"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

jeudi 31 décembre 2009

Fols-en-Christ: saint Saint Procope d’Oustioug



Saint Procope d’Oustioug (8 juillet)

Comme saint Isaac, Procope était un riche marchand. Il n’était ni russe, ni orthodoxe de naissance. Procope est né à Lübeck et faisait du commerce à Novgorod grâce au traité des villes hanséatiques. Il fut profondément touché par les enseignements de l’orthodoxie et, renonçant au catholicisme latin, il fut baptisé dans l’Eglise du Christ. Procope fut tellement influencé par l’idéal ascétique orthodoxe qu’il vendit ce qu’il possédait, distribua sa richesse aux pauvres et entra au monastère de Khoutyn, près de Novgorod. Après avoir grandi pendant un temps dans l’obéissance et la pureté spirituelle, le saint quitta le monastère et partit pour le grand Oustioug où il entra dans la voie de la folie pour le Christ.
Oustioug était une cité à moitié finlandaise où il y avait beaucoup d’églises orthodoxes. La cathédrale était une haute structure de bois avec un grand porche. Procope choisit ce porche comme refuge pour la nuit. Durant la journée, il marchait dans la cité avec l’apparence d’un fou et il supportait la dérision, les reproches et les coups de gens sans cœur. Les enfants se moquaient de lui et les adultes qui avaient moins de sens spirituel que les enfants faisaient de même. Saint Procope se retirait sous le porche de la cathédrale pour y prier toute la nuit. Il priait plus particulièrement pour tous ceux qui lui avaient fait du tort, répétant la prière miséricordieuse du Crucifié : «Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font».
Quand le saint était las, il s’étendait souvent pour se reposer sur un tas de fumier, une pierre ou sur la terre battue. Ses vêtements étaient de simples haillons et il affrontait, ainsi vêtu, les froids incroyables du nord de la Russie. Il n’acceptait la nourriture que des pauvres et de ceux qui craignaient Dieu, mais il n’acceptait rien de ceux qui s’étaient enrichis. Ses seuls véritables amis étaient le collecteur d’impôts mongol, Ivan Borga et son épouse Marie.
Autrefois, Ivan avait été sans foi ni loi, se permettant tout. Il avait enlevé Marie, fille d’un citoyen local et l’avait forcée à devenir sa concubine. Cependant, sous l’influence de Marie, Borga fut converti à la sainte orthodoxie, reçut le baptême et épousa Marie. Finalement, les gens se réconcilièrent avec lui et Ivan Borga changea de vie, vivant honnêtement avec son épouse. Les Borga vivaient sur la colline de Sokolya. Là, ils construisirent une église en l’honneur du Prodrome et, plus tard, un monastère.
Saint Procope rendait quelquefois visite aux Borga mais il ne s’autorisait jamais à utiliser le confort mis à sa disposition. Son confesseur était le bienheureux Cyprien, fondateur du monastère des Archanges d’Oustioug, mais le saint ne se reposa jamais, même chez lui.
Procope fut le premier des fols-en-Christ à suivre cette voie dans le monde. Il fut ainsi le premier Russe à imiter saint André de Constantinople, le plus renommé des fols-en-Christ. Il est frappant de constater que certains épisodes de la vie de Procope sont presque identiques à ceux de la vie de saint André. L’épisode qui suit est particulièrement intéressant…
Une nuit, il y eut un gel particulièrement cruel. Une forte tempête de neige entassait des congères autour des maisons et la froidure du vent du nord était si intense que les oiseaux tombaient morts depuis le ciel. Même le bétail et les gens gelaient. On peut imaginer combien ce froid était rude pour Procope qui était à moitié nu et passait ses nuits sous le porche de la cathédrale d’Oustioug. Tourmenté par le gel, il essaya de rentrer dans la cabane de pauvres gens afin de se réchauffer un peu, mais ils le chassèrent à coups de bâton et verrouillèrent la porte. L’exclu souffrant arriva dans un réduit où quelques chiens s’entassaient dans un coin. Il s’allongea près des chiens pour profiter de leur chaleur mais les chiens se levèrent et s’enfuirent loin de lui.
Le très souffrant ascète, voyant que, non seulement les humains mais les chiens même le méprisaient, se dit à part soi : «Béni est le Nom du Seigneur, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles !» et il retourna sous son porche pour attendre la mort. Tremblant de tous ses membres, il pria pour que Dieu prenne son âme. Il ressentit soudain une chaleur merveilleuse. Levant les yeux, il vit un ange de Dieu qui se tenait devant lui avec une belle branche à la main. Le messager céleste toucha le front de Procope avec la branche et une chaleur agréable envahit tout son corps. Saint Procope relata cet épisode au prêtre Syméon (père de saint Stéphane de Perm) à condition qu’il ne le répète pas avant la mort du fol-en-Christ.
Le lieu de contemplation préféré de saint Procope était une grande pierre sur le rivage de la rivière Soukhona. Là, regardant les bateaux qui passaient, il priait pour ceux qui confiaient leur sort aux éléments changeants.
A cause de ses grands combats ascétiques, le Seigneur accorda à Procope les dons de prophétie et de thaumaturgie. Un dimanche, saint Procope dit aux gens dans l’église : «Repentez-vous de vos péchés, frères ! Hâtez-vous de complaire à Dieu par le jeûne et les prières, sinon la cité sera détruite par une tempête de grêle» ! La plupart de ceux qui entendirent Procope se moquèrent de lui. Après la liturgie, saint Procope s’assit sous le porche, en larmes, et il pleura ainsi tout le jour et toute la nuit. Les passants lui demandèrent ce qui l’affligeait ainsi. Le saint répliqua : «Veillez et priez afin de ne pas encourir de désastre» ! Mais son prêche ne fut pas écouté.
Le troisième jour, tandis qu’il marchait dans la ville, Procope répéta, en pleurs : «Pleurez, mes amis ! Pleurez dans vos prières, priez pour que le Seigneur vous délivre de la colère de la vérité, qu’Il ne vous détruise pas comme Sodome et Gomorrhe, à cause de vos transgressions».
Mais les gens d’Oustioug ne prêtèrent pas attention à ce que disait le fol-en-Christ. Une semaine après le premier avertissement de Procope, un nuage noir apparut à l’horizon. Tandis qu’il approchait de la cité, il grandit en taille et en furie jusqu’à ce qu’enfin une terrible nuée noire soit suspendue au dessus de toute la région. Des éclairs en descendaient en lanières féroces et les terribles coups de tonnerre roulaient sans arrêt dans l’air. Les murs des bâtiments tremblaient sous les coups de tonnerre et on ne s’entendait plus avec les bruits assourdissants de la tempête. Soudain, les gens de la cité comprirent la vérité des avertissements de saint Procope et ils se précipitèrent à la cathédrale de la Mère de Dieu.
Saint Procope était déjà là, priant en larmes devant l’icône de l’Annonciation pour que la Mère de Dieu intercède devant le Christ pour ceux qui avaient péché. Les gens commencèrent à prier en sanglotant et en se lamentant sur leur salut, à cause de leurs mauvaises actions. Alors, un grand miracle de Dieu advint : une huile fragrante commença à ruisseler de l’icône. Sa fragrance emplit l’église. A ce moment, l’atmosphère changea. L’atmosphère suffocante se leva et le nuage, sa foudre et ses éclairs s’enfuirent au loin. Il fut découvert plus tard que des pierres rougies à blanc étaient tombées avec la grêle, brisant des arbres sur la vallée très boisée de Kotoval, à quelque vingt verstes1 d’Oustioug2. Cependant, ni les gens, ni les animaux ne furent touchés.
Pendant ce temps, tant de myrrhon avait coulé de l’icône que les vases de l’église en étaient remplis et ceux qui furent oints avec cette huile obtinrent la guérison de diverses maladies.
Saint Procope continua sa vie de folie pour le Christ comme auparavant et, par le biais de cette folie feinte, la Divine Grâce qui habitait en lui était cachée aux hommes. Il avait coutume de tenir trois tisonniers dans la main gauche. Il fut remarqué que lorsqu’il les portait tête vers le ciel, la moisson était bonne, mais que s’il les tournait vers le sol, il y avait alors pénurie.
Saint Procope reposa dans le Seigneur à un âge avancé, le 8 juillet 1303, aux portes du monastère des Archanges. Par respect pour ses dernières volontés, son corps fut enseveli sur le rivage de la rivière Soukhona, près de la cathédrale de la Dormition. La grande pierre sur laquelle il s’était si souvent assis près de la rivière, lorsqu’il priait pour ceux qui voyageaient sur les eaux, fut placée sur sa tombe.
En 1458, un certain Ivan, qui se déclarait lui-même comme un «pauvre homme», vint de Moscou à Oustioug et commença à rassembler les souvenirs des citoyens du lieu concernant Procope. Il fit peindre une icône du saint et érigea une petite chapelle sur sa tombe. L’icône fut mise dans la chapelle pour y être vénérée. Bientôt, des flots de miracles commencèrent à être manifestés pour les gens qui venaient sur la tombe du saint.
Dieu révélait la glorification de son saint.
En 1471, des troupes d’Oustioug participant à la campagne de Nijni-Novgorod furent menacées par une épidémie. Saint Procope apparut à plusieurs soldats avec la promesse de les aider contre cette horrible maladie. Après cette campagne, les soldats construisirent une église sur la tombe du saint et érigèrent un tombeau sur lequel ils placèrent une icône du bienheureux, en commémoration de sa protection. Depuis cette époque, la commémoration du saint commença à être célébrée régulièrement le 8 juillet.
Le concile de Moscou de 1547 confirma cette glorification et cette commémoration de saint Procope. Enfin, jusques à la Révolution, les reliques du saint reposèrent dans l’église qui lui était dédiée. En 1833, un nouveau tombeau avait été érigé avec des plaques de marbre qui portaient une inscription dorée.
Les miracles et intercessions de saint Procope furent régulièrement enregistrés de 1471 à la Révolution. Depuis la Révolution, la liste a été interrompue.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Lev Puhalo & Vasili Novakshonoff
God's Holy Fools
Synaxis Press,
Montreal, CANADA
1976

Aucun commentaire: