"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

dimanche 19 juillet 2009

La garde de la Jérusalem intérieure/ La prière selon saint Séraphim de Sarov (5)


Le jeûne, fut toujours lié à la prière. Le Christ Lui-même nous enseigna que certains esprits mauvais ne pouvaient être chassés que par le jeûne et la prière. Saint Séraphim recommandait donc le jeûne et une certaine réserve avant la prière et disait : « On ne devrait pas s’occuper des choses de Dieu l’estomac plein. Il ne peut y avoir aucune vision des mystères divins lorsque l’estomac est plein. » ( IS 1 : Dieu) Mais il ne cautionnait pas le zèle déplacé et dangereux qui, par une austérité extrême pouvait, sous prétexte d’ascèse, faire que le corps – Temple du Saint Esprit- ne puisse plus accueillir la liturgie personnelle de la prière.
« Personne ne peut accepter de prendre sur soi une règle d’abstinence stricte de toutes choses ou de se priver de tout ce qui pourrait servir à rendre ses faiblesses plus légères.
Il faut prendre suffisamment de nourriture chaque jour pour que le corps, fortifié, puisse être l’ami et l’aide de l’âme dans l’accomplissement des vertus. Sinon, il peut arriver que tandis que l’on épuise son corps, son âme s’affaiblira aussi.
Les vendredis et mercredis, et plus particulièrement pendant les quatre
carêmes, prends de la nourriture une fois par jour et un ange du Seigneur deviendra ton compagnon. » ( IS 35 : Le Jeûne)
Le saint nous parle aussi de la nourriture de l’âme après avoir indiqué comment procéder sagement avec celle nécessaire au corps. En parlant de nourriture, il exprime le caractère vital de la Parole d Dieu qui doit sustenter l’homme intérieur.
« On devrait nourrir l’âme avec la Parole de Dieu car la Parole de Dieu, selon saint Grégoire le Théologien, est le pain des anges par lequel sont nourries les âmes qui ont faim de Dieu. On devrait avant tout s’adonner à la lecture du Nouveau Testament et du Psautier, lecture que l’on devrait faire en restant debout. De cette pratique résulte une illumination de l’intellect qui en est transformé par un changement divin.
On devrait s’habituer à le faire afin que l’intellect puisse pour ainsi dire nager dans la loi de Dieu. C’est sous la houlette de cette loi que l’on devrait diriger cette vie.
Il est très profitable de s’occuper à lire la Parole de Dieu dans la solitude et de lire avec intelligence la Bible tout entière. Car grâce à une telle occupation, mises à part les bonnes actions, le Seigneur ne laissera pas sa miséricorde manquer à celui qui s’y adonne et Il le remplira du don de la compréhension de Sa Parole. Et quand un homme nourrit son âme avec la Parole de Dieu, l’homme réalise en lui la compréhension de ce qui est bien et de ce qui est mal.
La lecture de la Parole de Dieu devrait être faite dans la solitude afin que tout l’intellect du lecteur puisse être plongé dans les vérités de la Sainte Ecriture et que, par là, il puisse recevoir la chaleur qui produit, dans la solitude, les larmes. Par là, un homme est complètement réchauffé et empli de dons spirituels qui réjouissent l’intellect et le cœur plus que tout autre parole.
Mais on devrait faire ceci par-dessus tout pour soi-même, afin d’acquérir simplement la paix de l’âme, suivant l’enseignement du Psalmiste : «Grande est la paix de ceux qui aiment ta loi ; rien ne les fait trébucher» (Ps 118, 165). ( IS 23 : Avec Quoi doit-on nourrir l’âme )
Mais l’autre nourriture de l’âme est bien sûr la prière.
« Si tu restes sans travailler dans ta cellule, sois diligent en toutes sortes de lectures mais, par-dessus tout, dans la lecture du Psautier, efforce-toi d’en lire chaque section plusieurs fois afin de toutes les mémoriser. Si tu as du travail manuel, occupe-t’en, si on t’appelle pour une obédience, va l’accomplir. Travaillant manuellement ou étant n’importe où pour une obédience, dis constamment la prière : «Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi pécheur» ! Lors de la prière, sois attentif à toi-même, c’est-à-dire concentre ton intellect et unis-le avec l’âme. Au début de la journée, dis cette prière dans le seul intellect, chaque prière séparée de la suivante, en prêtant attention à chaque parole. Puis, quand le Seigneur enflammera ton cœur avec la chaleur de la Grâce et l’unira en toi en un seul esprit, alors cette prière coulera en toi sans cesse et sera toujours avec toi, te réjouissant et te nourrissant. C’est cela même dont parle le prophète Isaïe : «Car ta rosée est une rosée vivifiante» (Isaïe 26, 19).
Et quand tu porteras en toi cette nourriture de l’âme, cette conversation avec le Seigneur Lui-même, alors pourquoi irais-tu dans les cellules des frères, même si on t’y appelle ? Je te le dis, en vérité ceci est vain bavardage et amour de l’oisiveté. Si tu ne comprends toi-même, peux-tu raisonner sur quoi que ce soit d’autre et enseigner les autres ? Sois silencieux, sois sans cesse silencieux, garde toujours dans l’intellect la Présence de Dieu et Son Nom. N’entre en conversation avec personne mais garde-toi à tout prix de juger ceux qui parlent beaucoup ou qui rient. Dans ce cas, sois sourd et muet, quoi qu’il puisse être dit de toi, que cela n’entre pas dans tes oreilles. Prends en exemple saint Etienne le Nouveau (Vie des Saints, 28 novembre) qui avait une prière continue, une disposition humble, une bouche silencieuse, un cœur humble, un esprit rempli de componction, un corps et une âme purs, une virginité immaculée, qui vivait la véritable pauvreté et l’esprit de non-possession sans murmurer, qui avait une obéissance parfaite, une patience insigne dans son exécution des tâches et une diligence remarquable dans son labeur.
Assis à la table du réfectoire, ne regarde pas et ne juge pas combien les autres mangent mais sois attentif à toi-même, nourrissant ton âme dans la prière. Au premier repas, mange suffisamment, au second, restreins-toi. Les mercredi et vendredi, si tu le peux, ne mange qu’une fois le jour. Dors sans faute quatre heures la nuit, à la dixième, onzième, douzième heure et à l’heure après minuit [id est de neuf heures du soir à une heure du matin] ; si tu deviens faible, tu peux dormir plus l’après-midi. Tiens-t’en à cela jusqu’à la fin de ta vie sans faillir, ceci est nécessaire pour accorder du repos à ta tête. J’ai moi-même suivi cette voie. Si tu te gardes ainsi, tu ne seras pas abattu mais sain et joyeux. ( IS 40 : Instructions à un novice)
Dans sa vie, nous savons que saint Séraphim ne sépara jamais la prière de l’action. Jamais tout au long de ses exploits ascétiques et spirituels, il ne délaissa l’activité physique ou le travail des mains. Il fut surnommé d’abord le Charpentier lorsqu’il accomplissait une de ses premières obédiences à Sarov. Dans la solitude, il bûcheronnait ou faisait des croix sculptées en cyprès. Même dans sa réclusion en cellule, il sortait en cachette pour accomplir des tâches physiques. « Il [nous] exhortait à garder fidèlement en mémoire ce précepte : « entre les mains l’ouvrage, sur les lèvres la prière. », ainsi le rapportent ses biographes. ( Archimandrite Justin Popovitch, op. cit. p. 78).

Claude Lopez-Ginisty,
La Garde de la Jérusalem Intérieure,
La prière selon Saint Séraphim de Sarov,
Editions du Désert,
2003
(épuisé)

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