samedi 5 avril 2014

Etre confesseur en Christ





Le jour où vous êtes  d'une certaine façon dans la peine, que ce soit dans le corps ou dans l'esprit, pour l'amour de tout homme, qu'il soit bon ou mauvais, considérez-vous comme un martyr ce jour-là, et comme quelqu'un qui souffre pour l'amour du Christ et qui mérite le nom de confesseur. Car souvenez-vous que le Christ est mort pour les pécheurs, et non pour les justes. Voyez à quel point c'est une grande chose que de se soucier des hommes méchants et de faire du bien aux pécheurs, plus encore qu'aux justes!

Saint Isaac le Syrien, 

Exposé du métropolite Hilarion de Volokolamsk à l’université de Fribourg



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Au cours d’un séminaire qu’il animait le 24 mars 2014 à la faculté de théologie de l’université de Fribourg (Suisse), le métropolite Hilarion a tenu une conférence dans laquelle il proposait des commentaires théologiques au document adopté par le Saint Synode de l’Église orthodoxe russe intitulé : « Position du Patriarcat de Moscou sur la question de la primauté dans l’Église universelle ».
  1. Le thème de la primauté dans l’Église universelle est un des problèmes clés de l’ecclésiologie chrétienne, au même titre que les thèmes de la conciliarité (sobornost’) et de l’unité de l’Église. Dans l’histoire de la réflexion théologique sur la primauté, le thème du primat du pape, formulé par l’Église catholique romaine, a longtemps dominé. La doctrine orthodoxe de la primauté dépendait donc fortement de cette discussion et se présentait principalement sous la forme d’une polémique anti-papiste. Au XX siècle, la situation a changé : des tentatives de développement positif, et non plus polémique de la question de la primauté dans l’Église se sont fait jour dans la théologie orthodoxe. Ces tentatives ont engendré un débat théologique sur la primauté dans le milieu orthodoxe. A l’heure actuelle, le thème de la primauté est l’une des principales questions dans le processus préparatoire panorthodoxe préconciliaire. Il est au cœur des échanges théologiques orthodoxes-catholiques.

La dernière synaxe des Primats des Églises orthodoxes locales, qui s’est déroulée à Istanbul du 6 au 9 mars a démontré l’importance pratique des thèmes de la primauté et de la conciliarité au niveau panorthodoxe. Les chefs des Églises orthodoxes locales ont décidé en commun de convoquer le Concile panorthodoxe pour 2016, si aucune circonstance imprévue ne vient l’empêcher. Il est capital d’ajouter que les décisions prises pendant le Concile panorthodoxe le seront suivant le principe du consensus. Ainsi, aucune Église ne se trouvera en minorité et aucune décision qui ne conviendrait pas, ne serait-ce qu’à une seule des Églises locales, ne pourra être prise.

Le Concile sera présidé par le premier entre égaux, le Patriarche de Constantinople. Il sera dans le même temps entouré des Primats des Églises orthodoxes locales de façon que l’image rendue par le Concile panorthodoxe ne rappelle pas celle d’un concile catholique où le Pape préside, tandis que les évêques siègent dans la salle. La primauté du Patriarche de Constantinople au Concile sera le reflet de la doctrine orthodoxe sur l’Église : les Églises orthodoxes locales sont présidées par des primats égaux en dignité, patriarches, métropolites ou archevêques.

  1. En quoi la dernière synaxe a-t-elle été importante pour la discussion sur la primauté dans l’Église ? Elle a établi un certain consensus théologique formulé durant les années de la préparation du Concile panorthodoxe. Ce consensus consiste dans la reconnaissance de l’importance pour l’Église de la primauté au niveau universel. Cependant, la question des formes et du contenu de cette primauté, perçue différemment suivant les traditions locales, restent à discuter. La question du rapport entre primauté et conciliarité reste également à définir.

Si ces thèmes sont discutables, c’est parce qu’il n’existe pas aujourd’hui de modèle ecclésiologique permettant de formuler ces questions de façon à contenter toutes les Églises orthodoxes locales. La polémique soulevée dans la pensée théologique orthodoxe le démontre clairement.

A la différence de la triadologie et de la christologie, la doctrine de l’Église n’est pas un domaine de la Tradition ecclésiale à avoir reçu en concile une définition terminologique et dogmatique normative. Aujourd’hui, l’ecclésiologie fait l’objet d’études théologiques. Les théologiens proposent des approches et des modèles différents, dont les méthodologies s’accordent mal. Ils polémiquent, et aucune unité n’a pour le moment été atteinte. Ceci concerne des concepts ecclésiologiques différents, mais liés entre eux comme la primauté et la conciliarité.

Un dialogue sur le rapport entre primauté et conciliarité se poursuit dans le cadre de la Commission internationale mixte sur le dialogue théologique entre l’Église orthodoxe et l’Église catholique romaine. Cependant, ces derniers temps, une des différentes approches possibles de la question du rapport entre primauté et conciliarité a commencé à prendre le pas sur les autres. Il s’agit des idées théologiques du métropolite Jean Zizoulias de Pergame. La contribution personnelle du métropolite Jean au développement de la théologie orthodoxe est considérable, et son ecclésiologie mérite indubitablement d’être étudiée. Mais la domination d’un point de vue au détriment des autres, porte atteinte au dialogue théologique lui-même, dans la mesure où il ferme l’espace à toute discussion.

L’Église orthodoxe russe, en tant que membre de ce dialogue grâce aux efforts de la Commission synodale biblique et théologique, a élaboré le document intitulé « La Position du Patriarcat de Moscou sur la question de la primauté dans l’Église universelle ». Ce document propose un point de vue théologique des questions discutées dans le contexte du dialogue théologique orthodoxe-catholique. Le document a été adopté par le Saint Synode de l’Église orthodoxe russe pendant ses réunions des 25-26 décembre 2013. La rédaction d’un tel document souligne l’importance du dialogue théologique orthodoxe-catholique pour l’Église orthodoxe russe, et celle des questions qu’il aborde.

  1. Que propose donc l’Église orthodoxe russe dans son document sur la primauté ? Je m’arrêterai à quelques-unes des positions clés, selon moi, de ce document qui pourrait avantageusement contribuer à l’avancée du dialogue sur la primauté, tant dans le cadre de la Commission mixte, qu’au-delà.

Avant tout, j’aimerais souligner que le document précise le consensus auquel sont parvenues les Églises orthodoxes locales sur l’importance de la primauté au niveau universel. Le document ne se contente pas de ne pas nier la primauté au niveau universel, il dit qu’à l’heure actuelle cette primauté « appartient au Patriarche de Constantinople en tant que premier entre égaux des Primats des Églises orthodoxes locales » (paragraphe 2.3). Le document dit aussi que « le contenu de fond de cette primauté est défini par le consensus des Églises orthodoxes locales, exprimé partiellement lors des conférences panorthodoxes préparatoires au saint et grand Concile de l’Église orthodoxe » (5). C’est ce qu’a démontré, notamment, la synaxe d’Istanbul.

Le document commence par affirmer que « dans la sainte Église du Christ, la primauté appartient en tout à son chef, notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ, Fils de Dieu et Fils de l’Homme » (1). Toutes les autres formes de primauté dans l’Église qui accomplit « son cheminement historique en ce monde, sont secondaires par rapport à la primauté éternelle du Christ comme chef de l’Église » (1).

La primauté telle qu’elle s’est historiquement constituée dans l’Église, est examinée dans le document à trois niveaux d’organisation ecclésiale : le diocèse, l’Église orthodoxe locale et l’Église universelle. Cette structure est empruntée au document de la Commission mixte « Conséquences ecclésiologiques et canoniques de la nature sacramentelle de l’Église », plus connu sous le nom de document de Ravenne[1], qui décrit également trois niveaux d’organisation ecclésiale. Ce document n’a pas été ratifié par l’Église orthodoxe russe pour la partie sur la primauté dans l’Église universelle. « La position du Patriarcat de Moscou » explique pourquoi cette partie du document de Ravenne a parue inacceptable à l’Église orthodoxe russe.

En comparant les deux documents, on peut découvrir une différence. Dans le document de Ravenne, la primauté dans l’Église est envisagée aux niveaux local, régional et universel. A notre avis, cette partition ne correspond pas tout à fait aux principes de l’organisation ecclésiale en vigueur dans l’Église orthodoxe contemporaine. Le principe de primauté régionale s’applique au système des métropoles antiques. Cependant, l’Église orthodoxe actuelle est organisée autrement : elle comprend le territoire canonique d’une Église locale autocéphale (que, suivant la logique de son organisation interne, on peut considérer comme l’héritière de la métropole antique), et une diaspora, où fonctionnent des paroisses et des diocèses situées dans la juridiction d’Églises locales autocéphales.

La primauté au niveau régional décrite dans le document de Ravenne s’applique aux Églises locales autocéphales uniquement dans le cadre de leur territoire canonique. Cependant, à l’égard de la diaspora, l’introduction du niveau régional fausse la réalisation réelle de la primauté sur ces territoires. Pour chaque unité ecclésiale de la diaspora (diocèse, paroisse), le primat est celui de l’Église autocéphale locale à laquelle appartient cette unité ecclésiale, et non l’évêque de l’Église locale autocéphale étant le premier sur les dyptiques dans cette région concrète de la diaspora.

Dans le document de l’Église russe, la primauté n’est pas envisagée au niveau régional, mais au niveau de l’Église locale autocéphale, ce qui correspond mieux à l’organisation actuelle de l’Église orthodoxe.

L’affirmation théologique centrale du document est que « À différents niveaux de l’être ecclésial, la primauté qui s’est constituée historiquement, a une nature distincte et des sources distinctes » (2).

a)      Au niveau du diocèse, la primauté appartient à l’évêque. Elle tire sa source de « la succession apostolique transmise par l’ordination » (2.1) dont le rite comprend l’élection, l’imposition des mains et la réception par l’Église. En tant que successeur des apôtres, l’évêque institué à ce ministère par la consécration épiscopale célèbre l’Eucharistie et préside l’assemblée ecclésiale.
En célébrant l’Eucharistie, il manifeste l’image du Christ « représentant, d’une part, l’Église des fidèles devant la face de Dieu le Père et transmettant aux fidèles, d’autre part, la bénédiction divine, leur donnant les nourriture et boisson spirituelles véritables du mystère eucharistique » (2.1). L’évêque, en personne ou par ceux auxquels il a donné sa bénédiction, reçoit les nouveaux membres dans l’Église par les sacrements du baptême et de la chrismation. Dans son diocèse, il est l’ordonnateur des ministères ecclésiaux du fait du charisme d’autorité qui lui a été communiqué par la consécration épiscopale. La primauté de l’évêque dans le diocèse est sacramentelle par nature.
b)      Au niveau de l’Église locale autocéphale, la primauté appartient « à l’évêque, élu en qualité de Président de l’Église locale par son assemblée des évêques » (2.2). La source de la primauté est ici l’acte de son élection par l’assemblée de l’Église autocéphale. Le Primat exerce son ministère de primauté conformément aux traditions canoniques communes exprimée dans le 34e canon apostolique (2.2).

Les pouvoirs du Primat de l’Église locale autocéphale sont définis par le Concile et fixés dans les Statuts. Il ne dirige pas l’Église autocéphale de façon individuelle, mais en collaboration avec les autres évêques (2.2). La primauté du primat de l’Église autocéphale est conciliaire par nature.

c)       Au niveau universel, « la primauté est définie conformément à la tradition des saints diptyques et revêt un caractère honorifique » (2.3). La source de la primauté est la tradition de l’Église, fixée dans les saints diptyques et reconnue par toute les Églises locales autocéphales (2.3), c’est-à-dire un consensus panorthodoxe sur le primat, appuyé sur la tradition des diptyques.

La tradition des diptyques remonte aux canons des conciles (3e canon du II Concile œcuménique ; 28ecanon du IV Concile œcuménique, 36e canon du VI Concile). Mais les canons ne font que fixer le consensus sur la primauté d’honneur qui existait dans l’Église au moment de leur adoption. Dans ces canons, la primauté appartient à l’Église de Rome, la seconde place accordée à l’Église de Constantinople tient au fait que ce siège se trouvait dans la capitale de l’Empire (« la ville de l’empereur et du synclète » dit le 28e canon du IV Concile).
Après la rupture avec l’Église de Rome, la primauté n’a pas été transmise à la chaire de Constantinople automatiquement, dans la mesure où les règles canoniques n’avaient pas envisagé cette procédure, mais il y avait un consensus panorthodoxe sur le fait que dans cette situation nouvelle, la primauté appartenait à Constantinople. Après la chute de l’Empire byzantin, ce consensus a perduré, bien que Constantinople eût cessé d’être la ville de l’empereur orthodoxe (et donc les raisons invoquées par le 28e canon n’existaient plus). Aujourd’hui, il n’y a pas de consensus panorthodoxe sur la question des diptyques, mais il y en a un sur les cinq premiers sièges : Constantinople, Alexandrie, Antioche, Jérusalem et Moscou.

A la différence du primat d’une Église autocéphale, le premier hiérarque œcuménique, le premier en dignité, n’est pas élu en tant que tel par un Concile panorthodoxe et pour cette raison ne dirige pas l’Église universelle, dans la mesure où il n’a pas été revêtu de semblables pleins-pouvoirs par l’épiscopat.

La primauté ayant une nature et des sources différentes suivant les niveaux d’organisation ecclésiale, « les fonctions du primat à différents niveaux ne sont pas identiques et ne peuvent être transférées d’un niveau à l’autre » (3).

« Le transfert des fonctions du ministère primatial depuis le niveau épiscopal au niveau universel, signifie en fait la reconnaissance d’un type particulier de ministère, celui d’un « pontife universel », disposant d’une autorité didactique et administrative dans toute l’Église universelle » (3) La reconnaissance d’une autorité semblable annule l’égalité sacramentelle de l’épiscopat et amène l’apparition de la juridiction d’un primat universelle, dont ne parlent ni les saints canons, ni la tradition patristique. La conséquence en est une dépréciation de l’autocéphalie des Églises locales.

« À son tour, l’extension de la primauté qui est propre au primat d’une Église locale autocéphale (selon le 34è canon apostolique), au niveau universel attribuerait au primat dans l’Église universelle des pouvoirs spéciaux sans recourir à l’accord à ce sujet des Églises locales orthodoxes. Un tel transfert du concept de la primauté depuis le niveau local jusqu’au niveau universel nécessiterait également le transfert de la procédure y relative de l’élection de l’évêque préséant au niveau universel, ce qui impliquerait alors la violation du droit de l’Église locale autocéphale primatiale, selon lequel elle peut élire son primat. » Le primat universel devrait alors être élu entre tous les membres de l’épiscopat de l’Église orthodoxe par un Concile panorthodoxe.

  1. La position exposée dans le document du Patriarcat de Moscou sur la différence de nature et de sources de la primauté aux différents niveaux de l’organisation ecclésiale a été critiquée. Le métropolite Elpidophore de Prousse notamment, dans son article « Primus sine paribus » a écrit que le document de Moscou faisait de la primauté « quelque chose d’extérieur et donc d’étranger à la personne du premier hiérarque. » Il propose, au contraire, de considérer que tout institut ecclésial « est toujours hypostasié dans une personne » et que la source de la primauté aux trois niveaux d’organisation ecclésiale est le premier hiérarque lui-même.

La théologie du métropolite Elpidophore s’appuie sur l’approche ecclésiologique personnaliste du métropolite Jean (Zizoulias). Je n’examinerai pas le contenu strictement théologique de l’article du métropolite Elpidophore, et me contenterai de remarquer qu’il va beaucoup plus loin que le métropolite Jean. Selon l’ecclésiologie du métropolite Jean, seule une église locale peut être « hypostasiée » dans la personne, dans la mesure où cette « hypostasion » est liée à l’Eucharistie, toujours célébrée dans un lieu donné. Le ministère de l’évêque, suivant Zizoulias, a une double source : eschatologique (en tant qu’alter Christus) et historique, dans la succession apostolique (en tant qu’alter apostolus). On ne peut donc dire ici que le premier hiérarque soit la source de sa primauté.

Dans l’article du métropolite, un hiérarque orthodoxe affirme pour la première fois que le Patriarche œcuménique n’est pas le primus inter pares, mais le « primus sine paribus », autrement dit qu’il s’élève au-dessus de tous les Primats des Églises orthodoxes locales, de la même façon que le pape de Rome. Le problème ici ne tient pas tant à ce que cette ecclésiologie est mauvaise en soi, qu’à ce qu’elle ne correspond pas à la Tradition bimillénaire de l’Église orientale : elle contredit en particulier la polémique contre le papisme romain qu’ont menée durant des siècles les théologiens orthodoxes.

Certes, dans le contexte du dialogue orthodoxe-catholique, une tentative de rapprochement des modèles ecclésiologiques occidental et oriental peut se justifier. Mais si cela doit impliquer le rejet d’une partie de sa propre tradition, l’adaptation artificielle d’un modèle à l’autre, l’Église orthodoxe doit élever la voix pour défendre sa conception ecclésiologique. Pour l’instant, seule l’Église orthodoxe russe l’a fait, mais je suis certain qu’au moment de la convocation de l’assemblée plénière de la Commission mixte pour le dialogue orthodoxe-catholique, prévue pour septembre 2014, le consensus autour de la position exprimée dans le document de l’Église russe sera beaucoup plus large qu’il peut sembler aujourd’hui. Je prévois que la réunion de septembre de la Commission mixte ne se terminera pas par la signature du document sur la primauté sur lequel la commission travaille depuis plusieurs années, dans la mesure où ce document (actuellement sous embargo) s’écarte assez radicalement de la position orthodoxe.

J’aimerais souligner encore une fois que l’Église russe non seulement ne met pas en doute la primauté du Patriarche œcuménique dans la famille des Églises orthodoxes locales, mais lui accorde aussi une grande importance, ce qui s’exprime notamment dans notre volonté de participer de façon constructive à la préparation du Concile panorthodoxe. Mais nous sommes convaincus de ce que ce Concile doit manifester au monde le modèle orthodoxe d’organisation ecclésiale. C’est pourquoi nous insistons sur le fait que le président du Concile, le Patriarche œcuménique, « premier entre égaux », doit siéger entouré de ses confrères, les Primats des Églises orthodoxes locales, et non pas séparément sur un trône spécialement préparé.

Je reviens à l’idée énoncée au début de mon exposé : aujourd’hui l’ecclésiologie fait l’objet d’études théologiques. Des modèles et des approches méthodologiques différents coexistent sur la doctrine de l’Église. Et aucun d’entre eux ne peut pour l’instant prétendre à l’universalité. C’est pourquoi nous poursuivons le dialogue théologique. Dans cette situation, il faut tenir compte d’approches différentes et aspirer à réaliser une synthèse théologique sur la base de leur analyse et d’une réflexion.

En publiant sa position sur la primauté, l’Église orthodoxe russe a déclaré son attachement à une discussion publique. Nous espérons que notre document sur la primauté ouvrira une nouvelle page du dialogue théologique dans lequel il y a place pour une critique responsable et constructive, mais d’où doit être exclue toute confrontation inutile et dangereuse.

Eglise orthodoxe russe
[1] Les conséquences ecclésiologiques et canoniques de la nature sacramentelle de l’Église. Document de la Commission internationale pour le dialogue théologique entre l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe. Ravenne, 2007.

Haïjin Pravoslave (CCCXXVI)


La fraternité
C'est l'adoption reconnue
Des hommes en Dieu

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

vendredi 4 avril 2014

Les nouveaux martyrs des Sakalines


The walls of the cathedral. February 9, 2014
Sous les murs de la cathédrale/ 9 février 2014

Le dimanche 9 février, l'Eglise orthodoxe russe a célébré la mémoire des saints nouveaux martyrs et confesseurs de Russie, ceux qui ont trouvé la mort au cours de la période soviétique aux mains des athées, ou plus exactement des anti-théistes, des gens qui "sont en guerre contre Dieu." 

Tandis que les chrétiens orthodoxes, non seulement en Russie, mais dans le monde entier participaient à des offices et chantaient les louanges de ces justes d'un passé relativement récent, ils ne se doutaient pas que deux autres Russes orthodoxes en Extrême-Orient russe allaient mourir ce jour-là, d'une manière qui ne peut être appelé que martyre. 

Qui étaient ces deux martyrs, et qu'est-ce qui a motivé le jeune homme que tout le monde décrit comme un garçon russe ordinaire, impossible à distinguer de toute autre personne dans l'église, jusqu'à ce qu'il ouvre le feu sur les fidèles assemblés là ? 

Youjno-Sakhalinsk



Youjno-Sakhalinsk, ou Sakhalinsk du Sud, est la plus grande ville sur l'île de Sakhaline en Extrême-Orient russe. Le climat est très froid en hiver, avec des étés modérés et brumeux. Peuplée à l'origine par des prisonniers russes pendant l'époque tsariste, elle a été perdue au Japon après la guerre russo-japonaise de 1905, avec la partie sud de l'île. La défaite du Japon dans la Seconde Guerre mondiale l'a forcé à céder à nouveau le territoire à l'Union soviétique, et bien que la question de la propriété ait de nouveau surgi depuis l'effondrement de l' URSS, le territoire fait toujours partie de la Fédération de Russie. 

Il est riche en ressources naturelles, à savoir le pétrole et le gaz, mais bien que cela ait apporté la croissance économique, la majorité de la population est pauvre, et la région autour de la ville a le plus haut taux de criminalité juvénile de toute la Russie. 

L'Eglise orthodoxe russe est dans cette région, à l'origine habitée par les peuples autochtones d'Extrême-Orient, depuis la fin du 19ème siècle, quand l'Empire russe a commencé à y envoyer des missionnaires. 
Sakhaline était l'endroit où les prisonniers étaient envoyés, et les églises furent construites dans les villes et villages qui ont résulté de cette présence. Youjno-Sakhalinsk a également commencé son existence en tant que colonie de prisonniers en 1882, appelée Vladimirovka à l'époque.

La période soviétique a vu toutes les églises de Sakhaline détruites ou utilisées à d'autres fins profanes. Avec la chute du régime soviétique, l'Eglise orthodoxe russe a de nouveau commencé son travail de missionnaire sur l'île, à la fois pour les peuples autochtones, et pour la population russe. La première église construite au cours de cette période a été consacrée à sainte Xénia de Pétersbourg en 1989, et en 1990, le Métropolite Pitirim de Volokolamsk a consacré la fondation de la cathédrale de la Résurrection du Christ à Youjno- Sakhalinsk. 

La construction a été achevée et la cathédrale a été ouverte en 1995. Depuis, une dizaine d'églises ont été construites sur l'île, avec des écoles du dimanche et des centres d'éducation religieuse. 

Parce que la population russe de Sakhalinsk est largement transitoire, il n'était pas facile d'y faire revivre la vie orthodoxe. Vladyka Daniel (Dorokhov), maintenant Métropolite d'Arkhangelsk, a été envoyé à Sakhaline depuis la Laure de la Sainte Trinité-Saint Serge lorsque le nouveau diocèse de Sakhaline et des îles Kouriles fut formé, et la plupart des travaux eut lieu pendant son temps en tant qu'évêque de ce diocèse. En un temps relativement court, cependant, beaucoup a été fait pour établir la vie de l'église à Sakhaline. 

Bien que les gens de Sakhaline soient pour la plupart bien disposés envers l'Eglise orthodoxe, et que ses programmes sur l'île n'aient apporté que du bon, il y a certaines personnes qui n'aiment pas le fait que les gens se tournent vers Dieu. L'Ennemi de l'humanité est particulièrement mécontent de la construction d'églises et de l'éducation religieuse de ces gens presque oubliés. Cela a été exprimé avant même l'attaque du 9 février. 
En Août 2012, par exemple, les satanistes ont vandalisé la cathédrale et l'église dédiée à Saint-Innocent de Moscou, illuminateur de l'Alaska et du Kamtchatka. Pendant la nuit, ils ont profané les églises avec des phrases et des symboles sataniques. 

Bishop Tikhon of Yuzhno-Sakhalinsk and Kuril
Evêque Tikhon de Youjno-Sakalinsk et des Kouriles

L'évêque Tikhon de Youjno-Sakhalinsk et des Kouriles a commenté cet incident qui a secoué l'île alors. 
J'ai reçu les nouvelles de ce vandalisme avec douleur - douleur pour la maladie spirituelle et morale présente dans notre société. Ces actes blasphématoires témoignent de ce que, malheureusement, des attaques sont faites à nos valeurs morales et spirituelles fondamentales; [c'est] une attaque contre tout ce qui nous défendons. Bien sûr, je suis désolé pour ces personnes, et je suis triste de ce qu'ils font. Je suis convaincu qu'ils ne savent pas ce qu'ils font. Que Dieu accorde qu'ils reviennent à la raison, et comprennent qu'ils ne peuvent pas faire tanguer le bateau dans lequel tous les peuples du monde sont assis. 

Le recteur de l'église, l'archiprêtre Victor Gorbach, a déclaré: 
Nous avons déjà vécu une guerre contre les églises. Au début du XXe siècle, notre peuple s'est détruit avec des slogans semblables à ceux-ci. Je suis triste pour ces gens. Après tout, on ne se moque pas de Dieu, et ils se détruisent. Dans l'Écriture sainte, il y a ces paroles: Si un homme pèche contre un autre homme, Dieu le jugera, mais s'il pèche contre l'Éternel, qui priera pour lui? (1 Samuel 2:25) Si les gens peuvent donner un sens à cela, et faire une évaluation correcte de ce qui s'est passé, notre société aura un avenir. 
Il y a eu d'autres attaques de vandalisme par les satanistes contre des églises sur Sakhaline depuis, mais cette haine satanique de l'Eglise orthodoxe est devenue particulièrement évidente ​​le dimanche de saints nouveaux martyrs et confesseurs de Russie, le 9 février 2014 quand un jeune homme du nom de Stepan Komarov, un néo-païen, est entré dans la cathédrale de la Résurrection du Christ à Youjno-Sakhalinsk et a commencé à tirer sur les gens. 

C'était un jour plein de grâce, beaucoup de personnes avaient assisté à la Liturgie ce matin-là pour recevoir la Communion et féliciter l'évêque Tikhon pour son élévation au rang épiscopal. Ils avaient servi un pannikhide pour les personnes tuées par les communistes pendant les années de persécution contre l'Eglise. 

Heureusement, la plupart des gens avaient déjà quitté l'église quand Komarov est entré. C'était comme lors des années révolutionnaire, quand les gens faisaient irruption dans les églises avec des fusils. On tira sur les icônes, et une balle frappa même l'autel dans le sanctuaire. C'est ainsi que la moniale Hilariona, qui sert également à la cathédrale, a décrit la scène. 
Six personnes furent grièvement blessées, et un certain nombre d'autres ont subi des blessures mineures. Cependant, tous ceux qui furent hospitalisés en sont sortis depuis. Il semble que l'ampleur de l'attaque ait été prise par deux personnes: la moniale Ludmila (Pryachnikova), et un homme nommé Vladimir Zaporojets. 

La moniale Hilariona, qui connaissait bien Mère Ludmila, décrit l'événement (1): "Matouchka se tenait derrière le comptoir de vente des cierges, et c'est là qu'elle est tombée. Je ne sais pas si elle a eu la possibilité de fuir quand la fusillade a commencé. La seule chose que je puis dire, c'est qu'elle a été l'une des premières à recevoir un coup: le comptoir des cierges se trouve à droite, juste que vous entrez dans la cathédrale. 
Je ne sais pas si elle a eu l'occasion d'échapper à son destin. Mais même si ce fut le cas, quand un homme fait irruption dans l'église avec un fusil, quelle est la première pensée d'une moniale? Sauver les gens. 
Sur le territoire de notre cathédrale il y a un centre éducatif-spirituel. Il y a une porte d'entrée là-bas, et l'écclésiarque de notre cathédrale et son assistant se trouvaient être là à l'époque. 
Dès qu'ils ont entendu les coups de feu, ils ont couru directement à la cathédrale. Un des novices, Alexis, a commencé à retirer les blessés, et ils étaient nombreux. Ceux qui n'avaient été que légèrement blessés ont été amenés en autobus au centre de traumatologie, mais ceux qui ne pouvaient pas marcher sans aide (ils étaient pour la plupart blessés aux jambes) ont été amenés rapidement dans l'église inférieure. Cet homme a sorti de nombreuses personnes au risque de sa propre mort. Il a fait beaucoup. 
Je suis arrivée lorsque le tireur avait été déjà arrêté. Vladyka était dans le bâtiment de l'administration diocésaine situé à quelque distance de la cathédrale, et n'a donc pas entendu les coups de feu… 

La moniale Ludmila

Nun Liudmila (Pryashnikova)
Moniale Ludmila

On a tiré sur le visage de la moniale Mère Ludmila (Pryachnikova). Ce fait témoigne de son courage et de son intrépidité face à ce danger soudain, car les experts légistes ont noté dans leur étonnement plus tard, la réponse instinctive est d'essayer de lever les mains pour se couvrir le visage, mais Mère Ludmila ne l'a pas fait. 
La moniale Hilariona décrit son caractère: "Matouchka était un exemple pour tous. On rencontre rarement une telle personne, magnanime, chaleureuse et aimante comme elle. Elle montrait son christianisme par son mode de vie. 
Nous n'avons pas beaucoup de moniales ici, mais Matouchka était l'une des meilleures. La lumière du Christ qu'elle portait en elle-même ne peut pas être décrite par des mots…
Je n'ai probablement jamais rencontré une telle personne, aussi gentille et aussi aimable dans ma vie. Elle était unique. La chose la plus incroyable pour moi, c'est ce parallèle: comme moniale, elle a quitté ce monde le jour des nouveaux martyrs et confesseurs de l'Église russe, et elle fut tonsurée dans la mantia en l'honneur de la nouvelle martyre Ludmila Petrova(2). Ceci est un fait très important. Je crois qu'elle est au Paradis - la scène du martyre et son mode de vie ne laissent aucun doute à cet égard…" 
Le Seigneur a probablement choisi la meilleure des moniales. Ceci est mon opinion subjective. Elle avait la qualité rare de ne jamais entrer en conflit avec personne. Je ne me souviens pas d'un seul exemple de dispute avec quiconque, pour essayer de prendre le dessus, ou d'essayer de se faire une place pour elle-même sous le soleil… Une telle chose n'a jamais été. Elle portait son obéissance pacifique, avec humilité et amour, et avec une telle dignité qu'elle était un exemple pour tous. C'était une vraie chrétienne. 

Vladimir Zaporojets 
L'autre personne tuée ce jour-là était Vladimir Zaporojets. On sait peu de choses de la vie de ce second héros. Les autres jours, les paroissiens le voyaient debout à l'extérieur de l'église comme beaucoup de gens de la rue qui demandent souvent l'aumône. Il était apparemment sans-abri, mais en fait, sa mère vit non loin de la cathédrale, et on ne sait pas pourquoi il ne vivait pas avec elle. 
Quand il a entendu les coups de feu, Vladimir a couru dans la cathédrale. Il a commencé à supplier le tireur d'arrêter, debout  face à lui. Pour cela, il a reçu quatre blessures par balle, d'abord dans les pieds, et enfin une blessure fatale au corps et à la tête. Comme l'ont dit des témoins oculaires, il a sauvé quatre personnes. Il a volontairement pris les balles à leur place, et on pourrait certainement dire que Vladimir Zaporojets a donné sa vie pour le bien des autres. 

Stepan Komarov 


Stepan Komarov


Le meurtrier, Stepan Komarov, est né en 1989, et il a été employé par une entreprise de sécurité. Il était un soi-disant "néo-païen", avec la haine de l'Eglise orthodoxe. Quand il est entré dans l'église, personne ne l'a remarqué même jusqu'à ce qu'il commence à tirer. 
L'auteur Serge Khoudiev (3) décrit cette personne et ce qui l'a conduit à cet acte: Le motif du tueur était suffisamment transparent: haine envers le christianisme et les chrétiens. Ses victimes ont été tuées (ou blessées), non pas parce qu'elles se trouvaient tout simplement  là, et non pas parce qu'elles l'avaient personnellement offensé, mais parce qu'elles étaient chrétiennes orthodoxes. 
Nous connaissons, et nous nous souvenons des Nouveaux Martyrs; nous savons que même maintenant, dans de nombreux pays du monde, les gens sont cruellement persécutés pour leur foi en Christ. Mais de nos jours en Russie, nous avons pris l'habitude de penser que l'Eglise est l'endroit le plus sûr sur terre. Les gens y viennent prier Dieu et c'est précisément ce qui a mis en colère Stepan Komarov au point d'assassiner. 
Komarov a apparemment été attiré par le néo-paganisme... Maintenant, on le dit soit athée, soit néo-païen, et il est vraiment difficile de donner un sens à sa vision du monde. Il semblerait qu'un homme qui est prêt à commettre un tel crime doit avoir une certaine pensée réfléchie et des motifs de souffrance [pour agir ainsi]. Il doit avoir une sorte de vision du monde, une certaine profondeur, une vue sur le monde mais corrompue; certaines profondeurs sataniques impérieuses. 

Cependant, il semble qu'il n'y ait pas de profondeur, c'est juste le vide… 

Sa page de réseau social contenait principalement des blagues vulgaires, des liens vers des sites d'athéisme scientifique, et des sites de néo-paganisme.

Le mépris pour les gens et l'incapacité de respecter qui que ce soit... Et en arrière-plan, la haine de l'Église. Non pas parce que l'homme avait des idéaux ou des convictions, que l'Église en quelque sorte entravait, mais tout simplement par haine… 

Oui, Stepan Komarov a agi seul, personne ne lui a donné un ordre. Les organisations anti-chrétiennes qui luttent contre l'Eglise d'une manière réfléchie et systématiquement, ont certainement existé; par exemple, le parti bolchevique ou la SS. Il en est même certaines qui existent aujourd'hui. Mais nous voyons la guerre contre l'Église non pas simplement comme l'action de certaines organisations de défense, mais comme un combat spirituel, sur ce qui est écrit dans les évangiles: "Car nous ne luttons pas contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes des ténèbres de ce monde, contre les esprits du mal dans les lieux célestes (Ephésiens 6:12 )." 
Il y a une conspiration mondiale contre l'Église, et il y a les états-majors d'où les commandes sont donnés, mais ces états-majors ne sont pas faits de personnes. Ils sont faits d'esprits mauvais. 
Nous sommes habitués au mot "esprit," ou "spirituel" comme signifiant quelque chose,  comme le gaz, à moitié réel, comme un nuage de brouillard qui pourrait se développer en une minute. Mais c'est une terrible erreur, le monde spirituel n'est pas moins réel que la matière, et il a un effet très réel sur ce qui se passe dans le monde. 
Les destins du monde, des pays, des peuples et des individus sont d'abord décidés à ce niveau spirituel. En dernière analyse, toutes les guerres et conflits dans le monde n'ont de sens que dans la mesure où ils sont pris en compte dans le processus de cette Grande Guerre: "Ils l'ont vaincu par le sang de l'Agneau et par la parole de leur témoignage; et ils n'ont pas aimé leur vie jusqu'à craindre la mort" (Apoc. 12:11)… 

Ceux qui gagnent cette guerre ne sont pas ceux qui tuent, mais ceux qui gardent leur foi en Dieu jusques à la fin. Et sur ​​la tombe de la moniale Ludmila, et sur ​​la tombe de Vladimir résonne invisible le chœur triomphant: "Ils l'ont vaincu par le sang de l'Agneau et par la parole de leur témoignage ; et ils n'ont pas aimé leur vie jusqu'à craindre la mort." 

L'histoire de nouveaux martyrs de Russie n'est pas terminée. Nous ne le savons pas, peut-être cela ne fait-il que commencer. Mais la mort sacrificielle de Mère Ludmila et celle de Vladimir, le jour même où l'Eglise orthodoxe russe dans le monde entier a célébré la mémoire des nouveaux martyrs et confesseurs de Russie, est un signe clair qu'il y a encore de telles personnes parmi nous. 


Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

***
NOTES:


(2) La nouvelle martyre Ludmila Petrova (26 février 1879- 27 septembre 1937) est né à Rostov, et a travaillé toute sa vie comme professeur d'artisanat. Le 15 novembre, elle a été arrêtée et accusée d'être "membre d'un groupe d'Église monarchiste anti-communiste" qui a organisé des collectes pour les objectifs du groupe. Elle a été condamnée à trois ans d'exil. En 1936, elle a de nouveau été arrêtée et accusée d'avoir eu une correspondance avec le Métropolite Joseph (Petrovy) et de lui avoir envoyé de l'aide. Elle a été condamnée à trois ans d'exil au Kazakhstan, où elle a été détenue dans un camp de prisonniers. Au Kazakhstan, elle a de nouveau été arrêtée pour activité contre-révolutionnaire, ce qu'elle a nié. Le 28 août 1937, elle a été condamnée à mort, et le 27 Septembre 1937, Ludmila Petrov a été exécutée près de la ville de Chimkent. 

Haïjin Pravoslave (CCCXXV)


La Bible demeure
En Son Amour de l'humain
Mémoire de Dieu

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

jeudi 3 avril 2014

Les saintes reliques du saint et bienheureux Fol-en-Christ Gabriel ( Ourguébadzé) transférées au couvent de Samtavro

Monk-Confessor Gabriel (Urgebadze)

Le mardi 1er Avril, les saintes reliques du Père Gabriel (Ourguébadzé) doivent être transférées de la cathédrale de la Sainte-Trinité (Sameba) à Tbilissi au  couvent de Samtavro, où ce grand staretz fut enterré en 1995 et où, le 22 février 2014 ses reliques ont été inventées. Le Patriarche-Catholicos Ilia II de toute la Géorgie a informé le peuple à ce sujet dans son sermon dominical, le dimanche 30 mars, rapporte InterPressNews

Le 1er Avril à 01h00, les reliques de saint Gabriel seront transférées au couvent de Samtavro. La découverte des reliques du saint Confesseur Gabriel, le "fol-en-Christ" a eu lieu le 22 février en Géorgie. 

Les reliques du vénérable père ont été placées dans la cathédrale de la Transfiguration du couvent de Samtavro. A midi, un service de prière y a été célébré, qui a été dirigé par le Catholicos-Patriarche Ilia II avec les hiérarques et le clergé géorgien concélébrant. 

Le 23 février les reliques du saint ont été transférées à la cathédrale Svetitskhoveli de Mtzkheta. 

Depuis le 24 Février les saintes reliques ont été conservées à la cathédrale de la Sainte Trinité. Il était prévu que les reliques du saint resteraient à la cathédrale Sameba pour une semaine, mais en raison d'un afflux incroyable de fidèles, désireux de vénérer les reliques de leur staretz bien-aimé, le Patriarcat de Géorgie a pris la décision, "de prolonger le séjour des reliques de Saint Confesseur Gabriel (Ourguébadzé) le "fol-en-Christ" à la cathédrale Sameba pour un supplément de plusieurs semaines." 

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après


Père Gabriel de sainte mémoire



Invention des reliques du saint
Photos
ICI
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Acathiste au saint 
(en français)

Haïjin Pravoslave (CCCXXIV)



Toutes les sagesses
Ne valent pas la folie
De l'Amour de Dieu

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)



mercredi 2 avril 2014

Jacques Merlinot: l'honneur de la presse française


La vie secrète de Jacques Merlino dévoilée da - 16088348.jpg


Hommage à Jacques Merlino

Comme chaque année depuis treize ans, de nombreux amis des Serbes et de la vérité historique se sont réunis, le 28 mars dernier, pour commémorer la honteuse agression de l’Otan contre la Serbie. Cette manifestation se tenait cette année à la librairie des éditions L’Age d’Homme, où elle revêtait un caractère doublement mémoriel du fait de la disparition de Vladimir Dimitrijevic, fondateur de ces éditions, à qui l’on doit d’avoir maintenue vivante cette flamme du souvenir. L’un des ateliers (littéraires, géopolitiques, etc.) qui composaient cette soirée était consacré à la présentation du nouveau livre de Jacques Merlino, Profession reporter, en présence de l’auteur. À cette occasion, Maurice Pergnier a prononcé l’allocution que nous reproduisons ci-dessous :

La circonstance qui nous réunit ici – c’est-à-dire la commémoration du début des bombardements de la Serbie le 24 mars 1999 – m’incite tout naturellement à évoquer un autre livre de Jacques Merlino, livre qui a connu un destin très particulier et tristement instructif. On a compris, bien sûr, que je parle du livre Les vérités yougoslaves ne sont pas toutes bonnes à dire, paru en octobre 1993 chez Albin Michel, avec une préface du général Gallois. C’était plusieurs années avant que le feu du ciel ne soit déchaîné contre la Serbie ; mais, comme on sait, l’agression militaire avait été longuement préparée par le bombardement intensif des mots et des images meurtrières qui mettaient la Serbie au ban du monde occidental et de la civilisation.

Presque seul dans le monde des médias, Jacques Merlino s’était interrogé sur le bien fondé de cette extraordinaire diabolisation, et sur le manichéisme qui attribuait la totalité des torts aux Serbes, dans un conflit que le bon sens aurait dû inciter à considérer comme complexe, dans ses causes comme dans ses développements sur le terrain. Il avait enquêté directement et, en vérifiant les sources, il avait mis le doigt sur un nombre important d’assertions totalement mensongères et fabriquées à des fins propagandistes. Mieux, il en désignait les sources (qui, soit dit au passage, se cachaient à peine de pratiquer la désinformation !). Je suppose que, ce faisant, il pensait ne faire qu’appliquer les règles élémentaires de son métier de journaliste. Comme la plupart d’entre nous, sans doute pensait-il qu’une fois un certain nombre de subterfuges révélés, la raison reprendrait ses droits, et que le reste de la presse approfondirait ses enquêtes. La suite devait lui apporter un cinglant démenti, puisque ce fut son livre (et conséquemment lui-même) qui fut, à son tour, diabolisé. Il fallut se rendre à l’évidence : effectivement, les vérités yougoslaves n’étaient pas bonnes à dire !

Tous ceux qui, comme lui, s’y sont essayés l’ont constaté à leurs dépens : leurs écrits ont été soit vilipendés, soit recouverts d’un épais silence (les éditions l’Age d’Homme sont particulièrement bien placées pour en témoigner !). Mais la foudre s’est abattue plus violemment sur le livre de Jacques Merlino que sur les autres, sans doute parce qu’il appartenait lui-même au monde des médias, et que si son livre avait bénéficié de l’audience qu’il méritait, il risquait d’ébranler de l’intérieur l’édifice bétonné du discours convenu. Au vu de l’accueil fait à son livre, on a très vite compris que toute information divergente devait absolument être décrédibilisée si on ne parvenait pas à l’étouffer. Dans la presse de l’époque, on serait en peine de trouver une présentation un tant soit peu favorable de ce livre, à l’exception de celle de notre regretté ami Paul-Marie de la Gorce dans le Monde diplomatique. Pour le reste, ce fut à la fois dénigrement et étouffement. On n’a pas le souvenir, non plus, qu’un mouvement de solidarité se soit manifesté à l’égard de Merlino, ne serait-ce que pour faire respecter les droits élémentaires du journaliste à l’erreur de bonne foi.

A l’époque, Jacques Merlino avait lui-même qualifié l’emballement des médias sur la question Yougoslave de « Tchernobyl de l’information ». La formule ne manquait pas de justesse. Toutefois, évoquer Tchernobyl, c’était suggérer que, si abominable que fût la chose, il s’agissait d’un accident. Or, au vu de ce qui s’est passé ensuite, il est malheureusement de plus en plus difficile de croire à l’accident, l’application délibérée de stratégies de désinformation apparaissant de plus en plus patente. On en veut pour preuve, d’une part, le fait que ces techniques on été appliquées à peu près à l’identique dans les guerres dites d’  « ingérence humanitaire » et « révolutions oranges » qui ont suivi la crise yougoslave ; et d’autre part, le fait que, concernant la guerre de mots et d’images qui a été faite à la Serbie, bien que la fausseté d’un grand nombre des allégations fabriquées de toute pièce pour diaboliser ce pays soit maintenant un secret de Polichinelle, nos médias continuent imperturbablement de les répéter comme des vérités d’évangile.

Si j’y reviens ici longuement, ce n’est pas seulement pour honorer l’auteur qui nous fait l’amitié d’être parmi nous ; c’est parce que le sort qui a été réservé à son livre est particulièrement exemplaire d’un état de fait qui s’est instauré, et qui ne concerne pas seulement les évènements de Yougoslavie, mais soulève beaucoup plus largement la question des relations de nos médias avec la politique internationale. C’est un marqueur d’époque qui mérite d’être médité dans toutes ses dimensions. Pour faire bref : il marque l’avènement d’un monde dans lequel l’information a contracté un mariage quasi incestueux avec la désinformation. Que ce mariage soit d’amour ou de raison, libre ou forcé, c’est une question dont nous pourrons peut-être débattre avec Jacques Merlino… Quoi qu’il en soit, on a pu constater que les méthodes appliquées pour détruire la Yougoslavie, et qui se caractérisent par le fait d’assujettir l’information à la propagande pour intervenir militairement dans les affaires d’un État, ont été largement reproduites depuis, avec la même réussite, que ce soit en Irak, en Libye ou présentement en Syrie (pour ne citer que les cas les plus saillants). La grande différence, il faut cependant le rappeler, c’est que, dans les derniers cas cités, la diabolisation vise desdirigeants alors que, dans l’affaire yougoslave, elle prenait pour cible l’ensemble d’un peuple, pratique particulièrement odieuse sur le plan éthique.

Je rappelle que, à l’époque où le livre a été écrit, il ne s’agissait encore que des démêlés des Serbes avec les Croates et les Slovènes, et que la manipulation du réel n’a fait que croître et embellir avec les développements en Bosnie et au Kosovo. Cependant, tous les ingrédients en étaient déjà en place et révélés par le livre de Merlino. Je ne crois pas que ce dernier ait eu une compétence particulière sur les affaires balkaniques : cela veut dire que n’importe quel journaliste qui voulait s’en donner la peine aurait pu faire les mêmes constatations que lui.

On conçoit bien que ce ne sont pas nos gens de médias qui sont à l’origine de cette monstrueuse désinformation, mais des stratèges politiques. Mais ce qui laisse pantois encore aujourd’hui, c’est, d’une part, l’incroyable complaisance avec laquelle les gens de médias s’en sont faits la caisse de résonance et l’ont alimentée ; et d’autre part, leur refus obstiné de prendre le réel en considération quand il était mis devant leur nez. On reste stupéfait que ce mimétisme continue de régner dans la quasi-totalité des médias.

La plupart de ceux qui sont ici ont probablement lu ce livre en son temps et sont probablement au fait des avanies professionnelles qu’il a values à son auteur. Je ne rappellerai donc que succinctement ce qu’il en est. Parmi les révélations de l’enquête menée par Jacques Merlino, je n’en évoquerai que deux particulièrement saillantes : la première, l’interview de ce responsable d’une agence de communication américaine avouant ingénument qu’il propageait de fausses nouvelles pour le compte des séparatistes croates, et déclarant sans états d’âme que ce n’était pas son affaire de savoir si ce qu’il diffusait était véridique ou non. La deuxième, l’intoxication de la communauté juive américaine pour qu’elle établisse un parallèle entre les camps de concentration de la deuxième guerre mondiale et de prétendus camps de concentration en Yougoslavie, et pour qu’elle impose l’équation : serbe = nazi.

On se serait attendu à ce que les faits décrits dans le livre, même s’ils allaient à l’encontre de l’information dominante – je devrais dire : surtout parce qu’ils allaient à l’encontre de l’information dominante ! – soient pris en considération sérieusement et discutés. Le contenu de ce livre n’était en effet ni militant ni polémique. Il se situait très explicitement sur le terrain de l’information, une information qui se présentait elle-même comme le résultat d’enquêtes sur le terrain. Les faits énoncés étaient vérifiables et donc potentiellement réfutables ou confirmables par quiconque voulait s’en donner la peine. Or, au lieu de la prise en considération et de la discussion, ouvertes à l’éventuelle réfutation, on assista à un véritable lynchage médiatique, accompagné de ce qui avait toutes les apparences d’une censure, aussi sournoise qu’efficace. Du jour au lendemain, il devint impossible de trouver le livre en librairie. Par toutes sortes de canaux souterrains, on propagea l’idée que l’auteur était à la solde de la propagande serbe, qu’il faisait l’apologie des crimes perpétrés par ces derniers, qu’il était une sorte de « négationniste » dont l’ouvrage ne méritait pas qu’on le mît entre les mains des lecteurs. Lui-même fut, comme on dit vulgairement, « mis au placard » dans la profession. Du jamais vu depuis le stalinisme !

Cela m’amène à soulever une première question : peut-on imaginer qu’un tel déchaînement contre un journaliste essayant de faire normalement son métier en démêlant le vrai du faux soit simplement le résultat d’un aveuglement général ? Ce refus de prendre le réel en considération, quand il est présenté avec des éléments de preuve, serait déjà en soi un symptôme fort inquiétant de l’état du monde journalistique. Mais devant l’uniformité quasi unanime des réactions et leur virulence, n’est-on pas en droit de soupçonner un mot d’ordre circulant souterrainement et poursuivant des objectifs bien éloignés du souci d’information ?

La deuxième question qui se pose avec acuité est : comment est-il possible, dans un pays comme la France, que l’ensemble d’une profession soit mise ainsi en condition, et que l’information dans son ensemble devienne un trou noir au sein duquel aucune lumière ne peut pénétrer ? La réponse à cette question, évidemment, ne concerne pas que la presse ; c’est tout l’édifice de la démocratie qui est en jeu.
Maurice PERGNIER