"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

dimanche 10 janvier 2010

Fols-en-Christ: saint Saint Ivan «Grand Bonnet» (3 juillet)


Saint Ivan «Grand Bonnet»
(3 juillet)


Saint Ivan (Jean) naquit dans la contrée de Vologda. Son nom de famille n’est pas connu et on sait seulement «qu’il quitta père et mère et tous les parents et toutes les joies de ce monde».
Au début de ses combats spirituels, Ivan chercha à humilier sa chair en travaillant sans recevoir de salaire dans les salines, y faisant les travaux les plus durs. Le jeûne strict, la prière fervente et la grande humilité furent ses compagnons constants dans ce labeur difficile. Ils furent l’essence de sa force.
Mû par le désir de plus hautes luttes, Ivan partit secrètement de Vologda à Rostov où il commença le nouveau combat ascétique auquel Dieu l’avait appelé : le combat de la folie pour le Christ. La vie d’Ivan inaugura un nouveau chapitre dans les vies des fols-en-Christ. Saint Ivan fut le seul, peut-être l’unique fol-en-Christ russe, à porter des fers et des chaînes sur son corps, et un lourd bonnet de fer sur la tête. La raison de cette ascèse est incertaine, mais il convient de noter que le combat spirituel terrible de saint Irénarque eut lieu à la même époque.
A Rostov, Grand Bonnet devint ami avec le reclus Irénarque et prophétisa sur le grand et singulier combat national qu’Irénarque devait accomplir.
«Dieu t’appellera à enseigner au peuple de l’est et de l’ouest pour remplir la terre de disciples, et éloigner les hommes de l’ivrognerie. A cause du manque de respect, de l’ivrognerie et de la débauche, le Seigneur enverra des étrangers sur la terre russe. Et ils seront étonnés et s’émerveilleront de ta grande patience et de tes exploits ascétiques ; leurs glaives ne te feront pas de mal et ils te glorifieront plus que ne le feront les fidèles. A présent, je vais à Moscou demander au Tzar de la terre car il y aura tellement de démons visibles (i.e. les Lithuaniens) à Moscou que l’on peut à peine dresser des meules de houblon ! Mais la Sainte Trinité les chassera par sa puissance».
Saint Ivan alla vraiment à Moscou pieds nus et presque nu, dans la plus grande froidure de l’hiver. Véritable fils de la Sainte Eglise, il œuvra non seulement pour son propre salut mais avec non moins de diligence pour celui de son prochain. Ayant le don de prophétie, le saint prévint des troubles de la Russie et conduisit le peuple à la repentance et à la prière pour être délivré de l’épreuve. Sa vision spirituelle qui pénétrait jusques dans l’âme des hommes rendit possible sa critique de leur méchanceté. Il se mit à reprocher à ses compatriotes leur vie dépravée, leur révélant leur vérité amère.
Rencontrant Boris Godounov, le bienheureux lui reprocha le meurtre de l’héritier du trône russe. Un jour, il prévint à voix haute Godounov, lui disant : «Tête sage, déchiffre les actions de Dieu. Dieu attend longtemps, mais il bat douloureusement» (c’est-à-dire Dieu est patient et attend longtemps, mais si l’on ne se repent pas, alors Dieu châtie avec rigueur).
Sachant que l’heure de son propre trépas approchait, le fol-en-Christ alla à l’église de la Trinité Vivifiante et, parlant d’une manière prophétique, demanda au protopresbytre Démètre un lieu où il pourrait s’étendre. Le prêtre, comprenant ce que voulait le fol-en-Christ, lui promit de l’ensevelir.
Quittant l’église, saint Ivan alla sur le pont flottant de la Moscova. Là, il rencontra un estropié du nom de Grégoire. Le saint demanda la raison de son infirmité et s’il était ainsi depuis longtemps. Il répondit qu’il s’était blessé au pied deux ans auparavant et que, depuis, il n’avait pu l’utiliser. En réponse à cela, le fol-en-Christ marcha sur le pied estropié et, immédiatement, il fut guéri. Sur ce, le saint dit à l’homme guéri : «Homme de Dieu, ne cache pas cette guérison que Dieu t’a accordé par moi. Dis tout cela au protopresbytre et aux servants de l’église de la Protection de la Mère de Dieu et de celle de Basile le Bienheureux».
Saint Ivan traversa alors les bains publics et là, pour la première fois, retira ses chaînes. Il versa de l’eau sur lui par trois fois, se préparant pour sa sépulture, puis il s’allongea sur un banc, mettant ses fers pesants sous sa tête et disant à ceux qui étaient présents : «Pardonnez-moi, frères ! Quand je mourrai, transportez-moi à l’église de la Protection de la Mère de Dieu afin que le protopresbytre et les frères ensevelissent mon corps». A ces paroles, il partit paisiblement vers le Seigneur. C’était la quinzième heure du troisième jour de juillet 1589. La requête du bienheureux fut promptement accordée. Le protopresbytre et d’autres membres du clergé de la cathédrale portèrent ses reliques à l’église parmi un grand rassemblement de foule. Le matin suivant, le protopresbytre et tout le clergé chantèrent une pannikhide1 pour le repos du fol-en-Christ. Il fut mis dans un cercueil et une grande multitude s’assembla. Le noble Eleazar Youriev fut guéri d’une maladie des yeux à son cercueil.
Par requête du pieux tzar Théodore Ivanovitch, tout le clergé de la cathédrale de Moscou chanta le service des funérailles du fol-en-Christ. Le métropolite de Kazan, l’évêque de Ryazan, des archimandrites, des higoumènes, des protopresbytres, des prêtres, des diacres et une multitude de gens, hommes, femmes et enfants, rassemblés dans la cathédrale, montraient assez bien l’estime que l’on avait pour le vieil homme en haillons.
Pendant les funérailles, il y eut des signes terribles dans le ciel et une grande tempête s’abattit sur la cité qui secoua et fit s’écrouler des bâtiments. Des icônes tombèrent des murs des églises. Le chroniqueur conclut : «Dieu seul sait le secret de ce châtiment céleste» !
Peu après le repos en Christ du bienheureux Ivan, des miracles commencèrent à être opérés à sa tombe. Les reliques du saint furent découvertes incorrompues, le 12 juin 1672, et reposèrent dans l’église de Basile le Bienheureux dans la cathédrale de la Protection de la Mère de Dieu.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Lev Puhalo & Vasili Novakshonoff
God's Holy Fools
Synaxis Press,
Montreal, CANADA
1976

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