"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

dimanche 28 mars 2010

Père Michael Shanbour: Les Vidéos de l'enfer

Il y a quelques années, après avoir assisté à un service du soir à l'église, ma femme et moi nous mous sommes arrêtés dans une succursale locale de Blockbuster Video pour prendre un film pour la soirée. J'étais diacre à l'époque et je portais ma soutane (la longue robe noire du clergé orthodoxe). Après avoir fait le choix d'un film, ma femme m'a demandé de payer tout en regardant autour d'elle.

J'ai attendu dans la queue de la caisse, pas très patiemment, avec plusieurs clients devant moi. D'une manière inattendue, un jeune homme, habillé tout en noir, s'est approché de moi et me regardant de haut en bas a dit: "Où t'as eu ça, mec?!" J'ai été surpris car je m'étais presque endormi en attendant mon tour au guichet. Il m'a fallu un moment pour réaliser ce qu'il demandait. Je portais aussi un long manteau noir sur ma soutane donc je n'étais pas complètement sûr de ce à quoi il avait fait référence. Je lui ai finalement répondu en souriant: "Euh... je l'ai eu dans un monastère", et je ne m'attendais pas à ce qu'il comprenne. "Où puis-je en acheter?" demanda-t-il, comme s'il n'avait pas entendu la partie de ma réponse concernant le monastère.

Ce dont je me souviens ensuite, c'est que nous avons eu une discussion sur les choses spirituelles. Je lui avais demandé pourquoi il était si intéressé par ma soutane noire et il a commencé à partager avec moi ce qui concernait sa "spiritualité". "Je suis un adorateur du Diable, dit-il, presque nonchalamment. Il a poursuivi en expliquant quelques détails supplémentaires au sujet de ses pratiques spirituelles et du groupe, auquel il était affilié. Ses cheveux noirs graisseux, le visage pâle, ses yeux fatigués et plein de résignation... Il était jeune... il avait 15, 14, peut-être 13 ans!

J'ai exprimé à la fois surprise et préoccupation pour lui, mais il est clair que son esprit était coincé là où il était, il n'y aurait pas de changement de direction et aucun espoir de mieux. Il n'était pas heureux. C'était son sentiment de vide qui, à la fois le conduisit à ce "dieu" et le faisait encore adorer à son autel. Il comprenait que sa "foi" n'était pas de celles qui conduisent au contentement. Mais c'était quelque chose, autre chose que le vide. La fraternité, l'acceptation du groupe, le lien commun à travers les rites sataniques valait la peine face à l'engourdissement infini et sans âme.

"Tu sais, si tu continues ainsi, tu seras tiré vers le bas. C'est une voie de destruction... elle te tuera!"ai-je plaidé. "Je sais, dit-il stoïquement et calmement, mais...." S'il a dit autre chose, c'est devenu inaudible pour moi, et pour lui aussi peut-être.

J'avais essayé de ne pas montrer mon horreur, mon état de choc, et ma tristesse. J'ai essayé de ne pas faire une scène entre un magasin rempli de clients. Comment pourrais-je faire quand l'attente sociale non-dite est de ne de faire de la "religion" en public, dans la sphère profane. Nous ne devons pas devenir véhéments pour ces choses. Nous sommes là pour acheter nos vidéos, nos gadgets, nos jouets, et pour rentrer chez nous tranquillement engourdis par les sitcoms de sorte que les cris de notre âme et de notre conscience soient noyés dans les flots de l'insignifiance. Ce n'est pas seulement la séparation de l'Église et l'État, c'est la séparation de la vérité et de la vie. C'est notre lente marche vers la mort spirituelle.

Je suis parti de Blockbuster avec ma femme, étourdi et pensif, incapable de ressentir l'impact total de ce qui s'était passé, et incapable de me réconcilier avec le fait que je n'aurais jamais une autre occasion d'influer sur la vie de cet adolescent. Cela avait été ma seule chance de la faire.

Combien j'aurais pu facilement en venir à un tel état de désespoir, quand j'étais adolescent. Sans la beauté et la vérité de l'Orthodoxie à partir de laquelle Jésus-Christ resplendit de luminosité ineffable et de joie, j'aurais pu être ce jeune homme. J'ai été béni. J'ai grandi en elle, même si je n'ai pas vue initialement. D'autres, cependant, l'ont aussi trouvée. Dans chaque cas, il a fallu une volonté implacable pour rechercher la Vérité.

Cet adolescent dans le magasin de vidéo n'avait jamais vu la gloire de l'Église orthodoxe, la majesté et la grâce de Sa vie. Peut-être avait-il vu le "christianisme" ordinaire et superficiel qui imprègne notre culture, celui qui prétend "Je vais bien, tu vas bien" avec des trucs religieux mélangés à ce message. Mais l'orthodoxie est un défi. Elle m'appelle à la repentance, une réorientation joyeuse mais parfois douloureuse. Elle n'est pas une sorte de ski nautique spirituel, mais plutôt une plongée sous-marine dans les profondeurs. C'est le processus par lequel le papillon sort du cocon sombre et secret du péché, dans la lumière du soleil et de la liberté.

Ma soutane noire n'est pas un symbole de ténèbres spirituelles et de désespoir. C'est ma déclaration selon laquelle je suis mort à ce monde, et vivant au Christ! Et le Christ est la Vie.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
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