"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

lundi 17 mars 2014

STARITZA NIKODIMA DE DIVIYEVO † 2/15 mars ( 1990) [21]


Les moniales de Diviyévo (de gauche à droite): Moniale du grand schème Marguerite, Nikodima, Susanne et les autres.
21. L'Héritière des moniales de Diviyévo
Lorsque Mère Susanne était encore en vie, elle et Mère Nikodima vécurent ensemble, mais l'Ennemi, afin de les dresser l’une contre l’autre, sema les graines de la discorde entre elles. Matouchka était une cuisinière expérimentée, elle aimait ce travail et aimait le faire bien, mais Mère Susanne avait un fond plus spirituel. Elle avait lu des livres spirituels et c’était une grande femme de prière. Marthe et Marie. Ainsi ont-elles vécu. Un jour, Matouchka a cuit des tartes, mais elles étaient trop salées. Sans trop y réfléchir, elle les a portées à la Laure et les as données aux pigeons. Mais Mère Susanne a été offensée de ne pas avoir eu de tartes. Elle a dit à son père spirituel, le Père Séraphim, que Nikodima avait cuit des tartes, mais qu’elle n’en avait pas gardé une seule pour elle, pas même pour y goûter. Père Côme, qui aime plaisanter, est venu et a annoncé, "Mères Susanne et Nikodima, vous êtes convoquées au tribunal pour un procès." "Quel procès?" "Père Sérapion ordonne que vous veniez à cette telle heure, un certain jour. S'il vous plaît, ayez l'amabilité de venir." Il a fait l'annonce et il est parti. Mère Nikodima ne comprenait pas de quel procès, il parlait. Mais Mère Susanne a compris que le jugement serait à propos des tartes.
Ils sont venus, Matouchka ne sachant pas ce qui se passait. Et qui serait le juge? Les juges, bien sûr, étaient trois moines du monastère.
Père Sérapion aussi aimait plaisanter et rire. Matouchka était si gaie, disaient-ils, qu’elle mourrait un jour de rire. Elle ne riait jamais, mais était toujours joyeuse. Elle ne voulait pas l’exprimer haut et fort, mais néanmoins avec tant de ferveur, si joyeusement, d’une manière si enfantine que nous nous esclaffions tous de rire quand elle nous y entrainait. C’était tout à fait joyeux et gai, si facile à vivre avec elle.
Les juges annoncèrent "Nikodima, qu’as-tu fait? Comment as-tu pu faire une telle chose? Où est ton amour? Tu as fait cuire des tartes au four, et tu n’en as même pas offert à ta propre sœur de sang. Explique-toi." Elle a dit: "Pardonnez-moi saints Pères, je suis coupable. Les tartes n’étaient pas bonnes et j’en ai nourri les pigeons. Je vous demande pardon et je reconnais ma culpabilité, mais on ne peut plus rien faire à ça maintenant…" "Bon, d'accord," a déclaré le Père, "nous allons conférer entre nous sur ce qui devrait être fait avec toi, comment tu devrais être punie. Bien sûr, toi, Nikodima, tu as commis un grand crime; Oui, c’est comme un... manque d'amour, Et Mère Susanne a raison (elle était assise l’air très important, comme une enfant, profondément blessée de ne pas avoir eu de tartes). Ils ont annoncé la sentence: exiler Mère Nikodima pour son acte au monastère de Pioukhtitsa. Avec tristesse, elle devait accepter la décision. Mais rien ne pouvait être fait, elle devait obéir.
Elle était déjà dans le couloir, la cour était ajournée, et elle se promenait très fâchée, triste comme on peut l'être. Puis l'un des moines qui avaient participé au jugement accourut, et elle lui demanda, "Batiouchka, je dois emballer mes choses. Quand dois-je aller?" Il a mis de l'argent dans sa main et a dit: " Va vers tes orphelins à Diviyévo. Tu n’as rien à faire à Pioukhtitsa."
Matouchka fut ravie et elle s’est immédiatement absorbée dans les pensées de Diviyévo. Telles étaient les épreuves qu’on lui donna, uniquement des plaisanteries, mais tout était spirituel. Mais ici c'était un miracle. Elle n’alla pas à Diviyévo seule. Un moine, le Père Antoine, déclara: "Matouchka, je vais à Diviyévo." Elle a dit: "Je vais avec toi." Elle a même eu de l'argent pour le voyage.
Ils allèrent donc, et il y avait là, la bienheureuse Mastridia, un esclave de Dieu à la vie spirituelle élevée. Elle avait vécu 25 ans dans la prison et l'exil, et elle était clairvoyante. Comme disent ceux qui l'ont connue quand elle était vivante, c’était une merveilleuse praticienne de la prière de Jésus. Parfois, les gens venaient à elle et elle disait tout simplement: "Comment ? Comment ? Comment ?" Personne ne pouvait comprendre, comment quoi? Il s'avère qu'elle parlait de la façon de prier la prière de Jésus. "Comment?” et elle répondait tout de suite, "Ah! Vous ne savez pas quoi que ce soit. Seigneur, Jésus-Christ, aie pitié de moi pécheur." C’était une folle-en-Christ, même quand elle était dans le monastère, nous a dit Matouchka. Puis elle a disparu.
Elle fut en prison et en exil pendant vingt-cinq ans. Eh bien, quand Mère Nikodima est allée à Diviyévo avec le Père Antoine, cette bienheureuse folle-en-Christ, Mère Mastridia, a couru comme une flèche sur le porche et a crié si fort que tout le village pouvait entendre: "Ma mère vient! Ma mère vient!" Mais ils ne comprenaient pas de quelle mère elle parlait. Qu’avait-elle dans la tête, qu’était donc ce comportement stupide?
Alors Père Antoine et Mère Nikodima sont apparus. Père Antoine a dit: "Je suis venu pour toutes vous tonsurer."
Elles ont toutes accepté avec empressement, avec Mastridia devant pour donner l'exemple, c’était une folle-en-Christ, de sorte que la tonsure n'était pas nécessaire pour elle, mais pour… donner l'exemple, pour montrer que c'était la volonté de Dieu, elle a accepté. Avec des larmes dans les yeux, mais avec empressement, toutes ont accepté de recevoir la tonsure, toutes ces sœurs qui étaient encore en vie, vivant dans différents villages autour de Diviyévo.

C’était là le miracle. Là, Tanya [diminutif de Tatiana], était une moniale rassophore. Elle ne savait rien à ce sujet, elle avait marché depuis quelque village lointain juste avant la tonsure. Saint Séraphim avait réuni tous ensemble, tous ces petits oiseaux. Donc Matouchka était là pour elles et les couvrait toutes, comme le raconta Mère Marguerite: "Elle nous a toutes couvertes,  nous petits poussins avec sa mantia, et nous avons pleuré et pleuré."
Mais Matouchka pleurait surtout, tout d'abord parce qu'elle se considérait comme la plus indigne de toutes, et d'autre part parce que c'était une grande responsabilité, et elle était profondément inquiète. En voyant cette angoisse, Mastridia lui dit: "Mère, n'aie pas peur, je vais prier pour te sortir [de l'enfer]." Ainsi Mastridia, qu’elle avait tonsurée, est devenue sa première fille spirituelle. Peut-être qu'elle n'a pas été tonsurée en premier, mais selon sa spiritualité, Matouchka considéra toujours Matridia comme la première, et la plus précieuse. Matouchka a toujours prié pour elles. Il n'y avait pas beaucoup de ces vieilles moniales qui étaient encore en vie, peut-être dix ou onze. Elle a toujours prié pour elles avec des larmes. Elles avaient beaucoup de respect pour elle, et il y avait un tel amour entre elles, un tel respect. Elles ont estimé qu'elle était leur mère et elles lui obéissaient aveuglément. Elles n'étaient pas dans l'obéissance aux prêtres, mais quand Matouchka parlait, aucun Père n’existait pour elles, elles n’agissaient que comme l'avait dit Mère Nikodima.
Elle a toujours prié pour elles avec des larmes et elle disait seulement: "Je ne serai pas en mesure de prier pour elles pour qu’elles sortent [de l’enfer], Je ne serai pas en mesure de prier pour elles pour qu’elles sortent [de l’enfer]!" Mais Mastridia disait: " Je ne vais pas mourir. Elle [Matouchka] me sortira [de l’enfer]."
Durant ses derniers jours, elle pleurait tout le temps. Elle avait un grand don des larmes et elle criait qu'elle se mourait, que son âme se mourait.
Bien sûr, tout cela n’était qu’humilité de sa part. Elle n'avait qu'une seule consolation: "Mastridia, Mastridia m'a promis qu'elle me sortirait [de l'enfer] par ses prières et j'ai mis mon espoir en elle, elle me sortira [de l'enfer] par ses prières."
Voici toutes les moniales que j'ai pu rencontrer quand elles étaient vivantes: Mère Séraphima l'iconographe, Mère Alexandra d’Arzamas, qui a vécu avec la bienheureuse Mastridia, et la bienheureuse Annouchka. Je n'ai pas rencontré Agathe [Agafia]. Dominique [Domnica], les deux Dominique : Matouchka en accepta une, l'autre n'était pas sa fille spirituelle, mais elle était de Diviyévo et elle est venue nous voir, elle avait aussi une vie spirituelle élevée et elle conservait le Psautier de saint Séraphim. Je n'ai jamais rencontré Eusébie [Eusebia].
Toutes étaient les élues de Dieu, toutes comme ne faisant qu’une seule, et elles avaient toutes les dons particuliers de simplicité et de sagesse. Elles avaient une foi qui était sans hypocrisie et sincère, comme celle des enfants. Il y avait, par exemple, Raïssa-Eusébie.
Elle était bienheureuse. Dans son jardin, elle avait fait une Jérusalem et un Bethléem, et elle y cheminait, vénérant ces lieux saints. C'était comme saint Séraphim dans son ermitage, [les moniales] l'imitaient en tout. Mère Nikodima était la plus modeste et la plus méthodique, la plus sage et celle qui avait le plus de contrôle sur elle-même, et, je dois dire que c’était très instructif. Peut-être que c'est la raison pour laquelle le Seigneur l’avait désignée comme staritza pour elles toutes.
Elles étaient toutes comme des enfants avec elle. Mère Anne l’aimait beaucoup, et disait: "J’aimerais que Nikodima vienne!" Elle n'avait même jamais donné ses foulards à laver (!), mais elle fut toujours très affectueuse avec Matouchka, elle l'aimait et lui montrait du respect. La bienheureuse Anya elle aussi l’aimait beaucoup. Même à notre époque, il y avait de tels esclaves de Dieu. Nous allions parfois à Diviyévo pour visiter ces orphelins. Maintenant cet esprit se perd. Elles étaient uniques en esprit et en simplicité, et elles ont sauvé leurs âmes par une profonde sagesse. Néanmoins, elles étaient toutes différentes, chacune si inimitable, si particulière que l'on ne pouvait pas la comparer à une autre, mais en même temps, elles étaient toutes comme similaires. Il n'y a rien de pareil maintenant, cela existait au temps jadis. Je ne sais pas si cela sera jamais ressuscité en nous, les nouvelles? Quelle profondeur de Sagesse en Dieu elles avaient ! Elles étaient vraiment les vases du Saint-Esprit, et les lampes de la foi sur terre.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

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