"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

jeudi 3 mai 2012

Archiprêtre Zacharie Kerstiouk: Pâques (en Libye) sous une pluie de balles...



L'archiprêtre Zacharie Kerstiouk du Département des relations extérieures de l'Eglise orthodoxe ukrainienne (Patriarcat de Moscou) parle de la situation en Libye et comment le service pascal a été célébré dans ce pays fermé.
En Libye il y a le chaos et l'anarchie. Le discours de stabilisation à la télévision ne correspond pas à la réalité. Il n'existe aucune autorité stable. Il n'y a pas même de police dans les rues. Aujourd'hui, le pays est déjà officiellement divisé en trois parties. Chaque ville a ses propres autorités… Le pays est en train de s'effondrer. Dans certaines régions il y a des opérations de combat qui utilisent l'artillerie lourde. À Tripoli, la situation semble relativement calme de jour, mais il y a des échanges de tirs dans la nuit. On est réveillé dix à vingt fois. On ne peut jamais s'habituer aux coups de feu. La vie dans un pays qui, il n'y a pas si longtemps se développait activement, avec une structure normale pour le soutien social de la population, avec des subventions et des financements divers, a été pratiquement paralysée. De nombreux services gouvernementaux ont été bombardés par l'OTAN. Tout le monde vit pour lui-même, tout le monde essaie de se protéger, et tout le monde est armé. Il n'est pas rare de voir de jeunes enfants dans les rues avec des mitraillettes.Tripoli est contrôlée par plusieurs groupes qui gardent l'apparence d'un cessez-le feu entre eux. Mais que se passera-t-il plus tard, quand ils commenceront à se partager leur sphère d'influence? Le pronostic est inconfortable.





Il a fallu une demi-année de travail pour réaliser la possibilité de voyager en Libye afin de visiter nos compatriotes qui y vivent. Beaucoup de gens sont venus en Libye pour travailler et, quand la guerre a commencé, ils n'étaient plus en mesure de partir. Le Seigneur l'ayant permis, un visa a été obtenu grâce à des gens de l'ONU. Arrivé dans le pays, mon premier point souci était d'établir des contacts avec nos compatriotes et d'obtenir la permission de célébrer le service pascal. Recevoir l'autorisation semblait peu probable. Mais, par la miséricorde de Dieu, la permission a été accordée.




Il y avait beaucoup de gens au service pascal nocturne, y compris les jeunes enfants - ils n'ont pas été renvoyés lors de l'évacuation.




Au service pascal nocturne et à la Liturgie plus tard, plus de 200 personnes sont venues, dont la majorité (90%) étaient médecins et la minorité des diplomates.




Pendant la guerre, les médecins ont été très bien traités, ils avaient la protection. Par conséquent, ils ne partaient pas. Beaucoup rapportaient que, dans un hôpital entier il pouvait n'y avoir qu'un seul chirurgien - un Ukrainien. Jusqu'à quarante opérations par jour devaient être effectuées. Mais bien sûr, il est évident que les gens ne sont pas venus ici pour avoir une vie meilleure.


Les Libyens étaient occupés avec leur révolution. Beaucoup de gens ont péri ici: selon des données officieuses, environ 500.000 personnes ont été tuées et environ 300.000 ont été blessées. Selon les données officielles fournies par l'OTAN, il y eut 170.000 morts. Cela signifie que la vérité est quelque part au milieu. Mais pour un pays de 4.000.000 d'habitants même 170.000 morts est un chiffre très élevé.




Nous avons servi la Liturgie pascale nocturne sous le sifflement des balles, des mitrailleuses et des explosions. La ville est minée, et il n'est pas rare pour les voitures de heurter les mines terrestres. L'aéroport est également miné.




Dans les photographies que j'ai prises il y avait en tout soixante-trois personnes. Beaucoup ont refusé d'être photographiées afin que leurs visages n'apparaisse pas  n'importe où en ligne. Ceux qui ont accepté d'être photographiés, au contraire, l'ont fait dans le but de montrer à leurs parents qu'ils étaient bel et bien vivants. A l'office, nous avons lu l'Evangile en dix langues: biélorusse, ukrainien, slavon, arabe, anglais, allemand, français, espagnol (il y avait un Espagnol à l'office), et en serbe (les Serbes ont également pris part au service).




Nous avons apporté des croix et des livres de prières pour le peuple, qui ont tous été distribués par le premier jour de l'arrivée.






Mais pas tout le monde n'était en mesure de venir au service pascal, et donc je me suis à voyager autour des villes - j'en ai déjà visitées cinq. Les gens se rassemblent (ils vivent sur le territoire des cliniques et hôpitaux) autour de la table. Nous faisons d'abord soit les Vêpres soit la Liturgie pascale. Ensuite, nous parlons et chantons des chansons en ukrainien et en russe.




En outre, nous avons négocié pendant un temps très long l'autorisation de visiter nos compatriotes en captivité. Cela a également semblé presque impossible. Parmi les captifs il y a deux russes, trois biélorusses, et plus de vingt ukrainiens.



Les prisonniers ne semblent pas avoir de blessures corporelles, mais ils ont bien sûr des yeux fatigués: huit mois de captivité se font sentir. Mais ils tiennent et semblent être de bonne humeur. Je leur ai distribué des icônes, des livres de prières, de la paskha et des œufs de Pâques de couleur.






J'ai même donné un œuf de Pâques au chef [de la prison], qui a souri et a dit plus tard: "Nous vous félicitons pour la Pâques du Christ".




De ma propre initiative j'ai catégoriquement choisi de ne pas communiquer avec la population locale. Cela peut être interprété comme de la propagande religieuse, pour laquelle est requise ici  la peine de mort.


Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

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