samedi 31 décembre 2016

Archimandrite Panteleimon (Staritsky): Un défenseur de l’Orthodoxie, l’Archevêque Séraphim Sobolev



 Depuis le sein de ma mère, Tu es mon Protecteur  (Ps. 70 :6)

L’antique ennemi du salut, comme s’il avait perçu  à l’avance quel puissant et implacable adversaire il aurait en la personne de Vladika Séraphim, essaya de le détruire alors qu’il était encore dans le sein de sa mère. Elle eut une grossesse extrêmement difficile et douloureuse, au point que les médecins déterminèrent qu’il fallait opérer pour extraire l’enfant morceau par morceau afin de sauver la mère. A ce moment-là, celle-ci reprit conscience et, apprenant la décision des médecins, interdit à son mari avec serment d’autoriser le meurtre de son enfant. Le matin suivant, au premier coup de la cloche de l’église, le 1er décembre 1881, elle accoucha avec succès sans aucune aide extérieure. Lorsqu’elle vit le bébé, elle s’exclama : « Oh ! quel sérieux mukhtar ! ». L’enfant fut nommé Nicolas en l’honneur de Saint Nicolas le Thaumaturge, mais sa famille l’appelait quelquefois « mukhtar », un mot apparemment sans signification, qu’il détestait terriblement. Des années plus tard, l’évêque Nestor de Mandchourie rendit visite à Vladika Séraphim à Sofia. Il lui présenta un livre de ses mémoires, dans lequel, au chapitre concernant sa visite à Jérusalem, il est dit que le mot « mukhtar » signifie « évêque » en arabe. Ainsi, sans en être elle-même consciente, sa mère  avait prédit la destinée de son nouveau-né.

Nicolas fut un excellent écolier et, après avoir suivi l’école locale de la paroisse, il entra au séminaire. Là, de la deuxième à la dernière année, il décida de consacrer sa vie Dieu. Avec des larmes, il se mit à prier avec ferveur et fit ce vœu au Seigneur : « Mon Sauveur ! Aide-moi à bien écrire mes rédactions, et je promets de devenir moine et de T’appartenir avec toutes les fibres de mon être.» Dès ce moment, ses rédactions furent toujours les meilleures de la classe.

Lorsqu’il termina le Séminaire, sa mère, considérant que sa santé était trop fragile pour qu’il étudie à l’Académie, essaya de faire en sorte qu’il devienne prêtre. A cette fin, il était nécessaire de trouver une fiancée. Aimant sa mère et ne s’opposant jamais à elle en rien, Nicolas se soumit entièrement à sa volonté et garda même le silence au sujet de son vœu de devenir moine. Ne soupçonnant rien, sa mère se mit à arranger  un mariage pour son fils, et, durant l’été, ils visitèrent plusieurs villes et villages à la recherche d’une fiancée convenable. Mais tel n’était pas le dessein de Dieu, et à chaque fois la tentative échouait, souvent de manière totalement incompréhensible. Finalement, au milieu du mois d’août 1904, elle dit : « Tous nos efforts au sujet de ton mariage et pour t’établir prêtre n’ont abouti à rien. Maintenant tu organises ton propre futur. »

« Dans ce cas, » répondit Nicolas, « allons à la cathédrale, vers notre Mère, la Reine des Cieux, auprès de son icône miraculeuse de Bogolioubski et demandons à la Mère de Dieu de me montrer elle-même le chemin de ma vie. »

Sa mère accepta volontiers. Il s’avéra que l’icône miraculeuse était retournée au village de Zimarova, où elle était habituellement gardée. Cependant, en chemin vers la cathédrale, ils rencontrèrent un ami de Nicolas, Micha Smirnov, et Nicolas lui fit part de sa difficulté. « Tu as été un si bon étudiant, ce n’est sûrement pas pour devenir un simple lecteur », dit Micha, « Tu devrais t’inscrire à l’Académie. » Lorsque Nicolas protesta qu’il était déjà trop tard et qu’il n’était absolument pas préparé pour les examens de présélection, Micha lui signala qu’à cause des travaux de rénovation les examens d’entrée à l’Académie théologique de Saint Petersbourg avaient été reportés à la fin d’août. « Tu es une personne de grande foi, » dit Micha avec emphase, « mets ton espoir en Dieu ! Le Sauveur Lui-même t’aidera. Vas-y sans préparation. »

Ces paroles inattendues de la première personne qu’ils rencontrèrent, Nicolas les pris comme la réponse de la Très Pure Mère de Dieu à sa prière, lui indiquant de manière claire et précise la voie de sa vie. Durant ce temps, il avait ressenti une joie inhabituelle en son cœur et, lorsqu’il confia cela à sa mère, elle déclara qu’elle aussi éprouvait une grande joie et ajouta : « Il est manifeste que c’est là la volonté de Dieu. Il est évident que c’est ta voie. » Nicolas se rendit alors à la bibliothèque du Séminaire et rassembla une pleine pile de livres. Durant les dix jours dont il disposait pour se préparer, il n’eut que le temps de regarder les titres des chapitres et de survoler les milliers de pages d'épais manuels de théologie. De tout cela, il n’en résulta dans sa tête qu’un chaos.

Sa mère lui donna ses derniers sous pour le voyage, avec sa bénédiction, et Nicolas se mit en route pour l’Académie.

Les examens écrits commencèrent. Le plus difficile était le premier, de logique, sur le sujet : « D’un point de vue logique, comment explique-t-on que dans des débats philosophiques, pour la même question les argumentations des deux parties puissent être diamétralement opposées l’une à l’autre ? » Ce sujet difficile était donné le premier dans le but de sélectionner immédiatement les meilleurs séminaristes venant de toute la Russie. Des soupirs se firent entendre parmi les étudiants. L’un, puis un autre, commença à se lever et à rassembler ses affaires pour rentrer chez lui. Nicolas se mit à prier avec ferveur : « Ô Seigneur, donne-moi de comprendre ce qu’il faut écrire pour un si difficile sujet. » En réponse, il entendit une voix à l’intérieur : « N’écris pas d’un point de vue logique, mais plutôt psychologique. » Il se mit aussitôt à écrire que, d’un point de vue logique, cela était impossible à expliquer, parce que les lois de la logique sont identiques. Et il développa son thème avec une approche psychologique, basée sur les paroles du Sauveur : « Du cœur procèdent les pensées ». Voilà pourquoi du cœur fier de Léon Tolstoï sortirent de faux enseignements, mais que du cœur rempli de grâce du Père Jean de Kronstadt sourdait la vérité. Nicolas s’inquiétait d’avoir pris la liberté de modifier le sujet, mais, à sa grande surprise et joie, il reçut la note 4,5 pour cette rédaction, qui fut la note la plus haute, et se plaça loin devant la multitude des 2 et des 3, et même des 1, reçus par les autres étudiants.

Après cela commencèrent les examens oraux. Le premier concernait la théologie dogmatique. Seuls deux jours étaient donnés pour la préparation. Nicolas les passa dans le grenier de l’Académie, à feuiller les pages d’épais manuels. A minuit, la veille de l’examen, il s’assit sur les escaliers menant au grenier et pleura. Durant ces deux jours, tout ce qu’il avait réussi à faire était de se convaincre que, des 150 questions, il n’en connaissait qu’une seule : « L’histoire du dogme de la Sainte Trinité », parce qu’il y avait répondu à un examen au Séminaire. En larmes, Nicolas pria : « Ô Seigneur, mon Sauveur, Toi Qui es miséricordieux et tout puissant, fais que demain la question ‘L’histoire du dogme de la Sainte Trinité’  tombe sur moi. Sinon j’échouerai, et je rentrerai chez moi en grande peine et j’affligerai ma mère. »

Avant de se rendre à l’examen le matin suivant, il alla à l’église de l’Académie, où il se prosterna devant l’icône du Sauveur et répéta sa requête. Chaque étudiant était interrogé durant une demi-heure et plus, et beaucoup d’entre eux répondirent très bien parce qu’ils avaient préparé durant tout l’été. Nicolas était anxieux, et il priait le Sauveur avec ferveur. Finalement, vers trois heures, vint son tour. Tremblant, il retourna la carte de la question et lut : « L’histoire du dogme de la sainte Trinité ». Le Seigneur avait répondu à sa prière ! Sobolev donna une excellente réponse et reçut la note de 4,75. Sa joie était sans limite en prenant conscience de l’aide divine du Sauveur.

L’examen suivant portait sur l’histoire de l’Eglise. Il y avait deux fois plus de matériel sur ce sujet que pour la dogmatique et il y avait 250 questions à préparer. En parcourant les questions, Nicolas fut consterné de voir qu’il ne connaissait bien qu’une seule question : « L’histoire de l’hérésie arienne après le concile de Nicée ». Tout comme il l’avait fait lorsqu’il se préparait pour la dogmatique, la veille de l’examen sur l’histoire de l’Eglise, il s’assit à la porte du grenier et pleura. Et, à nouveau, il se mit à prier ardemment que le Sauveur, une fois de plus, lui accordât son divin secours. « Mon Sauveur, ma Joie, » dit-il, « Toi Qui es miséricordieux et tout puissant, qu’est-ce que pour Toi de répondre à ma demande ? Tu sais que je connais qu’une seule question et que je ne connais pas les autres. Je Te prie, fais que je tombe sur la question ‘L’histoire de l’hérésie arienne après le concile de Nicée’h. Sinon j’échouerai, je rentrerai chez moi et affligerai ma mère. » De retour dans sa chambre, Nicolas s’endormit en larmes.

Le matin suivant, à l’examen, souffrant terriblement d’anxiété et de l’incertitude de son sort, il ne pouvait que répéter : « Ô Seigneur, aide-moi. Ma joie, ma Providence, aide-moi. » Lorsque Nicolas fut appelé à la table d’examen, tenant à peine sur ses jambes, il tira et retourna la carte de la question. Quelle joie il ressentit lorsqu’il lut : « L’histoire de l’hérésie arienne après le concile de Nicée » ! Il put à peine contenir son sentiment de reconnaissance envers le Sauveur, Qui lui avait si miraculeusement révélé Sa protection une seconde fois.

Sobolev répondit si bien que les professeurs décidèrent d’envoyer une lettre de remerciement au Séminaire de Riazan pour ce brillant étudiant. Et quand il retourna à sa place, les autres étudiants chuchotèrent : « Bravo, le Riazanien ! » Pour le reste des examens, Nicolas n’osa pas demander davantage la faveur du Sauveur, mais ils se passèrent bien également. Et ainsi, avec l’aide du Seigneur, Vladika entra à l’Académie de théologie sans aucune préparation. Quand Nicolas fut en quatrième année à l’Académie, l’inspecteur, l’archimandrite Théophane, lui demanda de but en blanc s’il avait l’intention de devenir moine. Nicolas, dans son humilité, se considérant indigne de l’exploit [podvig] monastique, fut tourmenté par cette question, ne sachant pas quelle était la volonté de Dieu à son égard. Afin de résoudre sa perplexité, il écrivit une lettre au Père Jean de Kronstadt, mais ne reçut pas de réponse. Il interrogea également le starets Anatole (Potapov) d’Optino, mais l’Ancien écrivit qu’il ne pouvait pas répondre à cette question sans voir Nicolas en personne. Lorsque Nicolas reçut la lettre du Père Anatole, il s’affligea encore davantage : de nulle part il ne pouvait recevoir de réponse directe indiquant la volonté de Dieu à son sujet.

 

En ce moment, il était en train de lire la vie de saint Séraphim de Sarov – le livre posé ouvert sur sa table. Tourmenté par son embarras, Nicolas se mit à arpenter sa chambre, lorsque soudain il lui vint à l’esprit : « Quelle petite foi est la mienne ! Tiens, maintenant même saint Séraphim est vivant. Il se tient devant le trône de la Sainte Trinité. Il peut maintenant même résoudre tous les problèmes et toutes les questions, si nous nous tournons vers lui avec foi dans nos prières. Je vais à l’instant aller à la table où la biographie est posée. Je me tournerai vers lui comme vers une personne vivante, me mettrai à genou et le supplierai de résoudre mon dilemme : dois-je me marier et devenir prêtre, ou dois-je devenir moine ? »

Et Nicolas fit simplement cela. Se prosternant, avec une prière il ouvrit le livre et lut : « Un certain novice de l’ermitage de Glinsk, hésitant excessivement au sujet de sa vocation, vint dans ce but à Sarov pour demander le conseil du Père Séraphim. Tombant aux pieds du saint, il le supplia de résoudre la question vitale qui le tourmentait :’Est-ce la volonté de Dieu pour lui et son frère Nicolas qu’ils entrent au monastère ?’ Le saint starets répondit au novice : ‘Sauve-toi et sauve ton frère !’ »  Nicolas prit ces mots de saint Séraphim comme une révélation divine de Dieu qu’il devait devenir moine, ce qui, de fait, était le désir de son cœur. Dès ce moment, il considéra le monachisme non seulement comme le chemin de sa vie, ordonné par Dieu, mais également comme la voie de son frère Micha (qui par la suite devint l’archimandrite Serge).

Quand le moment de sa tonsure approcha, on demanda à Nicolas quel nom il voudrait recevoir. Il dit que, dans la mesure où un moine doit renoncer à sa volonté propre dès le tout début, il était désireux d’accepter quel que nom qu’on lui donnerait. « Bien, mais prends garde à ne pas te fâcher si tu reçois un vilain nom », lui dit l’inspecteur, l’archimandrite Théophane. Il se révéla ensuite qu’on avait décidé de lui donner le nom de Dosithée. Mais il en advint autrement. La veille de la prise d’habit, le recteur de l’Académie, l’évêque Serge, qui était censé le tonsurer, alla dîner avec le marchand Rubakhin. Les deux jeunes filles de Rubakhin se mirent à demander au recteur quel nom il allait donner au nouveau moine. En entendant que ce devait être Dosithée, elles le supplièrent de le changer, non seulement en un autre, mais en le plus beau possible.

De retour dans sa calèche, l’évêque Serge se souvint tout à coup que lorsqu’il avait été présent à l’ouverture des reliques de saint Séraphim, il avait fait le vœu à ce saint que, s’il devenait recteur de l’Académie de théologie de saint Petersbourg, il nommerait Séraphim le premier étudiant qu’il tonsurerait. Il décida donc d’appeler Nicolas de ce nom en l’honneur du grand saint de Sarov. Pendant la cérémonie, lorsque Nicolas entendit : « Notre frère Séraphim tond les cheveux de sa tête », il tressaillit de surprise et fut rempli d’un grand amour et de reconnaissance envers Saint Séraphim, en pensant : « Il ne m’a pas seulement révélé la volonté de Dieu que je devienne moine, mais il a bien voulu me prendre sous sa direction remplie de grâce ».

En embrassant le monachisme, le nouvellement tonsuré  Séraphim se donna au jeûne strict et à la prière incessante. Ainsi, depuis le jour de sa prise d’habit jusqu’à sa mort même, Vladika ne mangea pas de viande. Durant de nombreuses années, il ne mangea qu’une fois par jour.

Ayant obtenu son diplôme près du sommet de sa volée, le Père Séraphim enseigna une année dans un collège de prêtres avant d’être nommé superviseur assistant de l’école diocésaine de Kaluga. Là, les élèves aimaient beaucoup le Père Séraphim, spécialement les petits des premiers degrés, qui avaient quitté leurs parents pour la première fois et pleuraient d’être séparés de leur mère. Avec son cœur aimant, le Père Séraphim devinait immédiatement la cause du chagrin des enfants et les consolait. Tous les jours, pendant les heures libres et spécialement durant les jours fériés, il allait vers les groupes des plus jeunes et engageait avec eux des discussions édifiantes, surtout à partir des vies des saints. Les enfants devinrent très attachés à ce directeur bon et affectueux qui comprenait si bien leur cœur. Il était leur premier ami, et leur médiateur, et également une tendre mère. Lorsque, durant ses heures libres, le Père Séraphim passait dans les couloirs, les élèves des différentes classes sortaient en courant, chacun essayant de l’attirer dans sa salle de classe. « Viens vers nous, Batioushka, viens vers nous ! » criaient-ils, rivalisant pour attirer son attention. Le Père Séraphim essayait de leur rendre visite à tous et de les inspirer par ses paroles. Lorsqu’après deux ans et demi, le hiéromoine Séraphim fut transféré à Kostroma, la douleur des enfants fut indescriptible. Ils pleurèrent à chaudes larmes. Le jour du départ, certains refusèrent de manger, et ils retournaient sans cesse auprès de lui pour lui adieu, et à chaque fois le Père Séraphim remettait en souvenir et consolation des petites icônes, des croix, ou quoi que ce fût qu’il avait sous la main.

Alors qu’il était encore à Kaluga, Vladika se déplaça souvent à l’ermitage d’Optino, où il rendit visite aux startsi Anatole, Barsanuphe et Joseph. Le Père Anatole le traitait avec un amour particulier et était son père confesseur.

En 1910, durant les vacances de Noël, le Père Séraphim décida d’aller rendre visite à sa mère, à Permyshl. Sa mère en fut enchantée, mais s’inquiéta de savoir comment elle allait nourrir son fils préféré. Elle s’inquiétait pour sa faible santé et aurait fortement voulu le faire grossir, mais il ne mangeait pas de viande et il n’était pas possible de trouver du poisson en ville durant l’hiver. Après avoir prié ardemment devant l’icône de Saint Nicolas le Thaumaturge, elle revêtit une touloupe et sortit dans la rue. Bientôt apparut un homme marchant de l’autre côté de la rue et elle l’appela : « Etes-vous pêcheur ? » « Je le suis. Qu’y-a-t il ? » « Eh bien, dans quelques jours mon fils, qui est moine, va venir me rendre visite. Il ne mange pas de viande, seulement du poisson. Alors, allez à la rivière et attrapez du poisson pour lui, et je vous paierai autant que vous le voulez. » « Vous croyez qu’on peut attraper du poisson maintenant, ma brave dame ? Tiens ! Il fait moins 25°c. Tous les poissons sont descendus au fond. » Mais la mère de Vladika insista : « Mon fils priera pour vous. » L’homme finalement accepta. Il se rendit à la rivière Oka, où il passa environ une heure à casser la glace d’un mètre d’épaisseur. Puis, se signant et priant comme la femme lui avait indiqué, il jeta le filet dans le trou, en disant : « Ô Seigneur, pour l’amour de ton serviteur, le Père Séraphim, envoie un poisson. » A peine le filet était-il descendu que quelque chose se prit dedans, et l’homme retira une énorme brème argentée qu’il apporta aussitôt à la mère de Vladika. Au comble de la joie, la mère lui offrit de l’argent, mais il resta inflexible dans son refus : « Allons, allons, ma brave dame, je n’ai besoin de rien, tiens ! Ce fut une pêche miraculeuse. Dites à votre fils de prier pour le serviteur de Dieu, Pierre. » Et il partit.

En 1912, le hiéromoine Séraphim fut nommé recteur du séminaire de Voronège. A l’époque, ce séminaire était dans des conditions précaires en qui concerne la discipline. Peu après son arrivée, il eut une discussion avec tous les séminaristes, et il remarqua que les élèves indisciplinés se moquaient de lui sans crainte d’être repris. Le soir, l’inspecteur apporta au recteur une liste des fauteurs de trouble et proposa de les expulser sans délai. Le Père Séraphim prit la liste et dit qu’il s’occuperait lui-même des coupables. Pendant ses heures libres, il se mit à les convoquer un par un dans son bureau ; il leur parla affectueusement et usa de persuasion. Comme résultat, il obtint d’eux des larmes sincères de repentance et une promesse de se corriger. En un an, Vladika avait tellement transformé le séminaire qu’il était considéré par l’inspecteur du Synode comme le meilleur du pays.

Le premier octobre 1920, le jour de la fête de la Protection de la Très Sainte Mère de Dieu, dans la cathédrale de Simferopol, l’archimandrite Séraphim fut consacré évêque. Ce fut un grand réconfort pour lui qu’en cette occasion, par les voies insondables de la Providence divine, le grand trésor sacré de Russie, l’icône miraculeuse de la Mère de Dieu du Signe, de Koursk, fût présente dans la cathédrale.

Peu après cela, à sa grande douleur, Vladika dut quitter son pays natal. Il passa quelque temps à Constantinople, avant de se déplacer en Bulgarie où, en août 1921, il fut nommé directeur des communautés monastiques russes orthodoxes de là-bas.

A vivre dans un constant effort ascétique, à cause de l’abstinence et des difficiles conditions de vie, Vladika contracta la tuberculose. En dépit de sa grave maladie, il prit soin de son troupeau avec une réelle ferveur pastorale. Il célébrait fréquemment et faisait des sermons trois fois par semaine, appelant son troupeau à la repentance, et à un amendement rempli par la grâce, et à la plus basique des vertus chrétiennes, l’humilité. Particulièrement remarquables étaient ses sermons le Dimanche du Pardon, alors que, après son exhortation, de nombreuses personnes qui se querellaient depuis des années se demandaient réciproquement pardon avec des larmes.

En tant qu’évêque, Vladika Séraphim, fit le tour des paroisses russes dans les provinces, et visita les écoles russes. Ses paroles, et sa chaleureuse et aimante personnalité, laissaient partout une durable impression remplie de grâce. Bien que dans des conditions matérielles difficiles, Vladika prenait également soin des Russes pauvres et malades. Pour certains, il prenait en charge une hospitalisation, d’autres, il les plaçait dans des homes pour invalides, pour certains, il obtenait des pensions, d’autres, il les nourrissait chez lui, et d’autres encore, il les installait dans son monastère. Il ne négligea pas davantage les moines russes indigents du Mont Athos. Il forma un comité pour récolter de l’aide en leur faveur et, dans ses sermons, exhortait les paroissiens à offrir des dons pour cette œuvre sainte.

En 1934, Vladika fut élevé à la dignité d’archevêque. Doué spirituellement depuis ses premières années et constamment engagé dans un fougueux combat contre les passions, Vladika, alors qu’il était un relativement jeune évêque, atteignit de grandes hauteurs spirituelles. Plusieurs de ses enfants spirituels ont rapporté des cas de sa clairvoyance, qui se manifestait même à de longues distances. Par sa pureté angélique, Vladika reçut du Seigneur le don de déceler les plus subtiles déviations de la vérité chrétienne orthodoxe. Il veillait sur la vie chrétienne orthodoxe et était sa conscience, où que ce soit. Là où il remarquait de l’irrégularité, il la dévoilait sans compromis, ne craignant pas de souffrir pour la vérité. Comme résultat, il produisit des oeuvres théologiques inestimables.

Le plus grand travail de Vladika fut la réfutation de l’hérésie du théologien parisien, l’archiprêtre Serge Boulgakov, pour laquelle il reçut, en 1937, une maîtrise en théologie. Il se hâtait d’achever ce travail dans un certain délai, lorsqu’il tomba malade avec de la fièvre. Il implora la Mère de Dieu à l’intercession pieuse de Laquelle il avait eu recours toute sa vie, la suppliant de le guérir. Et que se passa-t-il ? La température de Vladika baissa instantanément et il put terminer son travail dans les temps impartis.

Vladika épanchait tout son amour pour le Sauveur dans ses ouvrages théologiques, défendant avec ferveur les vérités de l’Orthodoxie. « Mes livres sont mon sang » déclarait-il. Et, en vérité, il donna sa vie pour le Christ dans le combat contre les hérétiques, n’épargnant pas ses forces, ni sa santé brisée. Vladika travaillait constamment la nuit. Ceci fâchait son frère, l’archimandrite Serge, tout comme moi-même, au vu de sa faible santé. Le sachant Vladika rédigeait en cachette. Le soir, il se couchait et, quand tout le monde s’était endormi, il se levait et continuait d’écrire, prenant avantage du calme de la nuit, considérant qu’il était de son devoir pastoral de défendre la vérité. Ce n’est pas par hasard que le Seigneur a appelé Vladika dans l’autre monde le jour où la Sainte Eglise célèbre le triomphe de l’Orthodoxie et ses défenseurs.

En conclusion, je rapporterai ce que Vladika dit à ses enfants spirituels, avant sa mort : « Si je trouve de l’audace devant le Seigneur, je ne vous quitterai pas » et, de fait, la nuit suivant ses funérailles, Vladika apparut en rêve à l’un de ses fils spirituels, un moine, et dit : « Pourquoi pleures-tu ? Je ne suis pas mort, je suis vivant ! »

Et nous croyons que dans les demeures du Paradis, « là où les justes jouissent du repos », il prie pour nous et que nous pouvons nous adresser à lui avec nos peines comme à une personne vivante, et qu’il nous entendra et nous aidera toujours. A nouveau, je me permettrai de vous remémorer les paroles sorties du cœur aimant de notre Vladika, qui consacra sa vie pour son troupeau qui lui avait été confié par Dieu : « Je ne suis pas seulement votre père, mais également votre mère. »

Gardons à jamais dans nos cœurs ces mots de réconfort de notre inoubliable archipasteur. Amen.
 
Tiré de « Un mot en souvenir », 
prononcé le premier anniversaire du repos de l’archevêque Séraphim, 
le 13/26 février 1951.
Source : www.roca.org/OA  
traduction hypodiacre Pierre

vendredi 30 décembre 2016

Saint Joasaph de Belgorod



A cette époque, j’étudiais à l’Académie Théologique de Saint Petersbourg.
J’avais beaucoup de connaissance, mais pas de foi véritable.

Des cérémonies en rapport avec l’ouverture des reliques de Saint Joasaph eurent lieu, et j’y assistai de mauvaise grâce, en pensant aux énormes foules de gens assoiffés d’un miracle.
Comment des miracles pourraient-ils avoir lieu de nos jours ?

Je vins là, et quelque chose me remua : je vis une chose à laquelle on ne peut pas rester indifférent. Il y avait là des malades et des infirmes de toute la Russie – il y avait tant de souffrance et de douleur que cela était difficile à regarder.
De plus, l’attente générale de quelque chose de miraculeux se transmettait à moi, malgré mon scepticisme envers la cérémonie qui allait avoir lieu.

Finalement, le Tsar arriva avec la Famille impériale et la célébration commença. A ce moment, je me tenais avec une profonde anxiété : je ne croyais pas, et pourtant j’attendais que quelque chose se passât. Il est maintenant difficile d’imaginer cette vision : des milliers et des milliers de personnes malades, tordues, estropiées, possédées, et aveugles, se tenaient et gisaient des deux côtés de la route, là où les reliques du Saint devaient passer.
Un infirme, en particulier, attira mon attention : on ne pouvait l’observer sans un frisson. Toutes les parties de son corps avaient grandi ensemble – il était comme une sorte de boule de chair et d’os reposant sur le sol. J’attendis : que pouvait-il se produire pour un tel homme ? Qu’est-ce qui pouvait l’aider ?

Puis le cercueil contenant les reliques de Saint Joasaph fut sorti.

Je ne vis jamais et probablement ne verrai jamais à nouveau une chose comme celle-là : quasiment tous les malades, se tenant ou gisant le long de la route, furent guéris – les aveugles se mirent à voir, les sourds à entendre, les muets à parler, à pleurer et à sauter de joie, les parties infirmes des corps s’étirèrent et guérirent. Je regardais tout ce qui se passait avec crainte, tremblement et vénération – et ne perdais pas cet infirme particulier de vue.

Lorsque le cercueil contenant les reliques arriva à sa hauteur, ses bras s‘ouvrirent, un terrible craquement se fit entendre dans ses os, comme si quelque chose se déchirait et se cassait à l’intérieur de lui, il se mit sur ses pieds avec effort – et finalement se tint debout ! Quel choc j’éprouvai ! Je courus vers lui les larmes aux yeux, puis, attrapant un journaliste par le bras, le suppliai d’écrire ce qui était arrivé…

Je revins à Saint Petersbourg un autre homme – un croyant.

 Source : Holy Trinity Orthodox Mission. 
Traduction hypodiacre Pierre