samedi 27 mai 2017
jeudi 25 mai 2017
Père Peter Heers: Evaluation du Concile de Crête
-->
du diocèse américain de l’est de l’Eglise Orthodoxe Russe à l’Etranger
à Howell, New Jersey,
USA
Mardi 21 mars 2017
*
Votre Eminence, Métropolite HILARION,
Votre Eminence Métropolite JONAS,
Votre Excellence, Evêque NICOLAS,
Votre Excellence, Evêque IRENEE,
Vénérables Pères et Frères en Christ, le Christ est parmi
nous !
Je considère que c’est un honneur
de me tenir devant vous aujourd'hui, pour parler avec les bergers et les
pasteurs du troupeau spirituel du Christ, et en particulier pour les
successeurs du grand travail initié dans la diaspora russe par ces saints comme
saint Jean le Thaumaturge et les métropolites Antoine, Anastase, Philarète et
Vitaly, l’archevêque Averky et le métropolite Laure et beaucoup d’autres, qui
sont des Pères vénérés non seulement de l’Eglise russe à l’étranger, mais bien
de l’Eglise toute entière.
Le témoignage donné par les Pères
de l’Eglise russe à l’Etranger en ce qui concerne la Sainte Tradition, l’idéal
monastique et ascétique et en particulier l’ecclésiologie de l’Eglise, continue
d’inspirer et de guider les orthodoxes du monde entier.
Aujourd'hui, alors que l’arche de
l’Eglise vacille à la suite du décès de l’autoproclamé "Grand et Saint
Concile » de Crète, nous avons grand besoin de leur exactitude dans la vie et
la foi - ou, mieux, nous avons grand besoin de les suivre et de les imiter dans
ce domaine.
Dans le court espace de temps qui
m’est alloué aujourd'hui, j’espère pouvoir brièvement mais clairement vous
présenter ce qui est notable et la signification des événements en Crète en
juin de l’année dernière, afin qu’étant informés vous puissiez agir selon la
volonté de Dieu. En particulier, je vais brièvement examiner et critiquer les
trois aspects suivants du « Concile » et ses conséquences :
1. Organisation et réalisation
2. Documents
3. Résultats et Implications
Nous nous concentrerons, en
particulier sur les aspects de cette réunion qui représentent nécessairement des
écarts par rapport à la Sainte Tradition et à la sainte foi de l’Eglise, car
ces derniers méritent une réponse de la plénitude de l’Eglise.
Avant de commencer cette analyse,
il est nécessaire de préciser ce qui suit, afin d’éliminer ce qui est devenu
une sorte de « fausse piste » dans l’ensemble de la discussion de Crète et de son
importance. Les partisans, les sympathisants et les indifférents à l’événement
réagissent aux critiques de celle-ci de diverses façons. On les entend dire,
par exemple :
• Le succès de la réunion a été
la réunion elle-même !
• Ce n’est qu’un début et il va
être amélioré !
• Rien de conséquent n’est apparu,
il n’est pas nécessaire d’en faire toute une histoire !
• Pourquoi même se soucier [du
Concile] de la Crète maintenant ? Il est mort et enterré ! Dans quelques années
il sera oublié. (Et d’autres sentiments semblables.)
Nous pouvons tous éprouver de la
sympathie pour la « puissance de la pensée positive, » toutefois, je crains que
toutes ces belles pensées ne fonctionnent que pour esquiver la question : qu’en
est-il du « Concile » lui-même ? Qu’en est-il de ses décisions et de ses conséquences ? On ne peut
s’attendre à croire que nous avons attendu plus de 50 ans (ou pour d’autres calculs
100 !) pour un grand Concile dont l’objectif principal était... d’avoir lieu !
Certes, ce qui est arrivé en Crète agira et a déjà influé sur l’Eglise (et
grandement dans certains endroits) et cela va devenir un précédent pour le
futur.
En effet, c’est pour cette raison
que ces clercs qui l’ignorent ou le minimisent le font pour leur propre bénéfice-
et au détriment de leurs ouailles. Dans l’histoire de l’Eglise, les Conciles
-Conciles œcuméniques ou faux conciles- sont acceptés ou rejetés par le plérôme
[la plénitude] de l’Eglise. Ils ne sont pas, et ne doivent pas être ignorés,
surtout quand ils innovent et introduisent de faux enseignements dans l’Eglise.
Tout comme on doit se repentir d’une chute, et ne pas la dissimuler comme de la
poussière sous un tapis, ainsi trop erreurs présentées et acceptées au Concile
doivent être rejetées et corrigées [idéalement en Concile]. Nous n’ignorons pas
les maladies lorsqu’elles infectent nos corps. Combien plus devrait être notre
soin pour le corps du Christ ! Nous sommes tous coresponsables, chacun portant
le fardeau de l’autre.
1. Organisation et exécution :
Commençons par regarder
brièvement la composition de base statistique du « Concile » :
• Eglises participantes : 10 des
14 Eglises locales (71 %)
• Représentation des chrétiens
orthodoxes : près de 30 %.
• Participation des évêques
orthodoxes : 162 ont participé sur 350 invités (46 %)
• Représentation des évêques
orthodoxes : 162 sur un total de 850 (19 %)
• Nombre d’évêques votant : 10
des 162 évêques présents (6 %), ou 10 des 850
évêques de l’Eglise orthodoxe
(1,1 %).
Si nous comparons cela avec les véritables
« Grands et Saints Conciles » de l’Eglise, reconnus plus tard comme « œcuméniques
», la différence est énorme, surtout si l'on considère les obstacles rencontrés
par les anciens hiérarques en termes de voyage et de communication. Par
exemple, le Premier Concile Œcuménique avait 325 Pères, le Quatrième 630 Pères et
le Septième 350 Pères - qui y participaient avec droit de vote.
Qu’est-ce alors, que le monde est
allé voir en Crète? Un « Grand et Concile ? » Qu’a-t-il vu? Un rassemblement libre
d’évêques orthodoxes de partout dans le monde ? Et voyez, la plupart d'entre eux
n’ont pas été invités, et presque tous ceux qui sont venus ne reçurent pas le
droit de vote. Donc, que sont-ils allés voir en Crète ? « Un Concile de primats
avec leur suite. » [1]
Cette dernière phrase - « un
Concile de primats avec leur suite » - c’est ainsi que le métropolite Hiérothéos
Vlachos de Naupacte caractérise le rassemblement auquel il a assisté et que
maintenant il critique sévèrement pour avoir introduit des nouveautés en ce qui
concerne notre foi. La grande ironie et la tragédie est que pour l’ensemble des
grand organisateurs qui clamaient que la conciliarité dirigerait et serait montrée
en Crète, c’était plutôt une nouvelle forme orientale de primauté papale - des
primats - qui s’est attribuée le devant de la scène. [2]
L’ironie tragique est que, tandis
que les représentants du Patriarcat Œcuménique sillonnaient les autoroutes d’internet
en vantant la conciliarité du processus pré-synodal et du futur Concile,
plusieurs des Saints-Synodes des Eglises locales commençaient seulement à
examiner l’Orthodoxie des textes acceptés par leurs Primats sans leur
approbation. Ce qui montre que l’échec de ce « Concile des Primats avec leur suite
» était assuré d’avance.
A. Présages préconciliaires de la catastrophe imminente
Beaucoup a été dit sur le long processus
conciliaire qui a conduit au rassemblement crétois. Sans aucun doute, beaucoup de sueur et
d’encre avaient été dépensés pour que cette manifestation ait lieu. Au cours des
55 ans de préparation organisationnelle active pour la convocation, il y a eu :
• Six réunions de la « Commission préparatoire inter orthodoxe
»
• Trois rassemblements de la «
Commission inter orthodoxe spéciale »
• Cinq conférences préconciliaire
panorthodoxes
• Trois réunions de la synaxe des
primats des Eglises locales
• Deux conférences théologiques spéciales pour la rédaction des
règles de fonctionnement des assemblées épiscopales de la Diaspora
• Deux conférences universitaires, sur la question d’un calendrier
ecclésiastique commun et d’une célébration commune de la fête de Pâques avec
les hétérodoxes, et une autre sur les questions de bioéthique contemporaines
• Et une conférence universitaire
sur la question de l’Ordination des femmes, à Rhodes, en 1989.
Il est vraiment tragique qu’après
une quantité si considérable de temps et d’efforts, le résultat ne plaît
pratiquement à personne, ni n’apporte l’honneur ou la gloire aux organisateurs
ou à l’Eglise. Le hiérarque du Patriarcat œcuménique qui caractérisa le Concile
comme un « fiasco » ou le journaliste ecclésiastique qui l’appela « le grand titre
qui a fini en note de bas de page » étaient peut-être injustes ? {Il est
évident que l’adage antique a été accompli en Crète : « La montagne a accouché
d’une souris !» Si seulement il s’agissait uniquement de cela et de rien
de pire ! Tout ce labeur pour donner naissance à un tel « Concile », est une
honte pour toute l’Eglise).
On peut se demander : quelle
faute a été commise, pour qu’en dépit de tant de labeur, chose unique dans les
annales conciliaires - nous ayons eu une issue aussi tragique ?
Nous avons une expression en
Grèce : « Une bonne journée est évidente dès le départ. » Eh bien, l’inverse
est également vrai dans le cas du Grand Concile. Très tôt dans le processus
conciliaire, il était évident que la Crète normalement ensoleillée ne brillerait
pas pour l’Orthodoxie. Comme je l’ai examiné ailleurs longuement, [3] les
visionnaires derrière ce Concile en Crète ont scellé le sort de leur Concile en
ne suivant pas les pas des Saints Pères par le fait de s’être imprégnés de
« l’esprit » d’un autre concile de mémoire récente, encore plus grandiose
et trois fois défectueux : le Concile Vatican II.
Les deux conciles partagent des
racines et des débuts communs, une méthodologie et des buts similaires et au
moins une allergie superficielle au dogme. Les deux rassemblements entendaient
et affirmaient consolider l’engagement de leurs hiérarchies dans l’œcuménisme
et tous deux autorisaient leurs décrets conciliaires et les documents à être
façonnés par les théologiens académiques. Et, surtout, les deux rassemblements virent
l’introduction d’une nouvelle ecclésiologie « inclusiviste », étrangère à la
foi de l’Eglise, Une, Sainte, catholique et Apostolique. [4]
Un autre point malheureusement
ferment de parenté entre les deux rassemblements est l’absence de toute démonologie.
Est révélateur quant à l’état d’esprit et aux priorités des rédacteurs des
textes conciliaires, le fait que nulle part, dans aucun des textes, on ne
découvre les termes suivants :
• Diable, démon, diabolique ou Malin
[5]
• Hérésie, hérétique [6], schisme
ou schismatique
Toutefois, le discernement des
méthodes des esprits déchus ou la démonologie, est une exigence dans la
formation de la christologie et de l’ecclésiologie. [7] comme l’écrit l’Evangéliste Jean, « à cette fin, le
fils de Dieu a paru pour détruire les œuvres du Diable » (1 Jean 3:8).
L’absence de toute mention du Malin ou de ses machinations (hérésie, schisme,
etc.) dans n’importe quel texte conciliaire, est indicative d’une conception mondaine,
sécularisée, non d’une mentalité patristique.
Enfin, suivant Vatican II et non
les Saints Pères, le « Concile » de Crète ne fait non seulement aucune
référence à l’hérésie, mais il invite des représentants des confessions
hérétiques à participer comme observateurs, y compris ceux reconnus comme tels
par les précédents Conciles Œcuméniques. Bien que sans précédent dans
l’histoire des conciles, cela avait été pratiqué dans les conciles du Vatican,
confirmant une nouvelle fois l’esprit et l’état d’esprit qui, malheureusement, animaient
les organisateurs.
B. l’Abolition « conciliaire » de la Conciliarité
Voyons maintenant plus
particulièrement la conciliarité (ou son absence) de la période pré-synodale et
le Concile lui-même. L’unité de l’Eglise est manifeste et façonnée par le biais
de la conciliarité. Comme le dit le 34e canon apostolique : « car ainsi il y
aura unanimité, et Dieu sera glorifié par le Seigneur dans l’Esprit Saint.»
Lorsque la voie conciliaire est perdue, la victime première et souvent
immédiate est l’unité de l’Eglise.
À cet égard, un examen attentif
du « Concile » de Crète révèle que, paradoxalement, il se produisit une
abolition « conciliaire » de conciliarité. Dans l’histoire de l’Eglise, à l’exception
des conciles connus sous le nom de brigandage,
aucun autre concile n’a montré autant de dédain pour le sens même de
conciliarité comme l’a fait le « Concile » de Crète.
Tout d’abord, le peuple de Dieu,
le plérôme de l’Eglise (qui comprend le clergé, les moines et les laïcs), a été
contourné entièrement dans la préparation et la réalisation du « Concile ». Ce
n’est pas seulement un oubli majeur, c’est un grave défaut ecclésiologique. En
1848, les patriarches orthodoxes déclarèrent au pape que dans l’Eglise du
Christ « ni les patriarches, ni les conciles n’auraient pu introduire des
nouveautés parmi nous, parce que le protecteur de la religion est le corps même
de l’Eglise, le peuple même... ». [8]
Cependant, non seulement le corps
de l’Eglise a été maintenu dans l’ignorance, mais en outre une grande partie de
la hiérarchie l’a été également. La majorité des évêques et même des synodes
des Eglises locales n’étaient pas impliqués dans la préparation du « Concile, »
y compris dans la rédaction de ses textes. À cet égard, nous rappelons le douloureux
cri de protestation émis par le métropolite Hiérothéos de Naupacte, des mois avant le « Concile » [selon lequel]
les textes pré-conciliaires « étaient inconnus de la plupart des hiérarques et de
moi-même, ils demeuraient retenus en commission et nous ne connaissions pas
leur contenu. » [9]
Il n'est pas exagéré dans notre
cas d’affirmer que le décret rendu par le Septième Concile Œcuménique en ce qui
concerne le faux « concile » iconoclaste de Hiéreia est applicable
ici : « les choses ont été dites comme dans un coin reculé, et non sur la
montagne de l’Orthodoxie. » C’est parce que les responsables de l’élaboration
des textes connaissaient très bien l’opposition du peuple de Dieu aux textes
problématiques et pour cette raison refusèrent de les publier. Ainsi que cela
ressort du procès-verbal de la 5ème (et dernière) conférence préconciliaire (en
octobre de 2015), ce fut seulement sur l’insistance du Patriarcat de Géorgie et
(plus tard à la synaxe des Primats en janvier 2016 - juste 5 mois avant le «
Concile»), et à la demande du Patriarcat de Moscou, que les textes ont
finalement été rendus publics pour l’Eglise. Dans cet esprit, alors, on peut mieux
comprendre pourquoi quatre patriarcats se sont retirés à la dernière minute.
Irénée, évêque de Bačka (Eglise serbe) avait ceci
à dire au sujet de cette dernière et cruciale réunion de la commission préconciliaire
qui eut lieu en octobre 2015 :
« En ce qui concerne le texte «
Les Relations de l’Eglise orthodoxe avec le reste du monde chrétien » une révision
et une correction profonde, se sont malheureusement, avérées impossible, parce
que pendant la majeure partie de la réunion... en dépit de la désapprobation de
nombreux présents et les vives critiques exprimées, le texte - pour des raisons
jamais divulguées - ne fut pas sérieusement réévalué. Il a été plutôt été envoyé
en l’état, essentiellement intact, au Concile, où, en raison du manque de temps
et d’un consensus, des changements seulement cosmétiques furent effectués. » [10]
Une étude attentive du
procès-verbal de la 5e Conférence panorthodoxe préconciliaire, (octobre 2015)
révèle que le travaux ont été effectués dans une atmosphère de pression et
de hâte, la responsabilité en incombant
au Président de la réunion, le métropolite Jean de Pergame, qui fut remplacé
par la suite.
Il est évident, et c’est une opinion
communément admise parmi les critiques du « Concile » qu’une des causes
principales de la transformation du [Concile de] Crète en « fiasco » fut cette
méthodologie anti synodale, peu orthodoxe et le secret préconciliaire appliqué
par les organisateurs.
Nous avons dit précédemment que
les hiérarchies des Eglises locales ont été tenues dans l’ignorance à l’égard
de la période préparatoire et des textes. C’est aussi évident si l'on considère
que les règles de préparation du Concile requerraient uniquement les signatures
de deux représentants de chaque Eglise afin de confirmer les textes préconciliaires
- c'est-à-dire, sans l’approbation des saints synodes. Ainsi, le texte peu
orthodoxe sur les hétérodoxes était considéré comme « approuvé » par les
églises locales après la réunion d’octobre 2015 sans être envoyé, sans être
discuté et sans être confirmé par les Saints-Synodes des Eglises locales. De
cette façon, sur la base des signatures de deux représentants, le texte était
considéré comme accepté et contraignant pour l’Eglise de Grèce, puis transmis
au Concile.
Où est le caractère conciliaire de l’Eglise à l’œuvre ici ?
Mais ce n’est pas tout. Pour que
le texte soit modifié, ou même qu’une phrase de celui-ci soit changé en Crète,
il fallait l’approbation de toutes les Eglises locales. Si seulement une
[Eglise locale] était en désaccord avec le changement, il restait comme il
était, parce que l’on le considérait comme déjà approuvé par toutes les Eglises
à la 5e Conférence préconciliaire
!
Une fois de plus, nous pouvons
voir ici pourquoi les Eglises de Bulgarie et de Géorgie ont refusé d’y assister
: elles ont compris que des changements fondamentaux aux textes serait
impossibles.
Ce processus a été à l’œuvre avec
les règles de fonctionnement pour le Concile lui-même. Les textes ont été
approuvés par les primats (à l’exception de l’Eglise d’Antioche), sans
discussion ni approbation des hiérarchies des Eglises locales.
Aussi répréhensible et malheureux
qu’il soit, le processus préconciliaire, est plutôt bénin en comparaison avec
le summum du mépris de la conciliarité manifesté au Concile lui-même. Là, la
fonction juste et appropriée de chaque évêque pour voter sur les textes
proposés a été bafouée et niée, et réservée au seul primat. Incroyable, sans
précédent et totalement irrecevable canoniquement parlant.
L’ironie est que bon nombre des
évêques présents avec enthousiasme, ont déclaré qu’il y avait une grande
liberté et facilité pour les évêques à prendre la parole. Cela est important,
mais c’est évidemment secondaire en importance par rapport au vote. Ce qui
importe, ce n’est pas qui parle en premier, mais qui a le dernier mot,
c'est-à-dire qui décide. Même si tous les 152 évêques non-votants ont exprimé leur désaccord avec un mot
ou un passage ou même un document entier, cela importait peu, car les votes des
10 primats était tout ce qui était enregistré.
Comme chacun le sait, selon l’ecclésiologie
orthodoxe, les évêques sont égaux. Le primat n’est pas au-dessus de tous les
évêques. Au contraire, il est le « premier parmi ses pairs ». Dans ce contexte,
alors, la pratique en Crète de reconnaître le vote du primat seul et non celui
de l’ensemble de la hiérarchie, ne représente-t-il une chute de conciliarité et
ne glisse-t-elle pas dans le papisme ? Cette élévation « papale » des primats
est extrêmement dangereuse pour toute l’Eglise, car en plus de signifier l’abolition
de la conciliarité dans chaque Eglise locale, elle conduira rapidement au
primat des primats étant élevé au statut de pape de l’Orient sine paribus (sans pair), pour utiliser
le terme privilégié du métropolite Elpidophore de Prousse.
Je voudrais donner trois exemples
qui illustrent qu’en Crète, se produisit une « abolition conciliaire de la conciliarité.
»
Avant le « Concile» de Crète, la
hiérarchie de l’Eglise de Grèce a accepté à l’unanimité et a fait connaître sa
position selon laquelle, les communautés hétérodoxes dans les textes
conciliaires, ne doivent pas être qualifiées « d’Eglises. » La hiérarchie donna
mandat à l’archevêque et à son entourage de transmettre et de défendre la
présente décision. Il n’y avait aucune autorisation conciliaire pour toute
modification de la décision de la hiérarchie. Néanmoins, l’archevêque d’Athènes
et son entourage (à l’exception du métropolite Hiérothéos du Naupacte)
modifièrent leur position et votèrent en faveur d’une version modifiée du texte
en question (#6) qui contredit clairement la décision unanime de l’ensemble de
la hiérarchie. En faisant cela, lui et ceux qui étaient avec lui méprisaient le
34e Canon apostolique, qui dit : « Mais lui aussi (le premier) ne doit
rien faire sans l'opinion de tous. C'est seulement de cette façon qu'il y aura
unanimité et que Dieu sera glorifié par le Seigneur dans le Saint Esprit.»
Dans notre second exemple, celui de
l’Eglise de Serbie, nous avons un exemple encore plus flagrant de papisme
rampant. La délégation de l’Eglise serbe se composait de 24 évêques. 7 seulement
parmi eux prirent position en faveur du texte final sur les hétérodoxes (#6).
Dix-sept des 24 hiérarques refusèrent de signer. Néanmoins, parce que le
patriarche de Serbie y était favorable et qu’il signa le texte, le « Concile »
a considéré que l’Eglise de Serbie avait accepté le texte ! Une fois de plus,
le Concile a dédaigné le 34e Canon apostolique, qui appelle le premier hiérarque
« à ne rien faire sans le consentement de tous. » L’ironie est, bien sûr, que
tandis que les représentants orthodoxes au dialogue avec Rome soulignent la
nécessité pour le Vatican de baser
les relations entre un primat et l’Eglise locale sur 34e Canon apostolique, le « Concile »
Panorthodoxe l’a violé à plusieurs reprises.
Dans notre troisième exemple,
nous avons l’approche tragique anti-synodale et papiste de l’archevêque de
Chypre. Quatre des 17 évêques de Chypre présents ont refusé de signer le texte
définitif sur les hétérodoxes (#6), y compris Mgr Athanase, métropolite de Limassol.
Après que ces évêques soient partis, la réaction de l’archevêque fut de signer
pour eux, comme s’il avait leur accord ! Dans une interview qu’il donna plus
tard à un journal grec d’Amérique, l’archevêque caractérisa ces évêques dissidents
de son Eglise comme d’une « cinquième colonne » du Concile.
Ici, il est évident que ces
exemples indiquent non seulement un mépris pour le système conciliaire et même
son abolition, mais aussi le mépris de la dignité épiscopale par les « premiers
hiérarques». Ces innovations et ces détournements ont été non seulement tolérés
et acceptés par le « Grand et Saint Concile » ; c’est sur leur base que le « Concile » a été réalisé. En effet,
sans cette activité anti-conciliaire, le « Concile » se serait entièrement
désintégré. [11]
Avec le recul, compte tenu de la fondation
anti-conciliaire et de l’échec du « Concile » à unir l’Eglise orthodoxe, l’expression
suivante s’applique : « une maison n’est bonne que par les fondations sur lesquelles
elle est bâtie. » (voir Luc 6:48). La « Grande et Sainte » Maison du Concile
n’a été pas construite sur le roc de la conciliarité - « il parut bon au
Saint-Esprit et à nous » - mais sur le sable du papisme - « notre Saint
Patriarche a parlé !»
2. les Documents et déclarations du Concile
Passons maintenant de
l’organisation du « Concile», à ses documents.
Trois des six documents présentaient
de graves problèmes pour plusieurs des Eglises. Ce sont : la Mission de l’Eglise
orthodoxe dans le monde contemporain, [12] le sacrement du mariage et ses
obstacles, et les Relations de l’Eglise orthodoxe avec le reste du monde
chrétien. Je ne parlerai que brièvement du deuxième texte et me concentrerai
sur le troisième, qui est vraiment à la base du Concile.
A. Le sacrement de mariage et ses empêchements
Dans le document sur le mariage,
les trois déclarations ont été faites successivement au sujet des « mariages
mixtes », i.e. le mariage d’un chrétien orthodoxe avec un membre d’une
confession hétérodoxe ou d’une des religions non chrétiennes du monde :
1. le mariage entre les
orthodoxes et les chrétiens non orthodoxes est interdit selon l’acribie canonique
(Canon 72 du Concile œcuménique in Trullo).
2. avec le salut de l’homme comme
but, le Saint-Synode de chaque
Église orthodoxe autocéphale apostolique doit envisager la possibilité de
l’exercice de l’économie ecclésiastique en ce qui concerne les empêchements au
mariage selon les principes des saints canons, et dans un esprit de
discernement pastoral.
3. le mariage entre les
orthodoxes et les non-chrétiens est catégoriquement interdit conformément à l’acribie
canonique.
Maintenant, certainement, cette
question des mariages mixtes est un sujet pastoral épineux et difficile,
surtout pour l’Eglise en dehors des terres orthodoxes traditionnelles, telles
que l’Amérique. Sans vouloir déprécier ce défi pastoral, défi traité par les
pasteurs au cas par cas, il est impératif que la pratique pastorale ne soit jamais
détachée de ses liens dogmatiques. Mon intérêt ici, ce sont les implications
dogmatiques de la présente décision.
Selon le professeur Dimitrios
Tselengidis, le mouvement qui tend à « à légitimer l’office du mariage mixte [est]
quelque chose qui est clairement interdit par le canon 72 du Concile in Trullo.
[Ainsi, il est inacceptable] pour un concile comme le « Grand et Saint Concile
» de Crète de transformer explicitement une décision d’un Concile œcuménique en
quelque chose de relatif. » [13]
Dans l’extrait concerné, que j’ai
lu dans le document conciliaire, remarquez que, si le mariage kat'oikonomian [selon l’économie] des
hétérodoxes avec les orthodoxes, est considéré comme possible, le même est
interdit pour les non-chrétiens. Pourquoi cette différence ? Sur quelle base les
hétérodoxes sont-ils admis à un mystère de l’Eglise ? Quels sont les critères d’acceptation
?
N’oublions pas le 72è Canon, qui
ne pouvait pas indiquer plus clairement qu’il est basé sur le dogme de l’Eglise
et n’admet donc pas d’économie :
« Qu'un homme orthodoxe ne doit pas épouser une femme hérétique.
Qu'il ne soit pas permis a un homme orthodoxe de s'unir à une femme hérétique, ni à une femme orthodoxe d'épouser un homme hérétique et si pareil cas s'est présenté pour n'importe qui, le mariage doit être considéré comme nul et le contrat matrimonial illicite est à casser, car il ne faut pas mélanger ce qui ne se doit pas, ni réunir un loup a une brebis. Si quelqu'un transgresse ce que nous avons décidé, qu'il soit excommunié. Quant à ceux qui étant encore dans l'incrédulité, avant d'être admis au bercail des orthodoxes, s'engagèrent dans un mariage légitime, puis, l'un d'entre eux ayant choisi la part la meilleure vint à la lumière de la vérité, tandis que l'autre fut retenu dans les liens de l'erreur sans vouloir contempler les rayons de la lumière divine, si l'épouse incroyante veut bien cohabiter avec le mari croyant, ou vice versa le croyant avec la non-croyante, qu'ils ne se séparent pas, car selon le divin apôtre, "le mari non croyant est sanctifié par sa femme, et la femme non croyante est sanctifiée par son mari."»
Qu'il ne soit pas permis a un homme orthodoxe de s'unir à une femme hérétique, ni à une femme orthodoxe d'épouser un homme hérétique et si pareil cas s'est présenté pour n'importe qui, le mariage doit être considéré comme nul et le contrat matrimonial illicite est à casser, car il ne faut pas mélanger ce qui ne se doit pas, ni réunir un loup a une brebis. Si quelqu'un transgresse ce que nous avons décidé, qu'il soit excommunié. Quant à ceux qui étant encore dans l'incrédulité, avant d'être admis au bercail des orthodoxes, s'engagèrent dans un mariage légitime, puis, l'un d'entre eux ayant choisi la part la meilleure vint à la lumière de la vérité, tandis que l'autre fut retenu dans les liens de l'erreur sans vouloir contempler les rayons de la lumière divine, si l'épouse incroyante veut bien cohabiter avec le mari croyant, ou vice versa le croyant avec la non-croyante, qu'ils ne se séparent pas, car selon le divin apôtre, "le mari non croyant est sanctifié par sa femme, et la femme non croyante est sanctifiée par son mari."»
Ce qui est important ici, c’est
que le Concile de Crète introduit, pour la première fois dans l’histoire, une décision
synodale qui permet l’abolition d’un canon d’un Concile œcuménique et - surtout
– de son fondement dogmatique. Je ne vois pas comment on pourrait le comprendre
autrement, car sur quelle base permettent-ils les mariages mixtes si ce n’est
pas par une certaine considération (nouvelle) de ce qu’est l’Eglise et ses
limites, y comprenant désormais les hétérodoxes (en quelque sorte - « parce
qu’ils sont baptisés » ?). Car, dans le cas contraire, ce serait folie de
parler de mariage - vrai mystère d’unité en Christ - entre un membre baptisé et
initié au corps de Christ, et un autre qui n’est pas baptisé et non initié.
Par conséquent, l'implication,
même lorsque l’on se réfère ici à la décision «kat'oikonomian» [selon l’économie], est que les hétérodoxes sont
«baptisés» et, sur cette base, ils (par opposition à ceux d'autres religions)
peuvent participer au mystère du mariage. En effet, c'est ce que l'on entend
quand on prête attention au raisonnement de ces champions des mariages mixtes.
Ceci, cependant, signifie que de la supposée "économie" sous-jacente
des mariages mixtes est la soi-disant théologie baptismale et les théories de
l'église inclusive qui sont au cœur de l'œcuménisme syncrétiste. Ceci est
conforme aux fruits que nous avons vus des mariages mixtes, à savoir que, sur
la base des mariages mixtes, les mentalités œcuméniques justifient d'autres
violations des canons, comme la prière conjointe avec les hérétiques, ou même la
communion [des hétérodoxes] pendant la cérémonie du mariage. (On me dit que, en
fait, cela est pratiqué par un professeur éminent dans un séminaire orthodoxe
nord-américain).
Il est clair qu'il n'y a pas de
base théologique pour le mariage mixte, qu'il ne peut pas être considéré comme
étant selon « l’économie » puisqu'il ne conduit pas à
« l’acribie », mais il renverse l'identité d'unité des mystères avec
le Mystère Unique du Christ, et cela ouvre la porte à une nouvelle érosion de
l’ordre canonique et sacramentel de l'Eglise.
B. Relations de l'Église orthodoxe avec le reste du monde chrétien
Passons maintenant au texte que
beaucoup considèrent constituer la base du Concile: «Les relations de l'Église
orthodoxe avec le reste du monde chrétien». [14] Il est communément admis que
ce texte, le sixième et dernier texte accepté par le «Concile», est rempli
d'erreurs et de confusion, malgré des passages dignes d’éloges.
1. Le produit d'une perspective œcuménique
En tant que texte avec une
orientation dogmatique et ecclésiale claire, ce texte aurait dû se distinguer
par une clarté absolue du sens et de l'exactitude dans la formulation, de
manière à exclure la possibilité d'une variété d'interprétations ou de
mauvaises interprétations intentionnelles. Malheureusement, au contraire, dans
les passages clés, nous rencontrons une obscurité et une ambiguïté, ainsi que
des contradictions théologiques et une antinomie, ce qui permet des
interprétations polaires opposées.
Il est caractéristique de noter
avec quelle difficulté le «Concile» a assumé la tâche d'approuver ce texte que
près de trente évêques ont refusé de signer, et que beaucoup d'autres n'ont
signé qu'après la fin du Concile, après que les quatre versions (en quatre
langues) aient finalement été achevées.
Pour voir que le texte est le
produit d'une mentalité œcuméniste - et non vraiment œcuménique au sens orthodoxe
du terme -, il suffit de considérer ce que le métropolite Hiérothéos (Vlachos)
a écrit concernant le texte et le débat qui le concerne au cours du «Concile»:
"Lorsque les procès-verbaux
du Concile seront publiés, où les vues véritables de ceux qui ont décidé et
signé le texte seront enregistrées, il sera clair que le Concile était dominé
par la théorie des branches, la théologie baptismale et surtout le principe
d'inclusivité, à savoir un recul du principe d'exclusivité en faveur du
principe d'inclusivité. Pendant les travaux du Concile en Crète, diverses
distorsions de la vérité ont été dites [afin de renforcer le texte] concernant
saint Marc d'Ephèse, le Concile de 1484 et l'encyclique synodale des
Patriarches orientaux de 1848, en ce qui concerne le mot «Église» comme
s'appliquant aux chrétiens détachés de l'Église Une, Sainte, Catholique et Apostolique
».
Le métropolite rapporte ailleurs
que les partisans du texte et de la reconnaissance de «l'ecclésialité» des
confessions occidentales ont employé une agression et beaucoup de pression, y
compris des explications contre ceux qui s’y sont opposés.
2. Approbation de l'œcuménisme
Nous avons déjà mentionné que l'un
des objectifs de ce «Concile» était de solidifier l'engagement de l'Église
orthodoxe envers l'œcuménisme. Ce texte sur les relations avec les hétérodoxes
atteint cet objectif. Il contient des références positives au Conseil
Œcuménique des Eglises [COE], faites avec un enthousiasme apparent.
Au paragraphe 21 du texte, il est
indiqué ce qui suit:
L’Église orthodoxe souhaite renforcer le
travail de la commission « Foi et Constitution » et suit avec un vif
intérêt l’apport théologique que celle-ci a réalisé à ce jour. Elle évalue
positivement les textes théologiques publiés par celle-ci, avec l’appréciable
contribution de théologiens orthodoxes, ce qui représente une étape importante
dans le Mouvement œcuménique vers le rapprochement des Églises.
L'évaluation positive des textes acceptés au sein du COE
suffit pour qu'un chrétien orthodoxe rejette le texte. Est-il possible pour un
Concile panorthodoxe de voir favorablement les documents théologiques du COE
lorsque ces mêmes textes sont remplis de vues protestantes hérétiques qui ont
été critiquées à maintes reprises par de nombreuses Eglises orthodoxes locales?
Au paragraphe 19 du texte, on se
réfère positivement à la Déclaration du COE de Toronto, en tant que document
fondamental pour la participation orthodoxe. Cependant, qu'exprime cette déclaration?
Entre autres choses, elle indique que le COE comprend des églises qui considèrent
que:
° L'Église est
essentiellement invisible,
° Il y a une
distinction entre le corps visible et invisible de l'Église,
° Le baptême des
autres églises est valable et véritable,
° Il y a des
«éléments d'une véritable Église» et des «traces d'Église» dans d'autres
églises membres du COE et le mouvement œcuménique est basé sur cela.
° Il y a des membres
de l'Eglise extra muros (à l'extérieur des murs), et
° Ceux-ci aliquo modo (d’une certaine manière)
appartiennent à l'Église, et
° Il y a une «Eglise
dans une Eglise».
Sur cette base, les orthodoxes
participent au COE, organisation dans laquelle la théorie anti-orthodoxe
«Église invisible et visible» domine clairement, renversant toute l'ecclésiologie
orthodoxe.
Le «Concile» de Crète est le seul
concile des évêques à reconnaître, promouvoir, louer et accepter l'œcuménisme
et le Conseil Œcuménique des Eglises. Cela s'oppose directement au témoignage
du chœur des saints, y compris - parmi beaucoup d'autres [Pères] - du grand staretz
Éphrem de Katounakia qui, par révélation, a été informé que l'œcuménisme est
dominé par les esprits impurs.
Les implications sont énormes:
quelle expérience et inspiration du Saint-Esprit pourraient être exprimée en
Crète quand elles sont en opposition aux saints de l'Eglise?
3 Un long chemin vers la reconnaissance de l’ecclésialité des hétérodoxes
Ce chemin vers l’acceptation
conciliaire de l’œcuménisme a été long et tumultueux. L’adoption de ce texte
sur l’œcuménisme est clairement l’objectif numéro un des visionnaires du «
Concile » - objectif qui était évident, dès 1971. Le premier texte produit au
sein du processus préconciliaire qui reconnaît la soi-disant ecclésialité des
confessions hétérodoxes est le texte la Commission préparatoire inter-orthodoxe
de 1971 intitulé « L’économie dans l’Eglise orthodoxe, » où il est dit : « car
notre Église orthodoxe reconnaît - bien qu’elle soit, l’Eglise Une, Sainte, catholique
et apostolique - l’existence ontologique de toutes les Eglises et Confessions chrétiennes.
» [15] (ce texte fut sévèrement critiqué par les théologiens de Grèce à l’époque
et finalement retiré). Cette phrase a été modifiée par la suite à la troisième
réunion de la commission en 1986 en « reconnaît l’existence réelle de toutes
les Eglises et Confessions chrétiennes. »Elle a été changée de nouveau en 2015,
lors de la cinquième réunion de la commission préparatoire, en « reconnaît
l’existence historique d’autres Eglises et Confessions chrétiennes qui ne sont
pas en communion avec elle. »
Quand, en janvier 2016, le texte
final a été finalement rendu public, cette phrase a provoqué une foule de
réactions et de protestations du plérôme de l’Eglise et des synodes d’Eglises
locales, y compris l’Eglise russe à l’Etranger. Après que la proposition de dernière
minute en Crète en juin 2016 par l’archevêque d’Athènes ait été généralement
acceptée par les primats et leur entourage (bien que près de 30 évêques aient
refusé de signer), le texte final inclue la formulation : « L’Eglise orthodoxe
accepte le nom historique des autres Eglises et Confessions chrétiennes [16]
qui ne se trouvent pas en communion avec elle. » On peut voir que
progressivement, au cours des 45 dernières années, ce membre de phrase a été
modifié en réponse aux objections avancées par les Eglises locales. Néanmoins,
la version finale reste peu orthodoxe et inacceptable ou, comme l’écrit le métropolite
Hiérothéos (Vlachos), « anti-orthodoxe. » Il y a plusieurs points importants à soulever
à cet égard.
4. Anti orthodoxe et condamné synodalement comme hérésie
Tout d’abord, comme le remarque
le métropolite Hiérothéos, peut-être que, en acceptant le terme « église » pour
les confessions hétérodoxes, une distinction importante a été perdue par les
hiérarques participants. Saint Grégoire Palamas a clairement défini cette
question dans le Tomos synodique du neuvième Concile œcuménique de 1351. Il y
écrit : « c’est une chose d’utiliser les contre-arguments en faveur de la piété
et autre chose de confesser la foi. » Autrement dit, il faut utiliser tous les
arguments dans la lutte contre quelque chose, alors que la confession doit être
brève et précise doctrinalement. Par conséquent, dans ce contexte, au Concile,
dans un souci de précision doctrinale l’utilisation du terme « église » pour
les hétérodoxes est manifestement irrecevable. Nous pouvons seulement espérer,
ainsi que le métropolite Hiérothéos, que les hiérarques en Crète « ont été «
induits en erreur » par ceux qui ont soutenu -sans nombreuses références -
qu’au cours du deuxième millénaire, les orthodoxes caractérisent les groupes
hérétiques comme Eglises. La vérité est que ce ne fut pas avant le XXe siècle
que le christianisme occidental a été caractérisée comme église, lorsque la terminologie
et la théologie orthodoxes se sont différenciées de la terminologie et de la
théologie du passé, surtout avec [et après] l’encyclique de 1920 du Patriarcat œcuménique
» « aux Eglises du Christ dans le monde. » Il faut seulement se rappeler que
Saint Grégoire Palamas a comparé l’hérésie latine comme apparentée à l’arianisme,
et les Latins comme étant des organes obéissants du Malin.
Le terme Eglise n’est pas utilisé
seulement comme une description ou une image. Au contraire, il indique le
véritable Corps de notre Seigneur Jésus-Christ. L’Eglise est identifiée avec le
même corps Théanthropique [« Divino-humain »] du Christ et parce
qu’en tant que Chef, il est Un, son Corps est Un. Comme l’apôtre Paul l’écrit
:«… Il a
tout mis sous ses pieds, et il l'a donné pour chef suprême à l'Église, qui est son corps, la
plénitude de celui qui remplit tout en tous.» (Éphésiens 1:22-23)« Il y
a un seul corps et un seul Esprit, comme aussi vous avez été appelés à une
seule espérance par votre vocation; il y a un seul Seigneur, une seule foi, un
seul baptême, un
seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, et parmi tous, et en
tous.» (Éph. 4 : 4-6). Bien qu’il ait été affirmé que l’expression choquante
se référant aux « églises », particulièrement dans sa dernière forme, est
conforme à l’ecclésiologie orthodoxe et à l’apôtre Paul, la vérité est qu’elle
est, au contraire, conforme à la nouvelle, ecclésiologie « inclusiviste ».
Comme le métropolite Hiérothéos l’a déclaré : « bien que prima facie, elle semble inoffensive, elle est anti-orthodoxe. »
Pourquoi « anti-orthodoxe ? » Tout d’abord, il est impossible de parler de «
simplement » « accepter le nom historique » des « autres Eglises chrétiennes
hétérodoxes, » car il n’y a aucun nom sans existence, parce que sinon un
nominalisme ecclésiologique est exprimé.
Deuxièmement, loin de faire écho
à l’apôtre Paul, « la bouche du Christ, » l’expression « L’Eglise orthodoxe
accepte le nom historique d’autres Eglises chrétiennes hétérodoxes, » si cela est
compris dans le contexte, cela rappelle la théorie de l’église invisible de
Calvin et de Zwingli, ce que Vladimir Lossky appela une « ecclésiologie nestorienne.
» Cette ecclésiologie suppose que l’Eglise est divisée en parties visibles et
invisibles, tout comme Nestorius imaginait que les natures divine et humaine en
Christ étaient séparées. D’autres théories hérétiques sont venues de cette
idée, comme la théorie des branches, la théologie baptismale et l’inclusivisme
ecclésiologique. Cette théorie d’église invisible a en fait déjà été rejetée en
Concile par l’Eglise orthodoxe.
L’idée qu’une église puisse être
caractérisée comme hétérodoxe (hérétique) a été condamnée par les conciles du
XVIIe siècle à l’occasion de la soi-disant « Confession de Loukaris, » supposée
avoir été rédigée ou adoptée par Cyrille Loukaris, patriarche de Constantinople.
L’expression condamnée était : « il est vrai et certain que l’église peut
pécher et adopter le mensonge au lieu de la vérité. » Au contraire, les
Conciles de l’Eglise de l’époque condamnèrent cette infidélité au Christ,
déclarant que l’Eglise ne peut pas commettre d’erreur.
Cet enseignement conciliaire est
très important et il convient de le souligner à nouveau de nos jours, car il
s’agit de guérir le délire parmi nous de ces humanistes qui ont perdu la foi en
Christ et la suite de l’Incarnation. C’est cette incrédulité qui se cache
derrière la réticence de plusieurs à embrasser le « scandale du particulier, »
le scandale de l’Incarnation et de déclarer que l’Eglise est Une comme Christ
est Un, et qu’elle est dans une
époque et un lieu particulier, la
continuation de l’Incarnation et l’Eglise Une, Sainte, catholique et
apostolique. Cette infidélité équivaut à un abandon de l’Orthodoxie comme condition
sine qua non d’ecclésialité, et ce
n’est pas simplement une crise de convictions, mais, comme le Père Georges
Florovsky l’a écrit il y a quelques 60 ans, cela indique que les gens « ont
abandonné le Christ. »
Certes, les formes contemporaines que prennent les théories
de l’hérésie de « l’Eglise invisible » sont un peu plus nuancées que celles
du XVIe siècle, mais pas de beaucoup. Regardons à nouveau l’expression
offensive en contexte, et nous allons en voir plus clairement les similitudes.
Le texte dit ceci : «D’après la nature ontologique de l’Église, son unité ne saurait être
perturbée. Cependant, l’Église orthodoxe accepte l’appellation historique des
autres Églises et Confessions chrétiennes hétérodoxes qui ne se trouvent pas en
communion avec elle, mais elle croit aussi que ses relations avec ces dernières
doivent se fonder sur une clarification aussi rapide et objective que possible,
de la question ecclésiologique dans son ensemble et, plus particulièrement de
l’enseignement général que celles-ci professent sur les sacrements, la grâce,
le sacerdoce et la succession apostolique.» (Paragraphe 6)
Cela commence en disant que,
selon la nature ontologique de l’Eglise, l’unité ne peut être perturbée. Ici
l’église invisible, unie dans les cieux est implicite. C’est le sens « d’ontologique
». Ceci est immédiatement suivi par « mais malgré cela... » et il est fait référence
à l’aspect fracturé, visible de l’Eglise, avec l’acceptation des autres, « églises
hétérodoxes. »
5. Une Expression déjà acceptée de la nouvelle ecclésiologie
Ce n’est pas la première fois que
cette dichotomie de l’Église Unie ontologiquement dans le ciel, hors du temps,
avec l’Eglise divisée sur la terre, dans le temps, est apparue parmi la
hiérarchie orthodoxe. Voici comment le patriarche de Constantinople,
Bartholomée, l’exprime au Saint-Sépulcre à Jérusalem en 2014 :
« L’Eglise Une, Sainte, Catholique et Apostolique, fondée par le
« Verbe au commencement, » par Celui « vraiment avec Dieu » et Verbe «
Dieu véritable», selon l’Evangéliste de l’amour, malheureusement, elle a été
divisée dans le temps au cours de son engagement sur la terre, en raison de la prédominance
de la faiblesse humaine et de l’impermanence de la volonté de l’intellect
humain. Celle-ci amena diverses conditions et groupes, dont chacun a réclamé
pour lui-même « authenticité » et « vérité ». La Vérité, cependant, est Une,
le Christ et l’Eglise Une fondée par Lui.
Avant et après le grand Schisme de 1054 entre Orient et Occident, notre
Sainte Eglise orthodoxe fit des tentatives pour surmonter les divergences, qui
dès le début et pour la plupart proviennent de facteurs extérieurs à l’Eglise.
Malheureusement, l’élément humain prévalut, et à cause de l’accumulation
d’ajouts « théologiques », « pratiques
» et « sociaux », les Eglises locales ont été conduites dans la division de l’unité
de la foi, dans l’isolement, qui s’est développé parfois en polémiques hostiles.
»
La similitude avec la théorie d’Eglise
invisible condamnée par l’Eglise et ces paroles du patriarche sont manifestes
dans la nette distinction entre l’Eglise céleste ontologiquement Une avec l’église terrestre, censée elle être
fragmentée. Cela reflète la division « nestorienne » des natures divines et humaines
du Corps de Christ. Ce point de vue, cela n’est pas surprenant, est en harmonie
avec la nouvelle ecclésiologie proposée au Concile Vatican II, qui postule une
église terrestre avec des degrés plus ou moins grands de plénitude [17] en
raison des soi-disant « disputes de l’histoire humaine ». [18] Ces points de
vue sur l’Eglise impliquent l’identification de l’Eglise avec l’hérésie, des
choses saintes avec les choses déchues et mondaines.
Le cœur douloureux, les paroles
de saint Taraise, patriarche de Constantinople, aux Pères du Septième Concile Œcuménique,
sont présentes à l’esprit, quand il blâmait les décisions du faux concile
des iconoclastes de Hiéreia :
« Ô le désordre et la folie de
ces [hommes]. Ils n’ont pas séparé le profane et le sacré, et comme les cabaretiers mélangent le
vin avec de l’eau, ils mélangent la parole véritable avec la parole pervertie,
le mensonge avec la fausseté, tout comme [comme s’ils mélangeaient] le poison avec du miel, à eux, le Christ notre
Dieu s’adresse par le prophète : « les prêtres a annulé ma loi et profané mes sanctuaires.
Ils n’ont fait aucune distinction entre le profane et le sacré. »
Il devrait être clair, alors que
ce texte choquant avec son ecclésiologie hérétique doit être rejeté par
l’Eglise (par chaque Eglise locale séparément, puis dans un futur Concile), et
remplacé, car sans aucun doute il sera la source d’une déchéance de l’Orthodoxie.
Il est encore temps d’en corriger le cours et de guérir la plaie déjà infligée
à l’Eglise. Une solution pratique, donnée par le métropolite Hiérothéos, qui
contribuerait à faciliter la restauration de l’Orthodoxie, serait pour un futur
Concile de corriger les erreurs et de publier un nouveau document orthodoxe. Il
y a à la fois un soutien
contemporain pour cela (venant des patriarcats d’Antioche, de Serbie, de
Russie, de Géorgie, de Bulgarie et même de Roumanie) aussi bien qu’un précédent
historique (les réunions des Conciles œcuméniques s’étendirent pendant des mois
et des années, le Concile in Trullo acheva les Ve et VIe Conciles et le IXe Concile
Œcuménique était en fait quatre Conciles séparés). Nous espérons que partout
les évêques prendront immédiatement des mesures dans ce sens, car la question
est des plus urgente dans les Eglises locales qui ont accepté le texte et le
Concile.
3. les conséquences et les Implications du « Conseil » de la Crète
A. les réponses des églises locales
Tournons-nous maintenant
brièvement sur la suite du Concile et sur l’état actuel des choses. Tout
d’abord, parmi ceux qui ont participé au Concile, il y a près de 30 évêques qui
ont refusé de signer son document final sur les hétérodoxes et l’œcuménisme.
Parmi eux sont les évêques bien connus, les métropolites Hiérothéos (Vlachos)
de Naupacte (Grèce), Athanase de Limassol (Chypre), Néophytos de Morphou
(Chypre), Amphilochios du Monténégro (Serbie) et Irénée de Bačka (Serbie).
Irénée, évêque de Bačka en
Serbie a résumé la position de beaucoup sur l’après Concile: « Concernant le «
Grand et Saint Concile » de notre Eglise à Colombari en Crète qui vient de
s’achever, triomphalement mais pas tout à fait convaincant : il n’est déjà pas
reconnu comme tel par les Eglises qui étaient absentes, voire même caractérisé
par elles comme « rassemblement en
Crète », et il a également été contesté par la plupart des hiérarques
orthodoxes participants! »
Les partisans et sympathisants du
Concile en appellent au précédent du Deuxième Concile œcuménique, à titre
d’exemple de concile au cours duquel certaines églises locales étaient absentes
(Rome et Alexandrie). Ce qu’ils ne disent pas, cependant, c’est que ce Deuxième
Concile œcuménique ne s’appelait
pas œcuménique ou Concile panorthodoxe pour commencer, mais plutôt comme l’un
des nombreux Conciles locaux de l’Empire d’Orient, qui en raison des décisions
orthodoxes qui avaient été prises, fut plus tard accepté par toutes les Eglises
locales comme œcuménique.
En Crète, nous avons fait le
contraire : il a été appelé panorthodoxe et quatre patriarcats ont refusé d’y assister.
En outre et surtout, ils ont également refusé de le reconnaître comme Concile,
même après coup.
Le patriarcat d’Antioche, dans sa décision de l’an dernier du 27
juin, a déclaré qu’il considérait la rencontre de Crète comme « une réunion
préliminaire pour le Concile panorthodoxe, » qu’il « refuse d’attribuer un
caractère conciliaire à toute réunion orthodoxe qui n’implique pas l’ensemble
des églises orthodoxes autocéphales, » et, ainsi, « l’Eglise d’Antioche refuse d’accepter que l’Assemblée de
Crète soit appelée « Grand Concile orthodoxe » ou « Grand et Saint Concile. »
Le Patriarcat de Moscou (dans la décision de son Saint-Synode du 15
juillet 2016) a déclaré que « le Concile qui s’est déroulé en Crète ne saurait
être considéré panorthodoxe, et que les documents qu’il a ratifiés ne
constituent pas une expression du consensus panorthodoxe ».
Le Patriarcat de Bulgarie (dans sa décision datée du 15 novembre
2016) a déclaré lors d’un rassemblement de l’ensemble de sa hiérarchie que « le
Concile de Crète n’est ni grand, ni saint, ni panorthodoxe. C’est en raison de
la non-participation d’un certain nombre d’Eglises autocéphales locales, ainsi
que des erreurs d’organisation et des erreurs théologiques acceptées. Une étude
attentive des documents adoptés lors du Concile de Crète nous amène à la
conclusion que certains d'entre eux contiennent des contradictions avec
l’enseignement de l’Eglise orthodoxe, avec la Tradition dogmatique et canonique
de l’Eglise, et l’esprit et la lettre des Conciles Œcuméniques locaux. Les
documents adoptés en Crète doivent faire l’objet d’un examen théologique plus
approfondi dans le but de modification, de révision et de correction ou de
remplacement par d’autres (nouveaux documents) dans l’esprit et la Tradition de
l’Eglise. »
Le Patriarcat de Géorgie s’est réuni en décembre dernier et a rendu
une décision finale sur le Concile de Crète. Dans celle-ci, il dit qu’il n’est
pas un concile panorthodoxe, qu’il abolit le principe de consensus, et que ses
décisions ne sont pas obligatoires pour l’Eglise orthodoxe de Géorgie. En
outre, les documents délivrés par le Concile de Crète ne tiennent pas compte
des critiques importantes faites par les Eglises locales et ils ont besoin de
correction. Un véritable Grand et Saint Concile a besoin d’être tenu et l’Eglise
géorgienne est confiante qu’il aura lieu à l’avenir, et qu’il prendra des
décisions par consensus, basé sur l’enseignement de l’Eglise orthodoxe. Pour
atteindre cet objectif, le Saint Synode a formé une commission théologique pour
examiner les documents acceptés en Crète et se préparer à un futur Concile qui
sera panorthodoxe.
Le Patriarcat de Roumanie, qui a participé au Concile, a déclaré
plus tard que « les textes peut être expliqués, en partie nuancés, ou encore
développés par un futur Grand et Saint Concile de l’Eglise orthodoxe.
Cependant, leur interprétation et la rédaction des nouveaux textes sur diverses
questions ne doivent pas être prises dans la précipitation ou sans accord panorthodoxe,
sinon ils doivent être retardés et amendés jusqu'à ce que l’accord puisse être
trouvé ».
L’Eglise orthodoxe autocéphale de Grèce, tout en ne statuant pas cataphatiquement en faveur de la
décision finale du Concile, a publié une encyclique qui le représente comme un
Concile orthodoxe. Beaucoup ont conclu que cette position impliquait un accord,
même si au sein de la hiérarchie il y a des évêques qui ont fortement rejeté et
condamné le « Concile ». Cette confusion a provoqué du dégoût de la part des fidèles.
B. l’évolution après la Crète en Grèce et en Roumanie
Avant de terminer, je crois qu’il
est également important de vous informer des derniers développements en ce qui
concerne la réception ou le rejet du « Concile » crétois par le peuple de Dieu.
Il y a eu des réponses positives,
surtout parmi les organes officiels des Eglises participantes, qui ont pris la forme de conférences et de petites causeries
sur l’importance du « Concile, » impliquant parfois les hétérodoxes. On peut
également observer une insatisfaction surprenante des partisans jugeant que « le
Concile » n’en a pas fait assez ,ou n’est pas allé assez loin dans la
reconnaissance des hétérodoxes ou en ce qui concerne les autres questions « brûlantes
» pour, principalement, les universitaires orthodoxes d’Occident. Nul doute qu’il
y aura un effort continu pour influencer les fidèles en faveur du « Concile » -
tâche difficile, étant donné que la plupart n’ont jamais ressenti que le « Concile
» les concernait.
En dépit de l’accueil officiel
positif du « Concile » en Grèce et en Roumanie, la réponse prépondérante parmi
le peuple de Dieu a été négative. Les implications du Concile crétois sont
considérables pour beaucoup dans les Eglises locales qui ont accepté le Concile.
La réponse de nombreux clercs, moines et théologiens à l’accueil favorable
réservé au « Concile » par leur hiérarchie a varié du rejet écrit et
verbal par les théologiens connus, à la grave décision par les moines et
pasteurs, de cesser la commémoration des évêques égarés.
La cessation de la commémoration
du patriarche de Constantinople qui a commencé sur le Mont Athos à l’automne de
l’année dernière, avec peut-être 100 moines y participant, s’est maintenant
propagée à plusieurs diocèses de l’Eglise de Grèce, mais aussi en Roumanie, où
plusieurs monastères et clercs cessé de commémorer leurs évêques.
Un des développements plus
importants a eu lieu il y a tout juste deux semaines. L’éminent professeur de
patrologie le protopresbytre Théodore Zisis a annoncé, le Dimanche de
l’Orthodoxie, qu’il cessait la commémoration de son évêque, le métropolite de
Thessalonique, Anthimos, à cause de son accueil enthousiaste du « Concile »
crétois et de ses textes. Par sa stature et son grand renom (il fut le
professeur de nombreux hiérarques actuels en Grèce), cette décision en a influencé
d’autres et a « bousculé » le statu quo ecclésiastique en Grèce. Cette voie a
été suivie par quatre membres du clergé sur l’île de Crète, trois monastères
dans le diocèse de Florina, du clergé et des moines dans les diocèses de
Thessalonique, de Céphalonie, de Syros, d’Andros et d’ailleurs.
En outre, il y a quelques jours,
l’archimandrite Chrysostome, higoumène du saint monastère de la Source
Vivifiante à Paros (Grèce) (où le saint staretz Philothéos [Zervakos] s’est
illustré dans la vie ascétique) a soumis au Saint-Synode de l’Eglise de Grèce
une accusation formelle historique d’hérésie contre le patriarche Bartholomée.
L’higoumène Chrysostome a demandé au Saint-Synode de reconnaître, de rejeter et
de condamner les enseignements hétérodoxes (« eterodidaskalia ») du patriarche comme étant contraires à l’enseignement
correct, de l’Eglise du Christ Une, Sainte, Catholique et Apostolique.
Il a écrit au Saint Synode :
« En vous soumettant cette
lettre, nous exposons devant le corps honorable de la hiérarchie de l’Eglise de
Grèce le scandale pour moi-même, notre fraternité, le clergé, les moines et
laïcs innombrables, causé par des vagues successives d’enseignements hétérodoxes
qui ont été exprimés à différents moments par sa Sainteté le patriarche
œcuménique, Bartholomée, le summum duquel [a été exprimé ] au Saint et Grand
Concile tenu à Colombari en Crète. »
La plainte officielle fournit 12
exemples d’enseignements hétérodoxes émis par le patriarche au cours des
dernières décennies, ainsi que 9 des canons de l’Eglise qui s’y rapportent, et elle
se termine par une liste de 13 évêques, 14 higoumènes, hiéromoines et clercs,
et 9 théologiens, que l’higoumène suggère d’appeler comme témoins favorables à
sa cause devant le Saint-Synode lorsqu’il sera officiellement appelé à défendre
son accusation.
Vos Eminences, vos Excellences et très révérends Pères,
Ceux-ci, ainsi que d’autres
développements similaires en Ukraine, Moldavie et Roumanie soulignent les pressions croissantes sur tous les
bergers de l’Eglise, enjoints de répondre patristiquement
au danger posé à l’unité de l’Eglise par le « Concile » crétois
mal planifié, mal réalisé et enfin anti-orthodoxe.
L’histoire de l’Église nous
indique clairement que cette unité inestimable en Christ existe et se développe
seulement quand tous sont « unanimes », et confessent la même foi dans l’Eglise
Une. En outre, l’histoire récente nous apprend aussi que l’accommodation ou l’indifférence,
une ecclésiologie novatrice, telles que celles exprimées en paroles et en
actes, en Crète, ne sont pas une option et conduiront seulement vers plus de
polarisation et de naufrages à gauche et à droite de la Voie Royale.
C’est dans ces mers spirituelles pleines
de récifs comme celles-ci que l’habileté du chef spirituel est testée et
confirmée, montrant que non seulement il connaît la vérité, mais qu’il est
aussi versé dans la VOIE par laquelle tous peuvent y parvenir en toute
sécurité.
Par la Providence de Dieu,
l’Eglise orthodoxe russe à l’étranger continue d’occuper une place unique dans
l’Eglise orthodoxe, d’où elle peut parler librement et même prophétiquement annoncer
la Parole de Vérité - « une parole» qui unit les fidèles, guérit les vieux
schismes et en prévient de nouveaux. L’Eglise catholique [i.e. orthodoxe] a
besoin d’elle maintenant en ces temps difficiles.
Par les prières de nos saints pères
et surtout des saints nouveaux martyrs et confesseurs, et par la sage conduite
pastorale de nos premiers pasteurs nous tous pouvons continuer dans la confession
salvatrice de la foi dans l’Eglise, de celle qui est la continuation de
l’Incarnation – pour l’édification de l’Eglise et le salut du monde ! Je vous
remercie tous pour votre attention et votre bienveillance de m’avoir écouté
aujourd'hui et je vous souhaite à tous une Pâques lumineuse et radieuse !
Père Peter HEERS
Version française Claude Lopez-Ginisty
D’après
BIBLIOGRAPHIE CHOISIE :
Γκοτσόπουλος, Ἀναστάσιος,
Πρωτοπρεσβύτερος, «Πῶς δ’ αὖθις
Ἁγία καί Μεγάλη, ἣν οὔτε..., οὔτε..., οὔτε...;»
10 Δεκεμβρίου 2016 (En grec)
Metropolitan Hiérothéos of
Nafpaktos and St. Vlassios, Intervention and Text in the Hierarchy of the
Church of Greece (November 2016) regarding the Cretan Council:
https://orthodoxethos.com/post/intervention-and-text-in-the-hierarchy-of-the-church-of-
greece-november-2016-regarding-the-cretan-council. (En anglais)
Notes:
[1] Métropolite Hiérothéos
(Vlachos), Intervention and Text in the Hierarchy of the Church of Greece (Novembre
2016, en anglais)
Concernant le « Concile de
Crête »:
https://orthodoxethos.com/post/intervention-and-text-in-the-hierarchy-of-the-church-of-
greece-november-2016-regarding-the-cretan-council. (En anglais)
[2] Ce n'est qu'une des
nombreuses innovations ecclésiologiques alarmantes introduites en Crète,
dépassées en gravité uniquement
par l'acceptation des termes contradictoires «Églises hétérodoxes». C'était,
cependant, le premier – la séparation de la conciliarité - qui a rendu possible
ce dernier - l'acceptation de l'incongruité (sinon la monstruosité) que sont
les termes «églises hétérodoxes». Cela est vrai dans plusieurs sens. Si tous
les évêques avaient voté, et pas seulement les primats, il est peu probable que
le texte choquant sur les hétérodoxes aurait été accepté. Cependant, il est
également vrai que si l'archevêque d'Athènes avait respecté le mandat clair et
conciliaire qui lui avait été conféré par sa hiérarchie, qui a voté à
l'unanimité pour refuser d'accepter le terme «Eglise» pour les hétérodoxes, il
n'aurait pas accepté la correction spécieuse et peu judicieuse.
[3] voir aussi: From the Second
Vatican Council (1965) to the Pan-Orthodox Council (2016): Signposts on the Way
to Crete: https://orthodoxethos.com/post/from-the-second-vatican- council-1965-to-the-pan-orthodox-council-2016-signposts-on-the-way-to-crete.
(En anglais)
[4] Dans un article datant de
l’époque où le patriarche œcuménique Bartholomée était encore métropolite, dans
la revue The National Catholic Reporter,
le patriarche dit la chose suivante, révélant ses intentions pour le Concile
the panorthodoxe: “ Nos buts sont les mêmes que ceux de Jean (Le pape Jean
XXIII): moderniser l’Eglise et promouvoir l’unité chrétienne... Ce Concile signifiera aussi une ouverture de
l'Eglise orthodoxe aux religions non-chrétiennes, à l'humanité dans son
ensemble. Cela signifie une nouvelle attitude envers l'islam, le bouddhisme, la
culture contemporaine, aux aspirations pour une société fraternelle libre de
discrimination raciale... En d'autres termes, il marquera la fin de 12 siècles
d'isolement de l'Eglise orthodoxe. Voir: “Council Coming
for Orthodox", interview by Desmond O'Grady, The National Catholic
Reporter, in the January 21, 1977 edition. Voir aussi :http://orthodoxinfo.com/ecumenism/towards.aspx.
(En anglais)
[5] Dans les textes du Concile de
Vatican II, les choses sont légèrement mieux exprimées. Dans Lumen Gentium, le Malin est mentionné
quatre fois, bien que dans Unitatis
Redintegratio, il ne soit pas mentionné.
[6] La seule exception à ce
dernier cas, est lorsque l’hérésie ecclésiologique du phylétisme est mentionnée
dans l’encyclique des Primats, ce qui montre bien aussi les priorités de la
réunion.
[7] See: J. S. Romanides, “The
Ecclesiology of St. Ignatius of Antioch,” The Greek Orthodox Theological Review
7:1 and 2 (1961–62), 53–77. (En anglais)
[8] http://orthodoxinfo.com/ecumenism/encyc_1848.aspx. (En
anglais)
[9] http://www.parembasis.gr/index.php/menu-prosfata-a...
(En grec)
[10]
http://www.romfea.gr/epikairotita-xronika/9264-mpa... (En grec)
[11] Cette section de ma
conférence est largement basée sur la recherche et la publication excellentes
du Père Anastasios Gotsopoulos, Recteur de l’Eglise St. Nicolas du diocèse de
Patras, en Grèce, avec sa permission.
[12] A cause de l’importance et
de la nature de ce sujet, une analyse de ce texte sera faite dans une étude
séparée.
[13] See: http://www.pravoslavie.ru/english/90489.htm.
(En anglais)
[14] Suivra mon analyse qui sera
largement basée sur celle du métropolite Hiérothéos (Vlachos) of Nafpaktos, en
Grèce.
[15] Συνοδικἀ, ΙΧ, σ. 107,
Γραμματεία Προπαρασκευής της Αγίας και Μεγάλης Συνόδου της Ορθοδόξου
Εκκλησίας, Διορθόδοξος Προπαρασκευαστική Επιτροπή της Αγίας και Μεγάλης
Συνόδου 16-28 Ιουλίου 1971, έκδ. Ορθόδοξο Κέντρο Οικουμενικού
Πατριαρχείου (en grec) Chambesy Γενεύης 1973, σ. 143, και Γραμματεία
Προπαρα-σκευής της Αγίας και Μεγάλης Συνόδου της Ορθοδόξου Εκκλησίας,
Προς την Μεγάλην Σύνοδον, 1, Εισηγήσεις, της Διορθοδόξου Προπαρασκευαστική
Επιτροπή επί των εξ θεμάτων του πρώτου σταδίου, έκδ. Ορθόδοξο Κέντρο
Οικουμενικού Πατριαρχείου Chambesy Γενεύης 1971, σ. 63. (en grec)
[16] Note du traducteur: La
version officielle dit « non orthodoxe » alors que l’original grec
dit « hétérodoxe ».
[17] « On peut penser que
l’Eglise universelle est une communion à divers niveaux de plénitude d’organismes
qui sont plus ou moins complètement des églises… C’est une communion véritable,
réalisée à divers degrés d’intensité ou de plénitude, d’organismes qui tous,
ont un véritable caractère ecclésial, bien que certains l’aient plus que d’autres », in
(Francis A. Sullivan, S.J., “The Significance of the Vatican II Declaration
that the Church of Christ ‘Subsists in’ the Roman Catholic Church,” in René
Latourelle, ed., Vatican II: Assessment and Perspectives, Twenty-five Years
After (1962– 1987) (New York: Paulist Press, 1989), 283). (en anglais)
[18] 267. Joseph Ratzinger, “The
Ecclesiology of Vatican II,” a talk given at the Pastoral Congress of the
Diocese of Aversa (Italy), Sept. 15, 2001, http://www.ewtn.com/library/CURIA/CDFECCV2.HTM.
(en anglais)
SOLIDARITE KOSOVO
Un minibus pour les écoliers de l'enclave de Novo Brdo
Pour les enfants de l'enclave de Novo Brdo, se rendre à l'école a toujours été compliqué. Un drame évité de justesse nous a poussé à trouver une solution rapide.
En octobre 2016, trois jeunes filles de l'enclave qui revenaient de l'école ont échappé de justesse à deux Albanais qui tentaient de les faire embarquer de force dans une camionnette. On ne peut imaginer sans frémir ce qui aurait pu leur arriver, et il ne fait nul doute que cette disparition n'aurait jamais été élucidée par la police.
Le choc, vous l'imaginez, a été rude dans cette région où presque chaque Serbe connait une personne ayant disparu sans laisser de traces pendant la guerre.
Immédiatement informé, le Père Serdjan s'est rendu sur place pour discuter avec les habitants de l'enclave à une solution permettant d'éviter que ce drame se reproduise, avec une issue moins heureuse. La solution retenue a été l'achat d'un minibus qui ferait chaque matin et chaque soir un circuit reliant les maisons les plus isolées pour emmener les enfant à l'école en toute sécurité.
Le minibus dans la cour du monastère de Gracanica, juste avant sa livraison aux Serbes de l'enclave de Novo Brdo.
Ce projet a été présenté à Solidarité Kosovo, qui l'a approuvé, a aidé à l'affiner (choix du minibus, détail de l'itinéraire, etc.) puis a acheté le minibus pendant le mois de février. Arnaud Gouillon, directeur de l'association, l'a officiellement inauguré lors de son séjour du début du mois d'avril au Kosovo.
Aujourd'hui, les enfants vont à l'école en toute sécurité, mais ce n'est pas tout : certains, qui devaient marcher parfois plusieurs kilomètres, arrivent maintenant bien mois fatigués en classe.
Voilà ce qu'on appelle faire d'une pierre deux coups !
L'équipe de "Solidarité Kosovo"
PS : vous pouvez retrouver ce communiqué sur notre site internet en cliquant sur l'image.
PS2 : les personnes souhaitant nous aider peuvent contribuer au développement de nos activités en nous faisant un don. Par chèque à l’ordre de « Solidarité Kosovo », BP 1777, 38220 Vizille ou par Internet en cliquant sur le lien paypal qui suit:
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FEUILLETS LITURGIQUES DE LA CATHÉDRALE DE L’EXALTATION DE LA SAINTE CROIX
Jeudi 12/25 mai
ASCENSION DE NOTRE
SEIGNEUR
Saint Épiphane, évêque de
Salamine à Chypre (403) ; saint Savin, archevêque de Chypre (Vème s.) ;
saint Polybius de Chypre, évêque de Rinokyr en Égypte (Vème s.) ; saint
Germain, patriarche de Constantinople, confesseur (740) ; saint Denis de
Radonège (1633) ; saint Jean de Valachie, martyr (1662) ; saint Pierre
(Popov) (1937) ; sainte martyre Eudocie (Martirchkine) (1938).
Lectures :
Actes I, 1-12 / Lc. XXIV, 36-53
L
|
a fête de l’Ascension ne marque pas la fin du
temps pascal. Le temps pascal, c‘est la sainte cinquantaine de jours qui suit
la fête de Pâques et qui s’achève avec le dimanche de la Pentecôte, ou plutôt
avec les huit jours de l’après-fête de la Pentecôte, qui ne forment avec le
dimanche qu’un seul jour. Le Seigneur a voulu qu’après Sa Résurrection, Sa
montée au ciel et le don de l’Esprit-Saint aux hommes, fruit de Sa session à la
droite du Père, se répartissent sur une période de temps : quarante jours
pour l’Ascension, cinquante jours pour l’envoi du Saint-Esprit. Et la liturgie
suit ces étapes du mystère de notre salut. Le Seigneur ressuscité n’a pas voulu
que nous prenions tout de suite conscience du fait que, ressuscité, Il est
assis à la droite du Père. Selon une expression chère à St Irénée de Lyon, Il a
voulu nous habituer progressivement à Sa condition nouvelle de Ressuscité. Que
veut dire cette expression : « Assis à la droite du
Père ? » Elle signifie qu’en Sa nature humaine elle-même, le Christ
est revêtu de toute la Puissance divine, de toute Sa puissance de Seigneur du
ciel et de la terre, qui Lui est communiquée par Son Père. La nature humaine du
Christ est glorifiée, elle est remplie de ce rayonnement de la nature divine,
de cette gloire de Dieu, de cette gloire que le Fils unique possédait de toute
éternité avant la création du monde, et qui se répand maintenant dans Sa nature
humaine elle-même. Et l’Apôtre Paul nous enseigne que par le baptême, non
seulement nous sommes ressuscités avec le Christ, morts au péché et ressuscités
avec le Christ, mais que Dieu nous a fait asseoir avec Lui dans les
cieux : « Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour
dont Il nous a aimés, alors que nous étions morts par suite de nos fautes, nous
a fait revivre avec le Christ – c’est par grâce que vous êtes sauvés ! –
avec Lui Il nous a ressuscités et faits asseoir dans les cieux, dans le Christ
Jésus (Éphés. II, 4-6).
Tropaire de la
fête, ton 4
|
|
Возне́слся ecи́ во cла́вѣ Христе́ Бо́же на́шъ, ра́дость сотвори́вый ученико́мъ обѣтова́ніемъ Свята́го Дýxa, извѣще́ннымъ и́мъ бы́вшимъ благослове́ніемъ, я́ко Ты́ ecи́ Сы́нъ Бо́жій, изба́витель мі́ра.
|
Tu t’es élevé dans la gloire, ô Christ notre
Dieu, réjouissant Tes disciples par la promesse de l’Esprit Saint, et les
affermissant par Ta bénédiction, car Tu es le Fils de Dieu, le Rédempteur du
monde.
|
Kondakion de la fête, ton 6
Е́же о на́съ испо́лнивъ смотре́ніе, и я́же на земли́ coeдини́въ небе́снымъ, возне́слся ecи́ во cла́вѣ Христе́ Бо́же на́шъ, ника́коже отлуча́яся, но пребыва́я неотсту́пный, и вопія́ лю́бящимъ Тя́ : а́зъ е́смь съ ва́ми, и никто́же на вы́.
|
Ayant accompli Ton
dessein de Salut pour nous, et uni ce qui est sur terre à ce qui est aux
cieux, Tu T’es élevé dans la gloire, ô Christ notre Dieu, sans nullement
T’éloigner, mais en demeurant inséparable et clamant à ceux qui
T’aiment : Je suis avec vous et personne ne prévaudra contre vous.
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Au lieu
de « il est digne en vérité », ton 5
Велича́й душе́ моя́, возне́cшагося отъ земли́ на не́бо, Xpиста́ жизнода́вца. Tя́ па́че ума́ и cловecé Ма́тepь Бо́жію, въ лѣ́то безлѣ́тнаго неизpeче́нно ро́ждшую вѣ́pніи единoму́дpeнно велича́емъ.
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Ô Toi qui es au-delà de l’entendement et de l’expression, Mère de
Dieu, Toi qui, d’une manière inénarrable, as enfanté dans le temps le Dieu
intemporel, nous, fidèles, d’une seule voix, nous Te louons.
|
Notre Père saint Épiphane naquit
vers l’an 315 (ou 308) dans une modeste famille juive du village de Bésandouch,
près d’Éleuthéropolis en Palestine. À la mort de son père, il fut adopté par un
docteur de la Loi, Tryphon, qui projetait de lui donner sa fille en mariage.
Animé depuis son enfance d’un grand zèle pour l’étude, Épiphane étudia à ses
côtés l’Écriture sainte et les institutions juives, et acquit la connaissance
de cinq langues : le grec, le latin, l’hébreu, le syriaque et le copte, chose
fort rare à l’époque. À la mort de Tryphon, il hérita de toute sa fortune. Un
jour, alors qu’il était en train de visiter ses terres et passait à cheval à
côté d’un moine chrétien, nommé Lucien, ce dernier, rencontrant un pauvre et
n’ayant pas d’argent, se dépouilla de son vêtement pour le lui donner, et
aussitôt une robe d’une blancheur resplendissante descendit du ciel pour le
couvrir. Ce signe vint confirmer l’admiration qu’Épiphane entretenait pour les
chrétiens depuis que, dans son enfance, il avait été sauvé miraculeusement par
l’un d’eux de sa monture emballée. Tombant alors aux pieds de Lucien, il le
supplia de le baptiser et de l’accepter dans l’ordre angélique. Baptisé, avec
sa sœur, par l’évêque de la cité, il distribua tous ses biens et devint disciple
de saint Hilarion, dont il suivit avec exactitude, pendant tout le reste de sa
vie, la stricte discipline ascétique. Les mystères et les figures de l’Ancien
Testament prenant tout leur sens dans la lumière du Christ, il s’adonna avec
encore plus d’ardeur à l’étude et, avide de connaître le mode de vie des moines
d’Égypte, il entreprit un long voyage dans cette terre d’élection de la vie
ascétique. Il s’informa aussi sur les doctrines professées par diverses sectes
et hérésies qui y pullulaient, rassemblant ainsi les éléments de son traité
monumental contre toutes les hérésies, qu’il rédigera au soir de sa vie. Ayant
échappé de peu aux entreprises des manichéens, il rentra en Palestine, après
quatre années, et fonda un monastère près de son village natal, qu’il dirigea
en toute sagesse pendant trente ans. Par l’invocation du Nom du Christ et grâce
à son don de clairvoyance, Épiphane chassait les démons qui tourmentaient les
villageois et certains de ses moines. Il délivra aussi la contrée d’un lion
redoutable mangeur d’hommes et il répandait largement les aumônes ; mais
c’était surtout par son charisme d’enseignement et d’interprétation des
Écritures qu’il brillait comme un astre sur toute l’Église. Ayant réalisé le
danger que représentait pour l’Église la sagesse hellénique, source des
multiples hérésies, il s’employa pendant toute sa vie à lutter pour la défense
de la vraie foi. On raconte qu’un philosophe célèbre vint d’Édesse au monastère
de saint Épiphane pour discuter des saintes Écritures. Ils débattirent longtemps
sur les mystères de la création, Épiphane tenant en main la sainte Bible et le
philosophe les écrits d’Hésiode, et bien que la lumière de la vérité fût
éclatante, ce dernier restait obstiné. Mais lorsqu’il vit Épiphane guérir un
possédé par l’invocation du Nom du Christ, renonçant à la vaine sagesse, il
demanda à être baptisé. Il fut ensuite ordonné prêtre et devint le successeur
du saint à la tête du monastère. Ayant quitté son monastère pour échapper aux
honneurs des hommes et parvenu à Chypre, où il eut la grande joie de retrouver
saint Hilarion, Épiphane accepta, sur la pression de ce dernier, d’être
consacré évêque du siège métropolitain de Constantia), vers 367. Il voyait dans
cette élévation non pas une occasion de vaine gloire, mais plutôt un moyen
d’échapper aux entreprises des hérétiques semi-ariens fort influents en
Palestine. Pendant vingt-six ans, il montra un zèle exemplaire dans le
gouvernement de son diocèse et la confirmation de la foi orthodoxe, tant à
Chypre que dans le reste du monde. De nombreux miracles vinrent confirmer de
manière éclatante ses vertus pastorales et son amour paternel pour ses
ouailles. Sa générosité et ses interventions en faveur de ceux qui étaient
victimes de l’injustice lui attirèrent toutefois la haine d’une partie de son
clergé, menée par le diacre Carin, qui l’accusa de dilapider l’argent de
l’Église. Malgré toutes les entreprises de ce dernier pour diffamer le saint,
Épiphane lui montrait toujours la même bienveillance, et Carin fut finalement
châtié par Dieu et périt misérablement. On raconte que, lorsque le saint
célébrait la Divine Liturgie, il voyait visiblement le Saint-Esprit descendre
sur les dons pour les sanctifier. Un jour, il fut privé de cette vision, à
cause de l’indignité de l’un de ses concélébrants. Après l’avoir écarté, saint
Épiphane supplia Dieu avec larmes et ne continua la célébration qu’à la suite
d’une nouvelle manifestation de la gloire divine. Très attentif à l’intégrité
morale de son clergé, le saint prélat voulait que ses clercs fussent par leurs
vertus un digne ornement pour l’Épouse du Christ ; aussi avait-il transformé
son palais épiscopal en monastère, où il menait la vie commune avec plus de
soixante-dix clercs. En 382, laissant le gouvernement de son diocèse à saint
Philon de Carpathos, Épiphane se rendit à Rome, en compagnie de saint Jérôme et
de Paulin d’Antioche, dans le but de résoudre en faveur de ce dernier le
schisme d’Antioche. Ils résidèrent dans la demeure de sainte Paule, et le
biographe du saint rapporte qu’il fit là d’éclatants miracles et guérit la sœur
des co-empereurs Arcade et Honorius. De retour à Chypre, lors d’une terrible
famine, il distribua à la population le blé qu’il avait acheté aux accapareurs,
avec de l’or reçu à la suite d’une vision. Dans son zèle pour extirper de la
théologie chrétienne toute trace d’hellénisme, saint Épiphane concentra
particulièrement ses efforts contre les doctrines d’Origène, alors très en
faveur chez les moines de Palestine. En 393, prenant la parole à Jérusalem à
l’occasion de la fête de la Dédicace de la basilique de la Résurrection, il
proclama qu’Origène était le père de l’arianisme et de toutes les hérésies. Le
soir même, le patriarche Jean, auquel Épiphane reprochait sa sympathie à
l’égard des origénistes, répliqua en attaquant les « anthropomorphistes »,
c’est-à-dire les adversaires de l’exégèse allégorique de l’Écriture, prônée par
le grand docteur alexandrin. La querelle s’envenima et prit une large ampleur,
surtout lorsque saint Jérôme se rangea aux côtés d’Épiphane contre le
patriarche Jean et son ancien ami, Rufin d’Aquilée. S’éloignant de la cité
tourmentée, Épiphane se rendit quelque temps dans son monastère
d’Éleuthéropolis, puis retourna dans son diocèse, sans pour autant abandonner
un combat, au cours duquel son caractère ardent et sa simplicité l’avaient
porté à des prises de position extrémistes. Le flambeau de la lutte
anti-origéniste passa alors à l’archevêque d’Alexandrie Théophile (401) qui,
précédemment disciple d’Origène, en était devenu un ennemi féroce et
implacable, en vue d’assouvir sa rancune contre quatre frères de noble origine
(appelés les «Longs Frères », à cause de leur haute taille) qui, préférant
l’hésychia aux dignités ecclésiastiques, avaient quitté son clergé sans
l’autorisation de Théophile pour devenir moines à Nitrie. Poursuivis par
l’archevêque, ils se réfugièrent à Constantinople, dans l’espoir d’obtenir gain
de cause auprès de saint Jean Chrysostome. Utilisant cette occasion pour
accuser saint Chrysostome, qu’il jalousait, d’être le protecteur de l’hérésie
origéniste, Théophile s’adressa à Épiphane. Mal informé de la situation et des
motifs réels de Théophile, le vieil évêque, pensant partir à la défense de
l’orthodoxie, se rendit à Constantinople, après avoir condamné l’origénisme
dans un synode des évêques de Chypre. Accueilli avec révérence par saint
Chrysostome, Épiphane refusa ces marques d’honneur ; il alla demeurer dans une
maison privée et procéda à l’ordination d’un diacre dans un monastère. Saint
Chrysostome lui fit savoir qu’il était très affligé d’apprendre que son frère
dans l’épiscopat avait agi ainsi contre les saints Canons et agitait sans
raison le peuple contre son pasteur. Saint Épiphane décida alors de prendre le
chemin du retour, afin de ne pas être davantage cause de discorde, et il quitta
la capitale. Il remit son âme à Dieu pendant la traversée (12 mai 403), après
avoir exhorté ses disciples à préserver la pureté de la foi, et à se garder de
l’attrait des richesses et de la calomnie. À l’arrivée du navire à Salamine, une
foule immense, tenant des cierges en main, accueillit son pasteur et
l’accompagna avec larmes jusqu’à l’église, où pendant sept jours une grande
partie de la population de Chypre vint le vénérer. Le culte de saint Épiphane
se répandit rapidement et son tombeau reste un des lieux de pèlerinage les plus
vénérés de l’île, dont il est le saint patron, avec saint Barnabé.