"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

dimanche 17 janvier 2010

Fols-en-Christ: Saint Térence le Thaumaturge (28 octobre)

Saint Térence le Thaumaturge
(28 octobre)


Saint Térence est un des plus grands exemples de patience dans la souffrance acceptée. Il lutta spirituellement dans le village du Petit Archange dans la province d’Orlov, durant les années 1830. Le père Constantin (Dobronravin), qui était prêtre de paroisse du village en ce temps-là, nous a laissé un récit de la vie du fol-en-Christ.

Saint Térence s’habillait souvent pour l’été en hiver et, en hiver, il n’était vêtu que d’une chemise qui lui arrivait aux genoux et ne portait généralement qu’une seule chaussure. Une de ses façons préférées de châtier les gens coupables consistait à briser une fenêtre de leur maison. Souvent, il jetait aussi de pleines poignées de terre sur certaines femmes. A certains moments, il se prenait soudain à crier : «Au diable ! Au diable !» et puis il se mettait à poursuivre les enfants qui se moquaient souvent de lui.

Inutile de dire que Térence supportait beaucoup de coups et de reproches pour cette conduite ; en fait, son corps n’était qu’une plaie. Mais il faisait cela pour toucher la conscience des pécheurs et les amener à repentance et au salut. Beaucoup de gens comprenaient cela et profitaient grandement de ses leçons spirituelles. D’autres le haïssaient à cause de la sainteté de sa vie et à cause des reproches qu’il leur faisait quand il les accusait.

Il était souvent au poste de police où, avec une douceur toute christique, il supportait patiemment la punition et la cruauté que lui valaient sa qualité de vagabond. Il fut envoyé plusieurs fois en asile d’aliénés d’où il était promptement libéré car on ne trouvait en lui aucun signe réel d’aliénation mentale. Les enfants lui jetaient des pierres et des bouteilles et les rudes marchands, cochers et domestiques, l’abreuvaient de moqueries, de malédiction et de coups et le battaient sans pitié. Fréquemment, il rasait sa tête et son visage. Ses mains et son corps étaient recouverts de peinture, de goudron ou de crasse.

Un jour, dans un hôtel, un domestique précipita Térence dans une caisse remplie de verre brisé. Le saint fol-en-Christ, bien qu’il ait été gravement lacéré, n’émit même pas un gémissement.
Bien sûr, Térence cherchait à être méprisé et à souffrir des mains des méchants puisqu’un fol-en-Christ doit supporter ces choses par amour de l’humilité. De plus, le fol-en-Christ est un grand maître ès-patience ! Dans toutes ses souffrances, Térence ne montra que patience et amour. Son grand souci était d’amener les pécheurs au repentir. Souvent, les gens ne pouvaient comprendre ses actions et ses paroles et ils faisaient preuve d’une grande intolérance et même de méchanceté envers lui.

Nous savons peu de choses de la vie privée de Térence. Il avait un frère nommé Théodore mais il le connaissait à peine. N’ayant ni maison, ni même un abri, le fol-en-Christ vagabondait sans discontinuer. Il s’abritait souvent pour la nuit dans la maison de quelqu'un qu’il avait accusé dans la journée.

La patience, la clairvoyance et la compassion de Térence sont évidentes dans la série d’anecdotes qui suivent…

Il se réfugiait fréquemment pour la nuit dans la maison d’un employé de police dont la conduite n’était pas irréprochable. L’employé avait un cuisiner colérique qui maltraitait le fol-en-Christ. Un jour, Térence alla dans la cuisine et s’endormit sur la banquette du poêle, laissant ses pieds nus dépasser du bord. Le cuisinier entra et se cogna dans les pieds du fol-en-Christ. Cela le mit tellement en colère qu’il alluma une bougie et, avec un grand rire, il commença à lui brûler la plante des pieds. De nombreuses ampoules apparurent. Térence ne disait rien. Il restait étendu, calme, comme mort, jusques à la fin du jeu du cuisinier fou. Térence se leva alors comme s’il ne ressentait aucune douleur et recommença à courir dans les rues pieds nus, comme d’habitude. Les enfants commencèrent à le taquiner avec ses propres paroles : «Au diable ! Au diable» ! Térence ne prêta pas la moindre attention à ses plantes de pieds brûlées et se mit à les poursuivre promptement, tandis que le sang coulait en abondance de ses pieds blessés.

Peu de temps après cela, pendant toute une semaine, Térence visita la maison de l’employé, chaque jour pour le dîner et cria : «Au diable ! Au diable ! Les prêtres arrivent… Regardez ! Ils ont creusé la tombe de quelqu'un d’autre… Regardez ! Les juges ! Arrêtez ! Traînez-la, ah ! ils l’ont étranglée… Oh ! elle est morte ! Et bien, il n’y a rien à faire : s’ils te tuent, tu devras aussi mourir»… Tout le monde prit ces paroles pour les divagations d’un lunatique mais en moins d’un mois, on s’aperçut que ce n’était pas folie mais prophétie. Le policier était impliqué dans une horrible affaire criminelle et avait dépensé beaucoup d’argent pour se tirer d’affaire. L’argent ne le sauva pourtant pas et il fut condamné à un sort amer. Térence avait souvent dit au cuisinier qui l’avait brûlé : «Et bien, mon cher ami, tu ne pourras échapper à la Sibérie» ! En fait, pour sa complicité dans les crimes, le cuisinier fut envoyé en Sibérie. Térence s’efforça de le réconforter et de soutenir l’employé dans son infortune.

Pendant le dernier automne de sa vie, saint Térence se réfugia quelque temps dans la cabane d’un brasseur. Là, pour se moquer de lui, des individus lui prirent sa chemise et le revêtirent d’un sac, ayant coupé des ouvertures pour la tête et les bras. Le saint le porta en toutes circonstances, à l’amusement bruyant des foules oisives.

Si la vie de Térence avait été remarquable, alors sa mort chrétienne suscita encore plus d’émerveillement. Une nuit, à la fin de l’automne, vers minuit, alors qu’il gisait sur la paille dans la hutte du brasseur, le sac qui lui servait de chemise prit feu. Térence, complètement enveloppé de feu, bondit hors de la cabane et se précipita dans une grande meule de foin qui était proche. Les gens virent le feu et pensèrent à une explosion. L’alarme fut donnée et un grand émoi s’ensuivit. A l’étonnement de tous, le sac de Térence brûlait dans la paille, mais la paille n’avait pas pris feu. Tout son corps était brûlé : il était terrible à voir. Quelques bonnes gens oinrent ses brûlures avec de l’huile de lin: des ampoules éclatèrent et, peu après, il en fut à nouveau couvert. Mais une douleur terribee s'ensuivit. Térence se mit à tousser sérieusement et, à chaque fois qu’il toussait, les blessures refermées s’ouvraient à nouveau à cause des tremblements violents du corps qui accompagnaient cette toux. Térence était très mal : du sang coulait de tout son corps. En plusieurs endroits, la chair et même les os étaient apparents à la place de la peau. Il ne pouvait ni s’asseoir, ni être allongé. Il ne pouvait, et avec quelle grande difficulté, que se tenir debout. Cette torture dura une semaine entière. Ce qui surprit le plus les gens ne fut pas qu’il survive aussi longtemps à de si graves brûlures mais qu’il supporte tout cela avec une si grande patience. Il ne se plaignit jamais mais il glorifia Dieu dans ses souffrances. Sa face devint rayonnante, comme le visage d’un ange de Dieu, et il n’y eut pas le moindre signe de confusion ou de chagrin en lui. Il restait tout le temps immobile, comme un cierge devant Dieu, tandis que se consumait sa vie de souffrance.

Alors, sa prétendue folie n’était plus visible. Il essayait par tous les moyens de convaincre tout le monde que le brasseur n’était pas responsable de son terrible état et il dit à ses parents d’une voix plaintive : «J’innocente le brasseur aux yeux de tous. Après ma mort, peut-être que certains, à cause de leur esprit mercenaire, vous conseilleront de le poursuivre en justice : mais je vous supplie au Nom de Dieu de ne pas les écouter. Vous savez très bien quelle sorte de vie j’ai vécue. C’est pour cette raison que le Seigneur m’envoie cette fin… Ah ! Je devrais être brûlé ! Je devrais être pendu et fusillé et puis jeté dans un marais comme un chien, sans sépulture chrétienne»… Il est évident qu’il aurait aimé en dire plus mais sa condition physique, sa toux et le douloureux état de ses blessures ouvertes l’en empêchaient.

Il fut néanmoins capable, en pleine conscience et avec de profonds sentiments, de se confesser, de communier aux Mystères du Christ et de recevoir l’onction de l’huile sainte1. Alors, debout près du mur, il mourut calmement.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Lev Puhalo & Vasili Novakshonoff
God's Holy Fools
Synaxis Press,
Montreal, CANADA
1976

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