"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

vendredi 21 octobre 2011

Jean Romanidès: Sur la vie extraterrestre...



Je ne peux envisager en aucune manière que les enseignements de la tradition chrétienne orthodoxe puissent être affectés par la découverte d'êtres intelligents sur une autre planète. Certains de mes collègues estiment que même une discussion sur les conséquences d'une telle possibilité, est en soi une perte de temps pour la théologie sérieuse, et qu'elle confine à la folie.

Je suis tenté d'être d'accord avec eux pour plusieurs raisons.

Comme je comprends le problème, la découverte d'une vie intelligente sur une autre planète soulèverait des questions sur les enseignements catholiques et protestants traditionnels concernant la création, la chute, l'homme comme image de Dieu, la rédemption et l'infaillibilité biblique.

D'abord il faut souligner que contrairement à la tradition découlant de la chrétienté latine, le christianisme grec n'a jamais eu une compréhension fondamentaliste ou littéraliste de l'inspiration biblique et n'a jamais soutenu l'infaillibilité des Écritures dans les questions concernant la structure de l'univers et la vie en lui. À cet égard quelques tentatives modernes démythologisation de la Bible sont intéressantes et parfois amusantes.

Depuis les premiers siècles du christianisme, les théologiens de la tradition grecque ne croyaient pas, comme les Latins, que l'humanité a été créée dans un état de perfection dont elle est tombée. Les orthodoxes ont plutôt toujours cru que l'homme [était] créé imparfait, ou à un faible niveau de perfection, avec le destin d'évoluer vers des niveaux plus élevés de perfection.

La chute de chaque homme, par conséquent, entraîne une incapacité à atteindre la perfection, plutôt que toute chute collective de la perfection.

De même l'évolution spirituelle ne s'arrête pas à une vision statique béatifique. C'est un processus sans fin qui se poursuivra, même dans l'éternité.

Aussi le christianisme orthodoxe, comme le judaïsme, n'a jamais connu la doctrine latine et protestante du péché originel comme culpabilité adamique héritée mettant toute l'humanité sous l'ire divine qui aurait été satisfaite par la mort du Christ.

Ainsi la solidarité de la race humaine dans la culpabilité adamique et la nécessité de satisfaction de la justice divine, afin d'éviter l'enfer sont inconnus chez les Pères grecs.

Cela signifie que l'interdépendance et la solidarité de la création et son besoin de rédemption et de perfection sont vus dans une lumière différente.

Les orthodoxes croient que toute la création est destinée à partager la gloire de Dieu. A la fois les damnés et les glorifiés seront sauvés. En d'autres termes tous deux auront la vision de Dieu dans Sa gloire incréée, à la différence que pour les injustes, cette même gloire incréée de Dieu sera les feux éternels de l'enfer.

Dieu est Lumière pour ceux qui apprennent à L'aimer, et un feu dévorant pour ceux qui ne L'aiment pas. Dieu n'a pas l'intention positive de punir.

Pour ceux qui ne sont pas correctement préparés, voir Dieu est une expérience de purification, mais une expérience qui ne se déplace pas éternellement vers de plus hauts sommets de perfection.

En revanche, l'enfer est un état statique de perfection quelque peu similaire à la félicité platonicienne.

Compte tenu de ceci, les orthodoxes n'ont jamais vu dans la Bible un quelconque univers à trois étages avec un enfer de feu créé sous la terre et un paradis au-delà des étoiles.

Pour les orthodoxes la découverte de la vie intelligente sur une autre planète soulèverait la question de savoir combien ces êtres sont avancés dans leur amour et leur préparation pour la gloire divine.

Comme sur cette planète, donc sur toute autre, le fait que l'on peut ne pas avoir encore connu le Seigneur de Gloire de l'Ancien et du Nouveau Testament, ne signifie pas que l'on est automatiquement condamné à l'enfer, tout comme celui qui croit en Jésus-Christ n'est pas automatiquement destiné à être impliqué dans le mouvement vers la perfection éternelle.

Il est également important de garder à l'esprit que les Pères de l'Église grecs soutiennent que l'âme de l'homme fait partie de la création matérielle, bien que sous une forme élevée de celle-ci, et par nature mortelle.

Seul Dieu est purement immatériel.

La vie après la mort n'est pas due à la nature de l'homme, mais à la volonté de Dieu. Ainsi l'homme n'est pas à proprement parler l'image de Dieu. Seul le Seigneur de gloire, ou l'Ange du Seigneur de la révélation de l'Ancien Testament et du Nouveau Testament est l'image de Dieu.

L'homme fut créé à l'image de Dieu, ce qui signifie que son destin est de devenir comme le Christ qui est l'image de Dieu incarné.

Ainsi, la possibilité d'êtres intelligents sur une autre planète étant les images de Dieu que les hommes sur terre sont censés être, n'est même pas une question pertinente d'un point de vue orthodoxe.

Enfin, on pourrait remarquer que les Pères orthodoxes ont rejeté l'idée platonicienne des archétypes immuables dont ce monde de changement est une mauvaise copie.

Cet univers et ses formes y sont uniques et le changement est l'essence même de la création et non un produit de la chute.

Par ailleurs les catégories du changement, du mouvement et de l'histoire appartiennent à la dimension éternelle de l'histoire du salut, et ne doivent pas être rejetés dans une sorte de béatitude éternelle.

Ainsi, l'existence de vie intelligente sur une autre planète en retard ou en avance sur nous au niveau intellectuel et spirituel changera peu de choses dans les croyances traditionnelles du christianisme orthodoxe…

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

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