigeants de la dynastie Romanov ; les journaux de la tsarine ainsi que la correspondance des martyrs royaux (qui est remplie d'amour et d'affection ardente les uns pour les autres) ont également été publiés.

Le gouvernement provisoire [3] a mis sur pied une commission d'enquête qui a tenté de trouver des faits pour prouver que le tzar et le tzarine étaient coupables de haute trahison. Bien sûr, de tels faits n'ont pas été trouvés. Un membre de la commission a demandé pourquoi la correspondance du couple royal n'avait pas été publiée à ce moment-là. La réponse était : "Si nous publions leur correspondance, le peuple commencera à les vénérer comme des saints."

Je ne doute pas que les saints Nicolas et Alexandra aient lu la Vie des saints Pierre et Fébronie et qu'ils la connaissaient très bien. L'empereur et l'impératrice ont très probablement pensé et rêvé plusieurs fois que "ce serait une bénédiction de quitter cette vie comme ces saints - ensemble, sans être séparés pour un seul jour". Et le Seigneur leur a accordé cette mort. Leur mort était chrétienne, mais elle ne pouvait en aucun cas être qualifiée de pacifique. C'était la mort de martyrs. Mais pour eux, l'essentiel était qu'ils soient restés avec leur pays jusqu'à la fin, qu'ils aient partagé son sort dans la souffrance et qu'ils ne se soient pas séparés les uns des autres et de leurs enfants bien-aimés pendant un seul jour ou une seule heure.

La famille impériale a-t-elle eu l'occasion de s'échapper et de quitter le territoire de la Russie ? On sait qu'il existait un plan pour sauver la famille du dernier tzar. Les monarchistes parmi les officiers blancs préparaient une opération pour sauver la famille du tzar-martyr. Mais en raison d'une mauvaise organisation, ce plan n'a jamais pu être réalisé. Nicholas et Alexandra avaient des parents très proches parmi les maisons dirigeantes de l'Europe. Le cousin du tzar, George V, était roi d'Angleterre. Un autre cousin, Constantin Ier, était roi de Grèce ; et un autre cousin, Christian X, était roi du Danemark.

Comme on le sait, à l'époque, aucun pays ne considérait le nouveau pouvoir d'Etat révolutionnaire en Russie comme légitime. La république bolchévique était considérée comme un État autoproclamé et illégitime. Il aurait été possible de conclure un marché avec les bolcheviks et d'exiger la libération de la famille royale pour émigrer à l'étranger en échange de la reconnaissance de la légitimité de l'État nouvellement formé par certains pays.

Bien sûr, ce ne sont que des hypothèses, des spéculations très audacieuses. On pourrait conjecturer à l'infini : "Que serait-il arrivé si..." Mais ce que nous savons avec certitude, c'est que ni l'Empereur ni l'Impératrice ne voulaient quitter leur pays, et ils ne firent aucun effort pour négocier une évasion. C'est dès 1906, pendant la rébellion de Cronstadt, que Nicolas II dit : " J'ai une foi inébranlable que le sort de la Russie, mon propre destin et celui de ma famille sont entre les mains du Seigneur. Quoi qu'il arrive, je m'inclinerai devant Sa volonté." Alors qu'il était déjà assigné à résidence à Ekaterinbourg, il a déclaré : "Je ne veux pas quitter la Russie. Je l'aime trop. Je préfère aller dans les coins les plus reculés de la Sibérie." Et sa sainte épouse écrivit pendant son enfermement : "Comme j'aime mon pays, avec toutes ses fautes. Il me devient de plus en plus cher, et je remercie Dieu chaque jour de nous avoir permis de rester ici." Les martyrs impériaux ne s'imaginaient pas sans l'autre et sans le pays qu'ils aimaient tant.

Les saints martyrs impériaux

Je pense que les martyrs impériaux avaient le pressentiment que la fin était proche et qu'ils s'en iraient sous peu vers un monde meilleur - un monde sans souffrance, sans guerres, sans révolutions. Si la famille Romanov avait réussi à fuir la Russie, quel aurait été son destin ? Il est fort probable qu'ils auraient mené la vie d'émigrants russes ordinaires, passant le reste de leurs jours loin de leur patrie perdue, ayant le mal du pays. Les Grandes Princesses se seraient mariées, et le Tzarevitch Aléxis se serait probablement marié aussi. Mais Dieu vit les choses autrement. Il les a pris de cette vie terrestre ensemble, comme ils avaient marché ensemble sur leur chemin de vie. Et le sombre sous-sol de la maison Ipatiev devint leur porte vers la vie éternelle.

Leur vie terrestre fut-elle longue ? Le couple portant la couronne vécut ensemble pendant environ vingt-trois ans et il n'atteignit même pas son anniversaire de noces d'argent. Il est vrai que ce n'est pas grand-chose pour un couple moyen, c'est l'âge moyen.

Furent-ils heureux ? Ils le furent certainement ! Dans leur vie, ils eurent de l'amour, des joies, des épreuves qu'ils surmontèrent ensemble. Et l'essentiel, c'est qu'ils marchèrent ensemble vers Dieu toute leur vie et ne se séparèrent jamais sur ce chemin, jusqu'à leur mort.

Ils ont vécu heureux et sont morts le même jour.

VERSION FRAN4AISE CLAUDE LOPEZ-GINISTY
d'après


1] Il arrive souvent en Russie qu'un couple ait été marié par les autorités civiles sous le régime soviétique, et qu'après être venu à la foi, son mariage soit "couronné" lors d'un service nuptial à l'église.

2] La vieille aristocratie en Russie, la plus proche en rang d'un prince.

3] Le gouvernement composé principalement de l'aristocratie russe arrivée au pouvoir après l'abdication du tsar. Il fut renversé par les bolcheviks, et les membres s'enfuirent ou furent emprisonnés et exécutés.

Sur le blog de Laurence: La procession de Kiev!

300 000 personnes ont suivi la Procession en mémoire du baptême 
de la Russie, derrière le métropolite Onuphre, à Kiev

mardi 30 juillet 2019

Taras Rebikov : L'Arche et le "Titanic" : pourquoi les politiciens et les schismatiques ne peuvent pas couler l’Eglise orthodoxe ukrainienne canonique

Par rapport aux "Titanics", l'Arche semble encombrante et peu attrayante, 
mais elle remplit son but - le salut de l'homme. 
Photo : UOJ 

Qu'advient-il des dirigeants et des structures qui, hier, semblaient  insubmersibles et voulaient détruire l'Église ? 

Il y a cinq ans, lorsque Sa Béatitude le Métropolite Onuphre est devenu Primat de l'Eglise orthodoxe ukrainienne, il semblait qu'il ne pouvait y avoir de pire moment pour l’Eglise orthodoxe ukrainienne canonique : le métropolite Vladimir, qui faisait autorité et était respecté, passa dans l'éternité, le pays fut secoué par les mouvements révolutionnaires et la haine envers l'Eglise s'intensifia chaque jour. Dans ce contexte, les schismatiques de tous bords, avec le soutien du nouveau gouvernement et des radicaux, gagnèrent une force sans précédent, présentant à l'homme du peuple ukrainien leur "Église nationale, propre, et patriotique". 

En fait, les politiciens ont utilisé le « patriarcat de Kiev de l’église orthodoxe ukrainienne [schismatique] » comme un facteur de consolidation pour le peuple et un paratonnerre moral pour les autorités. Le "patriarche" Philarète Denisenko "sanctifiait" et "bénissait" tous les actes des révolutionnaires professionnels et des manifestants d'hier arrivés au pouvoir, son nom apparaissait sur les écrans de télévision aussi souvent que le nom du président, et il était lui-même appelé "chef spirituel" de la nation ukrainienne. 

De plus, un Tomos incompréhensible pour beaucoup de nos concitoyens, qui était censé détruire l'Église canonique d'Ukraine une fois pour toutes, se profilait tout le temps comme un fantôme à l'horizon. Même parmi ceux qui s'identifiaient explicitement à l'Orthodoxie canonique, on pouvait entendre que la reconnaissance du « patriarcat de Kiev de l’église orthodoxe ukrainienne schismatique » par le Phanar conduirait finalement à la création de l'Église locale unique d'Ukraine, qui abolirait de facto toutes les autres Églises, y compris l’Eglise orthodoxe ukrainienne canonique. 

Divers experts ont prédit que l'Eglise orthodoxe ukrainienne canonique [du Métropolite Opnuphre] ne serait que sous la forme d'une structure marginale ou d'une division du Patriarcat de Moscou si elle restait sur le territoire du pays. 

D'autre part, dans les conditions d'hostilités à l'est du pays, la position de l’Eglise orthodoxe ukrainienne canonique - claire et immuable - a provoqué non seulement la confusion mais aussi l'indignation d'une certaine partie de la population. "Pourquoi l'Église ne peut-elle pas s'exprimer sur cette question comme elle le fait ?" se demandaient les gens. "Pourquoi l'Eglise ne voulait-elle pas être avec son peuple et prendre son parti ?" demandèrent d'autres. 

Ces questions et d'autres étaient entendues trop souvent, et l'absence d'une réponse intelligible (en apparence) conduisit certains prêtres et laïcs à quitter l'Église. Toutes les explications des représentants officiels de  l'Eglise orthodoxe ukrainienne canonique selon lesquelles c'est l'Eglise qui reste avec son peuple, qu'Elle s'est toujours rangée du côté du peuple, et non des politiciens ou de ceux qui ont spéculé sur la guerre, au mieux, n'ont pas été entendues, et au pire - ont seulement provoqué un rejet accru de l'Eglise. 

Ensuite, ils ont dit que rien ni personne ne pouvait sauver l’Eglise orthodoxe ukrainienne canonique, et que seul un gestionnaire de crise pouvait la sauver de l'effondrement complet et de la disparition. Mais Dieu a d'autres plans et d'autres méthodes pour résoudre les problèmes... 

Le « patriarcat de Kiev de l’église orthodoxe ukrainienne schismatique » 

Lorsque le "Titanic" fut lancé pour la première fois, l'ingénieur qui l'avait construit a dit que Dieu lui-même ne serait pas capable de couler le navire ! Quelques jours plus tard, le "Titanic" coula... 

Il y a un an, on aurait pu penser la même chose de l'Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Kiev schismatique. On aurait dit un "Titanic" religieux. 

Cette "église" était dirigée par « le staretz » Philarète Denisenko, presque centenaire, qui, malgré son âge, pouvait (et peut encore, soit dit en passant) tenir de longs offices, "consacrer" des temples, participer à des "processions religieuses" et à des événements étatiques. C'est un partisan fanatique de l'idée de "l'indépendance de l'église" de Moscou et d'Istanbul, un homme qui a mis toute sa vie dans la création de son « église » et seulement de son "église". Et il a fait beaucoup, parce que le « patriarcat de Kiev de l’église orthodoxe ukrainienne [schismatique] » était composé de quatre douzaines "d'évêques", de plusieurs milliers de temples et de centaines de milliers de croyants. 

Ajoutez à cela le soutien sans précédent des autorités de l'État au « patriarcat de Kiev de l’église orthodoxe ukrainienne [schismatique] » - et vous obtiendrez une analogie avec le Titanic, qui, semblait-il, ne pouvait couler... Mais il a coulé, et des mains de ceux qui l'ont construit. 

Il y a un an, personne n'aurait cru que Philarète refuserait le koukoulion patriarcal, signerait la dissolution du « patriarcat de Kiev de l’église orthodoxe ukrainienne [schismatique] » et accepterait de ne diriger que l'éparchie de Kiev en tant que "métropolite". 

De la même façon, une situation où ceux pour qui il était la plus grande autorité parleraient mal du « staretz » aurait l'air complètement impensable. Mais tout cela s'est passé sans l'influence d'aucune force extérieure. 

Tout est simple – l’orgueil de Philarète Denisenko et de ses plus proches collaborateurs est devenu un iceberg pour les schismatiques ukrainiens, qui ont d'abord déchiré la planche du navire appelé « patriarcat de Kiev de l’église orthodoxe ukrainienne [schismatique] » et l'ont ensuite coulée. 

Pouvoir 

Tout pouvoir vient de Dieu, et le peuple a exactement le pouvoir qu'il mérite. Un dirigeant peut être loyal envers l'Église ou peut être perçu comme un test ou une tentation. 

Qu'était Petro Porochenko ? Un gros test. De plus, au tout début de son règne, on pouvait penser que tout irait bien, qu'il n'y aurait pas de difficultés significatives dans les relations entre l'Église et l'État. 

Mais les difficultés ont commencé presque immédiatement : les saisies de temples, l'adoption de lois anti-église, la violation directe de la Constitution, qui garantit le droit à la liberté de croyance, et l'ingérence dans les affaires de l'Église - tout cela est arrivé. 

Ce qui est intéressant : Porochenko avait de telles possibilités d'information et de propagande qu'aucun président de l'Ukraine n'avait eues avant lui. Et si nous y ajoutons le soutien des forces de sécurité et de l'armée, ainsi que l'intégration européenne presque réussie, on pourrait avoir l'impression que le second mandat présidentiel n'était qu'une question de temps. Tous ceux qui se disaient patriotes (et ils sont majoritaires en Ukraine) se sont prononcés en faveur de Porochenko, et sa silhouette ressemblait à celle du "Titanic" aux yeux des autres politiciens. 

Etait-il possible de penser qu'un candidat à la présidence russophone, n'ayant aucune expérience en politique, serait en mesure de lui faire concurrence ? Bien sûr que non ! Mais Zelensky n'a pas seulement fait cette même compétition, il a aussi remporté la victoire écrasante par plus de 50% des voix. N'était-ce pas un iceberg ? 

Le Tomos 

Quand, en 2008, on a appris que le patriarche Bartholomée allait légaliser les schismatiques ukrainiens, personne ne l'a cru. Après tout, le chef de l'Église œcuménique ne peut pas reconnaître la légitimité des groupes religieux qu'il a lui-même créés, pensions-nous. 

Cependant, il s'est avéré qu'il le peut. Certes, cela ne s'est pas produit en 2008, mais beaucoup plus tard, en 2018. Et jusqu'à la toute fin, nous ne pouvions pas croire que cela arriverait. 

A partir de la lettre que la Verkhovna Rada envoya au patriarche de Constantinople et jusqu'au moment même de la signature du document appelé "Tomos", de nombreux croyants orthodoxes en Ukraine ne pouvaient se défaire du sentiment que tout ce qui se passait était un rêve, une illusion, une imagination. 

Mais malheureusement, les pires rêves sont parfois nettement inférieurs à la réalité - le patriarche reconnut les schismatiques ukrainiens et concélébra même avec eux, se plaçant ainsi en dehors de l'Église. 

Sous Porochenko, les difficultés ont commencé presque immédiatement : les saisies de temples, l'adoption de lois anti-églises, la violation directe de la Constitution, qui garantit le droit à la liberté de croyance, et l'ingérence dans les affaires de l'Église. 

Le patriarche Bartholomée]s'est laissé dire tout le temps que le peuple ukrainien avait aspiré à l'indépendance de l'Eglise par rapport à Moscou et qu'il recherchait le Tomos depuis plus de mille ans et était désireux de surmonter par tous les moyens le schisme de l'Eglise. Il semblait que tout - le pouvoir, la force, le soutien du gouvernement ukrainien et des " Etats amis ", les voix des députés du peuple qui se faisaient passer pour " la voix du peuple " - était du côté du patriarche Bartholomée... 

Le document signé par le patriarche de Constantinople est devenu l'un des éléments clés de la course présidentielle de Petro Porochenko, qui a personnellement visité les villes et villages de notre patrie avec lui, expliquant à tous sa grande importance pour l'État ukrainien. 

En un mot, le Tomos ressemblait au "Titanic" presque insubmersible, qui garantit la sécurité de l'Ukraine dans la communauté des Etats indépendants et souverains d'Europe. 

Les initiateurs et les organisateurs de la réception du Tomos étaient sûrs à cent pour cent que le papier signé par le Phanar serait une condamnation à mort pour l'Église orthodoxe ukrainienne canonique. Le patriarche Bartholomée écrivit même une lettre à Sa Béatitude Onuphre, disant qu'après l'octroi de l'"autocéphalie" à l'église orthodoxe ukrainienne [schismatique], celui-ci ne pouvait être appelé Primat de l'Eglise orthodoxe ukrainienne et exercer les fonctions de Métropolite de Kiev. 

A l'intérieur du Patriarcat de Constantinople, ils affirmèrent avec confiance que la reconnaissance de la structure religieuse nouvellement créée en Ukraine sous ce nom était une question d'un mois ou deux. La grande autorité du patriarche Bartholomée parmi les Primats orthodoxes, l'intérêt des pouvoirs en place à faire avancer l'idée d'une "indépendance de l'église" ukrainienne garantissaient une réception rapide et sans douleur des actions anti-canoniques du Phanar par les Eglises locales. Tant les analystes ecclésiastiques que les analystes laïcs prédirent que l'Église orthodoxe russe, qui s'était montrée sévèrement opposée à ce qui se passait, serait isolée et deviendrait une secte restreinte au territoire de la Fédération de Russie. Mais... 

Le Président perdit les élections. Au lieu d'unir les croyants orthodoxes, le Tomos apporta la division et la discorde parmi les schismatiques eux-mêmes. De plus, dès que le soutien des autorités disparut, les "transferts" de l'Eglise orthodoxe ukrainienne canonique vers « l'église orthodoxe ukrainienne [schismatique] » se sont arrêtés presque immédiatement, et l'euphorie qui accompagnait la réception du Tomos fit place à une amère déception. Aucune Église orthodoxe n'a encore reconnu le statut canonique des schismatiques ukrainiens autoproclamés. Le jour de son patron céleste, le patriarche Barthélomée pria presque seul, sans la célébration d'une Liturgie. Le Tomos, signé avec des chants de Noël et l'hymne de l'Ukraine, n'était nécessaire pour personne. Aurait-on pu s'attendre à une telle tournure des événements il y a six mois ? 

En même temps, les hiérarques de presque toutes les Églises orthodoxes se réunirent à la Laure de Kiev-Petchersk pour célébrer la journée de la fête onomastique de Sa Béatitude le Métropolite Onuphre. Beaucoup d'entre eux ont dit que la présence aux célébrations de Kiev n'est pas seulement un hommage à Sa Béatitude, mais aussi une preuve de l'unité des Églises locales orthodoxes avec l'Église persécutée d'Ukraine. Une pression sans précédent sur l'Eglise n'a fait que renforcer la position de l'Eglise orthodoxe ukrainienne [canonique] dans la société ukrainienne, et les raids sur l'Eglise canonique ont conduit les chrétiens orthodoxes à se sentir responsables de l'Eglise, à laquelle ils ont l'honneur d'appartenir. 

L'Arche et le "Titanic" 

Dans les œuvres patristiques, l'Église est appelée l'Arche du salut. L'analogie est claire : pendant le déluge mondial, seuls ceux qui croyaient en Noé ont été sauvés et sont montés à bord d'un bateau en bois, imprégné de résine et trempé de sueur. Oui, c'est très différent du "Titanic", un vaisseau de ligne moderne étincelant de lumière, qui offre repos et divertissement aux passagers. Mais si on vous proposait de choisir entre eux, lequel choisiriez-vous ? 

Les formes apparemment imparfaites de l'Arche, ses technologies de production dépassées, le manque de commodités habituelles et la maladresse sont plus que compensées par la stabilité pendant les vents et les tempêtes les plus terribles, la fiabilité et la force que les vagues de la vie marine ne peuvent supporter. On peut dire avec certitude que la famille de Noé recherchait le salut plutôt que le réconfort. Et ce sont souvent des choses très différentes. 

La beauté extérieure du "Titanic", la présence de divers dispositifs destinés à faciliter la croisière des passagers, le plaisir qui régnait sur les ponts de ce navire, en fin de compte, ne garantissaient pas la réalisation de l'objectif ultime du voyage. Pas un seul passager du magnifique navire extérieur ne pouvait atteindre le port le plus proche de son bord. 

Mais la plus grande différence entre l'Arche et le "Titanic" ne réside pas dans la fonctionnalité et la fiabilité, et pas même en l'absence de commodités et de spécifications techniques. La différence est que le "Titanic" était dirigé par le capitaine et l'Arche par le "Timonier". Dès que Noé entra à l'intérieur de son navire, il ferma toutes les écoutilles et donna le contrôle complètement aux mains du Seigneur, selon le dessein et le désir duquel l'Arche fut créée. Le seul moyen le plus sûr et le plus fiable d'influencer d'une manière ou d'une autre la viabilité du navire était la prière. Tout ce que Noé pouvait faire était de demander à Dieu de le sauver, lui et ses enfants. Et pendant de nombreux jours, l'Arche ne toucha pas de falaises abruptes, ni ne rencontra d'iceberg, ni ne se retourna à cause du vent fort. Et tout ça parce que Dieu était au gouvernail. 

De même, l'Église est un navire salvateur qui, malgré toute sa lourdeur, sa lenteur, son archaïsme et son manque de modernité, remplit clairement et avec confiance sa fonction de salut d'une personne. Les vents, les tempêtes, le tonnerre et les éclairs, une mer déchaînée et les ouragans ne sont pas terribles pour l'Église. Et non pas parce que l'Église est insubmersible, mais parce que son timonier est Dieu lui-même. 

L’Église 

Depuis plusieurs années, l'Église orthodoxe ukrainienne suit un chemin très difficile. Le chemin de l'épreuve et du chagrin, sur lequel elle a souvent été confrontée à des reproches, à la diffamation et à la haine. On lui demandait de participer activement à la politique, d'oublier certains de ses enfants pour les autres, d'accepter des traditions qui lui étaient étrangères et de remplacer la recherche du Royaume des Cieux pour l'établissement du royaume de la terre. 

Elle a résisté. Elle est restée fidèle à ses principes. Et surtout, elle est restée fidèle au Christ. Et les gens le savent, le ressentent. On ne peut pas les tromper. Au fil des ans, ils ont pu s'assurer que la position de l'Église ne change pas en fonction de la situation politique ou des préférences à court terme. La position de l'Église est la position du Christ, et le Christ est le même hier et maintenant. 

L'Église ukrainienne, en tant que mère aimante, n'a pas abandonné ses enfants en Crimée et dans le Donbass. L'Eglise ukrainienne n'est pas fatiguée d'appeler à la paix toutes les parties au conflit et de faire tout ce qui est en son pouvoir pour faire advenir cette paix. L'Église ukrainienne cherche toujours à répondre à l'appel du Christ : " Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu; et toutes ces choses vous seront données de surcroit." Mais surtout, l'Église ukrainienne prie. Comme Noé dans l'Arche a remis le gouvernail entre les mains du Créateur, ainsi nous nous confions entre les mains de Dieu. 

Et nous croyons qu'un jour viendra où une colombe relâchée apportera une branche d'olivier dans son bec - symbole de paix et d'amour.

Version française Claude Lopez-Ginisty



ÉPIPHANE CLAME QUE L’EGLISE DE GRÈCE A "DE FACTO RECONNU" L’EGLISE SCHISMATIQUE UKRAINIENNE

Epiphane, primate schismatique créé par Istanbul
Photo : spzh.news

Kiev, le 28 juillet 2019
Épiphane "primate" de l'église orthodoxe ukrainienne schismatique a récemment affirmé, comme l'a rapporté l'Union des journalistes orthodoxes, que le fait qu'un hiérarque orthodoxe grec ait servi avec ses évêques, indique de facto une reconnaissance de l'Église de Grèce. Un examen plus approfondi révèle que cette affirmation est un exercice massif d'équivoque, si ce n'est une fabrication pure et simple. Voici ce qui s'est réellement passé, selon l'Union des journalistes orthodoxes :
Le métropolite Ioannis (Tassias), hiérarque de l'Eglise de Grèce a visité et servi avec Epiphane et les schismatiques de l'église orthodoxe ukrainienne dans la Cathédrale Sainte-Sophie de Kiev. Cependant, son éminence est le métropolite de Langadas, qui fait partie des "Nouvelles Terres" de l'Eglise de Grèce.
Les Nouvelles Terres (ou Nouveaux Territoires) sont un groupe d'environ 35 diocèses dans le nord de la Grèce qui sont sous une position canonique très particulière en raison d'une histoire complexe avec Constantinople. Ces territoires sont en effet, sous une forme de "subordination duelle", c'est-à-dire qu'ils sont considérés comme sous la "gérance" de l'Église de Grèce, mais ils sont finalement soumis au trône de Constantinople. Six des douze membres du Saint Synode de l'Eglise de Grèce sont des métropolites des Nouvelles Terres, ce qui signifie en fait que Constantinople peut (in)directement influencer l'Eglise de Grèce à travers ces hiérarques qui sont confirmés par et finalement soumis à son trône.
Cette situation a déjà été discutée dans l'article "A propos du bon docteur Aïbolit et de l'Église orthodoxe grecque".
Il est donc incorrect et tout à fait trompeur d'affirmer que parce que le métropolite Ioannis, hiérarque des Nouvelles Terres, a servi avec l'église orthodoxe ukrainienne schismatique, l'Église de Grèce la reconnaît effectivement. En tant que hiérarque des Nouvelles Terres, le métropolite Ioannis est finalement soumis au patriarcat de Constantinople, et à ce titre, il reconnaît déjà de facto quiconque Constantinople reconnaît.
Cette reconnaissance de fait ne s'applique cependant pas à la majorité de l'Église de Grèce, qui n'est directement responsable que devant le Saint Synode et l'Archevêque d'Athènes. Même si un hiérarque individuel de l'Église de Grèce a servi avec l'église orthodoxe ukrainienne schismatique, ce qui ne s'est pas encore produit, cela n'indiquerait toujours pas une reconnaissance de la Grèce, car seul le Saint Synode peut prendre cette décision.
De nombreux experts, en particulier le prêtre et théologien grec Théodore Zisis, ont déjà noté que la question est en grande partie bloquée à Athènes. Apparemment, certains membres de l'Église grecque étaient très inquiets que Constantinople puisse essayer de s'emparer des Nouvelles Terres s'ils ne soutenaient pas l'église orthodoxe ukrainienne schismatique, alors que d'autres y voyaient une preuve que le Phanar essayait de les contrôler.
Il convient toutefois de noter que, malgré des pressions politiques extrêmes, le Saint Synode de l'Eglise de Grèce n'a toujours pas voté en faveur de la reconnaissance des schismatiques, ce qui, à lui seul, est un signe puissant.
Beaucoup de hiérarques grecs ont déjà condamné catégoriquement les schismatiques, tels que les Métropolites Séraphim du Pirée (et ici) Nectaire de Corfou, de Paxoi et des îles Diapontiennes, Séraphim de Kythira, et Ambroise de Kalavryta. La métropole du Pirée a également appelé le Synode à ne pas reconnaître les schismatiques ukrainiens.
Epiphane, cependant, continue d'être confiant que d'autres Eglises locales reconnaîtront lentement l'église orthodoxe ukrainienne schismatique. A cette fin, il a même annoncé la création d'un Vicariat roumain pour tenter de convaincre l'Eglise orthodoxe roumaine de reconnaître l'église orthodoxe ukrainienne schismatique, bien que la reconnaissance d'une Eglise ne doive être que canonique.
Bien que le métropolite Ioannis servant avec les schismatiques de l'église orthodoxe ukrainienne schismatique ne constitue pas une reconnaissance de facto, du fait qu'il est finalement subordonné à Constantinople, avoir une hiérarchie de l'Eglise de Grèce - qui est finalement sous Constantinople en même temps - sert avec les schismatiques ne guérit aucune situation, mais simplement brouille davantage les pistes en cette période déjà confuse.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après


lundi 29 juillet 2019

Nouveau miracle du staretz Siméon: Une aide prompte!


L'archimandrite mégaloschème Siméon (Nesterenko) fut le dernier staretz de Glinsk. Il est enterré à Sotchi près de l'Église de la Dormition de la Mère de Dieu. Une chapelle a été érigée sur sa tombe. Les enfants spirituels du Père Siméon, les gens orthodoxes locaux et ceux qui visitent Sotchi depuis toutes les villes et villages russes pour se reposer et se soigner viennent ici toute l'année. Les chrétiens orthodoxes arrivent ici aussi de l'étranger. J'ai écrit un livre à son sujet, Le Miracle une chose tranquille, et je continue à recueillir des témoignages de la sainteté du Père Siméon. J'ai récemment entendu l'histoire d'un cheminement inhabituel de quelqu'un vers la vie de l'Église.

Maria Oragvelidze travaille dans la chapelle où fut enterré le Père Siméon. Elle garde tout en ordre et change les fleurs (les gens en apportent constamment en grand nombre).

Jusqu'à récemment, ses proches avaient des opinions différentes sur son ministère. Sa mère approuvait, mais sa tante Irina, la sœur de sa mère, vénérait Batiouchka mais elle n'est pas allée sur sa tombe. Mais elle réprimandait de façon décisive ceux qui disaient, "il n'y avait rien d'exceptionnel chez Batiouchka", et leur racontait les miracles évidents qui se sont produits chez ceux qui demandaient son intercession sur sa tombe. Mais sa fille Elena considérait les travaux de sa cousine comme un comportement très excentrique - disparaître dans la chapelle du matin jusqu'à tard le soir et s'adresser aux défunts comme aux vivants. Elena avait de sérieux problèmes : Son époux est parti, la laissant seule avec leur enfant ; les gens essayaient de lui enlever son appartement, ils ne lui donnaient rien à faire au travail (elle n'avait donc pas de revenus), mais son patron était impliqué dans la magie et essayait de la faire participer. Maria essaya de la convaincre de se tourner vers le Père Siméon pour obtenir de l'aide, mais elle trouvait toujours des raisons de refuser.

Puis un désastre s'est produit : Irina a eu une attaque. Ils l'ont emmenée à l'hôpital en ambulance. Elena a appelé Maria. Elle a immédiatement commencé à prier Dieu et à implorer l'aide de Batiouchka Siméon. Elle est allée à l'hôpital. Ils avaient toute une unité de soins intensifs qui travaillait dans la salle d'urgence. C'était en juillet et la chaleur était insupportable. Elena est sortie et a vu par la fenêtre ouverte comment les médecins essayaient de sauver sa mère. Soudain, elle a vu quelqu'un assis à côté des médecins. Il regardait Elena, la mettant étrangement mal à l'aise. Elle vit que c'était un homme très âgé avec une barbe complètement blanche, mais avec un visage lisse sans une seule ride. Les personnes âgées n'ont pas de tels visages. De plus, il était anormalement calme, alors que tout le monde autour de lui était terriblement énervé. Il portait une chemise d'un blanc éclatant. Les médecins portaient leurs chemises bleu clair et leur pantalon d'uniforme.

Pourquoi était-il si calme ? Elena est retournée aux urgences et a demandé à Maria : "Qui est cet homme ? Quel genre de médecin n'essaie même pas d'aider ses collègues ?" Maria a regardé l'endroit qu'Elena montrait du doigt, mais elle ne vit personne. Mais Elena ne le voyait plus non plus.
Chapelle de Saint-Siméon le Stylite, Sotchi

Irina est morte une semaine plus tard. Après son enterrement, Maria commença à essayer de persuader Elena de venir à la chapelle pour prier pour le repos de sa mère. Elena résista longtemps :

"Pourquoi devrais-je aller le voir ? Il n'a pas entendu ta demande. Maman est toujours morte."

"Il l'a entendue. Cela signifie qu'elle devait partir maintenant. Le Seigneur nous conduit à Lui quand nous sommes prêts à entrer dans l'éternité, au meilleur moment de notre vie."

Elena ne voulait vraiment pas aller à la chapelle, mais elle accepta quand même par amour pour sa mère : "Si ça peut faciliter son destin, j'irai." Comme elle fut surprise lorsqu'elle reconnut la photo du Père Siméon sur sa tombe comme l'homme assis à l'hôpital.

"C'est lui", dit-elle à Maria. "Seul son visage était plus jeune."

"On dit que dans le Royaume des cieux, tout le monde est beau et jeune ", soupira Maria. "Je le priais alors, mais il ne m'a pas montré, à part toi, qu'il entendait les demandes qui lui étaient adressées. Je n'ai jamais vu Batiouchka après son trépas mais toi,  tu en as été honorée."

Cette histoire fit une telle impression sur Elena qu'à partir de ce jour, elle alla toujours à l'église et se confessa et communia. Elle se rend à la chapelle presque tous les jours et, avec sa cousine Maria, se tourne vers Batiouchka pour obtenir aide et admonition. Et il répond très rapidement à ses demandes. Tout s'est arrangé pour son appartement et son travail... Doutant de la sincérité de sa cousine, elle entendit la voix du Père Siméon : "Quitte ce travail et ne communique pas avec ton patron." C'est ce qu'elle a fait. Elle a démarré sa propre entreprise, et maintenant tout est merveilleux.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

dimanche 28 juillet 2019

Apprendre à pardonner: Les Pauvres, les dettes et nos ennemis


Celui qui a pitié des pauvres devient débiteur de Dieu. (Proverbes 19:17)

Jésus a raconté l'histoire d'un homme qui avait une dette énorme. Il la devait à son maître et ne pouvait pas payer. Quand il fut traîné devant son maître, il supplia demandant sa pitié. Bizarrement, le maître fut tellement ému par la détresse de l'homme qu'il lui pardonna toute la dette. Ce même homme, dit Jésus, se retourna et fit jeter un pauvre homme en prison pour une dette très mineure. Quand le maître apprit cette injustice, il y eut un sérieux compte à rebours : l'homme fut livré aux "tortionnaires" jusqu'à ce qu'il puisse payer sa propre dette.

La dette est une affaire sérieuse. En fait, c'est à peu près l'affaire de notre culture. L'Amérique doit des milliards de dollars - à elle-même, aux autres, aux uns et aux autres. Tout le monde a une dette envers quelqu'un ! Bien sûr, dans notre pays, il y a parfois des comptes à rendre. Certains vont en prison pour défaut de paiement de leurs impôts. Certains perdent leur maison pour défaut de paiement de leur hypothèque. D'autres voient leurs dettes annulées (surtout si elles sont "trop importantes pour faire faillite").

Il y a une dette plus profonde, quelque chose qui fait passer l'argent pour un jeu d'enfant (et c'est le cas). Cette dette est le fardeau créé par les blessures que nous faisons aux autres. Bon nombre de ces fardeaux ne pourront jamais être allégés par aucune somme d'argent. Nous ne considérons généralement pas ceux qui nous doivent de l'argent comme des "ennemis" - ce sont généralement nos "amis" qui nous doivent de l'argent. Mais le niveau de dette émotionnelle et spirituelle de nos ennemis peut être énorme. De telles dettes ne font que vieillir avec le temps.

Il y a un fardeau spirituel créé par les dettes de nos ennemis. Ils nous empêchent de prier vraiment et ils bloquent notre chemin vers le cœur. Beaucoup m'ont dit qu'ils "n'ont pas d'ennemis". Je suggère que tous ceux qui ont une dette envers vous sont vos ennemis spirituels. Certains sont simplement plus pernicieux que d'autres. J'ai rarement rencontré un cœur si pur qu'aucun ressentiment ou rancune ne pouvait s'y trouver.

Dans la parabole, la seule façon possible pour le premier homme de régler sa dette était que le maître y renonce. Bien sûr, il promettait de payer et suppliait pour avoir plus de temps. La dette du deuxième homme était faible et aurait probablement pu être remboursée avec le temps. Mais il n'y avait pas de miséricorde dans le cœur de son créancier, seulement du ressentiment et de l'amertume. Son ressentiment et son amertume créèrent les "tortures" de sa sentence.

Mon expérience dans la vie est que personne n'a le pouvoir de payer la dette émotionnelle/spirituelle due aux autres. Rien n'efface la mémoire ou n'enlève la blessure elle-même. Les gens fantasment sur le fait que des excuses suffiraient. Ce n'est pas le cas. Cela peut rétablir un peu d'estime de soi, mais la blessure demeure. J'ai écouté des gens qui ont subi une blessure année après année et je m'émerveille de leur incapacité à pardonner.

Mon expérience m'a aussi montré autre chose. Il y a des gens dans ma vie dont le "stock" est important. Mon amour et ma communion avec eux sont tels que je néglige facilement leurs péchés contre moi. Je trouve facile d'expliquer leurs actions et de leur trouver des excuses. C'est ce qui constitue nos "amis". Comme le dit saint Paul : "L'amour couvre une multitude de péchés."

Essentiellement, la différence entre nos ennemis et nos amis, ce sont les indemnités que nous sommes prêts à leur accorder. Les amis ont des crédits accumulés de diverses façons. Nos ennemis sont enfermés dans la pauvreté.

Il n'y a qu'une seule façon d'avancer. Les dettes de nos ennemis doivent être traitées comme les dettes des pauvres. Nos ennemis n'auront pas assez pour nous payer. Si ces dettes ne peuvent pas être payées (et elles ne peuvent pas l'être), alors elles ne peuvent qu'être remises. Ou, peut-être, quelqu'un d'autre peut leur prêter ce dont ils ont besoin.

Et nous voici arrivés au verset des Proverbes : "Celui qui donne aux pauvres devient débiteur de Dieu." Les Écritures ajoutent : "Et Il [Dieu] le paiera."

La misère de nos ennemis est la pauvreté la plus profonde de toutes, vraiment un cycle inéluctable. Elle ne peut être brisée que par un acte de générosité radicale. Mais la générosité ne nous est pas demandée. Dieu remboursera la dette. Peu importe ce qu'ils ont fait, peu importe ce qu'ils doivent, Dieu le paiera.

J'ai longtemps placé cette pensée dans une prière : "Seigneur, tu sais ce que mes ennemis m'ont fait. Le jour du jugement, ne leur en veux pas à cause de moi."

Libérez-les. Soyez sérieux à propos d'amasser un trésor au paradis. Faites de Dieu un débiteur.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après