samedi 27 février 2010

Le cheminement secret d'un chef amérindien Mohawk vers l'Orthodoxie (II)




Takwaién:a karonhiá:ke tehsí:teron
Aiesahsén:naien
Aiesawenniióhstake
Aiesawennaráhkhwake nonhwentsiá:ke
Tsi ní:ioht né karoniá:ke tiesawennaráhkhwa
Takwá:nont né kenwénte
Niationnhéhkwen, nia'tewenhniserá:ke
Sasa'nikónr:hen né ionkwarihwané:ren
Tsi ní:ioht ní:'i tsonkwa'nikór:henhs
Bothé:nen ionkhi'nikonhrasksá:tha nón:kwe.
Nok tóhsa aionkwa'shén:ni né karihwané:ren
Akwé:kon é:ren shá:wiht né io'taksens
Asekenh í:se sáwenhk né io'taksens
Asekenh í:se sáwenhk né kanakeráhsera'
Ka'shatstenhsera, kaia'tanehrakwáhtshera
Tsi nienhén:we e'thó naiá:wen


Beaucoup de temps s'était écoulé, lorsque je décidai de lui rendre visite à nouveau. Cette fois, j'y suis allé avec deux de mes amis dans une petite voiture. Equipés de magnétophones et de microphones, nous sommes partis par un matin ensoleillé pour son village de Caughnawaga. Il avait suggéré que l'on se rencontre à la station de radio des Indiens car il était animateur à la radio depuis plusieurs années, et il nous avait promis des promenades et des conversations sur leur territoire.

Nous l'avons trouvé à la station de radio du village, avec des écouteurs sur les oreilles, faisant la lecture de la prière du matin dans chaque langue indienne. Puis en français et en anglais. Naturellement son auditoire n'a pas... pu détecter qu'il faisait le signe de croix orthodoxe.

Nous avons attendu avec respect qu'il ait fini... Il a enlevé son casque et s'est approché de nous ... Il était plus bavard que d'habitude, et plein d'entrain.

- Que voudriez-vous que je vous dise? A-t-il demandé chaleureusement. Et que pourriez-vous jamais avoir eu envie d'apprendre de moi?

- Dis-nous ce que tu veux, a répondu Gregory. Disons, par exemple, quelque chose sur ton peuple, tes fêtes, ta mission...

- Tu vas trop vite, interrompit-il. Une chose à la fois. Eh bien, mon peuple ...

Il lui a fallu un certain temps pour formuler sa réponse. Il était assis dans un fauteuil, mais a estimé qu'il n'était pas confortable pour lui... il l'a abandonné et s'est assis sur le porche avec nous... il préférait être sur le même plan que nous...

"Mon peuple est simple, comme sa nourriture. Le chef de la tribu est un homme, mais il est élu par le conseil des femmes agées de la tribu. Tous nos rituels de groupe ont lieu dans la "longue maison". Elle a deux portes. Les hommes entrent par la porte de l'Est et les femmes par celle de l'Ouest. Il s'agit d'un édifice simple, comme le sont la plupart de nos rituels. Lors de nos mariages, la bénédiction des anciens fait partie intégrante du rituel. Au cours de nos funérailles, tant pour les hommes que pour les femmes, lorsqu'ils sont amenés dans la "longue maison" ils entrent par des portes distinctes, mais la tête du défunt fait toujours face à l'Est. Après neuf jours, nous préparons le repas de funérailles, mais sans sel... "

Tout à coup il se leva brusquement, parce que le disque qu'il avait choisi pour être joué à la radio était bloqué. Il a mis un autre disque, a fait une annonce, et il est revenu vers nous...

"De quoi parlait-on? Ah, oui! Les rituels. Je vais vous montrer la longue maison, avant qu'il ne fasse trop sombre... Alors, nos célébrations... L'année entière est une célébration (il éclate de rire). Nous avons la fête de la moitié de l'hiver (qui dure quatre jours), nous avons le Festival de la neige, le festival de la première floraison, de la première récolte, c'est-à-dire des baies, le festival de la moisson abondante (Thanksgiving), le festival du battage (4 jours), le festival du surplus, de la pluie et des semailles, et le cycle recommence... C'est quelque chose comme un calendrier ecclésiastique de notre terre sainte... "

Il prit une autre respiration profonde et continua:

"Nous ne parlons pas beaucoup, et nous ne mangeons pas beaucoup, nous ne vous fâchons pas souvent, nous aimons ce qui nous a été donné et nous remercions en permanence pour les dons généreux..."

- Est-ce que par hasard tu aurais du tabac? M'a-t-il demandé.

- Non, dis-je.

- Vous savez, nous mâchons notre tabac, en d'autres termes, nous le mangeons. Nous ne le fumons pas. Lorsqu'on le fume, il se transforme en air, tandis que si on le mange, il devient un avec nous, et l'on bénit la terre qui nous l'a donné... Maintenant, que m'as-tu demandé d'autre? Ah, oui! A propos de ma mission...

"Que puis-je dire? Mon peuple en a eu assez des missionnaires. Ils viennent ici depuis des années, principalement pour prendre plutôt que pour donner... Ils n'ont jamais montré aucun intérêt à ce que nous avons. Ils ont juste apporté leur rouleau compresseur, ils ont tout aplati, puis ils se sont embarqués pour faire leurs ... semis évangéliques.

Mais ce Serbe était différent. Il a effectivement donné quelque chose par sa présence... Il n'a rien pris de nous, sauf un morceau de notre cœur. C'est ce que j'ai aimé, quand j'ai lu plus tard, l'histoire de saint Germain d'Alaska et des missionnaires orthodoxes parmi les Eskimaux... il est impossible pour l'esprit de ne pas faire de comparaisons... quand bien même il essaierait de toutes ses forces de ne pas le faire.

Je me souviens encore de ce jésuite, qui m'a dit en face qu'on lui avait demandé d'enseigner la spiritualité. Quand il a quitté notre maison, ma mère a secoué la tête en signe de désapprobation, en disant: "Nous, mon enfant sommes un peuple spirituel, tandis que lui, même si son Christ venait à lui lui, il Le ferait s'asseoir pour lui prêcher..."

- Y a-t-il d'autres orthodoxes parmi les Indiens? A demandé à nouveau Gregory.

- J'ai rencontré un Esquimau orthodoxe à Plattsburg et un de plus - un très grand Mis Mac. Il y en a peut-être d'autres, je ne suis pas au courant. Mais à l'hôpital indien nous avons deux médecins serbes, les Moscovitch. Ces gens sont de véritables joyaux, ils ont un amour particulier pour notre monde, et ils offrent toute leur aide. "

Lesley le regarda droit dans les yeux.

- Parle-nous si tu le veux de cette histoire avec les masques indiens *. C'était dans tous les journaux et ils ont tous évoqué ton nom. Qu'est-il arrivé exactement?

Vladimir assis, les jambes croisées, et après avoir pris quelques minutes pour réfléchir, me répondit:

"Pour nous, ces masques sont sacrés. Nous les gardons toujours dans l'obscurité, et nous les protégeons avec un tissu de soie. Ils représentent... le personnage saint que nous recherchons. Nous le trouvons dans le silence, dans l'obscurité, où l'on trouve aussi la lumière de notre âme. Notre âme n'est jamais affichée dans des expositions, ou en éclairage artificiel... Ceux qui ont organisé l'exposition ont perdu tout sens de ce qui est sacré, et c'est pourquoi ils s'efforcent de "doucement" le supprimer de nos âmes aussi... Nous aimons la terre, parce qu'elle sait se taire et être fructueuse. Nous avons appris à l'aimer avec humilité, et à l'honorer... C'est quelque chose comme la Sainte Mère de l'Orthodoxie... puisque vous aimez les analogies. Mais, j' en ai trop dit... Levez-vous à présent, et je vais vous montrer mon village... "

(A suivre)

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

* Pour l'information du lecteur, je vais brièvement signaler les événements. Le gouvernement canadien avait décidé d'ouvrir un nouveau musée dans l'Ouest canadien, dans la ville de Calgary, où seraient exposés entre autres un certain nombre de masques indiens, qu'il avait empruntés de manière "peu orthodoxes" d'une maison longue, comme objets folkloriques... Ceci a provoqué l'indignation des Indiens, qui ont demandé à Vladimir de se pencher sur la question, de visiter l'exposition aux frais du gouvernement et de donner son avis à son peuple ainsi qu'au gouvernement...

Hésychie (73)


La paix et la joie de l'Eglise
A la fin des offices divins
Sont un faible écho
De la liesse à venir

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

vendredi 26 février 2010

Le cheminement secret d'un chef amérindien Mohawk vers l'Orthodoxie (I)



TSIDTODAGHSAWEN ne Logos* keaghne,
etho Tehovahne yekayendaghkwe ne Logos, ok
oni Logos ne naah Yehovah.


Prologue de l'Evangile de saint Jean
en langue indienne Mohawk

Samedi soir. Très peu de lumières étaient allumées. Dans la cathédrale russe de Saints Pierre et Paul, les vêpres venaient de commencer. Les silhouettes sombres de quelques fidèles qui assistaient au service étaient devenues plus distinctes car des cierges avaient été allumés, un à un, sur leurs supports. L'iconostase de l'autel était très imposant, il avait été sculpté par des artisans expérimentés, au début du siècle...

C'était la deuxième fois que je venais aux Vêpres, il y a de cela des années... Les paroles de la prière "Lumière joyeuse" en slavon donnaient une sensation de paix intérieure et de détente. Tout semblait être en prière à ce moment-là, dans ce jour qui était fini et ce jour qui devait venir. Après la folie de la journée, ce refuge de louange calmait effectivement les bêtes sauvages de l'esprit...

Dans la faible pénombre, je pouvais distinguer quelques-uns des profils de ceux qui étaient là: une vieille dame russe avec sa petite-fille, un homme grand et maigre d'âge moyen, une jeune fille de près de quinze ans, une jeune famille avec ses deux enfants... Et soudain, mon attention fut attirée par un personnage près de la grande fenêtre. Directement au-dessous, je distinguai une silhouette qui était complètement différente de toutes les autres. Il s'agissait d'un Indien de cinquante ans, vigoureux, aux traits caractéristiques, avec des cheveux longs attachés en queue de cheval qui atteignaient sa taille. Mon regard s'arrêta sur lui... Quel étrange personnage ! J'imaginai que c'était seulement un visiteur.

À la fin de l'office, je ne pus pas lutter contre l'envie de savoir. Je m'approchai de lui, désireux de le rencontrer.

-Yannis, lui ai-je dit en anglais. Bienvenue...

- Vladimir, répondit-il.

- Je suis grec. Et vous? Lui ai-je demandé.

- Moi aussi, répondit-il.

J'étais abasourdi... C'était la dernière chose que je m'attendais à entendre!

- Parlez-vous grec? Demandai-je.

Il fit une pause pour réfléchir un moment, puis il cita [le prologue de l'Evangile de saint Jean] en grec:

- "Au commencement était le Logos et le Logos était avec Dieu, et le Logos était Dieu."

En finissant cette phrase, il éclata de rire. Je ne savais quoi dire.

- Je suis indien, dit-il brusquement. Mais de toute façon, je me sens aussi russe et grec et serbe et roumain, parce que... je suis orthodoxe...

Une lueur apparut dans son œil, comme dans mon coeur ...

C'est ainsi que Vladimir et moi nous nous sommes rencontrés. Son vrai nom était Frank Natawe, avant de devenir orthodoxe et d'être baptisé sous le nom de Vladimir. Je mourrais d'envie d'entendre l'histoire de sa vie, à la fois par curiosité ainsi que par intérêt véritable...

Beaucoup plus tard, nous sommes devenus amis. Nous avons partagé de nombreuses conversations et promenades ensemble, en particulier dans son village indien. Il m'a montré des voies et des manières de faire totalement inconnues pour nous les blancs. Et toujours de manière simple et sans prétention. Sans aucune trace d'arrogance. Quand j'étais avec lui, j'ai toujours eu la forte sensation d'être à l'école, et chaque fois que j'ai admis cela devant lui, il m'a toujours dit que toutes les belles choses étaient à tous...

Cette première période est devenue inoubliable: quand j'étais emporté par mon enthousiasme juvénile et que je n'arrêtais pas de lui poser des questions difficiles, il répondait toujours calmement:

- Je ne sais pas - peux-tu me le dire?

Un jour, quand j'en eu assez d'entendre "Je ne sais pas", je le priai de me dire quelque chose, alors, il montra un peu de pitié et dit:

- Eh bien, si tu insistes, je vais te le dire, après que j'aie d'abord demandé à mon amie.

Il bondit et puis se coucha sur le sol, plaça son oreille contre la terre.

- Que fais-tu? Demandai-je.

- Je demande à la terre, dit-il, et avant que je puisse me remettre de ma surprise, il ajouta un peu hésitant:

- Comme Aliocha Karamazov.

Je n'ai jamais insisté à nouveau pour avoir des réponses. Je pense qu'avec lui, je vivais tout la surprise d'un éclair soudain qui donne naissance à une douce pluie qui nourrit la terre...

Cela fait quelque temps maintenant, que Vladimir nous a quittés. Son décès (ainsi que ses dernières volontés et son testament) m'a bouleversé. Maintenant que le sentiment de sa présence, loin de disparaître dans l'oubli, apparaît devant moi de temps en temps, j'ai pensé que je devrais mettre par écrit l'ensemble de ses incidents, images, souvenirs, paroles et expressions, pour esquisser un portrait de sa présence parmi nous... Espérons donc que mon oreille percevra aussi... le silence tumultueux de la terre mère de Vladimir, Karamazov pour moi...

Il est né dans la réserve indienne de Caughnawaga, juste à l'extérieur de Montréal, où il a vécu toute sa vie, jusques au jour de sa mort. Son village compte 5.000 Indiens aujourd'hui. Il a été construit par le gouvernement, à côté de la rivière, et abrite la plus grande partie des Indiens de cette région. Les Indiens, comme seuls vrais autochtones d'Amérique, avec les Esquimaux, jouissent de privilèges et de soins spéciaux, en raison du fait qu'ils ont cédé de vastes zones de leur "mère la terre", comme ils le disent, à leurs frères de race blanche.

Ces privilèges (comme le fait de n'avoir pas besoin d'un passeport tout en bénéficiant de l'Etat-providence) sont parfois interprétés comme une tentative intentionnelle des Blancs pour garder les Indiens sans instruction, ce qui peut-être observé sur une grande échelle. Le pourcentage d'alcoolisme est très élevé. La lutte pour la survie en tant que groupe, est leur souci quotidien, ainsi que la préservation de leurs traditions, dont ils sont très fiers. Ils sont régis d'une manière unique, qui aurait beaucoup à apprendre à la politique "civilisée" et aux structures sociales.

L'autorité suprême est la confédération de toutes les tribus indiennes. Il existe un respect envers toutes les tribus indiennes. Il existe un respect envers les chefs et les anciens, et les femmes âgées de chaque tribu, de génération en génération. Leur amour et leur respect pour l'autre est le fondement de la Confédération.

Dans le village de Caughnawaga il y a essentiellement trois tribus indiennes. La plupart sont cependant Mohawks. Le village existe depuis environ 1600 et abrite le centre principal de la tribu des Mohawks. Les dernières générations sont le plus souvent impliquées dans la construction métallique et le bâtiment.

"Notre" village, m'a dit Vladimir, "ainsi que d'autres réserves indiennes a été transformé de façon à former un protectorat catholique romain au 18ème siècle. Les missionnaires catholiques ont effectivement essayé par tous les moyens de convertir par la force notre communauté tout entière. Pas avec l'amour, mais avec un nœud coulant autour du cou. Ils ont foulé aux pieds les traditions séculaires et ils ont utilisé les autres comme autant de tremplins pour leurs propres desseins. Moi-même, à l'âge de 32 ans, j'étais resté sur ce chemin. Comme ma mère avait l'habitude de le dire (c'était un chef tribal des personnes âgées de notre tribu)"Pendant le jour, [sois] catholique romain aux yeux du monde et de nuit, [sois] Indien, pour les yeux de l'âme." Mais à cet âge de 32 ans, Je ne pouvais pas tolérer ce genre de restriction, ce nœud coulant que je portais autour du cou, aussi je me suis révolté à ma façon... J'ai fait des recherches sur nos racines, j'ai appris toutes nos langues maternelles, j'ai étudié dans les universités de l'homme blanc (ce qui, pour un Indien de ma génération, était une chose très inhabituelle). Pendant des années, ils m'ont eu comme maître de conférence itinérante de linguistique comparée. Assez souvent, j'ai été assez malhonnête de jouer au clown à leurs jeux universitaires, car pour eux, j'étais une espèce d'oiseau rare, exotique, avec un autre type de plumage. J'avais l'habitude de comparer nos mots avec leurs équivalents français ou anglais, nos habitudes avec les leurs. Il y avait des fois où je me sentais observé comme des archéologues observent des fossiles. Pour moi, cependant, ces réunions, ces rencontres culturelles quelle qu'en ait été l'issue, étaient à la fois joie et douleur. Ma révolution tonnait encore en moi, parce qu'elle était rendue muette, comme le pas d'un lapin... Ma mère, pilier de notre communauté, a été pour moi une source de sagesse et de douleur immense. Elle était mon ... staretz Zossime indien..."

(Il prit une respiration profonde et constante...)
"Mon chemin vers l'Église orthodoxe a été un cheminement "secret", comme on dit dans notre langue. Il vint un moment, que j'ai été pris dans son filet, et depuis lors, j'ai cheminé très discrètement, portant une croix très lourde. Ce passage s'est fait pour moi par la linguistique. Elle a toujours été le sujet qui m'a le plus impressionné. En prenant des cours de linguistique, j'ai été impressionné, et quand il m'est arrivé de lire la vie des Saints Cyrille and Méthode, qui sont connus comme Apôtres des Slaves, j'ai été particulièrement intrigué par l'alphabet cyrillique et par voie de conséquence, par la langue slavonne. J'ai demandé à mon professeur, s'il n'y avait une chance je puisse entendre parler le slavon. Il a suggéré que je me rende dans l'une des églises russes. J'ai appelé l'une d'elle, mais je n'ai entendu que le répondeur. J'ai téléphoné le lendemain, et une voix amicale m'a informé que les vêpres avaient lieu à 7 heures du soir, et que le le service du dimanche avait lieu à 10 heures du matin. J'ai demandé si je pouvais y assister. Il m'a répondu bien sûr que je pouvais le faire. Je lui ai dit que je n'étais ni russe, ni orthodoxe. Il m'a répondu que la Liturgie orthodoxe n'était pas seulement pour les Russes ou seulement pour les orthodoxes, mais pour tous les peuples. Alors, j'ai pris mon courage et je suis allé un samedi soir pour écouter le slavon parlé et rencontrer le prêtre, qui avait parlé si agréablement. C'était un hiéromoine du Monténégro en Serbie. Son nom était Père Antoine... Il mort maintenant... Eh bien, donc le premier samedi pendant lequel j'ai assisté aux vêpres orthodoxes dans la cathédrale des saints Pierre et Paul, j'ai ressenti quelque chose qui était sans précédent. En regardant les icônes, en écoutant les mélodies, en observant la enclins de pénitence et les prosternations, le parfum de l'encens qui flottait dans l'atmosphère, tout me rappelait que j'avais découvert "la Voie secrète... "

"Vous n'allez pas le croire, mais, de temps en temps, je peux percevoir des parallèles entre les traditions indiennes et la tradition orthodoxe. Quelque part en moi, cette découverte a rempli ma culture indienne et l'a complétée. Au début, je flottais sur les nuages. Au cours de ma première Liturgie, j'ai demandé si je pouvais rester, après les bénédictions pour les catéchumènes... Ils m'ont dit: vous pouvez rester. Alors je me suis assis comme un chien indien! Depuis lors, j'ai commencé à y aller plus fréquemment. Dans un premier temps, le dimanche seulement, puis le samedi, et plus tard, en semaine, quand il y avait des fêtes importantes. Ce n'est que peu de temps plus tard que j'ai remarqué que la confession avait lieu le soir, après les vêpres. C'était la période du Carême. A la fin, ils ont tous demandé pardon au prêtre. Il a placé son étole sur la tête et les a bénis avec le signe de la croix. J'étais dans la file, mais ils ont dit:

-Tu ne peux pas, tu n'es pas orthodoxe. Il s'agit d'un sacrement.

- Mais notre vie entière est un sacrement, ai-je dit.

Je réfléchis encore, et leur demandai:

- Alors, comment puis-je devenir orthodoxe?

- Parles-en avec le prêtre, ont-ils suggéré.

Peu de temps s'était écoulé, lorsque j'ai décidé que je voulais devenir orthodoxe. Le jour où cela devait avoir lieu, il y avait une tempête de neige qui ne me permit pas de quitter le village. Cela fut reporté à la fête de l'Entrée au Temple de la Mère de Dieu. Et voilà comment c'est finalement arrivé... On m'a donné le nom de Vladimir.

Beaucoup plus tard, quand je me souvins de mon entrée dans l'Eglise orthodoxe, je retrouvai dans mes souvenirs la figure imposante d'un prêtre serbe, qui avait visité notre village, quand j'étais jeune. Son apparence et son attitude avaient laissé une impression profonde en moi. Je me souviens de ma mère qui avait fait cette remarque:

-" Maintenant, voilà quelqu'un qui ne fait pas de propagande avec sa vérité..."

(A suivre)

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après


Hésychie (72)



Si tous tes actes
Ne sont pas faits consciemment
Sous le regard du Christ
Ils sont vains et inutiles

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

jeudi 25 février 2010

Les Améridiens et l'Orthodoxie

Notre Père en langue Tcherokee

(Ce qui suit est la transcription d'une entrevue entre Mme Frederica Mathewes-Green et Steven Alvarez, indien Apache devenu orthodoxe. Cette entrevue fut diffusée sur Ancient Faith Radio le 28 août 2008.)

+

Frederica Mathewes-Green: Voilà, je suis à Anchorage, en Alaska. Ma première visite à l'Alaska, ce qui termine ma visite aux cinquante États [des USA]. Ceci est mon cinquantième État, alors c'est merveilleux d'être enfin ici. Je suis sur le terrain du Centre d'Alaska Native Heritage, discutant avec Steven Alvarez, qui est...Quel est votre rôle est ici au centre?

Steven Alvarez: Je suis directeur des initiatives stratégiques et des médias.

FMG: Vous me disiez que vous produisez parfois des films, pour le centre également. Et nous avons entendu l'histoire de ce qui vous a amené ici, vous avez dit que c'était saint Germain [d'Alaska] que vous y avait amené. Pour commencer, votre héritage remonte au Nouveau-Mexique, votre origine est Apache. Vous me disiez qu'elle est liée aussi à certains des peuples de l'Alaska.

SA: C'est exact. Les Athabaskans ici partagent un langage commun avec nous (le langage commun de base), et nous sommes à peu près le même peuple.

FMG: Et, comment se fait-il vous ayez fini par devenir orthodoxe?

SA: J'ai fait partie de la Fraternité Chrétienne de San José, qui s'est convertie en 1993. Et j'ai été là-bas le directeur musical à l'église, et ainsi tout ce processus nous a amené à l'orthodoxie et...

FMG: Vous avez été balayé.

SA: Oui, oui.

FMG: Avez-vous été chrétien, toute votre vie?

SA: J'ai été élevé comme catholique romain. Je n'avais donc pas vraiment de problèmes avec la théologie. Je veux dire que j'ai grandi avec elle. La seule question que je n'arrêtais pas de demander, une fois que nous sommes devenus orthodoxe, c'était: que va devenir l'orchestre? (rires)

FMG: Parce que vous étiez le percussionniste dans l'orchestre de l'Église .

SA: J'étais celui qui dirigeait l'office religieux.

FMG: Oh, vous étiez celui qui dirigeait l'office.

SA: Oui, et nous avons donc été chrismés et j'ai été ordonné hypodiacre le même week-end où nous sommes devenus orthodoxes. Et je suis resté là-bas pendant quatre ans avant déménager ici.

FMG: Et vous sentez, comme vous l'avez dit, que saint Germain avait travaillé pour cela, vous avait amené ici.

SA: C'est exact. Eh bien, un diacre de l'église et un laïc, et moi-même, lorsque nous avons tous eu 40 ans... Eh! Il y a un renard là!

FMG: Oh! Regardez. Et il nous voit. Je pense que ce renard nous voit. Est-ce un renard roux?

SA: C'est un renard roux. Il est très maigre.

FMG: Il est maigre, peut-être qu'il s'agit d'un petit. Il a une queue en panache, très belle. Dites-donc! C'est comme un petit chien ou un chat même, il est si alerte. Pas très peur des gens, je ne pense pas. Il va essayer d'aller là-dedans... Ah, il se précipite sur quelque chose. Il a attrapé... il est tellement gracieux. C'est comme un chat, vraiment. Oui. Eh bien, nous allons garder un oeil sur lui, et voir s'il se montre à nouveau. Donc, vous en êtes arrivés, vous avez dit, à prier, à demander à saint Germain de rendre les quarante prochaines années un peu meilleures que les quarante premières années.

SA: Oui, et j'ai au cours du temps que je chantais et j'étudiais la théologie de l'Église, découvert à quel point la théologie orthodoxe était proche de la spiritualité amérindienne.

FMG: Pourriez-vous m'en dire un peu plus à ce sujet? Parce que je ne connais pas grand chose à la spiritualité amérindienne. Qu'est-ce que je reconnaîtrais?

SA: Bien, vous savez, le cycle liturgique, comment dans chaque partie de la journée dans l'orthodoxie il y a un service ou une cérémonie qui est conçue pour vous aider, c'est le même aspect dans la spiritualité amérindienne. Chaque partie de ce que nous faisons est liée à nos croyances spirituelles. Que ce soit se lever le matin ou aller au lit la nuit. Et toutes nos cérémonies sont très liturgiques. Il y a une raison pour tout. Et nous avons notre propre forme d'encens, qui est la combustion de sauge ou de cèdre. Nous avons, euh ...

FMG: La psalmodie.

SA: Oui, la psalmodie, euh, vous savez, la croyance que parce que Dieu a créé toutes choses, que de ce fait, toute sa création est sacrée. Donc nous estimons que les arbres, la terre, vous le savez, a un caractère sacré, la sainteté de Dieu est en elle parce qu'Il l'a créé.

FMG: Comme dans l'orthodoxie orientale, avec ce sentiment que Dieu remplit vraiment cette Terre, par opposition à une sorte de spiritualité qui dirait, elle, l'esprit est bon, le corps est mauvais, on ne fait attention qu'à l'âme, on s'efforce de s'élever au-dessus de la réalité physique. C'est ce même trésor et ce discernement de la présence de Dieu dans le monde.

SA: C'est exact. Et puis aussi la même manière avec laquelle le clergé dans l'Église orthodoxe est mis à part pour nous fournir un guide spirituel. La même chose se passe dans la spiritualité amérindienne. Nous avons certains anciens, ou ce qui est devenu connu sous ce terme les hommes-médecine. Ces gens ont la capacité de guérir, mais ils fournissent aussi une idée que, telle chose est bien et que c'est ainsi que vous devriez vivre votre vie, et c'est la réponse à ces questions que vous avez.

FMG: La sagesse. Comme un aîné, je suppose, ou comme un père spirituel.

SA: C'est exact. Et un aîné est considéré comme un père spirituel, parce que tout ce que nous faisons est lié à notre vie spirituelle. Et, vous le savez, nos chants et nos danses, même si elles sont d'ordre social, ont un aspect spirituel en elles.

FMG: Ce n'est pas toute personne âgée qui est automatiquement un aîné .

SA: Oui. Donc, tandis que j'apprenais plus de choses à propos de saint Germain, j'en suis venu à le vénérer et à l'aimer de la même manière que les indigènes de l'Alaska l'ont fait à cause de ce qu'il a fait pour eux. Donc, j'ai prié pour que d'une certaine manière je puisse trouver un moyen de... Et je sentais aussi que, en raison de la façon dont l'Église [orthodoxe] avait traité les Amérindiens quand [les orthodoxes] sont arrivé, plutôt que l'approche romaine, qui consistait à les baptiser, puis à les réduire en esclavage, et l'approche protestante qui disait ne prenez même pas le peine de les baptiser.... Vous savez, qu'il y avait quelque chose de particulier... je pense qu'il serait facile pour les Amérindiens de découvrir l'Église, et je me sentais bien, cela pourrait être une façon de me voir comme une sorte d'instrument qui pourrait au moins mettre l'Église orthodoxe à la portée du peuple amérindien.

FMG: En poursuivant l'œuvre de saint Germain.

SA: C'est exact. Donc, c'est ce que j'ai demandé: puis-je faire cela... Et après j'ai suis invité à me lever et à jouer, et me voilà, jouant et enseignant et ensuite on me demande d'accepter un emploi et de déménager ici.

FMG: Vous avez trouvé un nouveau foyer.

SA: Oui. Et ça a été merveilleux. J'ai été en mesure de faire à peu près tout ce que je pouvais rêver et d'imaginer de faire d'un point de vue artistique, en tant qu'artiste de la scène. J'attends toujours de savoir ce qui va arriver avec ce qui est de servir le peuple amérindien, mais je crois que c'est ce que je fais ici. Tout les gens que je connais ici sont liés à ce que je fais, les indigènes de l'Alaska savent que je fais partie de l'Eglise orthodoxe, donc je pense qu'à un certain moment, le plan de Dieu sera révélé. Nous verrons ce qui se passera.

FMG: Peut-être vous êtes juste en train de vous remplir de sagesse de plus en plus tandis que le temps passe, et quand le moment sera venu, vous serez appelés à ...

SA: On l'espère! (rires)

FMG: Merci beaucoup d'avoir parlé avec moi aujourd'hui.

SA: Pas de problème.

Version française Claude Lopez-Ginisty


Notre Père en langage des signes amérindien





Chants chrétiens en langues améridiennes que l'on peut écouter en ligne: (dont quelques chants orthodoxes en you'pik [langue amérindienne d'Alaska]: numéros 107 à 110 dans la liste)

Hésychie (71)




Comme la fleur s'épanouit en fruit
Ton âme un jour par la prière
Fleurira au Royaume

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

mercredi 24 février 2010

L'orthodoxie au Guatémala: Entretien avec l'higoumène Inès



L'higoumène Inès est à la tête de la seule paroisse orthodoxe du Guatemala, le monastère de la sainte et vivifiante Trinité, la "Laure de Mambré", dépendant du Patriarcat d'Antioche. Elle vient d'une famille influente et bien connue du Guatemala, qui a produit de nombreuses personnalités remarquables. Lorsque [alors catholique] sœur Inès eut 36 ans, elle fit un changement radical dans sa vie, en abandonnant un ordre monastique catholique pour devenir moniale orthodoxe.

Le Monastère de la Sainte-Trinité a été fondé par Mère Inès et Sœur Maria Amistoso en avril 1986. En 1989, l'ingénieur Federico Bauer a fait don au monastère d'une parcelle de terrain sur les rives du lac Amatitlan, non loin de la ville de Guatemala. Le terrain est à 1188 mètres d'altitude et il est situé près de Pacaya, un des volcans les plus actifs d'Amérique centrale.

Le jour de Saint Nicolas le Thaumaturge, en 1995, "l'Acte de création d'une Eglise orthodoxe au Guatemala" a été signé par l'évêque (maintenant Métropolite) Antonio (Chedraoui) du Mexique, du Venezuela, d'Amérique Centrale et des Caraïbes (du Patriarcat d'Antioche), et aussi par la supérieure du monastère, Mère Inès, ses religieuses, et 25 paroissiens.

Des bâtiments ont été érigés sur le site donné par Federico Bauer et la consécration du monastère a eu lieu en Novembre 2007, avec 18 clercs participants, qui sont venus au Guatemala spécialement pour cette occasion.

L'iconographie de l'église du monastère est faite par des maîtres russes de l'École internationale de Peinture d'Icônes, fondée à la fois dans la ville de Kostroma, en Russie et aux USA.

En 1996, le gouvernement du Guatemala a donné au monastère le contrôle d'un orphelinat construit pour accueillir 800 enfants, la "Maison de Rafael Ayau" dans la capitale du pays, Guatemala City. A présent, il y a un peu plus de 100 garçons et filles, depuis les nouveaux-nés jusques aux adolescents de 16 ans. Les travailleurs de l'orphelinat donnent aux enfants une éducation secondaire et les familiarisent avec les concepts orthodoxes de base. Ils leur donnent aussi des compétences professionnelles. Bientôt, l'orphelinat sera déplacé vers le monastère.

En Février 1997, l'église de la Transfiguration du Seigneur a été bénie dans le bâtiment de l'orphelinat. En l'absence d'un prêtre, les services sont dirigés par un Lecteur. Deux choeurs d'enfants chantent d'une manière antiphonique, où un choeur chante une strophe, puis l'autre chorale chante la strophe suivante. Les bénédictions et le congé sont lus par Mère Inès. La paroisse est composée des Guatémaltèques, d'Arabes, de Grecs, de Russes et d'Ukrainiens.

Le Monastère de la Sainte-Trinité a d'assez grandes exploitations agricoles, où les lapins et les poissons sont élevés et où poussent les légumes. Tout ce qu'ils produisent va à l'orphelinat.

En Juillet 2009, Mère Inès est venu en Russie pour visiter les lieux saints et d'élargir ses liens avec l'Eglise orthodoxe russe. L'higoumène était accompagnée de Sœur Maria et de deux adolescents de l'orphelinat.

Higoumène Inès, Sœur Maria avec Reina et Edgar Rolando

Cette conversation avec Mère Inès a eu lieu au cours de cette visite, lors d'un voyage du MonastèremSretensky à la Laure de la Sainte-Trinité-Saint Serge.

- Mère Inès, comment avez-vous fait connaissance avec la foi orthodoxe?

- Quand j'avais 20 ans, je suis devenue religieuse catholique, et je suis entrée dans un monastère sous l'ordre de la Dormition de la Sainte Mère de Dieu. On m'a donné à lire les conversations de saint Séraphin de Sarov avec Nicholas Motovilov, et les textes de la Liturgie Orthodoxe. Ce que j'ai lu m'a étonné au plus profond de mon âme. Une des religieuses m'a montré plusieurs icônes orthodoxes, y compris une reproduction de la Sainte Trinité d'André Roublev. Je fus intéressée, et je brûlais du désir de trouver les racines de tout cela. Dès cette époque, j'ai commencé à dire la "Prière de Jésus" [ Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi pécheur"].

J'ai étudié la théologie pendant dix ans avec la Salésienne du Guatemala, avec les moines du Saint Esprit au Mexique, avec le célèbre théologien Jean Daniélou en France, et avec les jésuites en Belgique et au El Salvador. J'ai continué à être gênée par une question: où sont ces trésors à découvrir que j'ai rencontrés au début de ma vie monastique? Une fois, à Bruxelles, la religieuse qui était en charge de ma croissance spirituelle m'a amenée à une office pascal russe. Il avait lieu dans une chapelle au deuxième étage d'une maison privée, mais même alors, je n'ai pas trouvé de réponse à ma question.

Je ne voulais pas servir en Amérique latine: en ces années, en raison de la propagation de la "théologie de la libération", les relations Eglise-gouvernement étaient mises à rude épreuve. J'ai reçu la permission d'aller aux Philippines. Là, à mon grand étonnement, j'ai rencontré encore plus de sœurs de la Dormition, qui cherchaient à obtenir la même chose que moi. Nous avons découvert les catholiques de rite oriental, et nous avons envisagé la réforme de notre communauté pour utiliser le rite oriental. Malheureusement, la plupart des soeurs quittèrent la communauté, et plusieurs se sont mariées. Seuls les autochtones philippines Soeur Maria et moi-même sommes restées. Les sœurs de mon ordre, qui a une grande influence aux Philippines, m'ont demandé de quitter le pays, car ils pensaient que je répandais des idées révolutionnaires.

Je suis allée à Jérusalem, où je me suis finalement entrée en contact avec de la véritable orthodoxie. Soeur Maria est venue vers moi depuis les Philippines, et ensemble nous avons voyagé à travers la Terre Sainte, nous avons commencé à apprendre les différents offices liturgiques, et nous avons parlé à des prêtres.

- Comment votre famille a-t-elle pris votre conversion à l'orthodoxie?

- Mon père est un homme très instruit, mais quand je lui ai dit que je voulais rejoindre l'orthodoxie, il a déclaré: "Que veux-tu dire? Cela n'existe pas dans la nature! "Néanmoins, notre conversation l'a intrigué. Quelques semaines plus tard, papa s'est rendu en Turquie. Quand il y arriva, il fit signe à un taxi, et dit au taxi de l'emmener dans une église orthodoxe, où il pouvait voir un office orthodoxe. Après cela, il se rendit en bateau en Terre Sainte, où il a fait la même chose. Depuis lors, l'orthodoxie est devenue pour lui une réalité.

Ma mère a appuyé ma décision tout de suite. Elle était intéressée par la Russie, et avait beaucoup lu à son propos. Elle avait lu un livre sur les activités de l'Eglise orthodoxe russe en Alaska avec grand intérêt. Lorsque l'évêque d'Antioche Antonio Chedraoui, au cours de sa première visite au Guatemala, a reçu des Arabes dans l'orthodoxie, ma mère s'est aussi décidée et lle a été reçue dans l'Église orthodoxe par chrismation. Plus tard, mon père est également devenu orthodoxe.

- Comment avez-vous rejoint l'Eglise d'Antioche?

- Sœur Maria et moi avons décidé de former un monastère orthodoxe au Guatemala. En route vers Israël, nous nous sommes arrêtés dans la ville suisse de Chambésy [non loin de Genève], où nous avons rendu visite au Métropolite de Suisse Damaskinos Papandreou (Patriarcat de Constantinople). Il a béni l'ouverture de notre monastère, et a dit que nous devions adhérer à une juridiction de l'un des patriarcats orthodoxes. Cela n'était pas facile. Les Eglises orthodoxes qui avaient alors une présence en Amérique latine, n'avaient pas d'intérêt particulier pour la population locale. Le Patriarcat de Constantinople, servait les Grecs, le Patriarcat d'Antioche les Arabes, le Patriarcat de Russie les Russes. C'est seulement après avoir demandé pendant dix ans, que nous avons été acceptées par le Métropolite Antonio (Cherdaoui) de l'Église d'Antioche.

Pour l'enregistrement d'une paroisse, nous avions besoin de 25 signatures de citoyens guatémaltèques. Nous n'avions pas autant de paroissiens. Donc mes parents, les proches d'une autre monialee, Sœur Ivonne, et nos amis ont également signé la demande.


- Pourquoi votre collectivité a-t-elle choisi le style russe ancien pour la construction de votre église?

- Nous aimons sincèrement la Russie et l'Eglise orthodoxe russe. Les croix sur nos coupoles sont byzantines, mais tout le reste est russe: l'architecture, les icônes et les fresques. Les gens, quand ils voient les coupoles russes, comprennent tout de suite qu'il y a une église orthodoxe devant eux. Notre paroisse tient à des traditions russes dans les offices, elle garde le calendrier julien, et les moniales portent l'habit monastique russe.

- Où se trouve le monastère?

- Nous avons construit le monastère à 20 km de Guatemala City, au sommet d'une colline. Autour de nous il y a des bois, et non loin de là, le lac Amatitlán. C'est un endroit très beau, même si c'est vrai que ce n'est pas tout à fait approprié pour un saint monastère parce que nous sommes très près de la ville et que nous rencontrons les problèmes qui existent dans n'importe quelle banlieue d'une grande ville d'Amérique latine: la surpopulation et le trafic de drogue .

- Combien de moniales y a-t-il?

- Trois sœurs vivent dans le monastère. A part moi, il y a Soeur Maria Amistoso, qui est originaire des Philippines, et Soeur Ivonne Sommerkramp qui est venue au monastère cinq ans après sa fondation. Elle est Guatémaltèque d'origine allemande. Auparavant, nous avions plus de religieuses.

- Qui fait les offices?

- Nous n'avons pas de prêtre permanent pour le moment. Deux fois par mois, des groupes de missionnaires et des bénévoles viennent de lieux tels que les USA, la Norvège, le Japon et d'autres pays, et ces groupes ont toujours un prêtre avec eux. Des prêtres russes ont également été avec nous: l'Archiprêtre Basile Movtchanouk, responsable de l'église de Saints Pierre et Paul à Yartsevo, dans la région de Smolensk, et l'Archiprêtre Igor Kropotchev, assistant pour le Département missionnaire du diocèse de Kemerovo.

Catholicon du Monastère

- Parlez-nous de l'orphelinat du monastère, s'il vous plaît.

- Notre orphelinat, le plus ancien et le plus important de notre pays, est situé en plein cœur de la ville de Guatemala. Mon ancêtre, Rafael Ayau, l'a créé en 1857. C'était un philanthrope et un homme très pieux. Des moines de l'organisation caritative "Caridad" [Charité] ont pris le contrôle de l'orphelinat de [mon ancêtre] Don Rafael quand, de France, il les a invités à le faire. En 1960, le gouvernement a expulsé les membres de "Caridad", et le gouvernement lui-même a pris soin de l'orphelinat. Après 40 ans, le président Alvaro Arsu a cédé le contrôle de l'orphelinat, qui était dans un état lamentable, à notre monastère. Il est peu probable que tout autre politicien aurait fait cela: ils ont peur des orthodoxes. Arsu n'avait pas peur, parce qu'il y avait des orthodoxes dans sa famille.

En raison des changements dans les lois sociales, notre orphelinat a commencé à ressembler davantage à un pensionnat. En douze années, plus de 1000 enfants issus de familles pauvres et défavorisées sont passés par notre orphelinat. Tous sont élevés dans l'esprit orthodoxe. Beaucoup d'entre eux retournent vers leurs parents, mais ne rompent pas leurs liens avec le monastère, et continuent à aller à la Liturgie du dimanche. Plus de 300 de nos orphelins ont été adoptés par des familles orthodoxes, principalement aux USA.

L'ambassadeur de Russie au Guatemala, Nicholas Vladimir, m'avait dit que le gouvernement russe accorde des bourses pour l'enseignement supérieur en Russie pour les jeunes des autres pays, et nous avons profité de cette possibilité. Deux de nos enfants, Reina et Edgar Rolando, sont venus avec nous à Moscou. Ils vont commencer à étudier l'informatique et l'ingénierie dans une université russe en septembre.

- Comment sont vos relations monastère avec l'Eglise catholique?

- Nous avons une attitude accueillante et chaleureuse envers eux, mais l'Eglise catholique a tranquillement mené la guerre contre nous, avec circonspection, en cachette. Par exemple, après que nous avons envoyé notre demande d'enregistrement de la paroisse au Ministère Guatémaltèque des Affaires étrangères, nous n'avons pas su ce qu'elle était devenue pendant plusieurs années. Quand le président Arsu a demandé au monastère de prendre l'orphelinat sous son aile, je lui ai dit que nous ne pouvions pas le faire, parce que nous n'avons pas d'existence officielle. Le président a confié à son avocat le soin de résoudre le problème. Il s'est avéré que nos documents étaient restés tout le temps dans la curie, les catholiques les avaient escamotés. Heureusement, le président Arsu a ensuite donné, par décret spécial à la Paroisse de la Sainte-Trinité, le statut d'un organe juridictionnel.

Les confessions protestantes, dont il existe des centaines à présent, n'inquiétent pas les catholiques. L'Orthodoxie leur fait peur. Il y a plusieurs raisons à cela, mais, la raison principale est que la hiérarchie catholique craint que l'Eglise orthodoxe ne convertisse une partie de leur troupeau. Le cardinal du Guatemala l'a admis devant l'ambassadeur de Russie.

Néanmoins, il est impossible d'échapper au contact avec l'Eglise catholique. Le catholicisme domine le Guatemala. Mon père est une personne publique, j'étais religieuse catholique pendant 16 ans, le cardinal est le cousin de mon parrain, et il me connaît depuis l'enfance.

- Quelles sont les perspectives de l'orthodoxie au Guatemala, à votre avis?

- Je suis convaincu que l'Orthodoxie a un grand avenir dans notre pays. Deux prêtres,l'un il y a 20 ans, et un autre récemment [d'une manière non officielle] se sont convertis du catholicisme à l'orthodoxie, et ont amené leurs brebis avec eux. Au total, c'est plus de 100.000 personnes. Ils se considèrent comme orthodoxes, mais ils n'ont pas été officiellement joints à l'Église orthodoxe, et, d'après mes observations, ils savent très peu de choses du christianisme oriental. Parmi eux se trouvent des ladinos (descendants des Espagnols) et des Indiens. Les deux groupes ont l'intention de demander à entrer dans l'Église Orthodoxe Russe.

- Quelles sont vos impressions de votre visite en Russie ?

- Je n'ai pas de paroles pour décrire les sentiments que je ressens lorsque je suis ici. Je suis étonnée de tout: l'architecture et la décoration intérieure des églises et des monastères, l'architecture des cités et des villes, la nature [faune et la flore]... Je remarque surtout la piété du peuple, sa foi profonde, qu'il a préservée durant des décennies de régime communiste athée.

Entretien réalisé par Miguel Palacio.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après